OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Microsoft programme l’école http://owni.fr/2012/08/27/microsoft-programme-lecole/ http://owni.fr/2012/08/27/microsoft-programme-lecole/#comments Mon, 27 Aug 2012 11:51:12 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=118473

Cette semaine, du 27 au 30 août, se déroule la 9e édition de Ludovia, une université d’été incontournable en France sur l’e-éducation. Elle réunit professeurs, chercheurs mais aussi politiques, jusqu’au ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon, qui participera à une conférence. Parmi les partenaires de l’événement, Microsoft, le géant américain du logiciel.

En France, la firme de Redmond mène une intense campagne d’influence en direction des acteurs de l’éducation nationale, que nous avons reconstituée dans une [infographie à découvrir au bas de cet article].

La présence de Microsoft à Ludovia résume parfaitement sa stratégie qui consiste à se construire une légitimité pédagogique pour vendre des produits pour le moins controversés – prix élevé, logique propriétaire, volonté hégémonique, qualité contestable. “C’est comme si EDF avait un discours pédagogique sur les sciences physiques”, fulmine Marc, une personne du monde du logiciel libre, la bête noire de Microsoft. Anne, une enseignante, détaille leur tactique :

Ce qui les intéresse, c’est les décisionnaires politiques qui se déplacent sur les événements : à Orléans en juin, au Forum des Enseignants Innovants et de l’Innovation éducative, il y avait tout le staff de Peillon.

IIs font du lobbying surtout auprès du ministère. Les responsables du ministère de l’Éducation nationale ont beaucoup d’invitations : formations, réunions pédagogiques, etc.

Jean-Roch Masson, l’instituteur qui a le premier utilisé Twitter en classe de CP, et fut invité par Microsoft à Washington au Global Forum – Partners in Learning, complète :

J’ai demandé Thierry de Vulpillières [directeur des partenariats éducation chez Microsoft France, ndlr], qui m’avait invité à Moscou, l’intérêt qu’avait une entreprise comme Microsoft à inviter un enseignant utilisateur de Twitter, et pas forcément client chez eux, et sa réponse m’a convaincu : il a pris l’image d’un camembert, représentant l’ensemble des usages des technologies dans la société ; le but des forums n’est pas de faire grossir la part “Microsoft”, mais de faire grossir l’ensemble du camembert (= développer les usages par nos échanges et nos actions dans l’éducation). Mécaniquement, leur part grossira en quantité d’usage, et non en pourcentage au profit de Microsoft.

C’est à l’aune de cette analyse qu’il faut apprécier ce commentaire que Thierry de Vulpillières nous a fait :

La véritable problématique est là : comment contribuer à apporter des solutions à l’usage si faible des TICE dans le système éducatif français (24e sur 27 en Europe) et, plus encore, comment aider, par les TICE, à réduire la désaffection croissante des élèves envers le système éducatif tel qu’il fonctionne aujourd’hui (45% des élèves s’ennuient à l’école selon les études PISA.

Le mot-clé pour mener cette campagne d’influence : innovation. Microsoft s’associe, sponsorise, voire initie des projets touchant à la pédagogie dès lors qu’ils qui se veulent innovants. Clé de voute de cette stratégie, le programme international Microsoft Partners in Learning (PIL), doté d’un budget de 500 millions de dollars sur dix ans. Car Microsoft a les moyens de son lobbying.

Partenariat public-privé

Microsoft cajole de tels chevaux de Troie pour mieux convaincre le seul acteur qui compte au final sur son chiffre d’affaires : le décisionnaire politique. Avec succès  puisque une convention de partenariat a été signée avec l’Éducation nationale en 2003 et reconduite depuis. Microsoft n’est d’ailleurs pas le seul : Apple, Dell, Hewlett Packard, etc, en ont aussi signé une.

Un tel accord, c’est un sésame pour vendre ses produits en offrant la caution et la visibilité de l’instance supérieure en France en matière d’éducation. Il assure des tarifs très préférentiels aux établissements de l’Éducation nationale et aux collectivités territoriales qui, en France, gèrent les écoles primaires (commune), les collèges (conseil général) et les lycées (région) : “plus de 50%”.

Ces réductions sont d’autant plus bienvenues que les finances locales font grise mine et Microsoft surfe dessus. L’heure est au partenariat public-privé, et l’éducation est également séduite par ces délégations au profit du secteur privé. Extrait du texte de présentation de la page “collectivités territoriales” de Microsoft éducation :

Ces projets soutiennent l’évolution de l’École destinée aux élèves nés au XXIe siècle mais s’inscrivent également dans une démarche de rationalisation des dépenses publiques notamment éducatives. Vous voulez initier un projet nouveau et porteur en termes d’usages et d’images, contactez-nous !

L’Éducation nationale tire aussi la langue et Microsoft joue le généreux oncle d’Amérique. Notre enseignante analyse :

Les journées de l’innovation à l’Unesco sont largement financées par Microsoft, par exemple. Le ministère de l’Éducation nationale n’a plus les moyens de faire ça, d’avoir cette vitrine, ça nous permet d’avoir des forums, des réunions, des formations, Microsoft s’engouffre dans la brèche. Tout le monde y trouve son compte, profs et ministère.

Pro Microsoft

Certains partisans du libre estiment que l’Éducation nationale est devenue “pro Microsoft”, ce dont elle se défend :

Le ministère a toujours veillé à conserver une grande neutralité dans ses diverses relations avec les acteurs industriels avec lesquels il a des échanges réguliers. Microsoft est un acteur économique de premier plan et un partenaire important de l’Éducation nationale ; il est donc, à ce titre, invité régulièrement sur les sujets du numérique, comme les autres grandes sociétés et les représentants des syndicats professionnels.
Pour leurs projets internes, les équipes du ministère procèdent de façon systématique à l’évaluation des outils et des solutions existantes. À cette fin, et dans une démarche de veille technologique, il est naturel qu’elles s’informent par tous les canaux possibles.

C’est par exemple sur le territoire neutre du siège de Microsoft à Issy-les-Moulineaux que les inspecteurs de l’Éducation nationale chargés de mission nouvelles technologies (IEN-TICE), conseillers techniques des inspecteurs d’académie, avaient été convoqués par l’Éducation nationale l’automne dernier, dans le cadre de leurs journées annuelles, comme s’en étaient émus l’April, une association de défense du logiciel libre, et Framasoft, un site dédié au libre. Une demi-journée de réunion au cours de laquelle leur ont été présentés des produits du fabricant.

Et contrairement à la Grande-Bretagne où le Becta, qui conseille le gouvernement en matière de TICE, avait déconseillé Windows Vista et Microsoft Office 2007, on n’entend pas de critiques de front. A contrario, le ministère souligne qu’il a mis en place Sialle, le “service d’information et d’analyse des logiciels libres éducatifs” et “favorise l’interopérabilité et l’ouverture des systèmes d’informations.”

Quant à Microsoft, il renvoie la balle au ministère :

Ni omniprésence, ni absence, mais contribution au débat. Ensuite, il appartient aux pouvoirs publics de tirer les enseignements des éclairages objectifs et rationnels apportés par une pluralité d’acteurs dont Microsoft parmi d’autres.

Et de souligner que l’entreprise est “très attachée à la transparence dans la façon dont cette information est communiquée. C’est notamment le cas du  programme Partners in Learning grâce auquel Microsoft contribue à nourrir un échange autour des différentes expériences TICE des gouvernements de plus de 110 pays. Notre stratégie est fondée sur l’interopérabilité, l’ouverture, la transparence et le respect des données personnelles.”

