Passage à l’ACTA ?

Le 1 février 2010

L’inquiétude est grande face à cet Anti-Counterfeiting Trade Agreement. Les discussions en cours devant mener à la ratification de cet Accord commercial Anti-Contrefaçon posent pour de nombreux blogueurs les raisons d’une lutte aussi ardue que celle menée contre Loppsi 2 ...

Quand la blogosphère technophile ou geek frémit, le net s’éveille. ACTA. ACTA est sur toutes les lèvres, tous les blogs, tous les posts techno… 39 Etats tendent à vouloir s’entendre pour prendre des mesures pour lutter plus efficacement contre la contrefaçon. Depuis le mardi 26 janvier, au Mexique, les discussions vont bon train. Le piratage des biens culturels rentre toujours plus dans le cœur des débats. Loppsi 2, Hadopi 2, Zelnik, la décision italienne de mettre sous coupe réglée les blogueurs trop zélés dans leur lutte contre le gouvernement … les outils liberticides ne manquent pas pour surveiller le Net.

Voilà maintenant que l’on nous sert sur un plateau ACTA…

L’inquiétude est grande face à cet Anti-Counterfeiting Trade Agreement. Les discussions en cours devant mener à la ratification de cet Accord commercial Anti-Contrefaçon posent pour de nombreux blogueurs les raisons d’une lutte aussi ardue que celle menée contre Loppsi 2 (revenant sur la scène publique de plus en plus vide de sens) ou Hadopi 2.

Si le rapport Zelnik se mettait en place dans le plus grand secret, il en va de même pour cet Accord classé Secret Défense, pratiquement … Le culte du secret d’accords concernant l’ensemble des internautes ouvre toujours la porte à toutes les rumeurs, plus ou moins fondées, à toutes les spéculations, plus ou moins basées sur des faits réels.

Il est patent que dans cette affaire, de nombreux pays tels l’Australie, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande, le Mexique, la Jordanie, le Maroc, Singapour, les Etats-Unis, l’Union européenne, la Suisse, le Japon, les Emirats Arabes Unis et le Canada, essaient de s’accorder depuis 2007. Autant dire l’ensemble des pays développés. L’ensemble des pays dans lesquels les internautes, en massent téléchargent, piratent /-) et font parfois fi des droits d’auteurs.

Rappels

Ce traité incluant les droits d’auteur, entre autres, poserait donc les bases d’une nouvelle réglementation web internationale. On peut donc se poser la question de savoir si ACTA mettra plus ou moins le net sous surveillance à la façon de l’inapplicable Hadopi en France.

La «puissance» de la Hadopi a pu en effrayer, ce ne fut guère le cas du réseau des Pirates, et ce que l’on sait le l’ACTA n’est a priori guère plus effrayant. Le Net ne semble pas devenir le télécran d’Orwell à la vue des infos qui filtrent des débats et des entretiens menés par ces pays ou ces organisations.

L’un des principaux but de cet accord sera l’harmonisation de la manière dont les États fortement connectés et ceux qui vont l’être toujours plus pourront lutter contre la contrefaçon on-line de films, vidéos, musiques, livres, bref de l’ensemble des biens culturels, mais aussi de lutter contre les expressions plus classiques de la contrefaçon : mode, médicaments, pièces automobiles, etc… Le délit de contrefaçon existe, quoi qu’il en soit, déjà dans le dispositif hadopi 2 en France…

Parmi les mesures clairement identifiées par les documents laissés à «disposition» par l’UE :

> L’obligation pour les FAI de mettre à mal la loi Informatique et Libertés, entre autres, en fournissant sous mandat judiciaire l’identité de l’internaute et son IP … la suspicion risque de s’étendre à nombre d’internautes. De plus, les amateurs de gestion de proxy savent déjà passer outre les barrières que ces lois ou accords veulent mettre en vigueur…

> Les ayants-droits pourraient avoir accès à nos données personnelles sans passer par la case justice … ce qui sur les terres d’Hadopi relève du cynisme le plus odieux.

> Les douaniers pourront débarrasser les voyageurs de leurs ordinateurs, de leurs MP3 ou DDE contenant des fichiers pirates. S’il ne fait aucun doute que ce soit techniquement faisable, quid du respect de la vie privée ? De fait, prévoir du temps lors des passages aux frontières si vous avez un DDE de 1To!! Pour les vols vers les Etats-Unis, prévoir deux jours avant l’embarquement !

> Les sanctions pour la violation des DRM seront accrues

De fait, l’ACTA a priori veut avant tout faire peur. Elle se veut dissuasive. Mais chaque mesure énoncée ne peut être systématisée, faute de quoi, on ne peut plus vivre, échanger, parler, se déplacer. Ou alors, il suffira de ne plus avoir de matériel techno sur soi… à tout le moins de les alléger de leurs contenus piratés. De plus, il est patent que fouiller tous les disques durs y compris externes et les MP3 de la planète lors des passages aux douanes relève de la gageure. Qui plus est, il paraît difficile de prouver que tel ou tel fichier est piraté à moins d’avoir sur soi toute sa CDtèque, DVDtèque… les suppléments bagages vont s’accumuler dans les aéroports …

Secret ≠ paranoïa

Ce qui pose ouvertement problème, c’est la criminalisation du téléchargement et encore une fois des mesures qui vont à l’encontre de la logique technologique que nous connaissons tous.

