La science-fiction en voie de disparition?
Alors que l'exposition "Science et Fiction" ravi les puristes du genre, Capucine Cousin revient sur cette forme d'art qui a bouleversé des générations entières, mais qui se cherche un avenir.
J’y ai passé près de 3 heures dimanche matin, j’en ai pris plein les yeux; Tous ces personnages, ces images me renvoyaient à mon enfance… ma culture SF en quelque sorte – accumulée dans les bouquins, séries et films. Il faut absolument courir voir l’expo “Sciences & fiction”, qui se tient en ce moment à la Cité des Sciences. Comme souvent à La Villette, l’expo est d’une richesse inouïe, autant scientifique que culturelle.
La boutique de produits dérivés, à quelques pas de l’expo, vaut aussi le détour: mugs Star Wars, sabre laser grandeur nature (déboursez 150 €), DVD, BD, et même affiche de Star Wars en effet 3D…
C’est assez touchant, car notre culture SF rejoint forcément notre culture geek: quel techie n’est pas fan de Star Wars, ne voue pas un culte absolu à Blade Runner, Terminator ou encore Minority Report ?
Un couloir pédagogique impressionnant, où j’ai de nouveau 12 ans, des étoiles plein les yeux: entre ces exemplaires de livres de Mary Shelley, Edgar Poe et Jules Verne, qui ont été les premiers auteurs à s’emparer de la science comme support à des récits réalistes, les premiers films de science-fiction qui tournent en boucle (Voyage dans la Lune de Méliès en 1902, La femme dans la lune de Fritz Lang, 1919, Métropolis de Fritz Lang, 1929…), la culture SF a été jalonnée de plusieurs Å“uvres fondatrices… jusqu’aux premiers pas d’Armstrong sur la lune, où tout devenait possible. Pour Isaac Asimov, la SF est
la branche de la littérature qui se soucie des réponses de l’être humain aux progrès de la science et de la technologie.
Elle tient autant du divertissement, qui nous permet de nous évader, de rêver, que du récit d’anticipation, avec en creux une réflexion sur l’avenir de l’humanité (rien que cela…).
Une culture SF nourrie, donc, par une pléiade de livres anciens, mais aussi, véritables jalons pour une culture de fan, d’affiches, et des premiers produits dérivés et premières revues – les pulps, dont Science Wonder Stories, revue où apparaît pour la première fois le terme “science-fiction”, en 1929.
Le cinéma hollywoodien s’est emparé à merveille de la culture SF. Au fil des couloirs que l’on parcourt, on prend conscience de ces films et sagas (intergalactiques) qui ont nourri un imaginaire collectif, ont façonné notre univers mental. Les combinaisons et les robots conçus pour le cinéma s’alignent dans les couloirs, alors que des extraits des films-cultes tournent en boucle. Ils sont tous devenus cultes, font partie de la culture SF de l’honnête homme du XXIème siècle: Star Wars, la Planète des singes, Star Trek, Terminator…
Culture SF muséifiée
Est-ce que la culture SF parvient encore se renouveler, alors que ce qu’elle préfigurait – l’ère du numérique, des mondes virtuels, des nanotechnologies, des robots – se concrétise plus vite que l’on aurait pu le croire ? Il semblerait bien que la vraie culture SF soit en train de s’éteindre. Et que cette gigantesque expo, qui présente manuscrits, romans, pulps, storyboards (celui de Star Wars a déjà une valeur historique), extraits de films en pagaille, et vaisseaux grandeur nature retracent une culture SF (déjà ) muséifiée, en voie d’extinction.
Provoc’ de ma part, vu le succès gigantesque qu’a rencontré en 2010 Avatar, incarnation d’une nouvelle génération de films de SF en 3D ? Par vraiment. Si on regarde la chronologie des films de science-fiction, la production hollywoodienne de ce genre en devenir connaît un pic dans les années 60-70, grâce à ce bon vieux Neil Armstrong qui en a fait rêver plus d’un en foulant de quelques pas sur la Lune – et surtout à la Guerre Froide, où les extraterrestres et autres petits hommes verts menaçants permettaient de symboliser l’Ennemi, l’hydre communiste…
Années 80-90 : sortie de sagas comme Star Wars, Terminator, Star Trek, Alien… Des films d’actions hollywoodiens certes, mais où s’entremêlent récits d’anticipation, une réelle réflexion sur notre avenir, les enjeux environnementaux et humains.