Soft à tous les étages

Dans son entreprise de drague, Microsoft a l’intelligence d’avancer avec des mocassins plutôt qu’avec des gros sabots. À l’image de Thierry de Vulpillières, qui a d’abord été professeur de lettres. “Ce n’est pas un commercial pur, analyse l’enseignante, il a réussi à ne pas se mettre trop les fans du libre et de Mac sur le dos.” Pas trop… Car si Alexis Kauffmann, professeur de mathématiques et créateur de Framasoft, le juge “intelligent et avenant”, il n’en démonte pas moins la machine Microsoft régulièrement. Jugement que ne démentira pas cette petite phrase glissée par l’homme parmi ses réponses à nos questions : “Puisque vous évoquez Framasoft, j’en profite pour  saluer le travail formidable que fait cette communauté dans l’éducation et son engagement pour le logiciel libre.”

Mais pour notre enseignante, l’entreprise pourrait avoir l’omniprésence beaucoup plus bruyante :

Ils font du lobbying à mort et ils ont un peu de mal à l’assumer. En France, la stratégie est de ne pas se mettre en avant, alors que c’est positif les forums par exemple.

Il faut effectivement parfois fouiller tout en bas d’un à propos pour découvrir que la société soutient Le Café pédagogique, un site de référence pour la communauté éducative. Contrairement à l’Éducation nationale…

De même, les enseignants ne sont pas obligés de se transformer en VRP, comme se réjouit Jean-Roch Masson, l’institwitter :

À partir du moment où j’ai su que je n’étais pas là pour propager la “bonne parole Microsoft”, j’ai vécu mes journées avec beaucoup d’enthousiasme et des envies d’échanges.

Je suis beaucoup plus proche des initiatives “libres”, où coopération et accessibilité prennent le pas sur logiciels fermés et commercialisation.

À moins que ce ne soit pas voulu, comme le sous-entend sa consœur Anne :

Ils aimeraient que les enseignants deviennent des commerciaux de la boîte mais ça ne marche pas.

Certains estiment que participer, c’est de toute façon jouer le jeu de la firme, ce que d’autres refusent, comme Sésamath, une importante association de professeurs de mathématiques, qui avait décliné une invitation au Forum des enseignants innovants.

Chiffre d’affaires mystère

Le résultat commercial sonnant et trébuchant, on ne le connaîtra pas : Microsoft refuse de les divulguer en arguant de la concurrence. Concernant les tarifs, le flou est de mise. Si l’accord cadre parle de 50% de réduction, d’autres offres sont proposées. Par exemple Office professionnel pro 2010 est à 8 euros au lieu de… 499 euros. Version PC et pas Mac. Un sacrifice apparent : les enseignants sont autorisés à l’utiliser chez eux, ce qui peut les inciter à vouloir le même environnement de travail à l’école, ce qui se traduit en licences site annuelles juteuses.

Il est d’autant plus impossible de faire une estimation du chiffre d’affaires qu’on ne connait pas la répartition du parc, comme nous l’a expliqué l’Éducation nationale :

Du fait de cette répartition des compétences entre l’État et les collectivités territoriales, le ministère ne dispose pas aujourd’hui d’éléments sur les parts des divers systèmes d’exploitation dans le parc d’équipements des écoles et des établissements scolaires.

Il doit être confortable si l’on en juge par la domination de Microsoft. La seule partie où le libre règne, c’est côté face cachée de l’informatique : “la quasi totalité du parc de serveurs du ministère de l’Éducation nationale fonctionne sous logiciel libre”, nous a détaillé le ministère. En revanche, “pour ce qui est du parc de postes de travail des services centraux et déconcentrés, la plupart des postes de travail fonctionne sous Windows.” Concernant les postes utilisés par les élèves, si on n’a pas de chiffres, la plupart sont sous Windows.

Les logiciels de travail constituent une autre source de profit, et en particulier les suites bureautiques, avec l’emblématique Office. Pas de données là non plus. On peut juste avoir une idée de ce que cela représente : Office domine, il y a environ 11 300 collèges et lycées en France, le cœur de cible de Microsoft, et pour un collège moyen de 500 élèves avec 5 élèves par poste et 50 “administratifs”, le simulateur de Microsoft indique qu’il en coûte 1 650 euros par établissement scolaire et par an.

Lobbying de plus en plus dur

Toutefois, le temps de l’hégémonie s’éloigne. “Leur lobbying est de plus en plus dur depuis trois ans”, glisse l’enseignante. Car le libre est de plus en plus mature pour une utilisation par le grand public, à l’exemple d’Open Office qui grignote du terrain. La région Poitou-Charentes a opté pour l’OS Linux, pour des raisons d’économie.

Mais dans un futur proche, la grosse concurrence pourrait venir de deux autres rouleaux compresseurs américains : Google, avec son Apps for education, qui est gratuit ; et Apple, qui a fait une keynote marquante en janvier dernier sur l’éducation, annonçant un ensemble d’outils utilisables dans un écosystème Apple bien sûr.

Drapé dans sa cape de chevalier blanc des TICE, Microsoft évoque lui sa “responsabilité sociale d’entreprise” :

La question de l’éducation est un enjeu majeur pour notre pays et sa cohésion sociale ! La démarche de Microsoft est d’apporter le plus grand nombre d’éléments d’information et de comparaison en faveur de l’éducation et des TIC. C’est notre responsabilité sociale d’entreprise ancrée dans son environnement et son écosystème que de fournir des outils de compréhension pertinents pour l’action et les décisions des décideurs.

Cliquez sur les croix rouges pour ouvrir les fenêtres.


Illustration et infographie par Cédric Audinot pour Owni /-)
Développement par Julien Kirch

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Vendredi c’est Graphism ! http://owni.fr/2012/05/18/vendredi-cest-graphism-homosexualite-bande-dessinee/ http://owni.fr/2012/05/18/vendredi-cest-graphism-homosexualite-bande-dessinee/#comments Fri, 18 May 2012 09:00:14 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=110589

Bien le bonjour chères lectrices et chers lecteurs, amateurs d’arts visuels ou professionnels de la courbe de bézier, je vous invite sur “Vendredi c’est Graphism” ! Aujourd’hui, je vais vous présenter le projet de bandes dessinées “17 mai”, une interface signée Microsoft, un tutoriel pour faire vos cartes pop-up 8-bit ou encore un court métrage qui se passe dans une forêt de papier. On ira également jeter un oeil du côté d’un jeu en ligne et d’une belle paire de fesses robotisée !

Bref, c’est Vendredi et c’est Graphism ! ;-)

Geoffrey

Allez hop, on démarre notre “Vendredi c’est Graphism!” avec un projet qui me tient à coeur et que j’ai pu découvrir cette semaine. Intitulé “17 mai”, ce projet présente une riche variété, tant sur le fond que sur la forme, d’histoires et d’illustrations. Chaque auteur, garçon ou fille, hétéro, homo ou autre, aborde à sa manière le thème du rejet. Usant d’un ton grave, d’humour, voire d’auto-dérision, chacun a puisé dans son expérience personnelle ou dans ses constats… Le discours s’étend bien entendu au-delà de la seule journée du 17 mai, le site est ouvert et ne demande qu’à s’enrichir de nouvelles contributions pour prolonger le débat. L’idée est ainsi de démontrer que rien n’est jamais acquis et que cette lutte se fait au quotidien et dans son entourage proche.

Quelques extraits :

source

Merci Christian !

