OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’impression 3D vend son âme http://owni.fr/2012/09/25/limpression-3d-vend-son-ame/ http://owni.fr/2012/09/25/limpression-3d-vend-son-ame/#comments Tue, 25 Sep 2012 10:06:36 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=120703 business model basé sur l'open source. Mais la polémique enfle depuis le lancement ce mois-ci de leur nouveau modèle, qui est fermé. Certains l'accusent d'avoir renoncé à leur éthique sous la pression des investisseurs qui ont apporté 10 millions de dollars l'année dernière. ]]>

Deux imprimantes 3B Replicator Makerbot

Ce jeudi, Bre Pettis, co-fondateur de MakerBot Industries, fabricant à succès d’imprimantes 3D grand public MakerBot, doit donner un talk à l’Open Hardware Summit sur “les challenges des biens de consommation open source”. Ce qui fait bien ricaner une partie de la communauté de l’open hardware, et en particulier ceux qui contribuent au développement desdites imprimantes.

Car depuis le lancement ce mois-ci de la quatrième génération d’imprimante de l’entreprise américaine, la Replicator 2, la polémique enfle dans le petit milieu : ce nouveau modèle n’est pas open source. MakerBot a vendu son âme au monde des systèmes propriétaires sous la pression des investisseurs, accuse-t-on dans le milieu. Fini a priori l’éthique hacker qui guidait ses décisions. Une triste évolution qui se lirait dans la chronologie des faits marquants de leur jeune histoire.

MakerBot Industries a été créée en 2009 de la volonté de développer les imprimantes 3D open source domestiques, en se basant sur la RepRap, la pionnière du genre. Ses trois co-fondateurs, Bre Pettis, Zachary Smith et Adam Mayer sont issus du milieu hacker. Les deux premiers ont d’ailleurs fondé le hackerspace new-yorkais NYC Resistor.

Plus qu’un outil, RepRap symbolise une vision politique de l’open source hardware (OSHW), dont témoigne le discours d’un de ses développeurs, Adrian Bowyer : cet ingénieur rêve d’un monde où les entreprises traditionnelles seraient court-circuitées. La fabrication des produits manufacturés serait assurée par les citoyens eux-mêmes, grâce à des imprimantes 3D utilisant des plans open source partagés en ligne.

Le fondateur d’Amazon dans le tour de table

Dans les premiers temps de son existence, MakerBot réussit à fédérer une jolie communauté soudée autour des valeurs de partage et d’ouverture chères à l’éthique hacker. L’entreprise a aussi lancé le site Thingiverse, où les bidouilleurs du monde entier peuvent faire profiter des plans des objets qu’ils bidouillent avec les machines.

L’entreprise est un succès, elle compte maintenant 150 salariés, et finit par attirer l’attention des investisseurs. L’année dernière, elle lève 10 millions de dollars, alors qu’elle a commencé avec 75.000 dollars en poche. Dans son tour de table, Jeff Bezos, un des fondateurs d’Amazon. Et début de la descente aux “enfers propriétaires”.

Parmi les signes avant-coureur, le changement des conditions d’utilisation en février dernier est pointé, plus particulièrement la clause 3.2, qui oblige les contributeurs à renoncer à leur droit moral et notamment à leur droit à la paternité. Du coup, MakerBot peut utiliser le travail de la communauté dans ses produits, qu’ils soient ouverts ou fermés.

Josef Prusa, un des développeurs importants de RepRap qui monte aussi sa boîte, entame dans la foulée un mouvement Occupy Thingiverse et publie un billet à l’ironie amère :

L’impression 3D est maintenant pleine de merde. [...]

Hey regarde, nous avons pris toutes vos améliorations que vous avez partagées sur Thingiverse, nous les avons compilées dans un package et nous les avons fermées pour vous :-D .