Philip K. Dick, génial inspirateur de scénarios hollywoodiens
Dans cette même période sortent trois films cultes pour moi (mais pas que ;): Blade Runner de Ridley Scott, sombre film où Harisson Ford incarne un flic face à des androïdes / répliquants qui semblent de plus en plus humains… Et qui sait, peuvent mimer manifester des émotions.
Mais aussi Total Recall de Paul Verhoeven, et Minority Report de Steven Spielberg (en 2002, certes). Leur point commun: tous trois sont tirés de romans de Philip K. Dick. Seulement voilà , le maître des récits d’anticipation est décédé en 1982 – une source d’inspiration non négligeable pour l’industrie du cinéma s’est alors tarie.
Les films qui s’ensuivent sont plutôt des dérivés de SF : des space operas tirés de Star Wars. Mais aussi des récits d’heroic fantasy, films à grand spectacle pour enfants qui sortent souvent lors des fêtes de fin d’année – tels Le seigneur des anneaux ou Les contes de Narnia.
La culture SF condamnée ?
Les derniers films dans le sillage de la culture SF d’anticipation: Minority Report donc, qui anticipait plusieurs innovations technologiques qui commencent à s’inscrire dans notre quotidien – Steven Spielberg s’était d’ailleurs entouré de scientifiques du MIT entre autres.
Mais aussi le très sous-estimé Starship Troopers de Paul Verhoeven (1997): il y dénonce avec une ironie subtile une société dirigée par des militaires, et une diffusion en masse de la propagande par les médias: le film, d’avant-garde, qui sort à peine quelques années après la Guerre du Golfe, et coïncide avec l’arrivée du phénomène de l’internet dans les foyers, et injustement décrié par la presse US.
Ou encore la trilogie Matrix, entamée par les frères Washowski en 1999 – alors que le grand public commençait à s’emparer de l’univers du Net et des réseaux virtuels.
Les derniers en date ? 2012, qui tient plutôt du film-catastrophe (et blockbuster, avec plus de 225 millions de dollars de recettes), carrément épinglé par la Nasa comme “pire film de science-fiction” d’un point de vue scientifique… Laquelle a dû ouvrir un site pour contrebalancer les contre-vérités qu’il véhiculait !
Inception, certes gros succès outre-Atlantique, relevait plutôt du film complexe que du film qui nous projetait vers le futur. Avatar a avant tout installé la 3D sur le grand écran… Mais repose sur un scénario gentillet et écolo.
Comme me le signale @tiot en commentaire, il y a eu aussi le surprenant District 9 (qui avait pour particularité de se dérouler en Afrique du Sud), et surtout Moon, un Ovni cinématographique hommage à 2001, L’Odyssée de l’espace (réalisé par le fils de David Bowie, pour la petite histoire), que j’avais beaucoup aimé. Le pitch: Sam Bell vit depuis plus de trois ans dans la station lunaire de Selene, où il gère l’extraction de l’hélium 32, seule solution à la pénurie d’énergie sur Terre. Implanté dans sa «ferme lunaire», ce fermier du futur souffre en silence de son isolement et de la distance le séparant de sa femme, avec laquelle il communique par web-conférences. Il a pour seul compagnon un robot futé et (trop) protecteur… Jusqu’à ce que, à quelques semaines de l’échéance de son contrat, il se découvre un clone. Un film peut-être trop strangfe pour l’industrie du cinéma… Malgré deux ans de buzz sur la toile, le film est sorti au printemps 2010… directement en DVD!
Les sorties de films SF prévues ces prochains mois ? Pour l’essentiel des remakes ou suites des chefs d’Å“uvres passés… Preuve que l’industrie du cinéma a du mal à se renouveler dans ce registre. Il y a bien sûr Tron : Legacy, suite du cultissime Tron de… 1980. Et, pour 2012 est annoncé une réadaptation par Pierre Morel de Dune… En attendant Avatar 2 et Avatar 3…
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Article initialement publié (et commenté) sur Miscellanées
Photo cc Flickr : Rufus Gefangenen / Alex No Logo / Jovick /
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