On continue avec une interface numérique assez intéressante signée Microsoft ! Et s’il y a bien quelque chose que j’aime chez Microsoft c‘est la capacité qu’a cette société à ne jamais arrêter d’essayer d’innover, de penser le futur et le futur proche. Présentée au TechFest de Microsoft Research en 2012, ce dispositif intitulé IllumiShare permet aux personnes éloignées de partager n’importe quel objet physique ou numérique sur n’importe quelle surface. Pour ce faire, IllumiShare utilise une paire de caméras & projecteurs et la caméra capture la vidéo de l’espace de travail de l’un pour l’envoyer à l’espace distant de l’autre. Ainsi le projecteur vidéo représente à distance les deux espaces mélangés pour créer… un espace partagé !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

Cette semaine, on va se pencher sur un petit tutoriel qui est devenu très populaire sur le web : Comment réaliser un “Space Invaders Popup” et “Crâne en pixel en popup” ? Ce cartes sont vraiment minimalistes et très faciles à concevoir, une fois que vous avez le coup de main ;-). Il vous faudra donc vous armer d’un chouilla de patience, d’une pincée de papier, d’une once de cutter mais également d’une pointe comme une aiguille ou un compas ;-).

suivre le tutoriel

On avance avec LE court-métrage qu’il ne fallait pas rater cette semaine. Signé par Yves Geleyn, “Colosse” vous offre un merveilleux mélange entre forêt, robot, papier et poésie… Une histoire simple dans un monde fantastique, parfait pour réveiller votre âme d’enfant non ? ;-)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Merci Garry

Je vous propose de découvrir “The Eyes Have It”, un jeu plutôt drôle et créé par Yoni Alter, Sean Dekkers, et Patrick Wolleb. Le principe du jeu est de faire correspondre les yeux d’un personnage de dessin animé à son corps. Le corps du personnage apparaîtra à l’écran et vous devrez ensuite deviner quelle paire d’yeux lui appartient. Essayez de deviner tous les personnages dans le meilleur temps possible et ensuite, comme d’habitude, vous en vanter sur Twitter ou Facebook ;-) Le jeu comporte trois niveaux de difficulté… attention donc à commencer doucement car la complexité augmente vite !

amusez-vous bien !

Vous savez, je ne suis plus vraiment surpris par l’imagination de nos voisins japonais…. Cependant, leur appétence au WTF, elle, n’a d’égal que la mienne pour la typographie. Ce WTF s’appelle Shiri et s’avère être un fessier artificiel qui répond au contact humain en fléchissant ses “muscles” électromécaniques et en émettant un bruit de pompe hydraulique. Sexy non ? WTF, oui ! ;-)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

On termine notre “Vendredi c’est Graphism” avec un rendez-vous Nantais où Daito Manabe (un génie de l’électronique) exprime son talent, avec Monumenta à Paris, avec cette enquête policière amusante à Bordeaux, de dames nues sous l’oeil de Newton au Grand Palais, ou encore avec cet iPhone habité, !

Et en attendant, la semaine prochaine, vous pouvez toujours me retrouver sur mon blog, mon twitter ou mon Instagram !

À la semaine prochaine et gardez l’oeil ! ;-)

Geoffrey

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Vendredi c’est Graphism S02E44 http://owni.fr/2011/12/02/special-picto-pictogrammes-vendredi-cest-graphism-design/ http://owni.fr/2011/12/02/special-picto-pictogrammes-vendredi-cest-graphism-design/#comments Fri, 02 Dec 2011 07:33:49 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=88936

Bonjour à vous les curieuses & curieux du vendredi !

Aujourd’hui, c’est un numéro spécial… pictogrammes ! Dans le graphisme, le design, l’architecture, la décoration, les affiches, l’art, la mode, le pictogramme est un élément qui donne du sens, qui apporte une dimension culturelle et ce, simplement par l’image. Communiquer uniquement avec des symboles, un véritable rêve de graphiste ! Le pictogramme puise ainsi sa force dans sa simplicité, dans la représentation graphique et schématique d’un concept. Ainsi, à l’heure du web où tout va plus vite, où les vidéos et les images sont reines, où les messages se retrouvent dans tous les pays, les pictogrammes se démultiplient…

Petit détour donc cette semaine par la Planète Picto à bord de la soucoupe ! Au programme du voyage, nous allons découvrir les pictogrammes de demain, la vidéo graphique de Google Map Indoors, une infographie sur la façon dont il est possible de mener une vie créative. Nous allons également jeter un oeil du côté d’une version HTML5 de Windows Phone 7 et enfin passer un peu de temps avec Susan Kare, la créatrice des premières icônes d’Apple et des Macintosh ! On finira sur une sélection de sites où l’on peut télécharger des pictogrammes et une salade de pictos WTF !

(bon vendredi et bon “graphism” !)

Geoffrey

Allez, on commence avec un site internet intitulé “A headline day”, dans lequel vous allez pouvoir découvrir les pictogrammes représentant les préoccupations de la vie moderne ! Tout y passe, les actualités, les faits de société, les faits divers, les évènements, etc. Ces pictogrammes réinterprètent par exemple les émeutes au Royaume-Uni, la canicule, la crise, l’Europe, les banques, etc. On appréciera également le soucis du détail, le jeu avec les codes habituels des personnages rigides et des scènes figées, pour des pictogrammes, ces images sont quand même assez vivantes ! Bref, des pictos qui changent de ceux que l’on a l’habitude de voir dans les aéroports et les gares, ouf ! ;-)

source

Et justement, je vous parlais d’aéroport ci-dessus... La toute dernière vidéo de Google sortie cette semaine les évoque ! Vous vous perdez souvent dans les aéroports ? C’est tout à fait normal et Google a la réponse pour vous. En effet, Google Maps pour Android ajoute une nouvelle fonctionnalité pour que les gens perdus dans les grands endroits (comme cela m’arrive très souvent) puissent se repérer. Oui, vous ne vous trompez pas, ce sont des cartes d’intérieur ! Les plans détaillés sont ainsi affichés sur cette version de Google Map. Et comme depuis quelques temps maintenant, la vidéo de Google est très simple, graphique et très schématique.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

source

Allez on enchaîne notre revue de la semaine sur une bonne infographie comme on les aime ! Bon, je vous rassure tout de suite, devant cette infographie, vous allez retrouver les grands classiques de l’inspiration comme sortir marcher, lire Shakespeare ou faire des listes… Mais ce qui sera un peu inspirant ce sera les autres conseils, si vous regardez bien, pour mener une vie créative, faire du parachute pourra vous être utile, acheter un béret également ou encore boire beaucoup d’alcool (je ne recommande pas ce dernier point). Bref, du grand délire, comme souvent avec les infographies de FastCompany, mais du délire graphique, et ça, on aime !

large [infographie] Comment mener une vie créative ?

source | l’image en grand format

Encore autour de la thématique du pictogramme, j’ai eu le plaisir de découvrir cette semaine que  Microsoft a enfin mis en ligne une version démo de Windows Phone 7 réalisée intégralement en HTML5 ! Vous allez donc pouvoir, depuis votre iPhone ou votre téléphone Android, tester Windows Phone 7, découvrir la fluidité de l’interface et aussi l’élégance de son rapport typographie / pictogrammes. En effet, l’interface “Metro”, c’est son petit nom, est quand même très différente de ce qui se fait sur les autres plateformes, notamment en matière de graphisme, d’interactivité. J’ai testé ça sur mon Android (SGS2) et la démo est très fluide, les scrolls fonctionnent bien et même si c’est une démo limité, cela donne quand même un très bon aperçu :-)

tester la démosource

Et l’on enchaîne avec un bond intersidéral de Microsoft à… Apple et avec la grande dame du pictogramme… j’ai nommé Susan Kare ! Après avoir pris des cours de peinture et un doctorat de la New York University, Susan Kare a déménagé vers San Francisco, où elle a pris un travail de conservatrice dans le musée des Beaux-Arts . Cependant, elle a vite senti à quel point elle était du  ”mauvais côté de l’équation de créativité”.

Finalement Susan Kare a reçu un appel d’un ami de lycée nommé Andy Hertzfeld, qui fut le développeur en chef pour le système d’exploitation Macintosh et… lui a offert son projet job pour Apple ! Sa première affectation a été le développement des polices pour Mac OS. À l’époque, polices de caractères numériques étaient à espacement fixe – un héritage de la machine à écrire – et Steve Jobs avait été très impressionné par la calligraphie.

