Jeff Jarvis: repenser l’écosystème de l’information
Jeff Jarvis est revenu récemment sur les transformations de l'industrie de l'information. Pour lui, Google n'est toujours pas le diable, et l'avenir se niche dans l'hyperlocal mobile, la relation aux lecteurs et une meilleure compréhension des nouveaux business models.
Cela fait un moment que Jeff Jarvis, sur son blog et ailleurs, essaye de redéfinir l’avenir des médias en ligne. Il revient au cours d’une conférence à la Columbia Business School sur certains des aspects qui l’intéressent le plus.
Optimiste de nature, Jeff Jarvis estime qu’il existe de nombreux nouveaux business models pour l’information, et que le discours déprimant et fataliste traditionnel peut être remise en cause. Notamment celui qui vise à accuser Internet de tous les maux.
De la gestion de la rareté à l’offre de service
Aujourd’hui, nous n’en sommes pas au moment où une nouvelle grosse entreprise maligne remplace les anciennes grosses entreprises. Nous sommes déjà dans un écosystème où plusieurs acteurs opèrent de différentes manières, et ce avec des business models variés.
L’hyperlocal est un des éléments de ce nouvel écosystème, bien qu’il faille maîtriser les techniques du marketing pour pouvoir en vivre. Là où il y a une immense marge de progression, c’est dans les relations entre les blogueurs “hyperlocaux” et les commerçants. Ceux-ci ne veulent pas de bannières ou de publicités qui clignotent, ils veulent du service.
Jarvis propose donc d’aller de la gestion de la rareté à l’offre de service.
Si les entreprises de presse doivent s’adapter aux mutations en cours, ce n’est pas une raison de supprimer le journalisme d’investigation, qui créé une image de marque et positionne le journal.
Éloge de la petite entreprise en réseau
Pour qu’une entreprise qui produit de l’information soit bénéficiaire, il faut qu’elle soit de petite taille. Ainsi, le Washington Post et sa rédaction de 750 employés aura énormément de mal à être rentable en ligne, alors que pour un entrepreneur qui démarre, c’est faisable. Pour autant, personne n’a envie de voir disparaître le Washington Post. L’une des solutions pourraient être de créer une multitude de blogs qui seraient autant de micro-entreprises fondées sur la confiance construite au cours des ans.
Nous allons donc vers une ère de réseau, dans laquelle différents agents indépendants participent au même projet.
Ces réseaux peuvent être créés dans une optique “non-profit”, mais ce n’est pas forcément l’idéal, tant il est difficile de savoir si le marché supportera cela.
D’un point de vue de la pratique journalistique, ils se passent des choses intéressantes au sein de ces écosystèmes. Les journalistes participant à un projet en réseau le font souvent au sein de leur propre entreprise, et développent des relations plus étroites avec leurs lecteurs.
La valeur est dans la relation
Douze pages sont consultées en moyenne par utilisateur et par mois sur les sites des grands médias d’information.
C’est “honteusement” faible, selon Jarvis, qui rappelle que Facebook a le même taux, mais par jour. L’importance de la communauté est ici une nouvelle fois soulignée.
Il s’agit de transformer la manière dont on considère l’information. Chez Google, Marissa Mayer (vice-présidente de Google, en charge des produits de recherche et des services aux utilisateurs) pense que l’on s’oriente vers un flux d’information hyper-personnalisé. Organiser la sérendipité inhérente au web grâce à un algorithme est une idée étrange pour Jarvis.
La question est donc de savoir comment on accède aux informations. Auparavant, on le faisait uniquement par l’intermédiaire des marques-médias. On s’est ensuite mis à rechercher l’information, ce qui inverse la relation. Les algorithmes ont tenté quant à eux de gérer le flux d’information. Les liens établis par des êtres humains sont aujourd’hui au centre de l’accès à l’information.
Dans son ensemble, Google génère 4 milliards de visiteurs vers les sites d’information. C’est ensuite à eux de développer une relation avec les personnes que Google leur envoie. Et comme le dit Jeff Jarvis dans une invective directe à Rupert Murdoch :
S’ils ne le font pas Monsieur Murdoch, c’est leur putain de faute.
Jeff Jarvis enjoint ainsi de repenser l’ensemble de l’architecture de l’information, afin de comprendre comment valoriser la relation avec les lecteurs : les paywalls sont pour lui une aberration, il faut pouvoir faire ce qu’on fait de mieux, pour renvoyer au reste (“Publish the best, link to the rest”).
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