OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Qui sont les jeunes ? http://owni.fr/2010/12/17/qui-sont-les-jeunes/ http://owni.fr/2010/12/17/qui-sont-les-jeunes/#comments Fri, 17 Dec 2010 07:00:43 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=39484 Chômage, discrimination à l’embauche, retraites de plus en plus illusoires, peur du déclassement, précarité, taux de suicide élevé : “la jeunesse” est souvent au cœur des politiques publiques. Pourtant, cette notion n’a jamais été aussi floue.

Si la notion d’enfance apparaît dans le vocable politique et sociologique dès le XIXème siècle, la notion de jeunesse apparaît, elle, beaucoup plus tardivement, un peu avant les années 1950. C’est sous le régime de Vichy que sont mises en places les premières politiques en direction de la jeunesse, qui ont alors pour principal but de l’embrigader dans le régime autoritaire du maréchal Pétain. Mais dès les débuts de la IVe République, la jeunesse se voit dotée de son premier maroquin ministériel, en la personne d’Andrée Viénot, (SFIO) sous-secrétaire d’État à la Jeunesse et aux Sports.

Au fil du temps, trois grandes classifications ont été retenues et ont cohabité dans le lexique politique. On trouve dans un premier temps une classification d’ordre physiologique, où la jeunesse est le moment où le corps se transforme pour devenir celui d’un adulte. Rapidement, cette définition laisse la place à une catégorisation plus institutionnelle, où la jeunesse est une “tranche” de la population française. C’est le type de découpage qui est par exemple retenu par l’INSEE, qui situe les jeunes entre 15 et 24 ans. Cette classification cohabite avec une démarcation plus diffuse, d’ordre plus générale : selon la sociologue de la jeunesse Véronique Bordes, la jeunesse serait considérée par beaucoup comme une période d’“imitation des générations précédentes ou d’expérimentation de nouvelles règles de vie”.

Perception de la jeunesse, jeunesse de la perception

Mais ce sont surtout les médias qui sont à l’origine de la construction des représentations actuelles de la jeunesse. Les années 70-80 marquent une vraie rupture, et la jeunesse est vite perçue comme un vecteur de danger et d’insécurité, tendance renforcée par l’instabilité qui apparaît dans certaines banlieues.

Les représentations de la jeunesse sont alors doubles : elle apparaît d’une part autonomisée de la société des adultes, ce qui engendre des tensions et des affrontements, et d’autre part comme un temps de socialisation et de formation, fortement différencié de celui des adultes, qui s’illustre dans la massification de l’enseignement (objectif d’amener 80 % d’une classe d’âge au baccalauréat, stages Granet pour améliorer la formation professionnelle…).

C’est en fait tout le processus de socialisation qui a été bouleversé, explique encore Véronique Bordes :

Nous sommes passés d’un modèle d’identification à l’adulte par imitation et transmission (la reproduction) à une socialisation dont le processus est continu tout au long de la vie.  Cela suppose une adaptation à une société fragmentée en de multiples micro-mondes sociaux qui ont chacun leurs normes. Aujourd’hui, être socialisé signifie être capable d’avoir accès à des codes de langage, de comportement différents et savoir les utiliser de façon opportune.

“Progressivement, la jeunesse est passée d’un modèle de « l’identification» fondée sur l’héritage, associée à la figure du père, à un modèle de « l’expérimentation » où cette identité se construit au gré des expériences socialesexplique encore la sociologue.

Dans son livre Genèses De L’insertion – L’action Publique Indéfinie paru en 1999, Chantal Guerin-Plantin résume en 4 modèles nos principales représentations de la jeunesse :

  • Une “jeunesse citoyenne” : réplication des principes de la société adulte (partis politiques de jeunes, mouvement de jeunesse…)
  • Une jeunesse “dangereuse et en danger”, à l’origine de la majorité de la délinquance et de la criminalité.
  • Une jeunesse “messianique” : les jeunes sont en rupture avec la société, vecteurs de changement social.
  • Une jeunesse “fragile” : qui doit être protégée par divers mécanismes (censure, justice).

