Veolia coupe le robinet d’un syndicat

Le 8 juin 2012

Depuis le 7 mars dernier, la direction de Véolia interdit à un syndicat de l'entreprise de communiquer avec le personnel. En cause, le livre d'un salarié parti en croisade contre les mauvaises pratiques de son employeur sur les marchés de l'eau. L'affaire vient d'être portée devant le Tribunal de grande instance de Paris.

La direction régionale pour l’ÃŽle de France de Veolia Eau bloque les mails de ces syndicalistes un peu trop critiques à son goût. Pendant trois mois l’accès à la messagerie interne des représentants de Force ouvrière au sein de l’entreprise a ainsi été suspendue. Et le syndicat a décidé de porter l’affaire devant le tribunal des référés, qui examinait sa plainte ce mardi 5 juin. Depuis le 8 mars dernier, impossible de recevoir ou d’envoyer le moindre communiqué aux salariés de la filiale régionale, suite à une lettre de la direction des ressources humaines que s’est procurée Owni. Le contentieux porte sur le contenu d’un seul et unique mail : une pièce-jointe signalant la sortie d’un livre assez sévère sur le géant de l’eau.

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Tout le sel de l’affaire vient en fait de l’auteur de l’ouvrage évoqué dans le mail. Il s’agit de Jean-Luc Touly, salarié de Veolia, pourfendeur des mauvaises manières sur les marchés de l’eau, et accessoirement administrateur d’Anticor, l’ONG de lutte contre la corruption. Dans son dernier ouvrage retraçant ses combats, Le vrai pouvoir d’un citoyen, : coécrit avec les journalistes Roger Langlet et Achille du Genestoux, le groupe Veolia en prend à nouveau pour son grade.

Touly, syndicaliste FO dans la même entreprise, militant d’un service public de l’eau, par ailleurs conseiller régional Europe écologie-Les Verts en ÃŽle-de-France, avait déjà commis en 2005 L’eau de Vivendi : les vérités inavouables, dénonçant les turpitudes de l’ex-Générale des Eaux.

Selon le courrier parvenu dès le lendemain aux syndicalistes, le mail aurait un objectif purement publicitaire à l’égard d’un livre trop critique à son égard :

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Le même argument avait été présenté par deux fois, et avait été suivi des mêmes effets. Le 30 novembre 2010, déjà, c’était pour avoir conseillé le film Water makes money, évoquant les méthodes des géants français de l’eau à l’étranger, que le syndicat Force ouvrière avait été privé de messagerie.

Secrétaire général de FO ÃŽle-de-France Centre chez Veolia Eau, Christophe Gandillon y voit une entrave à l’action syndicale :

Le courrier qui nous est parvenu porte un jugement de valeur sur le bouquin : communiquer avec les salariés du groupe, que ça soit sur l’actualité sociale ou celle de notre secteur fait partie de nos prérogatives. Le dernier article que j’ai signalé était un papier publié sur le site de Marianne, il portait sur l’application de la loi Tepa dans les entreprises et ça n’a posé aucun problème. Mais il y a une forme de culte du secret dans cette entreprise qui se heurte à la réalité des échanges entre les salariés.

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Confidentialité

Chargé de la défense de Veolia, le cabinet d’avocats Pérol, Raymond, Khanna et associés est également en charge de tous les dossiers sociaux de Veolia Eau. Maître Raymond, représentant l’entreprise devant le juge des référés lors de l’audience du 5 juin à Paris, n’était pas joignable au moment de la rédaction de cet article.

Pour les syndicalistes, l’action en justice est de pure forme : convoqué il y a un mois, la confrontation s’est déroulé deux jours avant la fin théorique de la suspension et la délibération ne sera rendue que le 26 juin prochain ! Avocat de Force ouvrière, maître Burget plaide sur le fond :

D’une part, nous attaquons sur le caractère injustifié du motif de suspension. Ensuite, il s’agit d’une mesure discriminatoire puisque, à notre connaissance, ces sanctions n’ont jamais été prononcées à l’égard d’un autre syndicat du groupe.

La décision prise par Veolia s’appuie selon le courrier sur un accord signé par les syndicats. Or, selon certains représentants, un problème de confidentialité s’ajouterait aux problèmes soulevés devant le tribunal : le litige ne porte pas sur le mail lui-même mais sur le document qui lui était joint. Autrement dit, et selon ces salariés, la société aurait outrepassé ses droits en fouillant dans les correspondances syndicales internes.

À l’heure où nous écrivons ces lignes, selon les représentants FO, la messagerie n’a toujours pas été rétablie.


Photo par M@X [CC-byncnd]

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