Jobs a ainsi souhaité que Susan Kare s’occupe de la typographie et des pictogrammes… Dont voici les croquis originaux.

suzanne1 Apple : aux origines du graphisme avec Suzanne Kare !

source

Et un petit bonus, rien que pour vous ! En effet, les pictogrammes, on en parle, on les regarde, c’est bien… mais et si vous voulez en utilisez,vous faites comment ? Et bien, je vous ai sélectionné 4 petits sites internet aux pictogrammes gratuits et parfois libres, mais toujours très complets et avec une grande finesse dans leur dessin !

Dans l’ordre :

Et l’on arrive, comme tous les vendredis, à notre “What the f*ck” préféré, et ce sera donc un WTF spécial pictogramme, avec cette petite sélection de fails, de wtf, de ratés graphiques… ;-)

En guise de mot de la fin, je vous remercie d’être toujours si nombreux à lire et à diffuser “Vendredi c’est Graphism”, j’ai toujours autant de retours constructifs ! Je vous invite également à jeter un oeil du côté du travail graphique et pictographique (tiens, un mot nouveau!) de Gerd Arntz. S’il vous reste du temps aussi, il y a une journée en pictogrammes, d’autres pictos pour Occupy Wallstreet à télécharger, et… pas forcément grand chose à voir mais PictoPlasma expose à la Gaîté Lyrique ! :-)

À la semaine prochaine pour un prochain épisode !

Bon week-end à vous, et croyez-moi, le mien sera parfait ;-)

Geoffrey

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Google abuse en silence http://owni.fr/2011/11/02/google-abuse-silence-lobbying-bruxelles-commission-europeenne-microsoft/ http://owni.fr/2011/11/02/google-abuse-silence-lobbying-bruxelles-commission-europeenne-microsoft/#comments Wed, 02 Nov 2011 15:07:19 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=85003 À Bruxelles, OWNI a essayé d’en savoir plus sur la plainte pour abus de position dominante contre Google. Un an après l’ouverture de cette procédure par la Commission européenne, tous les acteurs de ce dossier entretiennent le mystère. Préservant ainsi d’éventuelles négociations.

L’affaire a donc démarré par une plainte, déposée par les sociétés eJustice , Ciao et Foundem auprès de la Commission, reprochant à Google ses visées monopolistiques. Depuis d’autres plaignants se sont ajoutés, notamment le groupe Microsoft qui a fini par rejoindre les trois premiers en mars 2011.

Verrouillage de la Commission

Au sein de la Commission, la direction générale de la concurrence (DG Comp) mène l’enquête, actuellement en phase II – soit, selon la nomenclature européenne, celle réservée aux cas prioritaires. Contrôlant les aides d’État attribuées aux entreprises, elle examine également les fusions/acquisitions – notamment le rachat de Double Click par Google en 2008 [PDF] – et les ententes et/ou abus de position dominante. De son propre chef ou en cas de réception d’une plainte. Dans l’affaire Google, l’attitude de la petite équipe qui décortique  les affaires de l’entreprise américaine s’apparente à celle d’un pongiste de haut niveau. Les questions qui dérangent reçoivent des réponses rapides et vides de sens. Même sur l’identité de tous les plaignants, la DG concurrence ne dit rien :

Il y en a effectivement d’autres [NDLR : plaintes]. Mais vous comprendrez, j’en suis sûr, que compte tenu de la médiatisation plus que suffisante de cette affaire, je préfère laisser le soin aux entreprises et boîtes de relations publiques qu’elles emploient, d’en faire la publicité.

Autrement dit, aux lobbyistes et aux relations presse de communiquer. Près du parc Leopold à Bruxelles, Google vous accueille dans ses bureaux avec vue sur le Parlement européen – dans le même petit immeuble où loge l’ambassade d’Irlande, un État qui accueille la plupart des sièges financiers de Google.

Cinq lobbyistes

Alistair Verney, communication manager pour Google à Bruxelles, justifie la bonne foi de son entreprise et leur volonté de travailler aux côtés de la Commission :

Depuis que nous avons crée Google, nous travaillons dur pour faire en sorte que nous gardions au coeur de notre activité les intérêts de nos utilisateurs et de notre secteur – en garantissant que nos publicités soient toujours clairement identifiées, en rendant simple pour les utilisateurs et les publicitaires la récupération de leurs données quand ils changent de service et en investissant massivement dans des projets open source. Mais il y a toujours une marge d’amélioration et nous travaillons avec la Commission pour répondre à toutes les interrogations qu’ils pourraient avoir.

Depuis ces bureaux, Google fait son propre lobbying avec cinq cadres et gère ses dossiers stratégiques, du droit d’auteur à la neutralité du net, selon une source familière des relations entre parlementaires et groupes d’influence. Ses lobbyistes interviennent directement auprès du législateur. Mais selon cette même source, ”les petits de Google n’ont pas le temps extensible et ratent parfois des dossiers”.

Ils connaissent pourtant bien le fonctionnement des équipes de la Commission. Le chef des lobbyistes de l’équipe Google à Bruxelles depuis 2008, Antoine Aubert, n’est autre qu’un ancien policy developer (chargé des politiques publiques) de la Commission européenne pour laquelle il a travaillé pendant trois ans.

Et le silence de Google Bruxelles concernant cette plainte n’est pas l’apanage de la Belgique. La même opacité plane en France, où Google possède sa propre équipe en interne, Olivier Esper en tête, directeur des relations institutionnelles (une autre façon de dire “chef des lobbyistes”) : les portes sont fermées bien avant le sas d’entrée dans leurs bureaux. Dans le grand hall du 38 avenue de l’Opéra à Paris, pour rencontrer un des lobbyistes sur le sujet Google à la Commission européenne, la réponse est claire :

Si vous n’avez pas rendez-vous, vous ne pouvez pas le voir. Envoyez un mail ou appelez directement la personne, si elle vous a confié son numéro… Mais je doute qu’ils veuillent vous recevoir.

Les raisons du silence

Entre accord à l’amiable souhaité par Google et crainte du géant américain, les explications de ces silences sont multiples. Pour justifier son refus de répondre aux questions posées, un proche des plaintes confie à OWNI :

Nous avons peur des représailles de Google.

À supposer que les menaces soient réelles, dans une interview donnée au Telegraph en février dernier, Eric Schmidt, le PDG de Google avouait qu’il comprenait que son entreprise avait un rôle majeur en Europe. Et implicitement que cette position dominante leur permettait de ne pas communiquer sur leurs sujets qualifiés de sensibles.

Sophia In’t Veld, députée européenne appartenant à l’alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, estime que la situation est complexe, notamment parce que :

Google est une force d’innovation.

En attendant, Google cherche toujours son accord à l‘amiable. Comme pour justifier le mystère qu’il laisse planer autour de cette affaire. Et un proche de la Commission d’avancer : “si l’affaire est trop difficile, elle peut être clôturée dans les six mois sur décision du commissaire.”

Mise à jour : dans un article daté d’hier de Zdnet, le site français Twenga accuse Google de concurrence déloyale et dépose plainte devant la justice européenne.


Illustrations Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales renatotarga et PaternitéPas d'utilisation commerciale gholzer

Vous pouvez retrouver les articles du dossier :
Google gentiment au tribunal de commerce
La loi du chiffre selon Google

Illustration de Une Marion Boucharlat

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Steve Jobs sans sa pomme http://owni.fr/2011/08/25/lavenir-incertain-dapple-orphelin-steve-jobs/ http://owni.fr/2011/08/25/lavenir-incertain-dapple-orphelin-steve-jobs/#comments Thu, 25 Aug 2011 09:13:32 +0000 Romain Saillet http://owni.fr/?p=76927 Coup de tonnerre cette nuit : Steve Jobs démissionne de la direction d’Apple et suggère de lui laisser un poste honorifique. L’entreprise vivra avec difficulté le départ de son fondateur charismatique.

Tous les fans de la pomme vous le diront : Steve Jobs est un gourou du marketing, transformant chaque produit en or. Et de l’or, Apple en a amassé énormément avec lui. Un véritable trésor de guerre estimé à plus de 65 milliards de dollars. A titre de comparaison, la trésorerie de Google est de 37 milliards de dollars, et celle de Microsoft de 50 milliards de dollars.