Bien souvent, la notion de jeunesse et la représentation qui en est faite sont trop réductrices, car une telle catégorie sociale homogène n’existe pas. L’enjeu de cette définition est pourtant au cœur des politiques publiques. Et les sociologues sont unanimes : pour repenser les politiques en direction de la jeunesse, il convient de repenser les représentations. Et il y a urgence, car le pessimisme et le mal-être de la jeunesse française sont à leur paroxysme. Olivier Galland, sociologue spécialiste de la jeunesse et auteur de « Les jeunes Français ont-ils raison d’avoir peur? » (éd. Armand-Colin) l’expliquait au Parisien pendant les manifestations contre la réforme des retraites :

Ce sentiment [de pessimisme] est partagé par toute la société française et la mondialisation l’a encore renforcé. Les jeunes sont, en outre, confrontés à un taux de chômage près de deux fois et demie plus fort que celui des adultes et, depuis trente ans, malgré tous ses efforts, la France n’a pas réussi à inverser cette tendance. D’autre part, le marché du travail est organisé autour de la fracture entre CDI et CDD et ce sont les jeunes, chez qui la proportion de CDD est beaucoup plus forte, qui supportent le poids de cette flexibilité. Enfin, en période de crise, ce sont les emplois précaires qui sont touchés les premiers, donc les jeunes sont en première ligne.

C’est également le sens d’une grande étude réalisée en 2008 par l’Express et la Fondation Pour l’Innovation Politique en interrogeant près de 20 000 jeunes de 16 à 29 ans sur trois continents pour connaître leur point de vue sur leur avenir. Le tableau qui y est brossé est très peu reluisant pour la jeunesse française, qui apparaît comme la plus amorphe, la plus inquiète et la plus déprimée des pays étudiés. Les jeunes Français(es) font grise mine face aux Américains ou aux Scandinaves : par exemple, quand 63 % des jeunes Américains sont convaincus que les “gens peuvent changer la société”, seulement 39 % des jeunes Français sont du même avis.

Commentant cette étude, François de Singly, professeur de sociologie à l’Université Paris-Descartes a d’ailleurs cette phrase glaçante :

Parmi tous les pays étudiés, seuls les jeunes Français considèrent que l’obéissance est une valeur plus importante à transmettre à leurs enfants que l’indépendance.

Tout un programme.

Retrouvez l’ensemble de notre dossier sur la jeunesse et découvrez notre sondage autour de l’emploi des jeunes :

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Crédits Photo CC Flickr : Dunechaserbrizzle born and bred, -Charlotte Gonzalez-

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Danah Boyd: la “privacy” n’est pas morte http://owni.fr/2010/03/15/danah-boyd-la-privacy-nest-pas-morte/ http://owni.fr/2010/03/15/danah-boyd-la-privacy-nest-pas-morte/#comments Mon, 15 Mar 2010 18:58:32 +0000 danah boyd (trad. Alexandre Léchenet) http://owni.fr/?p=10127 danah boy (pas de capitale, à sa demande) s’est exprimée dans le cadre du festival FXSW au Texas sur la vie privée, un des thèmes que la spécialiste des médias sociaux étudie dans le cadre de ses recherches. Un discours en réaction à des déclarations récentes de pontes du web annonçant la fin de la “privacy”.


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danah boyd est une sociologue qui explore, depuis plusieurs années, la façon dont les gens s’approprient les médias sociaux, qu’il s’agisse des adolescents américains sur MySpace, de tout un chacun sur Facebook, ou de l’élite geek sur Twitter. C’est aussi une excellente oratrice, très incisive, et c’était un réel plaisir de l’entendre prononcer la conférence plénière d’ouverture du festival.

La conférence portait sur la « privacy », qu’on peut traduire imparfaitement par droit à la vie privée ; autrement dit, la capacité des individus à contrôler quels aspects de leur vie sont rendus publics, et à quel public. Le discours de danah boyd s’inscrivait en réaction directe à plusieurs déclarations récentes de caciques de l’Internet annonçant la fin de la privacy : Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, l’a déclarée « morte » il y a quelques mois, tandis que le PDG de Google, Eric Schmidt, avait soupçonné les gens qui s’inquiètent pour la privacy « d’avoir quelque chose à cacher ».

Contre cette tendance, la sociologue a affirmé que les gens n’ont à aucun moment renoncé à contrôler l’information personnelle qu’ils rendent publique, et que l’affirmation contraire est le reflet d’une croyance limitée à une petite élite sociale et technologique.

C’est cette croyance qui a conduit Google au désastre du lancement de Google Buzz : en construisant un réseau social public par défaut au sein de l’univers le plus privé qui soit (le mail), Google s’est heurté violemment au souci des individus de contrôler le passage de l’information des réseaux amicaux aux réseaux publics. C’est cette même croyance qui a poussé Facebook à rendre publique par défaut tout l’information de ses utilisateurs il y a quelque mois, avant de se rétracter en partie. Que cette croyance repose sur de l’ignorance ou le mépris des soucis réels des individus ordinaires ne change guère les données du problème.

