Tetalab mixe art et hack
Le Tetalab est un jeune hackerspace basé à Toulouse. Basé à Mixart-Myrys, un centre culturel, il monte entre autres des projets autour de l'art.
Hiver dernier, alors que WikiLeaks fait trembler les ambassades du monde entier en faisant fuiter des câbles diplomatiques et s’agiter les rédactions qui publient analyses géopolitiques sur analyses géopolitiques, les hackers toulousains du Tetalab s’emparent à leur façon du sujet. Pas de révélation fracassante, mais un hack poétique qui leur vaudra leur quart d’heure de célébrité, de Boing Boing [en] au Guardian [en] : Haikuleaks. Les bidouilleurs se sont amusés à concevoir un outil qui repèrent dans les câbles ceux qui correspondent à la forme ultra-codée du haiku japonais. Par exemple : « As is typical/the Pope stayed above the fray/and did not comment. »
Un projet qui résume bien l’état d’esprit de ce jeune hackerspace né en 2009, qui ne voudrait pas être réduit à ce buzz : « Est-ce qu’il y aurait vraiment quelque chose à dire sur haikuleak d’ailleurs ? Que quelqu’un ait passé du temps à faire quelque chose d’aussi génial et inepte, ca me parle. Mais c’est le cas de dizaines de projet au tetalab dont seule la presse scientifique jeunesse se préoccupe. » En pleine résonance avec l’éthique hacker de Pekka Himanen, qui met en son centre le jeu et la passion comme motivation aux actions.
Installé dans le centre culturel Mixart-Myrys
Et à l’instar de nombreux travaux du Tetalab, haikuleaks est un hack artistique. En s’installant en novembre 2009 à Mixart-Myrys, un collectif artistique avec lequel il collabore, le groupe s’est mis sous le signe de la création. « Beaucoup aiment mettre leurs compétences techniques au service de la création artistique. Beaucoup des dispositifs réalisés sont à la frontière entre art et technologie », explique Fabrice. Parmi les membres du collectif, on trouve d’ailleurs Laura, une jeune étudiante des beaux-arts de Toulouse très active, qui a trouvé là un biotope très épanouissant :
On t’apprend à être décomplexé par rapport à la technique. Pour résumer, si tu ne sais rien, ce n’est pas grave, tu apprendras sur le tas, en fonction des besoins que tu as pour ton projet, si tu en as un de précis ; tu ouvres des bécanes, tu casses, tu comprends, tu reconstitues, tu refais et refais etc. Une fois passé ce cap de la persévérance, les choses apparaissent plus clairement.
Les hackers t’apportent un soutien technique et moral. Tu apprends à maîtriser des compétences multiples, différentes mais complémentaires, comme taper du code pour un script ou réaliser un circuit imprimé. Tu deviens peu à peu pluridisciplinaire. C’est pratique quand tu veux réaliser des projets plastiques ou de design qui requiert des compétences techniques car tu peux les évaluer, calculer la faisabilité du travail, et agir sur ton travail jusque dans les moindres détails.
