Vertes promesses en panne sèche au Mondial de l’Automobile
Derrière les promesses « se mettre au vert », les constructeurs automobiles ont étalé au Mondial de l'Auto vieux modèles, voitures ultra-polluantes et concept cars sans avenir... Visite guidée avec un spécialiste de l'écomobilité.
Le mondial de l’auto, c’est un peu comme une campagne électorale : beaucoup de promesses et de rares véritables surprises. Un peu comme les candidats aux élections nous promettent tous le changement (mais lequel ?), les constructeurs automobiles nous invitent tous à découvrir le monde de demain et le futur. Autre leitmotiv très partagé: nous « laisser surprendre ». Mais une fois les portes franchies, c’est la déconvenue. Il n’y a rien de neuf, ou quasiment. Presque que des voitures à quatre roues, avec quatre ou cinq places et un coffre. Ce que l’on voit dans les rues de nos villes depuis des décennies…
Qu’y a-t-il de surprenant, alors ? Si l’on en croit l’immense et incroyable couverture médiatique, il faut venir au mondial pour découvrir les voitures électriques, qui changeront le monde, créeront le futur et régleront les problèmes climatiques. Libération titrait par exemple « Le futur est de retour ». De leur côté, Les Echos, dans un spécial Mondial de l’automobile, s’enthousiasmaient « L’automobile passe au vert », sans aucun sens critique. Deux exemples parmi des centaines. Même les magazines féminins titraient tous sur ce qui n’est finalement qu’une immense foire commerciale…
De vieux modèles électrique sans charme et une star sans prise compatible !
Hypnotisé, nous filons donc droit vers les halls 2.1 et 2.2, qui abritent les nouvelles mobilités et autres véhicules électriques. Eh bien, autant le dire directement : au Mondial de l’Auto, les nouvelles mobilités et la voiture électrique, c’est du vent ! Les allées des halls sont désertes, les exposants confient s’ennuyer ferme. Il y a essentiellement des véhicules utilitaires, proposés par des petits constructeurs indépendants. La plupart sont sur le marché depuis longtemps… Des minis-voitures sont aussi proposées. Mais il n’y a personne pour les regarder. Il faut dire qu’elles sont rarement très jolies. Le design a son importance pour faire adopter de nouveaux objets !
En fait, d’un stand à l’autre, on retrouve surtout la Tesla, petit bolide sexy, qui sert à attirer le chaland, pour pouvoir lui expliquer les techniques de rechargement. Qui, soit dit en passant, ne sont pas encore normées, ce qui donnera une situation ubuesque en 2011 : au moment de la commercialisation de milliers de véhicules électriques, il n’existera pas de moyen de faire des recharges rapides, par manque de standard des prises !
Dans le pavillon des nouvelles mobiltés, seuls les stands proposant des cadeaux connaissent un semblant d’affluence. Celui de TF1 est transformé en foire à tout par un animateur qui interpelle les passants comme les camelots du Printemps le font pour vendre des cravates. A celui de la Macif, on peut gagner des vélos (si !). Chez RTL, on fait en direct une émission sur le foot… Quel intérêt d’être là plutôt qu’ailleurs ? « Ca permet d’être au coeur de l’événement », nous confiera un journaliste souhaitant rester anonyme. Au coeur des matchs de foot ?!
Couleurs écologiques rayonnantes… mais bilan carbone catastrophique !
En fait, nous nous étions énervé pour rien. Les vraies voitures électriques, celles censées préfigurer le futur, sont rangées dans le hall 1, le plus grand, au milieu des Rolls, Ferrari et autres Mercedes. Chez les constructeurs grand public, DeZir, le concept car de Renault, lancé à coup de multiples interventions de son PDG Carlos Ghosn transformé en VRP de luxe, est le seul véritable intérêt des visiteurs. FantaSme eu été un nom plus approprié, vu que la voiture aux lignes épurées ne sera jamais commercialisée… « Ah mais, ajoute un fin connaisseur du dossier face à ma moue dubitative sur l’intérêt de la chose, le pare-choc sera repris sur un modèle en série ! » (sic)… Seul Twizzy, du même Renault, sort du lot : un petit véhicule rigolo, à deux places, alignées, qui est clairement destiné à la ville. Sortie annoncée en 2011. Souhaitons-lui de voir celle-ci moins repoussée que celle du modèle de Luménéo, son cousin, maintes fois remise à plus tard.
L’environnement est au centre de tous les discours et des présentations. Tous les stands sont déguisés en repères d’écolos. Le bleu de l’air pur, le vert des arbres, le blanc dominent. Les panneaux « zéro CO2 » sont partout. Les slogans se font accrocheurs : « Drive@earth », « Changeons de vie, changeons l’automobile », « Toutes nos couleurs sont vertes ». Pourtant, sous ces beaux mots d’ordres, les modèles classés F ou G, les plus polluants, sont encore légion… et mis en avant sur les stands !
La vraie révolution est ailleurs : les gros se lancent sur le marché des mobilités alternatives. BNP occupe tout un coin du parc des expositions pour nous initier à l’éco-conduite. Arval propose un service d’autopartage pour optimiser les coûts des flottes d’entreprises. Signe que le temps des pionniers, qu’on prenait pour des fous, est terminé. Il y a 13 ans, lorsque nous avons lancé Voiture & co sur ces créneaux, tout le monde nous traitait d’utopistes, un terme qu’ont beaucoup entendu les créateurs de Caisse Commune (depuis rachetée par Transdev), Auto’trement (dont CTS et Parcus sont actionnaires) ou covoiturage.com !
Enfin, petit et véritable plaisir, non simulé, de notre part : une course de kart électrique offerte par EDF. L’entreprise, en pointe du lobbying pour le développement du moteur à watts, avait convié une dizaine de bloggeurs à venir tester, sur circuit, ces petits bolides. Grâce à son invitation, elle m’a convaincu qu’il est plus que temps de redonner leur véritable place aux véhicules surmotorisés vendus au mondial de l’auto. Celle d’un outil de plaisir et de frisson : sur un circuit, ou l’on pourra rouler à toute berzingue sans mettre quiconque en danger, se faire un peu peur en prenant des virages trop serrés, suer à grosse goutte en imaginant être des matadors de la route.
Pour le reste, nous attendons toujours que le Mondial de l’auto nous montre la vraie voiture du futur : un véhicule urbain, ne dépassant pas les 30 kilomètres heures, et uniquement équipé d’une place ou deux (ce qui correspond à la réalité de plus de 95% des usages actuels !) et équipé pour être mis en libre service un peu partout dans nos villes. Ce ne semble pas être pour demain…
Article publié originellement sur le site de Ludovic Bu sous le titre Le mondial de l’auto : beaucoup de promesses et de rares véritables surprises
Photo FlickR CC phalenebdlv ; Tristan Nitot ; BrisChri.
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