Les data en forme

Le 27 août 2012

Pour ce 45ème épisode des Data en forme, les journalistes de données d'Owni vous proposent de vous localiser en Gaule, de trouver votre âge créatif ou encore de pronostiquer les élections américaines à partir de livres. Au boulot, c'est la rentrée !

Finis le soleil, le palmier en Une d’Owni et les JO : la rentrée arrive à grand pas, les sujets sérieux reviennent sur le devant de la scène jusque dans les Data en forme.

Commençons notre 45ème chronique par une innovation portée par le groupe Radio France et réalisée par FaberNovel. Simplement intitulée “Console Twitter”, cette plate-forme permet de suivre l’activité Twitter du groupe et de ses différentes antennes (France Inter, France Info, France Culture, France Bleu, le Mouv, France Musique et FIP). Activité au sens large : suivi des tweets en temps réel, “bruit” global, mentions, retweets, etc. La navigation est fluide grâce aux boutons à droite du tableau de bord et le lexique, particulièrement clair, rend l’application accessible aux non-spécialistes de Twitter.

Cette console est avant tout un outil destiné aux journalistes de Radio France, même s’il est ouvert au public. Une telle innovation de la part d’un groupe public est à saluer : Twitter est désormais reconnu comme un média à part entière et cet outil incitera probablement les journalistes à plus d’interactions avec Twitter et par ce biais, avec les auditeurs connectés. Ce qui soulève également d’autres questions : quelle sera la relation avec l’audience qui va en découler ? Une course au “tweet” va-t-elle s’engager ? Les données fournies par Twitter seront-elles utilisées comme moyen d’évaluer la satisfaction des internautes ?

Une livre d’argent

L’un des plus importants sujets de la saison automne/hiver 2012 de l’actualité sera sans conteste l’élection présidentielle américaine. Cette thématique a déjà inspiré de nombreux projets data et ne tarira pas de si tôt. Deux travaux nous ont particulièrement interpellés cette semaine.

Le premier, gigantesque et fascinant, est celui du Wall Street Journal. Intitulé “Political moneyball”, il recense en un immense graphique de relations les financements des candidats aux élections. Chaque cercle représente un comité, un parti ou un donateur (entreprises, groupement, association, etc.). Vous pouvez cliquer à partir du graphique ou effectuer une recherche selon des critères précis. Les données sont issues de la Commission fédérale pour les élections. Un projet dans lequel on pourrait se perdre des heures et que l’on ne peut qu’admirer pour son apport à la démocratie, l’énorme travail demandé et sa lisibilité.

Plus classique graphiquement mais plus insolite sur le fond, the Amazon Election Heat Map 2012 représente la couleur politique des États américains en fonction de la proportion de livres “bleus” (démocrates) ou “rouges” (républicains) achetés par ses habitants sur le site de vente en ligne du même nom. La couleur des livres est déterminée par l’équipe d’Amazon. L’équipe précise également que :

Les livres ne sont pas des votes, et une carte des achats de livres peut refléter autant une simple curiosité qu’un réel engagement de la part de ces lecteurs ; mais nous espérons que notre carte de l’élection 2012 vous donnera une façon de suivre les changements politiques au travers du pays durant cette période électorale.

L’Amérique en crimes

Chicago Crime, le projet d’Adrian Holovaty recensant les données sur les crimes à Chicago sur une Google Maps, fut l’un des premiers projets de data journalisme au sens où on l’entend actuellement. Créé en 2005, il fut entre autres décrété par le New York Times comme l’un des meilleurs projets de l’année.

Les données sur le crime continuent de nourrir de nombreux projets de data journalisme, comme nous vous le montrions la semaine dernière avec l’application “Murder in America” du Wall Street Journal.

Le New York Times s’est aussi saisi de la question avec la publication des données relatives à la ville de New York entre 2003 et 2011. Les filtres permettent de chercher par mois/heure de la journée ; race/ethnie ; sexe ; âge ; arme utilisée et quartier. L’article [EN] accompagnant l’application est très instructif, expliquant notamment que la période la plus propice au meurtre est l’été. La température est chaude, les gens battent davantage le pavé, tuent davantage ? Le journaliste ne fait pas le lien mais explique qu’en 2011, le mois le plus meurtrier fut septembre (52 morts) puis août (51). Que le nombre de meurtres diminue : on atteint le niveau des années 60, qui n’avait pas été vu depuis longtemps. Que l’on a moins de risque d’être une victime si l’on est une femme. Et autres analyses de données qui rappellent la nécessaire complémentarité entre mise en scène des données et article explicatif.

