Pourquoi Google est “une aubaine” pour le journalisme
Loin d'être la plaie pour le journalisme que beaucoup dénoncent, Google est un acteur avec lequel les médias ont tout intérêt à composer. Et inversement, Google a grand besoin de son côté d'un journalisme de qualité.
Il est temps que les médias dépassent leurs inquiétudes vis-à-vis de Google et adoptent l’économie de la recherche. Les magazines et les journaux qui ne se battent pas pour leur part d’audience (et de revenus) rendent un mauvais service à leur marque, leurs journalistes et leurs lecteurs.
Quand un contenu de très bonne qualité est optimisé pour la recherche, tout le monde en ressort gagnant. Les utilisateurs profitent du fait que le journalisme de qualité apparaît en haut des résultats de recherche. Les annonceurs bénéficient de leur présence dans un contenu riche et recherché. Et les journaux peuvent bénéficier d’une source de revenus inexploitée.
Malgré tout, pour beaucoup de médias, Google reste un ennemi. Un “vampire numérique… qui suce le sang” du business de l’information, comme l’a déclaré Les Hinton, le PDG de Dow Jones l’année dernière. Même News Corp avait menacé de se retirer des résultats de Google. En 2009, l’Associated Press avait accusé Google par titres interposés de “voler” leur trafic en se basant sur la façon dont le géant de la recherche redirigeait vers les articles.
Au contraire, le New York Times a récemment annoncé qu’il allait s’assurer que “son modèle au compteur” allait laisser ses contenus accessibles depuis les recherches Google, permettant le partage par les blogueurs et via les réseaux sociaux. Par ailleurs, le président Arthur Sulzberger a expliqué que The Times restait attaché à l’économie de la recherche, dans ce qu’il appelle “l’inter-connectivité du web”.
Tous ces éditeurs de premier plan ont des inquiétudes légitimes quant à l’influence exclusive de Google dans le domaine de la recherche sur Internet. Mais malgré leurs rhétoriques variées et le paywall de News Corp en Grande-Bretagne, aucun n’a sérieusement ou irrévocablement coupé le cordon avec Google, ni n’est d’ailleurs prêt à le faire.
Il donne autant qu’il prend
Et ils ne devraient de toute façon pas le faire, car Google et quelques autres sites de recherche majeurs sont les moteurs les plus précieux qu’ils puissent espérer. Au vu du gigantesque trafic et des opportunités de revenus lorsque le contenu est optimisé pour la recherche – avec 11 milliards de dollars en publicité dépensés aux États-Unis l’année dernière, selon Needham Insights, la publicité incluse dans les recherches est deux fois plus importante que la publicité traditionnelle et croît plus vite que cette dernière – il est clair que Google pourrait bien être une aubaine pour le journalisme.
Dans sa keynote à la conférence Web 2.0 à San Francisco, Danny Sullivan a souligné que Google donne autant qu’il prend. Pendant qu’il collecte un bon petit paquet grâce à ses publicités dans les pages de recherche sans garantir que l’utilisateur accède effectivement aux sites d’info, il n’empêche pas nécessairement les visites directes, et en fait, génère gratuitement des milliards de pages vues pour les sites Internet. En 2009, selon un rapport de Forbes, Google a envoyé près de 1 milliards de clics vers les journaux, ce qui équivaut à presque 400 visites par seconde !
Exploiter le trafic de la recherche
L’opportunité réside dès lors dans l’exploitation de Google plutôt que dans son blocage. Sullivan a noté que Google “renvoie du trafic gratuitement au moins autant qu’il en détourne”. Le plus gros problème est donc de savoir “comment monétiser ce trafic”.
Les éditeurs doivent accepter la compétition de l’économie de la recherche, et réaliser que la majorité des utilisateurs préfèrent trouver des informations via les moteurs de recherche, et que leurs contenus ont besoin d’atteindre quotidiennement cette population. Les alternatives sont déjà là – les fermes de contenus comme Demand Media, Associated Content (Yahoo) et Seed (AOL) – et fournissent des contenus tellement peu chers que les utilisateurs pourraient bientôt oublier la valeur et l’importance des contenus qui nécessitent du temps, du sérieux et de l’argent.
Pour ce faire, Google et d’autres moteurs de recherche veulent que les articles d’actualité soient en haut de leurs résultats de recherche. C’est un petit pourcentage du contenu total, mais c’est une énorme source d’attraction. James Fallows de The Atlantic a récemment expliqué [en] l’idée d’“actualité premium” chez Google : “si les médias arrêtaient de produire du bon journalisme - a déclaré un cadre de Google - les moteurs de recherche n’auraient plus de contenu intéressant vers lesquels diriger”.
Les annonceurs profitent également d’un journalisme de qualité optimisé pour la recherche : le contenu de qualité attirent des clients de qualité. Une étude de mon entreprise, Perfect Market basée sur des données de Compete.com, suggère que les sites de médias “brandés” ont un avantage en termes de revenus sur les sites “non-brandés” (les fermes de contenus) : souvent 10 fois le revenu par page.
Ce que les éditeurs ont souvent fait – et ce que les fermes de contenus s’échinent à faire – c’est de passer du temps à promouvoir leur contenu en fonction de la demande des utilisateurs sur les moteurs de recherche.
Quand le bon contenu est proposé à la bonne personne au bon moment, les éditeurs, les annonceurs et les moteurs de recherche en profitent. Google a besoin de contenus de qualité pour survivre. C’est dommage que la domination de Google laisse à penser aux éditeurs qu’il en abuse. Mais leur meilleur réponse est de tirer avantage de Google – et amener leur contenu et leurs publicités là où vit l’audience la plus large.
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Billet originellement publié sur EMediaVitals, sous le titre “Why Google is good for journalism” ; traduction Martin Untersinger
Crédits Photo CC Flickr : Ozaking, Kardon.
Traduction : Martin U.
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