Les imprimantes MakerBot 3D : la Replicator à gauche et la Thing-o-matic à droite

Parmi les autres indices, il y avait eu aussi au printemps dernier le départ de Zachary Smith. Il s’est aussi exprimé sur la polémique avec la même franchise :

J’essaye de contacter les gens pour prendre la mesure des choses mais jusqu’à présent, personne ne parle, et mes anciens partenaires ne répondent pas à mes appels et mes mails. Cela ne va pas, certainement. La meilleure information que j’ai trouvée est une tonne de double langage d’entreprise bullshit [La réponse de Bre Pettis, ndlr] qui caractérisait mes interactions récentes avec MakerBot.

Louvoiement

Face aux critiques, Bre Pettis se défend dans un billet au titre risqué, tant les reproches semblent fondés : “Réparer la désinformation avec de l’information”

Question 1 : est-ce que la MakerBot Replicator 2 est Open Source ?

Nous y travaillons et nous serons aussi ouvert que nous pourrons l’être alors que nous construisons un business durable.

Ou plutôt louvoie, comme taclent certains commentateurs :

Uh, FYI, tu as posé cette question :

Question 1 : est-ce que la MakerBot Replicator 2 est Open Source ?

Mais tu n’y as pas répondu. Tu tournes juste autour du pot et tu saupoudres d’une poignée de joyeux mots sur l’open source.

Steve Jobs du hardware

L’histoire dépasse la simple anecdote pour renvoyer à une histoire plus ancienne, celle du logiciel. Libre par défaut à ses débuts, sans que ce soit codifié, il est devenu propriétaire à la fin des années 70-début des années 80, quand il a commencé à générer une économie viable avec la montée en puissance de l’ordinateur personnel. Bre Pettis serait somme toute le nouveau Steve Jobs, plus entrepreneur que hacker.

Et comme le souligne Zachary Smith, ce tournant de MakerBot est un coup porté à ceux qui croient que l’OSHW constitue un écosystème viable :

Non seulement ce serait la perte d’un fabricant OSHW important, mais ce serait aussi la perte d’une figure emblématique pour le mouvement. De nombreuses personnes ont montré MakerBot et ont dit : “Oui, l’OSHW constitue un business model viable, regardez combien MakerBot a de succès.”

S’ils ferment leurs portes, alors cela donnerait aux gens qui diraient que l’open source hardware n’est pas viable des munitions pour leur argumentation.

Cela découragerait de nouvelles entreprises OSHW de se monter. C’est vraiment triste.

Si l’histoire se répète, la logique voudrait qu’après un coup de barre propriétaire, l’open hardware prenne sa revanche dans quelques années : l’OSHW a ses Steve Jobs, elle aura bien ses Stallman.


Imprimantes 3D via les galeries photo de wwward0, makerbot et cogdogblog sous licences Creative Commons

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Les Fab Labs, ou le néo-artisanat http://owni.fr/2011/05/29/les-fab-labs-ou-le-neo-artisanat/ http://owni.fr/2011/05/29/les-fab-labs-ou-le-neo-artisanat/#comments Sun, 29 May 2011 15:43:00 +0000 Vincent Truffy http://owni.fr/?p=65124 Dans Tintin et le lac aux requins, le professeur Tournesol invente un engin révolutionnaire : le photocopieur en trois dimensions. On met un objet d’un côté, un peu de pâte de l’autre et en un tournemain l’original est reproduit à l’identique. Une telle machine existe depuis quelques années sur un principe pas très éloigné de ce qu’avait imaginé Hergé.

On charge un modèle 3D dans la mémoire d’une imprimante qui, point par point, dépose des morceaux de colle, de plastique, de métal ou même de sucre selon les coordonnées spécifiées et recommence à l’étage suivant jusqu’à obtenir, par stratification, un objet en relief.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mais contrairement à la bande dessinée, aucun Rastapopoulos ne cherche à voler la RepRap (pour « réplication rapide ») parce que ses plans sont disponibles, librement, gratuitement, sous licence libre (GNU Public License), modifiables à volonté. Et que la machine sait même fabriquer ses propres pièces.