Lorsqu’un chef d’entreprise est aussi charismatique et reconnu, voire adulé, que Steve Jobs, il est très difficile pour l’entreprise de poursuivre son action. Les acheteurs, investisseurs, actionnaires accordent leur confiance à l’entreprise, dans son innovation, mais aussi dans sa capacité à garder la tête pensante, souvent personnifiée par l’image de l’entrepreneur. Guy Loichemol, spécialiste de la communication financière chez Euro RSCG, analyse la position du dirigeant comme d’un visionnaire :

Les actionnaires ne s’y sont pas trompés. Ils croient en la pérennité de l’entreprise mais pas dans celle de son dirigeant. Certes, ça peut être considéré comme rassurant, mais la banalisation, la désacralisation du dirigeant est à terme néfaste puisqu’elle fait oublier la vision, que celui-ci se doit de porter.

Ce débat s’était déjà fait ressentir au sein d’Apple lorsque Steve Jobs avait pris congé de son poste en raison de problèmes de santé. De nombreuses voix s’étaient alors élevées pour critiquer l’incapacité d’Apple à innover sans lui.

En panne d’innovation

Le cas d’Apple est extrêmement spécifique puisque l’entreprise a déjà fait l’expérience d’une vie sans Steve Jobs entre 1985 et 1996 dont la pomme a failli ne pas se relever. Durant cette période, Apple n’innove plus et n’arrive pas à redonner du souffle à l’entreprise. Dès le retour de Steve Jobs, Apple redevient une entreprise innovante et disruptive avec l’arrivé de l’iMac, l’iPod, l’iPhone, l’iPad… révolutionnant ainsi les marchés de la musique, du téléphone et créant même un nouveau marché pour les tablettes.

Ce changement de directeur n’est pour autant pas aussi chaotique qu’en 1985, lors du premier départ de Steve Jobs. Les conditions sont incomparables. A l’époque Steve Jobs est licencié de sa propre société. Une guerre d’égo a fini par s’installer à la tête de l’entreprise. La perte de son fondateur s’était alors faite dans la douleur, coupant brutalement Apple de sa tête pensante. Aujourd’hui, la situation semble bien différente. Steve Jobs quitte de son plein gré son poste et recommande même son successeur dans les faits déjà à la tête d’Apple depuis les problèmes de santé de son directeur qui expliquent aujourd’hui son départ.

J’ai toujours dit que si, un jour, je ne pouvais plus remplir mes devoirs et répondre aux attentes en tant que directeur d’Apple, je serais le premier à le faire savoir. Malheureusement, ce jour est venu. Je démissionne donc en tant que directeur général d’Apple.

Le renouvellement de personnalité à la tête d’une entreprise aussi stratégique et importante qu’Apple demande un brin de stratégie et de tact. Cette décision demande une préparation de plusieurs mois, voire années pour éviter à l’entreprise un choc thermique pouvant être fatal. Prenons le cas de Microsoft qui a vu Bill Gates, son ancien directeur, et Steve Ballmer, son remplaçant, se livrer une guerre de pouvoir violente et destructrice.

Dès 2000, Bill Gates décide de laisser Microsoft à son ami de longue date Steve Ballmer. Pourtant, Bill Gates tarde à laisser le leadership à Steve Ballmer et une guerre d’égo éclate au sein de Microsoft. La passation semble difficile et les actionnaires et hauts responsables décident alors de clarifier la situation en mettant en place un planning stratégique de deux ans pour ne pas mettre en danger la compagnie. C’est le 27 juin 2008 que Bill Gates quitte définitivement Microsoft, Steve Ballmer se sera battu durant huit années pour accéder au leadership de Microsoft. La communication autour de ce passage du relais est la première différence flagrante entre Microsoft et Apple : aucun document ne permettait de prévoir un tel bouleversement.

De la part de Google, le passage de relais entre Eric Schmidt et Larry Page a été présenté sensiblement avec le même objectif qu’Apple : rassurer. Sur son blog, Eric Schmidt justifie cette réorganisation comme une opportunité pour Google d’être encore plus compétitif et réactif pour l’avenir.

How best to simplify our management structure and speed up decision making. [Comment simplifier au mieux notre structure manageriale et accélerer la prise de décision].

Au regard du communiqué de Steve Jobs, le message est très clair : rassurer les partenaires. Pour ce faire, l’ancien patron d’Apple souhaite garder une place stratégique afin d’assurer un suivi, d’apporter des suggestions et un véritable regard de stratège pour le futur de l’entreprise.

Je suis impatient d’observer et de contribuer à ce succès dans un nouveau rôle.

Ce poste en question dont parle Steve Jobs est celui de Chairman, soit président de l’entreprise Apple. Un poste clé, censé rassurer et conserver toute la confiance de l’entourage de l’entreprise. Steve Jobs en est sûr, avec ou sans lui : “Les jours les plus brillants et les plus innovants d’Apple sont à venir.”

Microsoft, société orpheline

Nous pourrions épiloguer longtemps sur la probabilité qu’Apple s’effondre ou survive à un tel bouleversement. Mais prenons du recul pour voir aujourd’hui comment Microsoft, société orpheline, voit son avenir avec son nouveau CEO : Steve Ballmer. Malheureusement pour Microsoft, l’avenir n’est pas aussi rose que l’on aurait pu le croire. Cette tendance s’exprime avant tout via les actionnaires et la valeur de l’action Microsoft, qui a chuté de 50% depuis l’an 2000, l’année de l’entrée de Steve Ballmer aux plus hautes fonctions de l’entreprise.

Il est vrai que Steve Ballmer a un style extrêmement différent de Bill Gates. Extravagant, haut en couleur et extraverti : Microsoft n’aurait pas pu trouver un directeur aussi antinomique à Bill Gates.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Steve Ballmer est aussi critiqué pour sa communication parfois dangereuse pour la survie de Microsoft, surtout lorsqu’on parle du futur de Windows. Dernière erreur en date : l’annonce par Steve Ballmer d’une date de sortie prochaine de Windows 8. Rapidement démenti par Microsoft, la réaction des investisseurs ne s’est pas faite attendre. David Einhorn, président du fond d’investissement Greenlight Capital, l’un des plus importants actionnaires de Microsoft, s’est déclaré favorable à “donner à un autre la chance de diriger Microsoft.”

Aucune information ne permet aujourd’hui de connaître le futur d’Apple, et sa capacité à innover d’une part et surtout à galvaniser les foules pour vendre ses innovations. Les rumeurs prévoient l’arrivée d’une télévision brandée Apple dans les prochains mois. Peut-être l’occasion pour Tim Cook de démontrer ses capacités à vendre du rêve sans les charismatiques  “Amazing”, “Revolutionnary”, “Unbelivable” propres à Steve Jobs…

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Crédits Photo FlickR CC by-nc-sa osakasteve / by-nc djmfuentes

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La copie au service de l’innovation http://owni.fr/2011/05/17/copie-au-service-de-innovation-apple/ http://owni.fr/2011/05/17/copie-au-service-de-innovation-apple/#comments Tue, 17 May 2011 14:59:48 +0000 Benoit Raphaël http://owni.fr/?p=63061 J’ai entendu beaucoup de bêtises sur l’innovation. J’en ai dit quelques unes aussi (mais je me trompe souvent). La première, c’est que pour être innovant, il faut être forcément différent. “Ce n’est pas innovant, je l’ai déjà vu ailleurs”. Oui, mais est-ce que ça a marché ? “Non.” Ah… Être disruptif ne suffit pas. Être créatif non plus. Copier les bonnes idées peut être un acte d’innovation. Les bonnes idées ne font pas l’innovation. Les idées bien menées oui.

Le plus bel exemple d’une innovation parfaitement orchestrée est celui d’Apple. Je vous conseille de lire (que dis-je, de dévorer) l’article de Malcom Gladwell dans le dernier numéro du New Yorker sur l’innovation chez Apple.

