L’Arcep et Besson se disputent sur Free
Free Mobile est officiellement le trublion du secteur des telecom. A tel point que l'autorité de régulation et le ministère de l'Industrie se disputent la reprise en main du dossier.
Mise à jour
Ce 30 janvier, la passe d’armes se poursuit entre le régulateur des télécoms et le ministre de l’Industrie. En jeu : savoir qui des deux instances s’est saisie en premier de la polémique Free mobile (voir ci-dessous). Un bras de fer qui se fait aujourd’hui par l’intermédiaire du journal Le Figaro.
Un article publié ce week-end a suscité une vive réaction de l’Arcep, qui s’est fendue d’un communiqué de presse visant à en “préciser et [à en] compléter les informations”. Intitulé “Free mobile: bras de fer entre Besson et l’Arcep”, le papier revient sur les bisbilles qui occupent Éric Besson et le régulateur autour du contrôle de la couverture du réseau Free Mobile. Selon Le Figaro, Eric Besson aurait “envoyé un courrier au gendarme des télécoms (Arcep) lui demandant de vérifier que le réseau de Free Mobile couvre effectivement 27% de la population, conformément aux engagements de sa licence.” Une formulation qui “peut laisser croire que ce n’est qu’à la suite de la demande du ministre que l’ARCEP a décidé de procéder à un contrôle de la couverture du réseau de Free.”, regrette le régulateur, qui rappelle que le 26 janvier, il n’avait “été saisie d’aucune [...] demande du Gouvernement”. Et d’enfoncer le clou en écrivant qu’Éric Besson a demandé l’intervention du gendarme des télécoms bien après que ce dernier n’en prenne, seul, la décision.
SI l’Arcep signale dans ce même communiqué que “le régulateur et le Gouvernement partagent une totale convergence de vues sur l’action à mener”, elle n’en poursuit pas moins les hostilités avec Bercy. Vendredi déjà (voir ci-dessous), elle indiquait cette même chronologie à OWNI, mettant en avant l’antériorité de sa décision dans le dossier Free Mobile.
Après la vague d’enthousiasme médiatique, l’opérateur a été au cÅ“ur d’une polémique sur la qualité réelle de son réseau, sans que des preuves solides puissent toutefois étayer les accusations. Sabotage de la concurrence pour les uns, arnaque de Free pour les autres, la situation provoque l’émoi dans le secteur des télécoms. Vendredi, c’est un Xavier Niel fébrile qui interpelait directement le ministre de l’Industrie sur Twitter : “Free a fait son job: des centaines de milliers d’abo libérés et ravis, qui ont divisé leur facture, sur un réseau qui fonctionne. Au Ministre de faire son job: agir dans l’intérêt du consommateur en imposant le respect de la loi (porta en 3j / desimlockage immédiat).” Réponse d’Éric Besson : “Je le fais, Xavier. Nous en reparlerons.” Et son cabinet de renchérir, toujours sur Twitter, en taclant le fondateur de Free sur son investissement relatif au sein du GIE en charge de la portabilité des numéros (voir à ce sujet : “Free Mobile : mythe, parano ou réglo ?”) et sur le respect du délai légal de rétractation. Ambiance…
Nouveau rebondissement dans l’affaire Free mobile. Depuis l’arrivée du petit dernier dans l’univers “impitoyable” du téléphone portable (dixit Free, lui-même), le monde des telecoms est animé d’un joyeux bordel. Sur lequel se sont penchés aujourd’hui le régulateur des télécoms (Arcep) et le ministre de l’Industrie et de l’Économie numérique. Successivement. A moins que ce ne soit l’inverse : en coulisses, ministère et régulateur se disputent la reprise en main du dossier Free mobile.
