POM, vidéographie, webdocumentaire : lexique des nouveaux formats
Les différents outils numériques permettent l'émergence aujourd'hui de nouvelles formes narratives destinées aux nouveaux médias. L'événement POM+F est l'occasion de définir ces nouveaux formats qui apparaissent sur nos écrans.
La crise dans les médias aura eu le mérite d’accélérer les initiatives des photojournalistes dans le “digital story telling”. Depuis 2005, une nouvelle orchestration éditoriale s’est mise en place pour l’ensemble des “journalistes de l’image” et des écritures narratives ont rencontré leurs publics. Même si nous sommes toujours dans l’essai, les enjeux sont réels : des métiers ont évolué (journaliste multimédia, iconographe bimédia), d’autres se sont créés (vidéographe, community manager) et des formats (ou capsules) ont vu le jour (POM, vidéographie, Websérie et Webdocumentaire) permettant à l’image fixe, désormais en mouvement, d’interagir.
S‘informer en tous lieux et à tout moment… Aujourd’hui on parle de fragmentation de l’information visuelle, de transversalité du récit, de multiplication des supports et des écrans, de développement des communautés, l’image (fixe ou animée) est d’ailleurs devenue “conversationnelle” dans les réseaux sociaux.
Dans le cadre de l’événement POM+F, organisé par l’association FreeLens de décembre 2010 à avril 2011, il nous semble important de revenir sur ces cinq dernières années et de donner quelques définitions des principaux termes utilisés aujourd’hui pour classer les « nouveaux médias ». Ces nouvelles formes de contenus étant en pleine émergence, ces définitions sont bien entendu susceptibles d’évoluer avec le temps…
POM
Une Petite Œuvre multimédia (acronyme POM ou POEM), appelée parfois Petit Objet Multimédia, est une réalisation vidéo ou flash qui associe photographe, réalisateur, webdesigner, créateur sonore et illustrateur.
Ce média linéaire est basé sur un montage d’après des photographies uniquement, sa réalisation sonore est très poussée. Souvent articulé selon le choix d’un angle et d’une écriture spécifique, le point de vue de ses auteurs sert de fil conducteur. Une POM peut aussi développer une problématique ou apporter un éclairage complémentaire à une information d’actualité.
Ce format court (entre une et quatre minutes) peut appartenir au genre de la fiction, du documentaire ou du reportage, il fait partie avec le web-reportage, le webdocumentaire et la vidéographie, des nouveaux médias ou nouveaux supports de l’information.
La Petite Œuvre Multimédia a été créée et développée en 2005 par Territoires de Fictions dans le projet « France à quoi tu penses ? ». Selon Virginie Terrasse, photographe et directrice artistique de TdF (avec Benjamin Boccas), la POM « anime l’image fixe, lui apporte une 3e dimension et permet une approche directe, sensitive et ludique du sujet » et constitue une « passerelle entre information et création ». Mode de narration innovant, la POM est un service RichMedia et est par nature un format éditorialisé spécifique au Web.
La réalisation de POM est enseignée à Paris à l’École des métiers de l’Information (EMI-CFD) depuis 2006 et à l’école de l’image les Gobelins en 2010. Le studio de création et de production Hans Lucas est spécialisé depuis 2006 dans la réalisation de Petites Œuvres Multimédia. Aujourd’hui, deux autres sociétés de production en réalisent, Petit Homme prod. à Lyon et l’agence de reportage Sapiensapiens à Toulouse. On remarquera la présence prépondérante de Brian Storm avec MediaStorm aux États-Unis et les belles productions indépendantes françaises du directeur artistique Antoine Ferrando, de la créatrice sonore Alice Guerlot-Kourouklis (qui travaille sur les POM depuis Territoires de Fictions) et des réalisateurs Thomas Petit-Archambault et Arnaud Contreras.
Et les photographes dans tous cela ? Depuis 2008, ils s’y mettent de plus en plus, seuls ou accompagnés de créateur sonore et/ou de réalisateur. On peut citer (chronologiquement) Frédéric Sautereau, Virginie Terrasse, Ulrich Lebeuf, Fabien Collini, Élisabeth Schneider, Hélène Jayet ou plus récemment Jean-Nicolas Guillo .
