(Eco)système de jeu
Wakfu, dernier né des studios Ankama, place les joueurs au centre du dispositif ludique. Chacune de leurs actions impacte l'écosystème dans son ensemble. Une tentative originale de renouveler la façon dont on joue.
Plus qu’un loisir, un phénomène culturel. Le jeu vidéo s’est profondément inscrit dans notre quotidien grâce à l’explosion des supports numériques. Si les casual games – ces petits jeux addictifs qui se jouent en solo à l’instar d’Angry Birds – connaissent un franc succès sur les smartphones, le secteur des jeux vidéos en ligne n’est pas en reste. Surfant sur la vague du “web 2.0″, c’est l’aspect communautaire qui prime. Les joueurs vivent une aventure collective.
World of Warcraft, le plus connus de ces MMORPG (jeu de rôle en ligne massivement multi-joueurs) réunit ainsi plus de 10 millions d’abonnés. Un marché juteux qui doit pourtant faire face à un public de plus en plus exigeant. En effet, les jeux “bac à sable” comme Minecraft, séduisent par leur capacité à offrir une grande liberté d’action, mettant en avant le pouvoir créatif des gamers. Le dernier né des studios Ankama, Wakfu, tente à sa manière de redonner plus d’autonomie aux joueurs.
Un gaming renouvelé
Sorti officiellement le 29 février, ce MMORPG reprend les classiques du jeu de rôle en ligne, à ceci près que les joueurs doivent en plus gérer l’écosystème et les relations politiques. Une expérience inédite à la frontière du serious gaming, entre sensibilisation et divertissement.
Dans un univers post-apocalyptique, chaque joueur se crée un personnage ayant des caractéristiques de base (classes), personnage qu’il faut faire évoluer au cours du temps et équiper selon son niveau de jeu. Pour Florence Di Ruocco, chargée de communication chez Ankama, la force de Wakfu est avant tout de proposer un jeu qui reproduirait les conditions du monde extérieur :
On a voulu rendre les choses plus crédibles. Il n’était pas question, par exemple, que l’on puisse dropper (récupérer) de l’argent après avoir combattu un monstre, ça n’avait pas de sens. C’est aux joueurs de frapper leur propre monnaie. Paradoxalement, c’est cette approche plus réaliste qui rend le jeu très novateur.
Face à des conditions de jeu plus proches de la réalité, l’implication des joueurs s’en trouve renforcée. En effet, si la plupart des MMORPG possède un environnement permanent, où les monstres et ressources réapparaissent en continu, dans Wakfu le joueur doit veiller au maintien des diverses populations, quitte à replanter des plantes ou récolter des “semences” de monstres si besoin. Il est en cela aidé par des lois instaurées par les gouverneurs de chaque nation, personnages élus par la communauté des joueurs.
Placer le joueur au centre, tel est le crédo des concepteurs du jeu. Selon Jérome Échalard, game designer chez Ankama :
Le jeu a beaucoup évolué grâce aux joueurs, notamment pendant les phases de test. Il faut faire confiance à une communauté pour stabiliser la jouabilité et les innovations que l’on apporte.
La mise au point et surtout la stabilisation des thématiques comme la politique ou la gestion des ressources sont la résultante des relations privilégiées entre joueurs et développeurs. Ces avancées ne relèvent donc pas d’une étude poussée sur les mécanismes qui régissent ces concepts. C’est bien la valeur ludique qui est avant tout recherchée, on ne peut donc classer Wakfu dans la catégorie des jeux sérieux ou serious game. Pour autant, proposer plus de responsabilités aux joueurs pourrait avoir un impact éducatif réel comme le suggère Simon Bachelier, chargé de projet jeux vidéo et serious games à Universcience :
Ce jeu relève d’un vrai challenge pour sensibiliser à des questions que l’on retrouve dans la vie réelle. Il permet, selon le joueur, une prise de distance qui devrait avoir un impact au minimum indirect. Même si ces nouveaux thèmes ne sont perçus que comme des “règles” ou des modalités de jeu, ils peuvent offrir une prise de conscience.
Un jeu vidéo plus mature
La gestion d’un écosystème est un concept néanmoins difficile à implémenter. Simon Bachelier estime que le comportement naturel du joueur est de “piller”, accumuler le maximum de ressources qui s’offrent à lui. Dans ce cas précis, proposer un système stable où les joueurs doivent s’autoréguler, comme tente de le faire Wakfu, a mis en évidence différents types de comportement au sein de la communauté des joueurs comme en témoigne Antoine Simond, alias Tigibon dans le jeu :
Ces thèmes rendent le jeu plus mature. Nous avons vraiment trois camps : ceux qui les ignorent et jouent comme sur un MMO classique, ceux qui y participent pour créer, ceux qui sont là pour détruire l’écosystème. Il y a les même différences de comportement pour le système politique.
Des joueurs vont se liguer pour avoir le monopole sur un minerai, d’autres vont punir les hors-la-loi… Les joueurs s’organisent très bien, via les guildes, les forums ou encore via Wakfu World (un site dédié à l’univers du jeu), nous avons même eu des campagnes politiques qui étaient digne de campagnes de la vie réelle !
Les retours sur la beta du jeu – version test avant sa sortie officielle – se sont révélés plutôt positifs selon Ankama, fiers de l’effet de surprise que cela peut inspirer. Quant à savoir si ce type de jeu va faire des émules dans le monde des jeux de rôle en ligne, tout reste possible. Pour Simon Bachelier les jeux vidéos de manière générale subissent un tournant depuis quelques années :
Les jeux vidéos sont de plus en plus perçus comme un média à part entière. Différentes approches peuvent voir le jour, autres que le simple divertissement. Ils peuvent s’avérer être un moyen de communication puissant.
Captures d’écran du jeu WAKFU ©Ankama, tous droits réservés
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