Bien sûr, dans les couloirs de la conférence comme sur twitter, les festivaliers n’ont pas manqué de soupçonner que l’embauche récente de la sociologue par Microsoft Research contribue à la virulence vis-à-vis de Google et Facebook. La démonstration n’en reste pas moins intéressante.

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danah boyd a commencé par rappeler que, dans la vraie vie (IRL), la privacy est l’objet d’apprentissages et de négociations toujours imparfaites. On apprend à faire plus ou moins confiance aux individus quant à la rétention de l’information qu’ils ont sur nous ; et on apprend à faire plus ou moins confiance aux endroits dans lesquels on se trouve. Par exemple, si dans un café j’entends le récit très intime de mes voisins de table, la norme sociale veut que je me comporte comme si je ne l’avais pas entendu, et que je ne fasse aucun usage de cette information.

Ces normes sont toujours en partie floues, renégociées selon les situations ; elles n’en sont pas moins cruciales au bon déroulement de notre vie sociale. Le contrôle de la diffusion de notre information personnelle repose donc, IRL, sur des suppositions raisonnables quant à la confiance que l’on peut accorder aux gens et aux lieux.

Il n’y a aucune raison de croire que ces enjeux soient différents en ligne. Les gens ordinaires interviewés par la sociologue n’ont pas abandonné l’idée de contrôler la publicité de leur information. Bien sûr, ils sont prêts à publier beaucoup de choses en ligne, parce que c’est justement le ressort du web social : on se montre pour susciter des rencontres.

Mais cela ne signifie pas qu’on accepte par extension de tout montrer à tout le monde : un statut facebook s’adresse à mes amis Facebook, aux personnes avec lesquelles j’interagis régulièrement. Les adolescents qui s’exposent souhaitent se montrer à leurs pairs, pas aux gens qui ont du pouvoir sur eux (parents, enseignants, recruteurs, etc.).

La plupart du temps, lorsque le fruit de cette exposition (photos, blagues, opinions à l’emporte-pièce…) se trouvent être public, et accessible notamment aux moteurs de recherche, c’est par ignorance des règles de fonctionnement des sites et de leur évolution. d. boyd a ainsi demandé à des dizaines d’utilisateurs ordinaires ce qu’ils pensaient être leurs paramètres de privacy sur Facebook, avant de vérifier les paramètres effectivement activés : « le taux de recoupement est de 0% ».

Quelle importance finalement, du moins pour tous les gens qui n’ont « rien à cacher » ? D’une part, bien sûr, l’exposition d’une conversation privée à un public large peut générer des drames liés à la pression de l’attention publique. Mais surtout, danah boyd rappelle que l’espace public de nos sociétés occidentales n’est pas, du moins pas encore, parfaitement égalitaire et démocratique.

Lorsque les individus blancs, mâles, surdiplômés et ultra-compétents technologiquement, qui constituaient la majorité de l’auditoire, s’expriment dans l’espace public, ils estiment avec raison ne prendre aucun risque pour leur vie privée ou professionnelle.

Mais l’espace public, même numérique, n’est pas si accueillant pour tout le monde : danah boyd remarque que lorsque plusieurs sujets liés à la culture noire-américaine apparaissent dans les « trending topics » de twitter, les réactions de rejet fleurissent. Et plus généralement, de très nombreux professionnels sont trop dépendants de leurs clients et employeurs pour qu’on les contraigne à afficher leurs conversations en ligne ; il n’est sans doute pas souhaitable que les opinions politiques et religieuses des enseignants soient accessibles facilement aux parents d’élèves. La publicité sur les réseaux sociaux n’est pas nécessairement un outil de démocratisation de l’espace public, et peut très bien opérer dans le sens contraire.

En guise d’adresse finale aux décideurs et créateurs de technologies sociales présentes dans la salle, Danah Boyd a rappelé qu’il n’existe pas de solution miracle : le problème n’est pas d’inventer le bon algorithme. Il faut plutôt chercher des outils permettant de rendre autant que possible le contrôle aux utilisateurs, outils qui seront, comme dans la vraie vie, forcément imparfaits.

> Article initialement publié sur Frenchxsw

> Illustration par Michael Francis McCarthy et par alancleaver_2000 sur Flickr

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Comment lisons-nous les photographies ? http://owni.fr/2010/02/26/comment-lisons-nous-les-photographies/ http://owni.fr/2010/02/26/comment-lisons-nous-les-photographies/#comments Fri, 26 Feb 2010 17:30:23 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=9103 IMG_8376

Le magazine Le Chasseur d’images propose une rubrique régulière de critique des photos envoyées par les lecteurs, intitulée “L’Album des lecteurs”. Le journal ajoute quelques indications techniques, notamment l’appareil utilisé. Entretenu sur la durée, un tel échantillon constitue un corpus précieux pour étudier l’évolution de la pratique des “amateurs experts”.