Mettre dans le même accord sous le même blanc-seing judiciaire et policier un médicament pouvant être mortel, un sac à main et un fichier MP3 pose tout de même question. Le rapport de moyens à fin n’est-il pas totalement délirant? L’objet du délit que constitue un fichier contrefait ne peut être comparé à une industrie du faux médicament quand bien même il existe des internautes ayant monté l’échange de fichiers pirates au niveau industriel. Le niveau de dangerosité est tout de même moindre… sauf pour les producteurs et diffuseurs fermant les yeux devant la dématérialisation des supports.

C’est un fait de plus pouvant amener à penser que ACTA deviendra par la force des choses et le pragmatisme nécessaire dans ce type d’affaire, difficile à mettre en œuvre . On peut même aller jusqu’à penser que ACTA sera mort-né.

Mais… prudence est mère de sureté

Si à la lecture des informations filtrant des discussions tend à se mettre en place une nième attaque contre la vie privée des internautes, contre les libertés fondamentales dont nous disposons tous, et ce avec l’aval de la communauté internationale, il est donc normal et légitime que ReadWriteWeb s’en inquiète en posant la question de ce que pourrait être les changements de la face d’Internet.

Les actes de censures, les volontés de contrôle des autorités chinoises sur Internet, l’affaire Google, participent de ce climat ambiant délétère où le Net est en train d’évoluer. Défendre ses libertés apparaît toujours plus nécessaire et nous devons poursuivre ces luttes entreprises depuis 2007, voire même avant. Cela se pose comme un fait indiscutable. Mais il ne faut en aucun cas hurler au loup!

Le retour sur le devant de la scène de Loppsi 2 nous montre cette Loi d’Orientation toujours plus vidée de sa substance; Hadopi 2: idem puisque, dans les faits, nous l’avons souvent dit ici, ce texte sera inapplicable.

Gageons que le destin de ACTA soit globalement similaire …

Qui plus est, les désaccords entre les Etats, même s’ils sont peu nombreux dans les négociations de ce traité, portent sur deux points particulièrement sensibles:
> les garanties concernant la protection de la vie privée des citoyens. En France, la CNIL a bloqué Hadopi sur cette question en décembre dernier.

> l’extension des pouvoirs des douaniers, défendue principalement par les Etats-Unis.

Sur ce dernier point, et considérée la paranoïa territoriale ambiante outre-Atlantique, il fallait s’y attendre. De plus, la portée réelle, effective, de ce traité est plus qu’incertaine.

La Chine, le Brésil, l’Inde et d’autres pays émergents ne participent pas aux négociations et rien n’est encore établi quant à l’intégration simplifiée dans cet accord pour ces pays. Quant au volet Web de l’accord, pour la Chine, il ne peut pas être pire que ce que le Net chinois est actuellement ! De fait, pourquoi le ratifierait-il ? Quand à la contrefaçon des produits industriels, c’est tout de même la Chine entre autres qui en inonde le monde … bel ironie si ce pays adopte l’accord. Il est vrai que le cynisme politique est sans limite de l’autre côté de la muraille.

Unilatéralité

Ce qui pose réellement problème donc, tout comme ce fut le cas avec la commission Zelnik, c’est qu’encore une fois, aucune association d’internautes n’est conviée à la table des débats. Et sur ce point, s’inquiéter est légitime. La Quadrature du Net s’émeut avec force du culte du secret. Ce qui est sûr, toutefois, selon le parlement européen, c’est que «(…) <span L’analyse de la Commission confirme que le document de travail actuel de l’ACTA restreindrait profondément les droits et<span libertés des citoyens européens (…)».

Loin d’en être au round final, l’ACTA doit être envisagée sereinement en tenant compte des leçons Loppsi et Hadopi, entre autres. Le huitième round de négociations doit se tenir en Nouvelle-Zélande et une signature «définitive» pourrait avoir lieu avant fin 2010.
En dépit des annonces faites, des libertés visiblement amoindries, il faut continuer d’être vigilant, lutter pour conserver nos libertés individuelles, pour faire en sorte que le Net ne soit pas un produit soumis à des règles marchandes mais un réel espace de liberté et d’expression libre.
Toujours est-il qu’en tout état de cause, ACTA pourrait être tout à fait similaire à ses prédécesseurs légaux français et ne faire débat que dans la mesure où la chose réinitialise des peurs liées à ce que nous savons être inapplicable.
S’il est nécessaire, encore une fois, de lutter pour défendre nos libertés, rester anarnautes, et ne pas «laisser faire» les Etats quant à la pénalisation systématique du web, il faut aussi parfois se rendre à l’évidence: à mesure que l’on découvre ce que sera ACTA, cet accord apparaît toujours plus comme un bel exemple de non débat où l’unilatéralité crée les conditions de l’impossible, de l’anti-constitutionnalité, des frayeurs entretenues dans les médias ou sur la blogosphère.

> Illustration: CC par blogpocket sur Flickr


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