Conservation des données par les moteurs de recherche: l’Europe s’agite
Les eurodéputés retirent les uns après les autres leur soutien à la déclaration 29 qui prévoit de permettre la conservation des données par les moteurs de recherche.
Le 19 avril dernier, les euro-députés Tiziano Motti et Anna Zaborska (Parti chrétien-démocrate) déposaient une déclaration écrite “sur la création d’un système d’alerte rapide européen (SARE) contre les pédophiles et les auteurs de harcèlements sexuels”. Comme nous le rapportions la semaine dernière, de nombreux euro-députés adhérant à ce projet l’ont donc facilement signé.
Problème : ce texte, dit déclaration 29 (PDF) , contient un deuxième point qui vise à étendre la directive sur la conservation des données aux moteurs de recherche. Soit obliger Google, Bing, etc. à conserver des données. Quelles données, comment, pour quelle durée, et quelle utilisation ? Le texte ne le dit pas. Deuxième problème : ce point est sciemment occulté dans les différents supports de présentation de la dite déclaration (prospectus, mail, site Internet, etc.). L’euro-députée Françoise Castex (S&D), qui depuis a retiré sa signature, parle de “malhonnêteté intellectuelle”.
Début juin, des euro-députés de tous partis confondus, réalisent la teneur réelle du texte et s’en inquiètent publiquement. Et Cecilia Wikstrom (ADLE), suivie par Alexandre Alvaro (FDP), appelle ses collègues à retirer leur le nom de la liste. La semaine dernière, la déclaration avait recueilli 324 signatures. Soit tout près des 369 qu’elle doit atteindre pour être adoptée. Aujourd’hui, le chiffre est de 300.
Face à ce mouvement de retrait, Tiziano Motti, co-auteur de la déclaration, a envoyé hier un mail de “clarification” à l’ensemble des euro-députés. Dans ce mail, que nous nous sommes procurés, il explique que “cette initiative invite le Conseil et la Commission à étendre la directive CE 2006/24, dite “directive sur la conservation des données”, pour les internautes qui téléchargent des contenus, images et vidéos figurant des abus d’enfants sur des plates-formes Internet (tels que les sites de contenus générés par les utilisateurs”.
La conservation des données ne concerne pas selon lui “les internautes qui chercheraient un autre type de sujet”. Il dit avoir utilisé les termes “moteurs de recherche” par “souci d’éviter les aspects techniques”, mais qu’il n’est pas question de viser “toute requête faite sur les moteurs de recherche”.
Sauf que ce que les euro-députés rejettent en bloc est l’idée même de conserver les requêtes des utilisateurs. Selon Lena Ek (ADLE):“L’UE n’a pas le droit de fouiner dans ce que les gens recherchent en ligne. Le droit à la vie privée est la pierre angulaire d’une société libre” D’autant que l’instrumentalisation de la pédo-pornographie, en matière de contrôle et surveillance d’Internet, notamment au cadre de la protection du droit d’auteur, est un fait décrié par beaucoup. “Le problème est que, depuis plusieurs années, on met toujours en avant la lutte contre la pédo-pornographie pour montrer que certaines pratiques sont possibles afin de chercher ensuite à les étendre tous azimuts” nous résume Cédric Manara, professeur de droit à l’EDHEC.
“Je serai plus qu’heureux d’être à votre entière disposition pour tout éclaircissement complémentaire”, conclut le mail de Tiziano Motti. La semaine dernière, nous avons contacté les deux auteurs de la déclaration afin de nous éclairer sur leur initiative.
Questions restées sans réponses.
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