Mais les appréciations rédigées par la rédaction peuvent elles aussi apporter d’utiles enseignements. Composée d’une quinzaine de photographies qui sont autant de “cas”, la sélection publiée suscite logiquement un commentaire élogieux. Mais celui-ci est systématiquement balancé par une critique, dont l’expression est justifiée par le caractère pédagogique de la rubrique. Le rédacteur, photographe professionnel, gratifie l’amateur – et les lecteurs du journal – d’une leçon d’autant plus efficace qu’elle s’effectue par l’exemple.

Dans le numéro de mars 2010, nous pouvons ainsi découvrir le commentaire suivant d’une photographie envoyée par Patrick Barbazan: «Certes, ces trois dos tournés et leurs tresses blondes ne manquent pas d’intérêt. Mais comme votre courrier ne donne aucune explication sur la photo, on se demande ce que vous voulez montrer. Avec cette profondeur de champ, vous accréditez l’idée que les enfants sont en admiration devant le monument. Si vous vouliez donner l’impression d’une bouderie à l’égard du photographe, il fallait que seuls les enfants soient nets» (p. 163).

Patrick Barbazan n’a pas joué le jeu. Sa photographie, réalisée au Nikon Coolpix 4300, ne porte aucune précision de titre qui permettrait à l’observateur de situer une circonstance, et donc de préciser la signification de l’image. Réduit au jeu des devinettes, Guy-Michel Cogné suggère une interprétation de l’image comme mise en scène d’une “bouderie à l’égard du photographe”, qui le conduit à critiquer une profondeur de champ trop importante.

J’aime bien cette image, sa composition comme son caractère énigmatique. Face à cette photographie, je ne peux m’empêcher de me livrer à mon tour une tentative de décodage. L’absence de titre comme l’appareil utilisé m’aiguillent vers une prise de vue familiale qui a dévié, plutôt que vers une mise en scène soigneusement préparée. J’imagine l’occasion d’une photographie de groupe, modifiée de façon impromptue lorsque l’auteur remarque que les fillettes portent toutes trois une coiffure similaire. Il s’agirait alors d’un “portrait avec tresses”, dont la spontanéité relative est compatible avec la profondeur de champ ordinaire d’un compact à petit capteur.

Peu importe que cette interprétation soit ou non la bonne. Dans la plupart des cas de photographie familiale, il n’y a pas “une” signification définitivement stabilisée, mais plutôt une ouverture à des lectures diverses, construites a posteriori à partir des contextes d’usage des images. Ce qui est important, c’est que j’ai besoin d’une option de lecture: je ne peux pas apprécier cette photographie indépendamment de l’interprétation qui lui donne sens, et qui revient en dernière instance à identifier l’intention de l’auteur.

Se proposant d’établir la définition sociale de la photographie, Pierre Bourdieu avait lui aussi collecté une série de réactions interprétatives (malheureusement déconnectées des images sources) auprès de ses témoins: «Une mèche de cheveux, une chevelure, elle est jolie, celle-là aussi; elle est loupée, c’est fait exprès; il a joué sur les défauts pour ne laisser voir que les cheveux. Un tour de force, ça! C’est un artiste qui a fait ça?» «Une chose qui manque, c’est d’avoir fait de la photo. On ne peut pas savoir ce qui est loupé» (Un art moyen, Minuit, 1965, p. 131).

Selon Bourdieu, en cherchant ce que la photographie devait signifier, ces commentaires manifestent un «goût barbare». «La lisibilité de l’image elle-même, explique-t-il, est fonction de la lisibilité de son intention (ou de sa fonction).» En observant que «l’attente du titre ou de légende qui déclare l’intention signifiante» est le seul critère permettant «de juger si la réalisation est conforme à l’ambition explicite», le sociologue porte un regard sévère sur cette esthétique populaire, incapable de s’élever vers une perception non strictement fonctionnelle.

En réalité, notre appréciation d’une œuvre d’art n’est pas moins tributaire de la connaissance des intentions de l’auteur. La principale différence est que le contexte indiqué par les conditions d’exposition diminue largement l’incertitude sur ce caractère. Ce que trahit le retour insistant de la question de l’intention dans l’interprétation photographique n’est pas le caractère conventionnel de la prise de vue, mais au contraire une ouverture trop importante du spectre des possibles – non pas un signifié rabattu de force sur le signifiant, mais au contraire un caractère flottant de la signification.

