Ebook: le cahier Loppsi 2010
2010, année de la LOPPSI ? Retour sur les principaux enjeux, débats et discussions autour de la très controversée loi sur la sécurité intérieure, que le Parlement vient d'adopter en seconde lecture.
Si l’année 2009 a été marquée par l’adoption ô combien contestée de la loi Création & Internet, qui avait pour but de limiter le téléchargement illégal des œuvres d’art sur Internet, 2010 restera sans doute dans les mémoires comme l’année de la LOPPSI 2. C’est en effet par 305 voix contre 187 que la seconde loi d’Orientation et de Programmation pour la Performance de la Sécurité Intérieure a été adoptée, mardi 21 décembre, par l’Assemblée Nationale.
Cette adoption du projet de loi en seconde lecture vient clore une année où l’on aura peu à peu découvert la teneur de ce que beaucoup ont appelé “un fourre-tout législatif”. Et pour cause, du permis à point à la pédo-pornographie en passant par la vidéo-surveillance, les peines plancher ou les écoutes téléphoniques, il y a de quoi s’y perdre dans les 46 articles qui composent cette loi à forte consonance sécuritaire.
Ce n’est pas faute d’avoir été avertis : le texte reflète largement l’inflexion sécuritaire adoptée par le gouvernement et la majorité depuis quelques mois, symbolisée par le discours de Grenoble, dont la LOPPSI 2 met en œuvre les principales annonces.
Le volet cybercriminalité n’est pas en reste, et entérine lui aussi ce virage sécuritaire, puisqu’il crée le délit d’usurpation d’identité (article 2) – désormais passible de deux ans de prison et de 20 000 euros d’amende – et introduit la possibilité d’une enquête administrative comme préalable à l’accès aux données publiques (article 30ter).
Mais c’est son article 4 qui a soulevé le plus d’inquiétudes et d’interrogations. Et pour cause : ce dernier ne met rien moins en place que le filtrage administratif d’Internet. Dans la version adoptée le 21 décembre par l’Assemblée Nationale, c’est par décret que l’autorité administrative peut établir une “liste noire” des sites à caractère pédo-pornographique dont les FAI doivent bloquer l’accès. Sans passer par la case judiciaire, ni donner à la CNIL ou au Parlement le moindre droit de regard sur la procédure.
Cette histoire n’est pas sans rappeler celle d’un amendement tristement fameux, déposé en 1996 par un certain François Fillon, et qui voulait déjà “filtrer” Internet.
Longtemps, la question d’une éventuelle intervention du juge est restée en suspens. Pourtant, nombreux sont ceux qui ont martelé que le filtrage était au mieux inefficace – seule une action à la source peut espérer tarir la source des contenus pédo-pornographiques – au pire dangereux car liberticide.
A coup d’amendements, les députés et sénateurs, de droite comme de gauche, ont tenté de réintroduire l’autorité judiciaire dans l’arène du filtrage. OWNI est allé recueillir le point de vue de Virginie Klès, sénatrice (PS) qui prône l’abandon total du filtrage.
Lorsque le projet de loi est arrivé sur les bancs de l’Assemblée en seconde lecture, ils étaient peu nombreux à en débattre. Et ils étaient encore moins nombreux à maîtriser l’intégralité des enjeux et des problématiques soulevés par le texte et notamment son article 4. De quoi donner des munitions à ses opposants, notamment devant le Conseil constitutionnel.
Au delà d’Internet et du filtrage, la LOPPSI millésime 2010 donne un coup d’accélérateur sans précédent à la vidéosurveillance. A ceci près que ce terme a été remplacé par le très orwellien vidéoprotection.
Certains adversaires à la LOPPSI lui ont opposé son manque de moyens. Ce qui ne l’empêche pas de prévoir de doter les forces de l’ordre d’équipements dernier-cri, largement de quoi les transformer en “super-flics”. Car définitivement, la LOPPSI kiffe grave les nouvelles technologies.
La LOPPSI est en droite ligne avec l’ambiance politique du moment, qui veut qu’Internet ne soit qu’un nouveau lieu de délinquance, au risque de se priver d’un formidable levier de croissance, d’innovation et de création. Le texte repassera devant le Sénat en seconde lecture au premier trimestre 2011, et le Parti Socialiste a d’ors et déjà annoncé qu’il allait saisir le Conseil Constitutionnel. La vigilance est plus que jamais de mise.
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