Anonymous dans le pré de WikiLeaks
Des collectifs d'Anonymous aussi ont leur propre plateforme de diffusion d'informations confidentielles, leur WikiLeaks sauce masque de Guy Fawkes. De vifs échanges sur Twitter entre l'organisation de Julian Assange et un groupe d'Anonymous ont fait ressurgir l'un de ces sites, ouvert en mars dernier : Par:anoia. De premières fuites commencent à être diffusées.
Le torchon brûle. Entre WikiLeaks et un groupe d’Anonymous rassemblés derrière le compte Twitter @AnonymousIRC, le désamour est consommé. Vendredi, le premier reprochait au second “d’agir bizarrement depuis deux mois” et, pire, “d’inciter à utiliser des proxies non sécurisés”. Une “marque de bêtise, de malveillance ou les deux” a assené l’organisation de Julian Assange sur son compte Twitter.
Réplique d’AnonymousIRC :
Nous avons toujours admirer l’idée [de WikiLeaks, NDLR] mais votre égo l’a tuée.
Suivent plusieurs tweets critiquant le nouveau mode de diffusion des fuites par WikiLeaks : “Fuck votre diffusion au compte-gouttes (…)”, “Honnêtement @WikiLeaks, diffusez TOUS les mails syriens. Diffusez TOUS les mails de Stratfor. Et pas en 2025. Regagnez un peu de respect, sivouplé”. Conclusion du groupe d’Anonymous : “L’information est libre. Expect it.” Fin de la lune de miel entre le collectif informel et WikiLeaks ?
Avec de faux airs de représailles, AnonymousIRC diffuse en suivant l’adresse d’une autre plateforme de whistleblowing – le lancement d’alerte. Moins qu’une riposte, elle obéirait à une autre approche de la diffusion d’informations confidentielles selon ses artisans. L’acronyme choisi résonne d’ironie et de lulz, ce sens de l’humour caustique cher aux Anonymous : Par:anoia, pour “Potentially Alarming Research: Anonymous Intelligence Agency”.
La liste des griefs
Là s’arrête le parallèle avec WikiLeaks. Sur le canal de discussion dédié de Par:anoia, les participants se montrent peu loquaces sur les rapprochements possibles avec l’organisation de Julian Assange. Un participant prévient discrètement par message privé qu’il vaut mieux ne pas trop s’appesantir sur la question…
“On n’est pas en compétition avec WL, plutôt une alternative” avance l’un des fondateurs de la plateforme. Un autre ajoute, précisant bien qu’il parle en son nom propre :
Mes principaux griefs sont le manque de transparence (plutôt ironique pour une organisation qui déclare “ouvrir les Etats”), la publication atrocement lente des fuites, le concept de “partenaires médias exclusifs”, et l’absence de crowdsourcing, de même que les publications incomplètes de données (par exemple les en-têtes n’apparaissent pas dans les emails).
Par:anoia est ouvert depuis mars dernier, affirme l’un des fondateurs. Le nom de domaine a effectivement été déposé le 12 mars. “On était cinq au début, probablement plus d’une vingtaine aujourd’hui. On l’a lancé quand on était suffisamment nombreux. On a réussi à créer l’infrastructure nécessaire. Au début, ça s’appelait Anoia.”
Par:anoia s’inscrit dans la succession de anonleaks.ru et anonleaks.ch, deux sites qui avaient publié les fuites sur la société de sécurité informatique HBGary dans un format exploitable pour tous les utilisateurs. La plateforme veut prolonger cet appel à l’intelligence collective et fera appel à l’ensemble des internautes pour exploiter les données diffusées. Sans passer par les médias, clament-ils de concert sur le canal de discussion :
Nous n’avons pas besoin des médias car nous SOMMES le médias. Ils sont invités à utiliser les données, comme tout le monde, ni plus ni moins.
Pour obtenir les données, Par:anoia dispose de deux adresses mails à utiliser avec une clé de chiffrement, qui permet d’envoyer des emails en protégeant le contenu. Le site avertit : “ATTENTION ! N’envoyez pas de documents sensibles sans utiliser le chiffrement.”
Innodata
Jusqu’ici les whistleblowers n’ont rencontré aucune difficulté pour envoyer des documents, affirment les artisans de la plateforme. La dernière fuite concerne la société Innodata, une société de sous-traitance de services informatiques. Des documents de l’Agence internationale de l’énergie atomique sont d’ores et déjà publiés, notamment sur l’accident nucléaire de Fukushima. Une autre série évoque l’un des chefs des services de sécurité fédéraux russes. Pour les artisans de la plateforme, le défi est de rendre ces données exploitables par le plus grand nombre.
L’un des outils en développement est une plateforme pour “océriser”1 en faisant appel à la communauté, ainsi qu’une frise chronologique qui reprenne les documents. Tout sera publié sur Par:anoia. Des informations confidentielles, d’entreprises ou de gouvernements, mais aussi des liens, des ebooks comme le livre de Parmy Olson, We are Anonymous. L’un des participants à la discussion collective justifie :
Tout le monde gagnerait énormément à la diffusion de certaines informations et ces informations sont très nombreuses ! Sur la corruption, mais aussi uniquement sur le fonctionnement interne de certains États ou organisations para-étatiques, surtout dans une cadre de privatisation croissante des services liés aux États.
Un autre participant le suit, enthousiaste :
C’est un choix personnel d’essayer d’aider les autres en partageant des informations, des liens, des livres… La satisfaction ressemble à ce qu’on ressent en gagnant une partie de squash ! Se sentir connecté… C’est faire partie de dizaines de milliers de personnes, partout dans le monde, qui ressentent les mêmes choses que vous. On ne peut pas raconter ça, les mots ne sont pas suffisants pour exprimer cette pure montée d’énergie, comme la pointe d’une flèche, pendant une opération.
- Transformer le format d’un texte pour pouvoir faire des recherches par mot-clés [↩]
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