Eva Joly en low cost
La candidate écologiste Eva Joly mise sur un tout petit budget : deux millions d’euros en prêts et une contribution militante symbolique. Deux fois moins qu'en 2002. OWNI dévoile le très maigre budget de la candidate d'Europe Écologie les Verts.
Pas de garantie financière suffisante. L’équipe d’Eva Joly devra se contenter d’une petite campagne à deux millions d’euros. Sans certitude que la candidate d’Europe Ecologie-Les Verts atteigne les 5% qui garantiraient un remboursement à concurrence de 8 millions d’euros, les banques ont pour l’instant débloqué la ligne de crédit minimum : 840 000 euros, accordés par le Crédit coopératif. Soit le plancher de frais pris en charge pour les candidats recueillant les 500 parrainages nécessaires pour valider la candidature. Un premier apport auquel devrait s’ajouter, selon Yves Contassot, trésorier de la campagne, d’autres fonds :
Nous sommes en pleine négociation pour un deuxième prêt dont l’obtention est quasi actée, ce qui devrait nous permettre de porter le budget total entre deux et deux millions et demi d’euros. Pour aller plus loin, il faudra obtenir des garanties, par exemple en ayant recours à une assurance qui compenserait le manque à gagner si nous n’atteignons pas le seuil des 5%.
À deux millions, la campagne d’Eva Joly se déroulerait donc avec la moitié du budget utilisé par les Verts il y a dix ans. C’est-à -dire celui de Noël Mamère, qui dépensa 4 millions pour porter la candidature des Verts en 2002, et dont le score dépassa de quelques dixièmes le seuil permettant un remboursement.
Sans château ni baronnies
Or, à l’époque, le parti était unifié. Mais de nos jours, la formation d’Europe écologie-Les Verts est une situation paradoxale. Malgré deux fortes poussées électorales, à la chambre de Strasbourg et aux régionales, le parti n’a pas augmenté son nombre d’élus au Parlement (en dehors d’Anny Poursinoff, élue 4è député verte lors d’une législative partielle dans les Yvelines). Hélas, aux yeux des banques, députés et sénateurs constituent des gages financiers stables, puisqu’ils versent chaque année à leur parti une part significative de leur indemnité parlementaire. Des ressources auxquelles EELV ne peut prétendre.
Et impossible d’hypothéquer “La Chocolaterie”, siège parisien des Verts à côté de la gare du Nord. La candidate empruntant en son nom, elle ne peut adosser ses demandes de crédit sur des biens fonciers ne lui appartenant pas. La formation politique des Verts, en son nom, a donc accepté de garantir une partie du crédit. Pour le reste du budget, l’équipe se repose sur les négociations avec les banquiers menées par le trésorier Yves Contassot, et sur les contributions militantes, organisées par Julien Bayou.
Abaisser le seuil psychologique du don
L’idée de tendre le chapeau aux militants n’est pas nouvelle chez EELV : dès les premières universités d’été à Nîmes en août 2009, Daniel Cohn-Bendit avait lancé l’idée, qui n’avait guère trouvé de lendemain, pour donner une autonomie financière à la nouvelle formation. Sans illusion sur le poids des dons de personnes physiques dans la campagne, Julien Bayou voit néanmoins plusieurs intérêts à ce mode de financement :
Pour commencer, c’est de l’argent frais que nous n’avons pas à assurer ou à gager. Ensuite, c’est une forme de mobilisation alternative : les gens qui ne peuvent pas nous aider de leur temps nous font un chèque ou font un virement sur le site Internet. Nous sommes actuellement entre 1 000 et 1 500 euros par jour, toutes contributions confondues, pour un total avoisinant les 50 à 60 000 euros depuis un mois et demi. A ce rythme, nous aurons atteint les 80 000 euros de dons de personne physique qu’avait réuni Dominique Voynet en 2007 avant Noël. Mais, même si nous maintenons ce rythme, avec 200 000 euros de collecte total, ça ne représentera pas plus de 10% du budget. Il s’agit surtout de faire passer le mot et de diffuser un message.
Nous avons contacté un responsable de la collecte au sein d’une ONG très en vue sur les questions environnementales. Selon lui, l’objectif de 1 000 euros par jour, de manière régulière, semble très ambitieux. L’équipe de campagne, consciente de ces limites, mise sur une augmentation du nombre de contributeurs mais une baisse des contributions. Pour stimuler son électorat, le directeur de la mobilisation organise des opérations thématiques :
Mettre en face d’une contribution financière le nombre de tracts que ça va nous permette d’imprimer ou de stickers que nous allons pouvoir sortir rend les petits versements moins dérisoires.
Récemment, l’équipe a lancé une opération de partage des frais pour le clip de campagne, dont le monteur a pu être payé par les versements d’une centaine de personnes. Pour l’anniversaire de la candidate, le 5 décembre, un mail est parvenu aux abonnés des mailing lists d’Europe écologie proposant une participation exceptionnelle de “5 euros pour le 5 décembre” (en tenant compte des 66% d’abattement fiscal, autrement dit, un don direct à l’association de financement de 15 euros). Une idée montée en petit comité, autour de Frédéric Neau, l’animateur des Ecologeeks, à la technique, Elliott Lepers au design, Julien Bayou et Elise Aubry, à la diffusion sur les réseaux sociaux et militants – ex agitateurs des collectifs Jeudi Noir, Génération précaire et Sauvons les Riches.
Sobriété forcée
Une petite équipe mais qui représente la moitié des permanents des troupes jolyistes. Adaptée au budget, la voilure du navire présidentiel écolo se réduit à huit permanents réunis dans le QG parisien de La Ruche. Un choix forcé mais assumé par le trésorier de la campagne comme un véritable parti pris politique :
Le scandale, c’est la dilapidation des fonds publiques par les autres partis : le financement des campagnes se fait avec nos impôts.
Une sobriété qui ne rassure cependant pas tout le monde. Anciens Verts comme néo-Europe écolos, nombreux sont ceux qui voient avec pragmatisme l’impact arithmétique des dépenses sur les scores. Quant au financement militant, il agace certains anciens de la campagne de Mamère qui y décèlent un romantisme qui sied peu à la course à l’Élysée :
1 000 euros par jour, il n’y pas de quoi se vanter : un budget de campagne, ça ne se chiffre pas en milliers d’euros.
Côté trésorerie, l’idée de la sobriété est défendue mais Yves Contassot ne refuse aucune adaptation aux heureux hasards de la campagne :
Le budget est séquentiel et évolutif : nous ne fixerons pas de limite jusqu’au dernier moment. Si les sondages portent Eva Joly et permettent de lever un surplus pour renforcer notre présence dans la dernière ligne droite, nous ne nous en priverons pas.
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Image Marion Boucharlat pour OWNI
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