À vrai dire, il n’est pas absolument certain pourtant que le photocopieur de Tournesol, ou le synthétiseur de Star Trek ou un quelconque autre objet de science-fiction soit à l’origine des FabLabs. Il faut plutôt aller chercher du côté des obscurs cours d’éducation manuelle et technique où un professeur de collège en blouse bleue enseignait à utiliser la machine à coudre, la scie et la perceuse à des élèves qui n’en voulaient pas, persuadés que le savoir-faire les éloignait du savoir et que l’EMT les menait tout droit à l’enseignement professionnel.

Mais c’est un cours d’EMT deluxe, car il naît dans une grande université américaine, le Massachussetts Institute of Technology. Comme son nom l’indique, c’est la science appliquée qui est enseignée ici, et à un moment ou à un autre, l’étudiant doit réaliser le projet qu’il élabore. En 1998, le physicien Neil Gershenfeld prend donc la responsabilité d’un cours pratique de prototypage malicieusement intitulé « How to make (almost) anything » (Comment fabriquer (presque) n’importe quoi). On trouve dans son atelier de lourdes et coûteuses machines-outils capables de manipuler les gros volumes aussi bien que les atomes.

« Ils fabriquaient des objets pour un marché d’une personne »

Ses étudiants, apprentis ingénieurs mais sans bagage de technicien restent incrédules — « Ils demandaient: “Ça peut être enseigné au MIT ? Ça à l’air trop utile ?” », raconte Gerschenfeld. Mais très vite, il s’approprient le lieu, fabriquent un double des clés et reviennent nuitamment pour fabriquer « (presque) n’importe quoi », conformément à la promesse initiale. Beaucoup de petits objets à vocation plus artistique que technique. Une « scream buddy » [vidéo, en], par exemple, sorte de sac ventral qui étouffe le cri de colère lorsque celui-ci est inopportun, mais sait le libérer plus tard. Un réveil qui ne cesse de sonner que lorsqu’il s’est assuré que le dormeur est réellement réveillé… parce qu’il est capable de remporter un jeu contre lui… « Ils fabriquaient des objets pour un marché d’une personne », explique Gershenfeld.

Mais plutôt que de considérer ces réalisations comme de futiles broutilles, comme des errements potaches, l’universitaire s’aperçoit que ses étudiants ont réinventé l’échelon artisanal, celui qui se satisfait des matières premières locales et remplit des besoins particuliers que ne sait pas combler l’industrie, toute à son désir de s’adresser à une demande de masse, globale et indifférenciée.

En 2002, il ouvre le premier FabLab au MIT, doté d’un projet presque politique. D’abord, pose-t-il, « il s’agit de créer plutôt que de consommer » : la technologie est perçue comme un instrument d’émancipation. « La disparition des outils de notre horizon éducatif est le premier pas sur la voie de l’ignorance totale du monde d’artefacts dans lequel nous vivons, explique Matthew B. Crawford dans Éloge du carburateur (La Découverte). Ce que les gens ordinaires fabriquaient hier, aujourd’hui, ils l’achètent ; et ce qu’ils réparaient eux-mêmes, ils le remplacent intégralement. » Contre l’obsolescence programmé des biens de consommation, le savoir-faire ferait sortir de la dépendance :

Retour aux fondamentaux, donc. La caisse du moteur est fêlée, on voit le carburateur. Il est temps de tout démonter et de mettre les mains dans le cambouis…

Mais pourquoi faire soi-même ce que les professionnels fabriquent mieux et probablement pour moins cher ? Gerschenfeld rappelle la fameuse prédiction de Ken Olsen, fondateur de Digital Equipment, en 1977 : « There’s no need for a computer at home. » De la même façon, il n’y a aucune raison de disposer d’une usine à domicile, sauf si cela devient aussi anodin que l’informatique.

