2011, le printemps meurtrier des réfugiés
Le nombre de migrants morts noyés dans la Méditerranée a dépassé, en 6 mois, le nombre de morts recensés les années précédentes. 2011 risque fort d'être l'année la plus meurtrière pour les réfugiés cherchant asile en Europe.
De janvier à juin, entre 1500 et 1800 migrants au moins sont morts en tentant de venir se réfugier en Europe, laissant augurer que l’année 2011 sera la plus mortelle pour les réfugiés. En 2006, 2000 morts avaient été recensés, pour toute l’année, et 1785 en 2007. Toutes les autres années, le nombre de morts répertoriés étaient inférieurs à 1500.
Ces chiffres sont issus de la veille organisée par deux ONG, Fortress Europe et United qui, depuis des années, scrutent la presse et les rapports officiels ou émanant d’ONG afin de documenter ce qu’ils qualifient de “guerre aux migrants“.
En janvier dernier, OWNI publiait un mémorial des morts aux frontières de l’Europe, carte interactive permettant de visualiser, par année, pays, et causes des décès, le coût de la fermeture des frontières aux réfugiés.
Nous n’avons pas pu le mettre à jour, mais profitons de la Journée mondiale des réfugiés, célébrée le 20 juin par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés -qui célèbre cette année son 60e anniversaire- pour revenir sur la situation des morts aux frontières, qui semble n’avoir jamais été aussi désastreuse et mortelle que cette année.
1387 noyés, plus quelques suicides
Depuis janvier, United a en effet recensé 1478 morts aux frontières, dont 1387 noyés en tentant de fuir la Tunisie ou la Libye, portant à 15 551 le nombre de morts recensés depuis 1993. Fortress Europe évoque de son côté 1802 décès, soit 17627 depuis 1988. Ces chiffres ne sont que des estimations, nombre de cadavres n’étant jamais repêchés, United estimant ainsi que le total pourrait être multiplié par trois.
En mars, un navire en partance de la Libye pour Lampedusa avec à son bord 308 personnes a été déclaré manquant. Deux autres bateaux ont ensuite coulés, dans la foulée, entraînant la mort de 251 migrants, puis 251 autres en avril, 270 en juin…
Mais tous ne meurent pas en bateau. Certains meurent une fois parvenus en Europe. Et nombreux sont ceux qui se suicident. United évoque ainsi le cas de Shambu Lama, un Népalais qui vivait en Allemagne depuis 16 ans et qui s’est jeté sous un train après avoir appris qu’il devait être “reconduit“, et qu’il allait donc devoir quitter son fils.
Kambiz Roustayi, un Iranien de 36 ans, s’est quant à lui aspergé d’essence et immolé, devant le mémorial de l’holocauste d’Amsterdam, où il attendait l’issue de sa demande d’asile depuis 2001, suite à l’annonce de son expulsion vers l’Iran, de peur d’y être torturé et condamné à mort.
Aminullah Mohamadi, 17 ans, s’est quant à lui pendu dans un parc de la Villette, en mai dernier, après avoir appris qu’il devrait être renvoyé en Afghanistan à sa majorité.
D’autres meurent du fait des complexités administratives. En mars dernier, Seydina Mouhamed, 5 ans, atteint d’une tumeur au cerveau et qui ne pouvait pas être soigné au Sénégal, mourait juste après être enfin arrivé en France, après une trop longue attente du fait des complexités administratives pour l’obtention d’un visa :
Mon fils est arrivé à Paris dans un état critique. Il souffrait d’une embolie pulmonaire. C’est par hélicoptère qu’il a été acheminé à Strasbourg où les médecins ont fait part de leurs regrets, car il a été évacué trop tardivement.
Contrairement à ce que laissent entendre plusieurs commentaires, émanant de lecteurs du site fdesouche.com, ces migrants sont bien morts parce que les frontières de la “Forteresse Europe” sont de plus en plus fermées, ce qui les incite à prendre toujours plus de risques, quitte à en mourir.
Voir, à ce titre, la “une” d’OWNI consacrée à ce sujet, et notamment l’entretien avec Claire Rodier, de Migreurop et du Gisti : La liberté de circulation s’impose comme une évidence.
Carte réalisée par Marion Boucharlat au design et James Lafa au développement. Visualisation mise à jour par Loguy, basée sur un graph de @manhack.
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