Steve Jobs n’a pas inventé la souris

Ni même l’interface en fenêtres (“windows”, copié quelques années plus tard par Microsoft). Steve Jobs a découvert la souris et l’interface graphique dans le laboratoire de Xerox, en 1979.

En échange de parts dans sa boîte, le fondateur d’Apple, alors âgé de 24 ans, a obtenu de jeter un œil aux créations de Xerox dans son laboratoire de recherche, le Xerox PARC. C’est là qu’il a découvert l’ordinateur personnel inventé par Xerox. La démonstration était menée par Larry Tesler. L’ingénieur a saisi une “souris” avec laquelle il dirigeait un curseur sur l’écran de l’ordinateur. Mieux : au lieu de taper une commande pour piloter l’ordinateur, Tesler cliquait sur des boutons pour ouvrir des “fenêtres”… Il pouvait même envoyer des mails via le réseau interne de Xerox. Nous étions en 1979.

Très excité, Jobs marchait dans tous les sens dans la pièce, raconte Tesler. “Pourquoi ne faites vous rien avec ça ? C’est révolutionnaire !” Xerox a finalement sorti un produit en 1981, le “Star”. Mais il était trop lent et n’a jamais trouvé son public.
De retour chez Apple, Jobs a demandé à son équipe de changer de stratégie. Il voulait un ordinateur avec des fenêtres, et une souris pour le piloter ! Quelques mois plus tard naissait le premier “personal computer” à interface graphique, avec une souris : le célèbre Macintosh. On connait la suite.

Voici le “Star” de Xerox et le Macintosh :

La souris Xerox, à trois boutons (coût de fabrication : 300$ l’unité) et la souris du Mac à un bouton (coût de fabrication : 15$) :

Apple a-t-il volé l’idée de Xérox ?

Non, répond Malcom Gladwell, qui précise d’ailleurs que l’idée de la souris est sortie du cerveau d’un certain Douglas Engelbart, chercheur du Stanford Resarch Institute, à la fin des années 60. Elle était carrée et en bois, mais c’était bien une souris :

Si vous placez les trois objets à la suite, vous ne verrez pas la reproduction d’une même idée, mais plutôt l’évolution d’un concept, poursuit Gladwell.

S’inspirer et … faire mieux

Que faut-il en conclure ? Qu’avoir une bonne idée ne suffit pas. Que les idées sont dans l’air et qu’elles ne doivent pas être protégées si l’on veut continuer de nourrir l’innovation. Que reprendre les idées des autres est souvent une bonne méthode, parce que l’innovation n’a rien à voir avec l’idée originale. L’innovation est un process, souvent itératif, qui consiste à mettre en œuvre, faire des choix, tester, lancer sur le marché, se tromper.

Copier, c’est innover ? Oui et non. En fait, Jobs n’a pas cherché à reproduire ce qu’il avait vu. Il s’en est inspiré, mais surtout : il est allé beaucoup plus loin, parce qu’il voulait lancer le produit sur le marché. Il n’y a pas de limites aux sources d’inspiration. Même s’inspirer des idées des autres. C’est toute la force d’Internet aujourd’hui : favoriser la copie pour dynamiser le processus d’évolution en supprimant la phase R&D (recherche et développement) : la R&D c’est le marché.

Cette philosophie gagnante met en lumière toute l’absurdité du bac à la française : on interdit aux élèves de copier sur leurs voisins, alors qu’on devrait les encourager ! La première fois que j’ai entendu cette idée c’était en 1997, aux rencontres Internet d’Autrans. L’auteur de cette phrase était un cadre d’Apple France…

Être créatif est essentiel. Mais que faire de la créativité ? Dans créativité, il y a d’abord “création”. Faire. Comment intégrer les créatifs dans les process industriels d’une grande entreprise ? L’innovation, ce n’est pas l’originalité à tout prix. C’est d’abord un savoir-faire. Il y avait beaucoup de créatifs chez Xérox, qui avait eu la bonne idée d’offrir à ses ingénieurs un terrain de jeu avec le Xérox PARC. Mais il n’en n’est pas sorti beaucoup de projets gagnants parce que l’entreprise avait du mal à gérer ses créatifs, en d’autres terme : à piloter l’innovation.

Ah si, il y a eu l’imprimante laser. Mais lisez plutôt son histoire, relatée par Gladwell : l’inventeur de l’imprimante laser s’appelle Gary Starkweather. Quand il a commencé à travailler sur le concept, la direction de Xérox lui a répondu que ce n’était pas le business de Xérox. On lui a donc interdit de poursuivre ses recherches. Mais Starkweather s’est entêté, il a caché son travail derrière un rideau noir dans son labo ! Finalement, l’imprimante laser a été l’un des plus beaux succès de Xérox. Starkweather en était assez fier. Mais il avait beaucoup souffert également.

Il a donc quitté Xérox pour rejoindre une jeune entreprise bouillonnante : pas de laboratoire, ici. Le laboratoire, c’était l’entreprise. Le nom de la boîte ? Apple.

Initialement publié sur La Social News Room sous le titre Le cas Apple : faut-il être original pour être innovant ?

Illustration Flickr CC Raneko

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Dis, papa, c’est quoi l’open data? http://owni.fr/2011/04/06/dis-papa-cest-quoi-lopen-data/ http://owni.fr/2011/04/06/dis-papa-cest-quoi-lopen-data/#comments Wed, 06 Apr 2011 13:00:41 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=55395 Connu pour ses logiciels non libres, Microsoft a eu la très bonne idée de demander à Regards sur le numérique (RSLN, animé par Spintank), son “laboratoire d’idées, de réflexions et d’expérimentations en ligne“, de se pencher sur la notion d’open data, et donc le partage de données publiques dans des formats ouverts, afin de libérer les données récoltées, ou produites, par les autorités publiques, et de les rendre, si possible gratuitement, à la société, ses citoyens, associations, entreprises privées et administrations publiques.

Au menu, très complet, digeste et instructif : une enquête et une trentaine d’articles, que l’on retrouve sur son site ainsi que dans le n° spécial de leur magazine, suivi d’une conférence, intitulée L’Open data, et nous, et nous, et nous ?, occasion de revenir sur ce pour quoi l’open data a de l’avenir, et ce à quoi il pourrait notamment servir.

Ce mouvement de libération des données, initié en 2006 par Michael Cross, journaliste au Guardian, quotidien britannique pionnier du datajournalisme, a depuis été repris à leur compte par de nombreux pays, régions et municipalités, comme le constate Nigel Shadbolt, co-fondateur de data.gov.uk, le portail opendata du gouvernement britannique :

L’open data s’est démocratisé : ce n’est plus une chimère, c’est un objectif que l’on peut clairement et raisonnablement atteindre. Les progrès réalisés sont significatifs. Nous avons publié des milliers d’ensembles de données qui comptent réellement pour les citoyens : des dépenses publiques à la structure ou au fonctionnement du gouvernement, aux taux d’infection dans les hôpitaux ou des données relatives à l’éducation par exemple.

Pourtant, déplore Michael Cross, “la communauté est très réduite et la discussion est monopolisée par un petit nombre de personnes. Il y a un réel besoin pour des exemples de données qui changent vraiment la vie des gens“.

Pire : deux ans après son lancement, le bilan de data.gov, le portail américain, serait mitigé, et la proposition de budget alloué à l’Electronic Government Fund serait de passer 34 à 2 millions de dollars seulement, soit une coupe de plus de 90%, menaçant l’existence même de data.gov, et autres initiatives « d’open gouvernement »… alors même que de telles initiatives ont depuis été reprises dans 15 pays, 29 états et 11 villes aux États-Unis, et une dizaine de projets français.