Au final, les centres de fabrication seront comme les PC, simplement des technologies dont les gens disposent.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les FabLabs vont au-delà de l’artisanat par leur capacité à exploiter le réseau : les usagers peuvent confronter leurs idées, les partager sur place comme à distance, les adapter à de nouveaux besoins et les améliorer sur le modèle du logiciel libre. Fabien Eychenne, chef de projet à la Fondation Internet nouvelle génération (FING) raconte par exemple qu’il a rencontré des élèves designers, disposant d’outils plus perfectionnés dans leur école, qui se rendaient dans un FabLab parce qu’on n’y était pas qu’entre designers.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le deuxième atelier a été ouvert en Norvège au-delà du cercle polaire, où les éleveurs de rennes avaient besoin de puces GPS bon marché pour localiser leurs animaux. Ce genre de besoins avec des enjeux très locaux, ne sont couverts ni par l’artisanat parce que trop techniques, ni par l’industrie parce que trop ponctuels et probablement non rentables. Gershenfeld a d’ailleurs obtenu une bourse de la National Science Foundation (NSF) pour organiser un réseau de FabLabs dans les pays du Sud : au Ghana (vidéo, en), pour fabriquer des filtres à eau, en Afghanistan pour reconstituer un réseau de télécommunications après la guerre, en Inde pour des instrument de diagnostics pour les moteurs de tracteurs, etc.

Il ne s’agit pas que d’une industrie du pauvre ou d’un mouvement de contestation du consumérisme. Chaque FabLab créé depuis que le réseau est lancé oriente son projet, lui donne une coloration: l’un plus artistique – le remix, le détournement, le sample appliqué aux arts plastiques –, l’autre plus militant – la base se réapproprie les outils de production –, le troisième axé sur l’innovation ascendante – on abaisse la barrière à l’innovation, de la même façon que le Web a abaissé la barrière à l’expression publique – ou encore écologique – la récupération, le recyclage.

À lire la charte des FabLabs, le business n’est pas absent :

« Des activités commerciales peuvent être incubées dans les Fab Labs, mais elles ne doivent pas faire obstacle à l’accès ouvert. Elles doivent (…) bénéficier à leur tour aux inventeurs, aux labs et aux réseaux qui ont contribué à leur succès. » A côté des open days où ils laissent les machines à la disposition de tous contre la promesse de reverser les innovations et les modèles à la collectivité, certains FabLabs proposent des journées privées, où l’usage des machines est payant, mais qui permet de développer rapidement des prototypes brevetables et de trouver un modèle économique. Ce faisant, c’est le brevet et le copyright qui finance l’innovation ouverte.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

A l’occasion de Futur en Seine (du 17 au 26 juin), la FING monte un FabLab temporaire à la Cité des sciences (niveau -1, carrefour numérique) pour familiariser le grand public avec ce néo-artisanat. Pendant les week-ends, les membres de la Fondation proposeront des visites et feront tester la découpe laser. Le mercredi, ils organiseront un FabLab Kids pour les enfants du quartier (avec notamment des expériences de circuits bending, c’est-à-dire le détournement des circuits électroniques des jouets pour leur faire faire autre chose que ce pourquoi ils sont prévus. Ils accueilleront des « makers » résidents appelés à réaliser en public les projets qu’ils ont déposés pour le Unlimited Design Contest et mèneront des actions de sensibilisation pour les industriels et les pouvoirs publics.

À lire : Makers : Faire société et Makers : Refabriquer la société
À voir : la conférence TED de Neil Gershenfeld

Merci à Véronique Routin et Fabien Eychenne, pour leurs renseignements.