Pour finir, citons deux initiatives intéressantes autour de la POM : l’espace collaboratif 1/25e qui a été créé l’année dernière et la belle initiative d’Armelle Canitrot, chef du service photo de La Croix, qui a trouvé les moyens de produire une série de quatre Petites Oeuvres Multimédia intitulée Vies de prêtres.
VOLUPTAS de Virginie Terrasse (photographe) pour le projet culturel Territoires de Fictions. La POM a été réalisé avec Frédéric Lombard et Jen Bonn, à partir de sa série photographique sur le quartier de la Défense.
UMUMALAYIKA / Ange – 2009.
Cette POM a été produite par le studio de création Hans Lucas pour le festival de Lucca en Italie et pour le GRIN, d’après le travail photographique de Martina Bacigalupo gagnante du Premio Ponchielli 2009. Réalisation image d’Antoine Ferrando et sonore d’Alice Guerlot-Kourouklis.
Co-production 2009 : HANS LUCAS / LDPF / GRIN
Ma maison pour hôpital – 2006.
Cette POM a été réalisée à partir de la série photographique Ma Maison pour hôpital pour le projet culturel Territoires de Fictions.
Dessin : Anne Collongues / Réalisation : Seïf Boutella / Création sonore : Anne Collongues et Seïf Boutella / Photographies : Stéphane Moiroux. © Hans Lucas 2006-2008
Je vois bien ce que vous voulez dire… (volet 1_2007), photographie et réalisation d’Anne Barthélemy.
Joëlle, 56 ans, raconte comment elle a progressivement perdu la vue depuis l’enfance jusqu’à devenir complètement aveugle à 40 ans. Ce volet est issu d’une série de documentaires photographiques sur la perception des personnes déficientes visuelles (autoproduction en cours de réalisation).
Pendant la durée de l’événementiel POM+F, une série de POM accompagnées d’interviews de leurs auteurs sera publiée sur WEBDOCU.fr.
Vidéographie
Proche de la POM, la vidéographie est également un média linéaire d’information éditorialisée, associant un montage de photos et de vidéo réalisée à partir d’un réflex numérique. En développant l’enregistrement vidéo Full HD sur son reflex EOS 5D Mark II, la marque Canon a créé accidentellement de nouvelles pratiques et un nouveau métier : Vidéographe. La série Brèves de trottoirs, réalisée par Olivier Lambert et Thomas Salva (co-produite par Darjeeling) est un bel exemple de réussite, elle est diffusée sur France3 et dans le Parisien.
L’École des Métiers de l’Information EMI-CFD, l’école de l’image les Gobelins et Vidéo design proposent à Paris, des formations spécialisées en vidéographie.
Quelques exemples:
Antonyme de la pudeur.
Une réalisation d’Antoine Ferrando et d’Ulrich Lebeuf d’après une série d’Ulrich Lebeuf - Production DE ROLAIX.
François, Beaubourg Paris 4ème
Présentation de la série Brèves de trottoir d’Olivier Lambert et de Thomas Salva.
Webdocumentaire
Le webdocumentaire (souvent raccourci en webdoc ou webdocu) est un média d’information conçu pour le web. Il se caractérise par une navigation, de l’intéractivité et une interface regroupant du Richmedia. Son récit non-linéaire, s’appuie sur un écriture spécifique, enrichit de vidéos, textes, photographies, créations sonores. Souvent connecté aux réseaux sociaux, aux plateformes communautaires ou à un blog, le webdocumentaire reste toutefois un travail d’auteur, à ne pas confondre avec le webreportage, qui est un outil journalistique.
Historiquement, deux sociétés sont spécialisées dans la production de Webdocumentaire : Upian dirigée par Alexandre Brachet et Honkytonk par Arnaud Dressen et Guillaume Urjewicz. Rejoints depuis par Judith Rueff de l’agence de reportageS Ligne 4, Cécile Cros et Laurence Bagot de la société Narrative, Lucas Menget du studio multimédia de France 24 ainsi que le photographe indépendant Samuel Bollendorff qui multiplie les webdocs depuis deux ans. Les productions Thanatorama (2007, sous la direction artistique d’Ana Maria de Jésus), Gaza/Sderot (2008), Voyage au bout du charbon (2008) et Prison Valley (2010) ont marqué la jeune histoire de ce genre nouveau.