Une journaliste guatémaltèque, Claudia Méndez Arriaza, s’est lancée dans le même projet pour la ville de Guatemala City. Dans un pays où le taux d’homicides volontaires atteint les 35 pour 100 000 (selon les Données de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime), cette démarche prend une autre dimension, celle de la dénonciation. Son site s’appelle d’ailleurs “Une vie est une vie”. Chaque point sur la carte correspond à un homicide et quand les données existent, le nom de la victime, sa profession et l’arme utilisée y sont mentionnés, pour lutter contre l’oubli.
L’auteur s’explique dans une interview [EN] pour le Knight Center for Journalism in the Americas.

En allemand dans le texte

Autre grand classique de la data visualisation, mais sur lequel il reste encore de nombreuses pistes à explorer : la représentation graphique de budget. Cette visualisation [DE], réalisée par le ministère des finances allemand, présente le budget fédéral. Si comme nous, vous ne parlez pas allemand, cela ne vous empêchera a priori pas de profiter de cette dataviz. Google Translate vous assurera la traduction des mots principaux et vous pourrez tout de même apprécier le scénario de navigation allant du général au plus particulier – Dépenses / Ministère des Affaires sociales / etc. , les graphiques de répartition bien nets et la liste détaillée des actions entreprises avec l’argent public. Danke Bundesministerium des Finanzen.

Ils sont fous ces Romains

Histoire de se détendre un peu après tous ces liens sérieux, nous vous proposons de jeter un oeil au projet “Orbis” de la pourtant sérieuse université de Stanford. Orbis vous propose à peu de choses près le même service que Mappy ou ViaMichelin : calculer votre itinéraire d’un point A à un point B en Europe. Vous pouvez choisir votre mode de transport : à pied, à cheval, à dos de mule ou encore en caravane de chameaux. Oui, car “Orbis” calcule votre itinéraire selon les données d’il y a près de 1 900 ans, au temps de l’empire romain. Ainsi, si vous souhaitiez faire un aller-retour de Paris à Rouen (pardon, Lutèce à Rotomagus), dans une cariole à boeufs, au mois d’août, vous auriez mis 4,9 jours pour faire 243 kilomètres.

Les scientifiques et historiens travaillant sur Orbis ont même fait des cartes isochrones de Rome : c’est-à-dire des cartes dont les frontières sont modifiées pour représenter le temps de trajet pour arriver en son coeur, ici Rome. Le but de ce travail de recherche : comprendre comment une ville a pu soumettre une grande partie de l’Europe, notamment par l’étude de leurs modes de communication.

Pas d’âge pour la créativité ?

L’application “How old are they” [EN] est issue d’une réflexion étonnante : y a-t-il un âge privilégié pour la créativité ? Et si oui, est-il le même pour les romanciers, les musiciens ou les directeurs de films ? Si la liste des heureux élus peut sembler courte, l’idée est intéressante et la réalisation fluide et esthétique. Pas étonnant, periscopic.com est l’une des boîtes spécialisées dans la data (leur slogan : “faire le bien avec la donnée”, rien que ça) avec de beaux projets à leur actif comme Working in America ou Politilines.

Garder le lien

Quelques liens pour prolonger cette plongée hebdomadaire dans le joli monde de la data :

- une interview de Nigel Holmes [EN], spécialiste des “explanation graphics”, longtemps au Time magazine et auteur, s’il fallait n’en garder qu’une, de l’infographie “It’s the economy, stupid !” ;

- la liste des finalistes sélectionnés pour les “Information Is Beautiful Awards” : énormément de beaux projets, dont nous vous avions déjà parlé pour certains dans les Data en forme ;

- le tumblr Dataviz de la Banque Mondiale qui recense les réalisations faites à partir de leurs données : une vraie mine d’or pour comparer les différentes techniques de visualisation et la multitude de projets pouvant être crées avec des sets de données identiques.

Bonne data-semaine à tous !


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