Billet initialement publié sur Le bac à sable de Vincent Truffy, sous le titre « Fabulous Fab(Labs) »

Image de RepRap Flickr CC Paternité illustir

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Vers des objets open-source http://owni.fr/2010/08/20/vers-des-objets-open-source/ http://owni.fr/2010/08/20/vers-des-objets-open-source/#comments Fri, 20 Aug 2010 13:35:19 +0000 Olivier "Babozor" Chambon http://owni.fr/?p=25048 Depuis quelques mois maintenant se joue une guerre passionnante (à plus d’un titre), qui risque bien de révolutionner le monde de l’électronique et de l’informatique tel que nous le connaissons aujourd’hui, avec l’avènement d’un mouvement qui sera difficilement stoppé, celui de l’OpenSource Hardware (ou Matériel OpenSource, que nous résumerons par HSW).

Les exemples sont nombreux : prenez l’iPad ou le nouvel iPhone, avec un écran tactile multi-touch vraiment précis ou une batterie qui font rougir nos ordinateurs portables avec une longévité de plus de 8 heures (contre 2-3 maximum pour les autres batteries)… Ajoutez à cela un design bien pensé et des processus industriels maîtrisés et vous avez un véritable bijou technologique à la portée de (presque) tous.

Tout cela est très bien à une seule exception près, ces merveilleux gadgets sont tous “bloqués” aussi bien au niveau logiciel que matériel. Aucune possibilité de modifier ne serait-ce le code source des logiciels qui le pilotent, que de modifier, bidouiller le matériel que vous avez acheté.

Il y a peu, une cour de justice américaine a légalisé le fait de “jailbreaker” votre iPhone (de passer outre la restriction logicielle), mais avec le risque de se voir annuler la garantie par Apple.

Reprendre la main sur la technologie

Faites un tour de votre chez-vous et comptez le nombre d’appareils électroniques qui le truffent, des appareils de plus en plus sophistiqués, que ce soit votre téléphone (de plus en plus smart et qui sert de moins en moins à téléphoner), vos ordinateurs (portables ou non, avec différentes capacités, différents systèmes d’exploitations disponibles), votre télévision (dont l’arrière avec ses nombreux branchements ressemble de plus en plus à une navette spatiale), votre frigo (qui régule tout seul la température, la consommation optimale d’énergie et vous indique l’heure), votre lave linge (qui calcule automatiquement le poids de votre linge et le cycle le plus adapté)… etc.

Tous ces appareils sont des ordinateurs en puissance déportés et ils vous envahissent de plus en plus. Rien de mal à cela, puisque pour la plupart ils nous aident dans nos corvées quotidiennes… Nous sommes donc entourés par les nouvelles technologies, qui nous aident et nous permettent de faire plein de choses.

Seul problème: la plupart des gens sont perdus, voir noyés sous cette débauche de technologie. Mes parents étaient déjà largués quand il fallait programmer un magnétoscope, aujourd’hui brancher une télévision, ou réparer un frigo ressemble plus à une galère qu’à une réelle avancée technologique, un peu comme le changement dans les voitures il y a de cela quelques années. Je me souviens de mon père et de sa Renault 12 blanche, un vieux tacot, avec dans le coffre un chiffon, un marteau, un tournevis et une pince bécro… C’était le matériel nécessaire pour réparer 80% des pannes usuelles. Aujourd’hui ouvrez votre capot et vous vous trouverez bien embêté de réparer ça, puisque sans la mallette électronique de diagnostic, impossible d’initier la moindre réparation (à part changer l’huile et encore) sans passer par le garagiste agréé.

Je ne dis pas qu’il faut revenir aux technologies du Moyen Âge, revenir au feu de bois et au cellier, mais que pour pouvoir se libérer de la technologie il faut une technologie accessible, pas spécialement simple, mais accessible et c’est là tout le sens du combat de l’OpenSource Hardware.

Définition et utilité

De ces quelques remarques est né un mouvement semblable à celui du monde du logiciel, mais qui s’applique à tout le matériel qui nous entoure (et spécifiquement à l’électronique) en reprenant le système qui a fait ses preuves d’OpenSource.

Toutes les personnes dans ce mouvement répondent à quelques règles simples:

— Tous les fichiers de conception du matériel sont en libre accès à tous, distribuables, modifiables à volonté.