Dans la passionnante interview qu’il a accordé à RSLN, Bernard Stiegler, philosophe et directeur de l’Institut de Recherche et d’Innovation (IRI, Centre Pompidou), explique que le développement de l’open data est “l’aboutissement d’une rupture majeure déjà largement entamée, et qui n’a rien à voir avec les précédentes :

« Toutes les technologies monopolisées par l’industrie de la culture, au sens large du terme, pendant un siècle, sont en train de passer entre les mains des citoyens.

C’est un événement d’une ampleur comparable à l’apparition de l’alphabet qui, comme technique de publication, c’est à dire de rendu public, est au fondement de la ers publica, tout comme à ce qui s’est déroulé après Gutenberg et la Réforme, généralisant l’accès à l’écriture imprimée et au savoir. »

Si “quantité de pouvoirs détiennent des données qu’ils ne veulent pas abandonner parce que leur pouvoir même repose sur cette rétention de l’information, Bernard Stiegler n’en rappelle pas moins que “la démocratie est toujours liée à un processus de publication – c’est à dire de rendu public – qui rend possible un espace public: alphabet, imprimerie, audiovisuel, numérique” :

C’est à une refondation totale de la chose publique qu’il va falloir procéder – et ici, il ne faut pas laisser ce devenir se produire à la seule initiative du monde économique, c’est à dire des seuls intérêts privés, dont la crise économique nous montre qu’ils ne coïncident jamais avec le bien public.

Nigel Shadbolt, rappelle de son côté deux exemples illustrant l’importance de l’open data.

L’un des tous premiers exemples de l’importance de la collecte, et du partage, des données publiques, eut lieu en 1854, lorsqu’une carte de la propagation d’une épidémie de choléra permit de visualiser le fait que les morts se trouvaient essentiellement à proximité de puits et de sources d’eau : “C’était la première fois qu’a été réellement compris le lien entre l’eau et la diffusion du choléra !“.

Plus récemment, et suite à la mort dans un accident de vélo de l’un de ses amis, un membre du cabinet du premier ministre britannique demanda s’il existait des données concernant ce genre d’accidents. Le ministre des transports avait les données, et les publia dans un tableur.

« Une fois les données publiées, une application était en ligne dans les 2 jours. Est-ce qu’un gouvernement aurait été capable de construire une application en deux jours ? Non. Il lui aurait fallu deux ans, et encore … »

Bruno Walther, de CaptainDash“, lance quant à lui un pari : “la révolution de l’opendata va être comparable à celle des réseaux sociaux

« Faisons un petit flash back : qui aurait cru, en 2001, qu’un truc qui s’appelle le réseau social, qui voient des gens s’interconnecter, et qu’une start-up qui n’existait pas encore, Facebook, allait changer le monde ?
Que ce truc allait changer les règles de mobilisation, avoir des conséquences sur un certain nombre de régimes autoritaires, et avoir des conséquences tellement fortes que des gens prendraient des données pour les mettre en ligne, et déboucher sur (la publication) des câbles américains ? »

De mon côté, je me suis pris à imaginer ce que donnerait un budget en mode open data, voire “en français facile“… et les questions que l’on pourrait dès lors se poser :

Quel est le prix moyen du repas élyséen ?
A qui profitent le placement des chômeurs, et les OPérations EXtérieures de l’armée française ?
Combien (nous) coûtent les sondages, la vidéosurveillance ?
Combien touchent Bouygues, EDF, Microsoft, Veolia de l’État et des collectivités ?

En mode ironique, je concluais ma présentation en expliquant qu’à terme, OWNI pourrait bien racheter le Canard Enchaîné, si tant est que le cercle vertueux de l’open data (et donc de la transparence), du journalisme de données (et donc d’investigation), de cette démocratisation des savoirs (et donc du quatrième pouvoir), prenait vraiment le pas sur ceux qui, encore aujourd’hui, refusent de nous rendre ce qui nous appartient, au motif que cela pourrait leur faire perdre un petit peu de pouvoir.

En attendant, le mouvement est lancé, de plus en plus de données sont libérées, de plus en plus nombreux sont aussi ceux à les réutiliser, partager, remixer. Faites tourner.

Voir aussi le datablog d’OWNI, ainsi que le Rapport de veille sur l’ouverture des données publiques de liberTIC, association qui “a pour objectif de promouvoir l’ouverture des données publiques, l’e-démocratie, le gouvernement 2.0 et d’accompagner notre territoire dans le développement et l’utilisation d’applications numériques d’utilité publique” et a qui nous avons emprunté l’image de tête en CC.

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Jan Muehlfeit : « Ce siècle n’appartient pas à l’Occident. » http://owni.fr/2011/02/09/jan-muehlfeit-%c2%ab-ce-siecle-nappartient-pas-a-loccident-%c2%bb/ http://owni.fr/2011/02/09/jan-muehlfeit-%c2%ab-ce-siecle-nappartient-pas-a-loccident-%c2%bb/#comments Wed, 09 Feb 2011 07:30:49 +0000 Roman Chlupaty http://owni.fr/?p=45724 Jan Muehlfeit, est le directeur de Microsoft Europe. Il a accepté de répondre à nos questions sur la crise, l’établissement d’un monde multipolaire et les leçons à tirer de ces changements.

L’Ouest a dominé une grande partie du monde depuis la chute de l’empire soviétique. Est-ce que vous pensez qu’avec la crise, des choses vont changer ? En d’autres termes, la crise pourrait-elle menacer ou changer la position de l’Occident ?

Plusieurs choses qui doivent être prises en considération se sont passées ces dix dernières années. D’abord, la mondialisation est en marche. Et elle ne concerne pas uniquement l’Ouest, mais aussi l’Asie et l’Amérique Latine. Il y a 10 ans, les marchés émergents étaient endettés et l’Occident était plus prospère. Les choses sont très différentes aujourd’hui. Les pays asiatiques ont 4,6 trillions de dollars US de réserve financière, 2,6 trillions juste pour la Chine. L’hémisphère Ouest, ce que ce soit l’Europe, l’Amérique du nord ou d’autres pays, est endetté. C’est l’une des choses qui aura un impact important dans le futur.

Un autre facteur est la démographie. La plupart des pays asiatiques, les nouveaux tigres émergents, toucheront comme un dividende démographique. À l’Ouest, et spécialement en Europe, la population vieillit. Cela aura un impact lors des départs à la retraite etc. Enfin, en plus de tout, il y a la crise. C’est pour ces raisons que j’affirme que le XXIe siècle ne sera pas celui de l’Occident. Ce sera le siècle d’une mondialisation équilibrée dans laquelle l’Asie jouera un rôle très important, résultat des tendances démographiques et des dettes occidentales. En plus, et c’est d’autant plus clair quand on regarde beaucoup de pays asiatiques, grâce à leur compétitivité, qui augmente.

Certains affirment que nous faisons l’expérience d’une crise du capitalisme –  au moins dans le sens que nous lui donnons en Occident, c’est à dire en connexion avec la démocratie libérale et que ce faisait, nous avons besoin de grands changements. Quelle est votre position?

Je pense que ce que nous vivons n’est pas une crise du capitalisme mais une crise de leadership. Tout les pays occidentaux ne se trouvent pas dans le même bateau. Le Canada par exemple, qui n’a jamais trop assoupli ses régulations bancaires, a très bien supporté la crise. De même, je pense que c’est une bonne chose que nous soyons passé du G8 au G20 car les cartes, qu’elles soient économiques ou liées à l’influence politique dans le monde, ont été récemment redistribuées quelque peu différemment. Ainsi, ces nouveaux marchés ont leur mot à dire. Si le G20 devait résoudre un problème, là tout de suite, c’est trouver comment introduire un équilibre dans les échanges. Car nous ne pouvons pas avoir une situation dans laquelle d’un côté du monde d’énormes surplus sont créés pendant que l’autre côté, lui, amasse toujours plus de dettes. Il y a un besoin de sortir des perspectives idéologiques et d’avoir un regard rationnel sur la situation.

