Ikea tatoue la ville
Des lettres jaunes se dessinent sur un fond bleu fièrement affichées sur un gigantesque panneau. Pas de doute, on entre sur le territoire d'Ikea. Lorsque je lève les yeux pour voir une gigantesque bâche suspendue au plafond, mon impression ne fait que se confirmer ...
L’Ikea de Berlin, ou la saturation de l’espace public
L’autre jour, je suis allé à Ikea pour meubler ma nouvelle chambre berlinoise. Rien de bien compliqué… le magasin est très accessible et tout nous y mène.
En sortant du ring (la ligne de train qui fait le tour de Berlin) à Südkreuz je n’avais pas d’autre choix que de constater l’évidence d’un Ikea à proximité…à 8 minutes plus précisement.
Des lettres jaunes se dessinent sur un fond bleu fièrement affichées sur un gigantesque panneau. Pas de doute, on entre sur le territoire d’Ikea. Lorsque je lève les yeux pour voir une gigantesque bâche suspendue au plafond, mon impression ne fait que se confirmer : elle affiche une lampe accompagnée d’un texte annonçant que dans 8 minutes je pourrai assouvir mes pulsions consommatrices grâce au chemin balisé qu’a tracé Ikea jusque l’entrée du temple. Au dessus des escaliers d’autres enseignes ont tenté de s’afficher mais elles sont perdues dans la masse et Ikea est trop présent pour leur laisser un quelconque espace.
Je sors donc de la gare en suivant les flèches Ikea. Dans l’environnement austère des alentours de la gare, il n’y a guère que ces panneaux qui redonnent un peu de couleurs au paysage. Il est temps que j’arrive enfin pour accéder a cet espace qui a l’air si accueillant ! Plus que 5 minutes, c’est un panneau publicitaire qui me le dit, plus que 5 minutes avant de pouvoir acheter cette magnifique lampe ou encore parfumer ma maison !
Ouf, je ne suis plus très loin. Ils sont vraiment sympas à Ikea, il m’indiquent un raccourci pour être le plus rapidement chez eux, un raccourci qui prend soin de ne pas passer devant d’autres magasin.
On est gentiment pris par la main dans une ruelle puis une autre et on apperçoit enfin Ikea.
Au loin, bien après le parking, le gigantesque panneau et des drapeaux Ikea, les autres magasins de la zone n’ont qu’a bien se tenir…c’est ici qu’a lieu le pèlerinage et pas ailleurs. On bourre le crane du consommateur pour qu’Ikea soit sa seule destination, pour qu’Ikea soit le lieu où il va passer sa journée. Le territoire est soigneusement marqué autour de l’antre dont la gigantesque porte tournante sert aussi de vitrine pour les produits.
Une fois à l’intérieur, je ne peux que constater qu’ici aussi, un parcours qui mène aux caisses est élaboré pour passer par tous les rayons. Sur ce point rien de nouveau sous le soleil.
De retour à la gare (elle aussi indiquée par Ikea), je ne vois que des sacs Ikea et j’hésite à y revenir immédiatement à la vue des baches géantes me suggérant de nouveaux achats.
Par une stratégie qui s’étend bien au-delà de l’espace du magasin, Ikea a su faire sien l’espace public et a imposé un passage obligé vers tout ses rayons. A Südkreuz, Ikea est la seule destination, on ne sait pas vraiment comment faire pour aller à Bauhaus par exemple, beaucoup moins cher mais invisible.
En revenant quelques jours à Paris, j’ai aussi constaté cette appropriation de l’espace public par Ikea…les stations St Lazare de la ligne 12 ou encore Concorde sont équipées en canapés Ikea (et mêmes en lampes !). L’enseigne n’a pas froid aux yeux, ses marketeurs osent et font du “service” rendu un possible lien de fidélité avec Ikea.
On ne peut qu’être reconnaissant à Ikea de nous montrer le chemin et de nous prendre par la main ou encore de nous asseoir sur des canapés au lieu des sièges durs du métro…cette stratégie peut s’avérer payante, mais peut aussi provoquer un sentiment d’exaspération vis-à -vis de l’enseigne…personnellement c’est un peu ce que j’ai ressenti quand je suis enfin sorti du magasin de Südkreuz.
Toujours est-il qu’on est ici face à un cas d’appropriation de l’espace public…au risque d’une saturation !
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