Une petite équipe qui réagit au quart de tour aux sollicitations sur la mailing-list. Laura a besoin d’un coup de main pour son projet de fin d’année, une scénographie punk ? Un message et c’est parti. Trente-six heures plus tard, on lui avait déjà proposé un package unité centrale – écran – clavier, des cartes mères et des cartes graphiques « qui auraient déjà dû partir à la poubelle », la récup est un art de vivre ici, des boîtiers à disposition, des cartes mères, etc. Le tout avec un grand smiley : « Je serai très heureux de m’en débarrasser : ) »
Dictature de l’initiative
Un échange qui illustre bien la philosophie qui règne dans les hackerspaces : « Au Tetalab la dictature de l’initiative est de mise. Si quelqu’un veut lancer un projet, il le fait, il y aura un peu de monde pour l’aider et beaucoup pour donner des conseils :) La devise est “on s’en fout on le fait !” L’objectif est aussi d’utiliser le groupe pour lutter contre la procrastination. »
Mais il n’est pas question ici d’art pour l’art, comme le précise PLS : « L’art donne un vecteur différent de propagation de la technique, autre qu’une finalité de produit industriel. C’est en ce sens que la connexion avec l’art est intéressante, le fait qu’elle ouvre de nouvelles façons de penser un objet, de développer une nouvelle créativité, mais cela reste un vecteur de manière générale, pas une finalité. »
Comme Haikuleaks, d’autres projets ont été fait pour la pure beauté du geste, comme Ledpong. Inspiré du Disco Dance Floor [en] réalisé par des étudiants du MIT, il s’agit « d’un mur garni de balles de ping-pong (parce qu’on trouve ça joli…) qui sont illuminées par des leds contrôlées par un circuit embarqué. L’installation peut se transformer en écran (diffusion de flux vidéo), en miroir (utilisation caméra/webcam live), en instrument de musique (interfacé avec une kinect pour la captation des mouvements) en fonction de l’envie. Nous n’avons pas forcément fini de creuser toutes les voies d’utilisation. » Un travail mené en collaboration avec CorpusMédia, un projet euro-régional de mise en réseau de projets artistiques.
Esthétique et sérieux, l’expérience suivante, présentée lors d’Empreintes numériques 2011, des rencontres autour des arts électroniques, visualise le réseau social Twitter à partir des hashtags #wikileaks, #anon et #toulouse, en utilisant le logiciel Gource. Le côté éphémère – dérisoire ?- des tweets ressort dans l’évolution du graph, les messages apparaissant et disparaissant en un scorpion coloré, à moins qu’ils ne soient repris.
Certaines réalisations ont des visées politiques. Ainsi Rencontre avec son double numérique, montré à Empreintes numériques 2010, est une réflexion sur les données personnelles. Basée sur des petits QCM et des jeux multimédia, elle se veut donc très accessible. Marc, son initiateur, résumait ainsi sa démarche :
Les traces de nos besoins naturels ou fantasmés, gravées dans le marbre virtuel des Bases De Données bancaires et des organismes de crédits, ou l’historique de nos loisirs, compilé par les compagnies aériennes, fédérations sportives, émetteur de cartes d’abonnement, sont vendus au Marché qui nous sollicite sans cesse pour ses propres besoins : nous faire consommer ce dont nous n’avons pas besoin et nous maintenir ainsi dans un état de dépendance.
La moindre infraction est désormais consignée sans avoir la moindre chance de se trouver effacée par une prescription ou une amnistie. Nos ADN, empreintes digitales et rétiniennes rejoindront tôt ou tard cette BDD à visée mondiale que l’Empire nous vend pour notre bien, notre sécurité, pour le bonheur des victimes ou pour la lutte contre, au choix, le terrorisme, la pédophilie, les épidémies, les fous, les étrangers, etc.
Parfois les fichiers sont pratiques. Pizza30 sait que je préfère la Calzone juste en connaissant mon numéro de téléphone ! Un double numérique est présent dans ces BDDs.Et vous, dans combien de fichiers figurez-vous ? Et à quoi ressemble ce double possible double numérique ?
La deuxième édition de leur festival THSF ( Toulouse HackerSpace Factory, « in bricole we trust »), ce week-end, fait bien sûr une place de choix à l’art, avec entre autres un atelier photo « Sténopé – hack-a-cam », une conférence sur MilkyMist, une solution libre de synthèse d’effet vidéo, des concerts, des performances, etc. Une dominante qui ne doit pas faire oublier l’essentiel : l’amour de la bidouille, du DIY, de l’utilisation créative des technologies restent la seule baseline, comme dans tout bon hackerspace qui se respecte.
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Photo de une Tetalab, prise lors des Empreintes numériques 2010.
Il existe aussi un fablab à Toulouse, Artilect
Affiche en Une de Stéphane Jungers téléchargez-la !
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