— Ces fichiers sont accessibles à tous sans discrimination ni échange monétaire.

— Vous êtes libre de fabriquer, distribuer, vendre, modifier le matériel du moment que vous citez sa source.

Le but est de libérer complètement le matériel et offrir la possibilité à tous de pouvoir se fabriquer (ou faire fabriquer) n’importe quel matériel, de pouvoir modifier, améliorer, adapter le matériel déjà disponible.

Soyons clair : l’innovation, la vraie, se fait dans les garages ou sur le bord d’un coin de table (je ne parle pas de la recherche fondamentale mais de l’innovation) puisque le plus souvent le but est de répondre à un problème simple, par une solution plus ou moins simple.

Aujourd’hui si vous voulez modifier ou améliorer un produit, vous pouvez le faire dans un contexte privé avec deux limitations : votre garantie est foutue et vous ne pouvez pas distribuer ou vendre votre trouvaille. Le but donc de l’OpenSource Hardware est double : redonner la main aux gens sur la technologie et booster l’innovation via les milliers de geeks qui peuplent le web, travailler sur la collaboration, l’intelligence collective plus que sur la concurrence et la guerre commerciale nourrie de brevets.

C’est certes pour l’instant encore un peu obscur et réservé à une minorités de technophiles (comme pouvait l’être Linux il y a encore une dizaines d’années) mais le mouvement prend de l’ampleur.

Deux exemples: le RepRap et l’Arduino

Le premier exemple est un appareil un peu étrange, un projet initié par un professeur de l’université de Bath en Angleterre : une imprimante 3D auto-réplicatrice. Le RepRap est une imprimante 3D qui vous permet d’imprimer via des couches successives de plastique fondues un objet : une tasse, un porte-manteau, une salière… Vous construisez votre objet sur un logiciel 3D et comme pour le papier, vous lancez votre impression et quelques minutes ou heures plus tard vous avez votre objet.

Le matériau utilisé est du filament ABS principalement (le plastique utilisé pour les briques de Lego, particulièrement dur et résistant, mais ils utilisent aussi d’autres plastiques, ainsi que des plastiques végétaux, comme le PLA), mais surtout la machine peut imprimer la moitié de ses propres pièces (toutes les pièces plastiques en fait) pour permettre à une autre personne de se construire à son tour sa propre imprimante 3D.

Nous n’en sommes pas encore au stade ou ma mère va imprimer son assiette ou son pot de fleur, ce système étant pour l’instant assez compliqué (même moi, bien que fasciné par le projet, j’avoue que j’ai du mal) et nécessitant un niveau technique élevé. Mais la troisième version de cette imprimante 3D est en cours de développement (de façon collective et collaborative) avec un prix de 350 euros environ (contre 15 000 pour un produit commercial) et surtout avec en point de mire le recyclage parfait : pouvoir utiliser les plastiques que vous récupérez tous les jours pour créer de nouveaux objets.

Le deuxième exemple est tout aussi technique mais beaucoup plus accessible. Arduino est une plaque électronique très simple qui vous permet de connecter plus ou moins n’importe quoi (des capteurs, des boutons, des relais, des moteurs, etc.) en entrée et en sortie et de tout contrôler via un langage de programmation très simple.

Vous pouvez ainsi sans trop d’effort faire un système lumineux qui vous prévient de l’arrivée d’un e-mail (via une diode et un EthernetShield, une plaque pour vous connecter au réseau), rajoutez un capteur d’humidité et votre plante verte vous twitte quand elle a besoin d’eau… Les applications sont virtuellement illimitées, avec une communauté très active et un prix d’entrée à 25 euros, ce qui la rend très abordable.

Comme on le voit, aujourd’hui ce sont des dispositifs encore limités (tout le monde n’a pas besoin d’une imprimante 3D ou d’être prévenu via Twitter quand sa plante à soif, encore que…) et qui demandent une certaine technicité pour être réalisés, mais tous les jours de nouveaux projets se lancent dans des domaines toujours plus divers les uns que les autres et se rapprochant de plus en plus de nos besoins.