A 14h10, nous certifie l’Arcep, un communiqué de presse répond aux inquiétudes relatives à la qualité du réseau Free mobile. Depuis quelques jours en effet, la presse se fait le relais d’accusations portant sur la couverture déficitaire de Free mobile, sans que la concurrence ne se prononce officiellement sur le sujet. Tout en rappelant les difficultés inhérentes au déploiement d’un réseau mobile -tâclant au passage SFR, Bouygues Telecom et Orange, rappelés à l’ordre au moment de leur lancement-, et précisant avoir déjà validé le réseau de Free en décembre dernier , le régulateur déclare :
Toutefois, dans un souci de transparence et de sérénité, l’ARCEP a estimé utile de demander à la société Free Mobile d’actualiser les informations relatives à l’état de son réseau, incluant notamment une liste des sites installés, des sites effectivement activés, et des motifs qui auraient pu la conduire, le cas échéant, à l’extinction de certaines stations de son réseau. L’ARCEP examinera ces éléments avec la plus grande attention.
En tenant compte des éléments fournis, l’ARCEP engagera une vérification sur le terrain, selon la même méthode que celle utilisée pour les précédents contrôles. Les résultats seront rendus publics.
A 14h27, Le Figaro publie une lettre en date du 25 janvier 2012, dans laquelle Éric Besson demande au patron du régulateur du secteur Jean-Ludovic Silicani de “vérifier que le réseau de Free Mobile ouvert le 10 janvier dernier couvre effectivement 27 % de la population, conformément aux engagements de sa licence.”
Du côté de l’Arcep néanmoins, on est formel : “le courrier est parti à 14 heures aujourd’hui de l’Industrie, et est arrivé à 14h20. Et à 14h10, nous publiions notre communiqué.” Sur le fond en revanche, le régulateur se refuse à tout commentaire.
En clair, de lourds soupçons pèsent sur la date réelle du courrier d’Éric Besson. Son cabinet nous certifie que la lettre a bien été signée le 25 janvier et envoyée par La Poste le même jour. Voyant en fin de semaine que le courrier n’avait pas été réceptionné à l’Arcep, il aurait été renvoyé par coursier ce 27 janvier. En clair, pour Bercy, il est arrivé avant la publication du communiqué du régulateur. Sur le site du Figaro, ce document est d’ailleurs présenté en tant que “réponse” à la lettre d’Éric Besson, sans que cette information soit clairement écrite par l’Arcep.
Ces bisbilles de calendrier révèlent les tensions, déjà anciennes, qui existent entre le ministère de l’Industrie et l’Arcep. En particulier sur le dossier brulant de Free Mobile. Si la couverture du réseau du nouvel opérateur pose réellement problème, personne ne veut endosser la responsabilité du laissez-faire. Et chacun tente de prouver qu’il a été le premier à se saisir des inquiétudes qui bruissent, sans pour autant être étayées par des éléments tangibles. Officiellement, Orange, SFR et Bouygues Telecom n’ont pour le moment réalisé aucune action auprès de l’Arcep, quand leurs ingénieurs dénoncent sous couvert d’anonymat la déficience de l’infrastructure de Free.
Dans sa lettre, le ministre de l’Industrie ne manque pas de rappeler à l’Arcep sa responsabilité en terme de validation du réseau :
Selon l’article L36-7 du code des postes et des communications électroniques, l’ARCEP est chargée de contrôler le respect par les opérateurs des obligations résultant des autorisations dont ils bénéficient et de sanctionner les manquements
constatés.
“Autorisations” qui, commente Eric Besson, ont été attribuées par l’Arcep le 13 décembre dernier. De son côté, le régulateur réclame dans son communiqué l’aide de l’ANFR (Agence nationale des fréquences), “pour faciliter les contrôles de couverture des réseaux des opérateurs mobiles menés par l’ARCEP”. Un établissement placé sous la tutelle… du ministre de l’Industrie.
Jusque dans ses instances de régulation, la bonne ambiance des telco semble avoir gagné l’ensemble du secteur.
Photo d’Eric Besson par Ophelia Noor pour Owni pendant le forum e-G8 Ã Paris en mai 2011
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