Que nous montrent ces trois paires de tresses? Des enfants absorbées dans l’observation d’une vieille batisse – photo de reportage? La “bouderie à l’égard du photographe” – mise en scène volontaire? Un portrait à l’envers de trois coiffures semblables – impromptu formaliste? Ou encore aucune de ces trois lectures? En l’absence de légende, il est impossible de trancher, et il n’est même pas certain qu’une intention univoque ait préexisté à la lecture de l’image.

Contrairement au message linguistique, élaboré afin de réduire l’ambiguïté de la communication, l’image ne relève pas d’un système de codes normalisés qu’il suffirait d’appliquer pour en déduire le sens. Comme celle d’une situation naturelle, sa signification est toute entière construite par l’exercice de lecture, en fonction des informations de contexte disponibles et des relations entre eux des divers éléments interprétables.

Un aspect révélateur de la nature du signe linguistique est sa traductibilité. C’est parce qu’il repose sur un ensemble de codes externes – alphabet, vocabulaire, grammaire – qu’un message peut être traduit d’une langue à l’autre. La lisibilité d’une image s’appuie au contraire sur l’universalité de la perception visuelle – et simultanément sur le capital culturel individuel de l’observateur. Ce qui explique qu’il puisse y avoir plusieurs lectures d’une image, alors même que celle-ci ne peut faire l’objet d’une traduction au sens strict.

C’est parce l’image n’est pas un signe (au sens où celui-ci représente l’unité identifiable d’un système normalisé) qu’elle présente un degré élevé d’ambiguïté – ce que nous appelons souvent “polysémie” de l’image. Réduire cette ambiguïté est la condition de la reconnaissance d’une signification. En l’absence d’un titre ou d’une légende suffisamment explicite, l’identification de l’intention de l’auteur fournit apparemment la clé la plus efficace de ce processus.

» Article initialement publié sur Culture Visuelle

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Twitter déménage au Bouthan http://owni.fr/2009/08/05/twitter-demenage-au-bouthan/ http://owni.fr/2009/08/05/twitter-demenage-au-bouthan/#comments Wed, 05 Aug 2009 08:33:23 +0000 Stéphane Favereaux http://owni.fr/?p=2193 Loin du cynisme des lois qui tentent d’encadrer et d’enfermer Internet, depuis quelques semaines, le site We feel fine (http://wefeelfine.org/ ) tend à mesurer l’indice de bonheur des adeptes de Twitter et des blogueurs. Cet Indice Twitteristique de Bonheur Brut se fonde sur l’analyse de mots-clés via un logiciel conçu par  Peter Dodds et Chris Danforth.

Les deux développeurs ont dû s’inspirer d’un principe mis en place dans un royaume himalayen : le Bhoutan. Depuis 1972, Kim Jigme Singye Wangchuck, le Roi du pays,  ne se préoccupe guère de la croissance économique mais porte sa priorité sur le BNB, ou Bonheur National Brut, de ses sujets. Nombre de sociologues américains ont voulu reprendre cette idée, c’est le Net qui le développe !

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Le logiciel en question farfouille donc sur plus de 2 millions de blogs anglophones et y repère des phrases commençant par : « I feel » (James Brown es-tu là ?!) ou « I wish I could », « I am feeling » et autres synonymes ayant trait à l’expression d’un sentiment, d’un ressenti.

Plus de 1000 mots sont ainsi pistés sur les blogs pour évaluer ce qui se passe dans la tête des blogueurs, des rédacteurs.

Twitter n’y échappe pas : 1000 tweets sont analysés par minute suivant les mêmes critères.

Gageons que les Etats-Unis et les autres pays prennent exemple sur ce site et le Bouthan. En effet, la dernière fois que le bonheur fut évoqué comme un but dans ce pays, c’était en juillet 1776.Thomas Jefferson, le pauvre ne connaissait pas Twitter, affirmait alors que la « poursuite du bonheur était un droit humain fondamental ».

Un pic de bonheur a été observé lors de l’élection d’Obama (étonnant !!) cependant que le traumatisant 9/11 vit le bonheur faire place au malheur (étonnant !!). Une Nation mesurée à l’aune des blogs et des tweets… ne serait-ce pas plus sûr que des sondages Opinion Ways ?

Seul point commun entre cet indice de mesure du bonheur et les sondages toujours en question dans l’actualité entre le Figaro et le Palais Sarkosyesque, la représentativité de la population n’est pas garantie.

Toujours est-il qu’il pourrait être pertinent que l’interface soit développée en français. Cela fournirait un outil de veille supplémentaire pour voir l’état d’esprit des internautes…

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