Un business qui marche

J’entends déjà vos cris: “Ouais des trucs qui servent pas à grand chose, et puis tu te fera jamais de fric avec ça…” et là vous vous trompez.

Vu que les design des différents appareils sont disponibles pour tous, rien n’empêche à une grosse firme chinoise de les prendre, de les fabriquer et de les vendre et cela ne pose aucun problème, et ce pour deux raisons :

— Le but de l’OpenSource Hardware comme pour le logiciel est d’être distribué au plus grand nombre pour leur permettre de profiter des avancées technologiques ou des innovations (et aussi la possibilité de les modifier, bidouiller et de re-distribuer le nouveau design amélioré)

— On oublie le principe de communauté, très fort ici, et qui fonctionne très bien. Si vous savez (puisque c’est dans la licence) que cet appareil est fait par machin, et que vous pouvez l’acheter à différents endroits, il y a de grandes chances que vous alliez l’acheter directement chez le concepteur, plutôt que chez un obscur distributeur que vous ne connaissez pas.

Aujourd’hui il y a 13 distributeurs d’OpenSource Hardware aux États-Unis qui font un chiffre d’affaire supérieur à un million de dollar (ce qui est loin d’être négligeable, voir cette présentation de LadyAda de AdaFruitIndustries) ce qui valide sans problème que ce business model est viable, un business model équitable, qui démontre que donner gratuitement et vendre ne sont pas incompatibles.

Pour exemple en France, Hackable Device vend tout un tas de produits bidouillables et libres, des ordinateurs libres (dépourvus complètement de brevets, que ce soit pour le matériel, les drivers ou les logiciels), de l’Arduino, au premier téléphone libre, en passant par le TV-B-Gone (une télécommande universelle pour éteindre toutes les télés) et plein d’autres trucs…

Cela reste aujourd’hui encore au stade embryonnaire, adopté par quelques fadas dans mon genre, mais les avancées sont significatives et surtout cela montre qu’un autre mode de conception (collective et intelligente), de fabrication (où les usines sont là pour fabriquer et non pour nous emprisonner) et de vente (respectueux du concepteur, sans brider la vente à une seule entreprise) est possible.

Cela laisse aussi présager pour les années à venir, des projets passionnants qui verront le jour et qui je l’espère envahiront peu à peu nos salons. Cela nous permettra surtout de nous rapprocher de tous ces objets, des gadgets électroniques qui aujourd’hui font plus artéfacts (qu’on ne touche qu’avec attention et précaution) qu’outils.

Reprendre la main sur la technologie n’est jamais une mauvaise chose, le faire de façon collaborative et éthique,c’est encore mieux.

Notes

- Vous pouvez aller voir les articles de Adafruit sur l’OpenSourceHardware : http://www.adafruit.com/blog/category/opensourcehardware/ (qui est à la pointe en matière d’OpenSource Hardware)

- Ou encore les drafts de définitions de l’OpenSource Hardware : http://freedomdefined.org/OSHW

- Voir sa tentative de traduction sur LaGrotteDuBarbu : http://www.lagrottedubarbu.com/2010/07/14/open-source-hardware-oshw-ebauche-de-definition-traduction/

- Voir la définition sur Wikipedia : http://en.wikipedia.org/wiki/Open-source_hardware

- Le projet RepRap : http://reprap.org/wiki/Main_Page

- Le projet Arduino : http://www.arduino.cc/

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Olivier Chambon, plus connu sous son pseudonyme Babozor, sévit dans la Grotte du barbu, mais cet article a été initialement publié sur Minorités, sous le titre “iPad contre Anduino, la révolution du matériel open-source“.

Crédits Photo CC Flickr : Leo Reynolds, Zoomar, Eric Gjerde.

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