2010 reste sans conteste l’année de maturité pour le webdocumentaire. Le genre a trouvé sa place sur la toile, une place prometteuse et un peu moins marginale. Une place qui est aujourd’hui aussi peu à peu occupée par les documentaristes et les journalistes multimédia.
A noter L’autoroute de la nation une autoproduction de Marianne Rigaux, prometteuse journaliste tout juste sortie de l’ESJ Lille (option multimédia) réalisée depuis le logiciel en ligne Wix, Je ne suis plus la même de Léa Hamoignon et de Clara Beaudoux ainsi que l’intéressant parcours du projet transmédia Pékin underground du photographe Alain Lebacquer et de Mihai Zamfirescu-Zega (société Coogan).
Malgré des montages financiers toujours aussi délicats à mettre en place, une non-reconnaissance des revenus issus de ce nouveau support de l’information par la commission de la carte de presse et une position inconfortable dans les commissions d’attribution d’aides pour les auteurs issus du journalisme, la France est un pays leader et les productions webdocumentaires se multiplient depuis 2009. A moyen-terme, cela devrait faciliter le développement de coproductions internationales. En France, ces réalisations peuvent être soutenues par des aides dédiées aux nouveaux médias issues du CNC ou de la SCAM et récompensées par le festival Visa pour l’Image et le Prix Bayeux-Calvados. Selon Guillaume Blanchot, directeur du multimédia et des industries techniques du CNC, l’institution a financé soixante projets webdocus depuis 2008 pour un total de 2160 000 Euros, dont une trentaine en 2010.
Côté diffusion, les plateformes “Webdocus” du Monde.fr, sous la rédaction-en-chef de Boris Razon et d’Arte, sous la direction du pôle web par Joël Ronez, sont aujourd’hui les deux sites incontournables. De son côté, France5 à produit une collection de 24 documentaires intitulée Portraits d’un nouveau monde. A l’étranger, le festival international du film documentaire d’Amsterdam, IDFA reste la référence en Europe et l’Office National du Film du Canada produit de remarquables projets web innovateurs.
L’École des Métiers de l’Information EMI-CFD (en partenariat avec la société Honkytonk), l’INA Sup et Vidéo design proposent à Paris, des formations spécialisées en webdocumentaire.
Enfin, trois initiatives sont à saluer, le site d’information Webdocu.fr qui est animé par les journalistes Louis Villers et Alexis Sarini, la série de post appelé Sortir du Cadre de Gérald Holubowicz ainsi que le développement par Honkytonk du logiciel de webdocumentaire KLYNT (V1 pour janvier 2011).
Nous laissons le mot de la fin à Éric Scherer (que l’on regrette tous depuis son départ de MediaWatch), actuel directeur de la prospective et de la stratégie numérique de France Télévisions, qui nous donne une définition du “journalisme entrepreneurial“. Ce nouveau concept venu des États-Unis semble faire son chemin en France.
Quelques exemples de webdocumentaires :
Bande annonce de Prison Valley, un webdocumentaire sur l’industrie de la prison, de David Dufresne et Philippe Brault.
Une coproduction arte.tv & upian, soutenue par le CNC et plusieurs fois récompensée.
Pour voir le webdoc Prison Valley, suivre ce lien.
Thanatorama, une aventure dont vous êtes le héros mort.
Un webdocumentaire produit par Upian avec le soutien de la SCAM
Photos : Vincent Baillais / Textes : Julien Guintard / Création graphique et direction artistique : Ana Maria De Jésus / Musique : Benoît Bayart / Voix : Boris Alestchenkoff
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Article initialement publié sur freelens.fr
Prochaine conférence POM+F le lundi 13 décembre à 18h30 à la mairie du 10e, intitulée “Narrations interactives : le webdocumentaire en question”.
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