Une autre chose qui je pense doit changer est les modèles que les économistes utilisent pour leurs prédictions. Les êtres humains sont pleins d’émotions. Pourtant, très peu d’économistes se penchent sur la façon dont les gens fonctionnent. C’est pourquoi je crois que nous devons faire bien plus attention à la psychologie et aux émotions qui sont sans nul doute affectées par les crises et le cycle économique.

Vous mentionnez le comportement des gens, qui est souvent l’objet de discussions liées à la crise : est-elle est une crise de la morale et de l’éthique dans les cercles d’affaires comme certains le pensent, montrant du doigt par exemple ce qui a pu se passer notamment dans des banques américaines ?

Adam Smith, un des pères spirituels du capitalisme, écrivait il a 230 ans dans La Richesse des Nations, que l’on peut faire du profit tout en prenant des précautions, les deux cohabitant de manière équilibrée. Je trouve que nous, en tant que société humaine – et c’est particulièrement vrai pour l’Ouest, nous sommes concentrés énormément sur le profit et très peu sur les précautions, le soin d’autrui, de la société et aussi l’attention à porter à la nature. Il nous faut retrouver cet équilibre. C’est lié par exemple à la façon dont on forme aujourd’hui les dirigeants de demain. La plupart des programmes de type MBA enseignent comment faire du profit. Mais des sujets comme faire attention, la viabilité sur le long terme ou comment faire des affaires de manière responsable manquent à l’appel. Cela doit changer. Car si le système capitaliste veut fonctionner – et je pense que c’est le meilleur système qui a été inventé à ce jour – alors l’équilibre entre le profit et les précautions doit vraiment être préservé.

Peut-on éventuellement considérer ceci comme l’un des leçons de la crise actuelle ? Si oui, est-ce que vous pensez que le monde aura retenu la leçon pour la prochaine fois ?

Je suis d’un optimisme incroyable. Quand je parle avec des représentants d’autres entreprises, dans notre secteur ou ailleurs, ils sont sur la même longueur d’ondes. Je suis optimiste grâce à la jeune génération. Grâce aux réseaux sociaux, elle voit plus loin. Elle comprends la technologie bien mieux que la génération actuellement au pouvoir. Cela veut aussi dire que les membres de cette générations seront dans des positions de pouvoir bien plus rapidement que ma génération. C’est l’une des raisons qui fait de moi un optimiste.

Par contre, je suis moins optimiste à cause du fait que ces entreprises soient des entités cotées en Bourse qui doivent rendre des comptes à leurs actionnaires chaque trimestre. Or si nous voulons changer les choses dont nous discutons en ce moment, il nous faut y inclure ces investisseurs et actionnaires, ce qui est loin d’être le cas. Un autre exemple est ce que l’on appelle la mondialisation inclusive, une mondialisation qui marche plutôt bien pour l’Asie mais bien moins pour l’Afrique. Je pense qu’il nous faut un modèle qui intègre ce continent. Tout ceci est lié à la façon dont nous gérons la transition vers un monde multipolaire, représenté par le G20, en rupture avec le monde bipolaire que nous avions jusqu’alors. Ce changement nécessite de notre part une modification complète des comportements et de leadership.


Enfin, subsiste la nécessité de réduire les inégalités entre les riches et les pauvres. Imaginez un peu: en 1945, les pays développés étaient 5 fois plus riches que les pays pauvres. Aujourd’hui, ils sont 45 fois plus riches.

Vous parlez de la venue d’un monde multipolaire. A la lumière de cette idée, est-ce que le monde des affaires va devoir trouver un langage commun à propos du respect de l’éthique et de la morale, ou bien l’Occident ira dans une direction et la Chine, suivie par les autres pays émergents, ira dans une autre ?

Je pense que nous allons voir une sorte de symbiose entre le modèle occidental et ce que l’on appelle le modèle asiatique, et certaines philosophies orientales auront un impact important et positif. Beaucoup de managers occidentaux ont commencé à méditer – sans aucune connotation religieuse. Simplement, c’est une technique qui leur permet de gérer leur stress. Des Asiatiques viennent étudier en Occident et beaucoup de sociétés occidentales font des affaires en Asie. C’est pourquoi on va voir une certaine inter-connectivité.

En ce qui concerne la morale, je suis convaincu qu’au XXIe siècle, un société prospère ne pourra pas échapper à ce que l’on appelle la responsabilité sociale des entreprises, ou RSE. Les entreprises les plus prospères seront celles qui feront le plus pour être les meilleures sur la planète et pour la planète. C’est lié à ce que je disais sur la jeune génération. Par exemple, lorsqu’il y a 10 ans, j’embauchais quelqu’un à Microsoft et que je demandais s’il avait des questions, beaucoup m’interrogeaient sur les indemnités, les bonus, ce genre de choses. Aujourd’hui, il y a plus de question sur comment une entreprise se comporte: par exemple, est-ce qu’elle est active en Afrique depuis longtemps, ensuite vient souvent la question de savoir ce que l’on ferait pour aider l’Afrique à intégrer la mondialisation. Je le répète, si une entreprise veut avoir du succès au XXIe siècle, la RSE doit faire partie intégrante de sa stratégie.

La RSE est souvent présentée comme étant un obstacle pour les entreprises occidentales. Notamment parce que ce sont elles dont on attend un comportement responsable. Les sociétés en Chine ou dans d’autres pays se développant rapidement ne sentent pas la même pression, du moins elle ne vient pas de leurs marchés domestiques. Est-ce que vous pensez que cela va changer ou bien rester à l’identique – quitte à être un certain désavantage pour l’Occident et ses entreprises ?

Je pense que les choses sont déjà en train de changer. Je suis président de l’Academic Business Society, qui rassemble de grosses entreprises et des universités. Cette institution a été fondé en Europe mais c’est désormais une organisation mondiale. Un nombre grandissant de ses membres viennent d’Asie et d’Amérique latine. Notre symposium le plus récent a eu lieu à Saint-Pétersbourg, en Russie. La RSE a commencé à être un thème abordé dans ces pays. C’est aussi le résultat de la coopération entre des marchés émergents et l’Occident. Imaginez plutôt : si vous voulez créer une entreprise prospère, même si vous n’êtes qu’une petite entreprise de République tchèque qui fournit des pièces à Škoda, vous êtes, grâce à l’inter-connectivité de l’économie mondiale, en compétition avec d’autres petites sociétés situées partout dans le monde.

La RSE peut joué un rôle dans cette rude compétition, c’est pour cela que je ne la considère pas comme un fardeau pour les entreprises.  La responsabilité sociale des entreprises est pour moi partie intégrante de la stratégie commerciale, une partie sans laquelle il est impossible d’exister.

Pour finir, penchons nous à nouveau sur la crise. L’idéogramme chinois pour « crise » signifie à la fois « danger » et « opportunité ». Est-ce que c’est comme cela que vous voyez la crise – pour Microsoft comme pour l’économie mondiale ?

Absolument. C’est en partie dû aux choses dont j’ai parlé – les dettes, la démographie, la compétitivité. La crise est une opportunité incroyable pour mener à bien les réformes nécessaires. En Europe, il s’agit des réformes des retraites et du système sociale ainsi que la réforme de l’Education qui doit offrir plus de soutien à la créativité et à l’innovation étant donné que l’Europe doit gagner sa vie en vendant des idées. Il est grand temps de faire ses réformes. La question qui subsiste est de savoir si les politiciens européens auront le courage de mener à terme ces réformes. Car il y a parfois de grandes différences entre ce que l’on sait que l’on doit faire et ce que l’on fait. Par exemple, l’Union Européenne a une stratégie pour 2020. C’est tout à fait respectable. Mais il faut la mettre en oeuvre. C’est pour cela que je pense que la crise est l’occasion d’apporter des changements. En plus, les gens, les électeurs, sont beaucoup plus ouverts au changement maintenant. Si ces réformes sont bien expliquées, il y aura les opportunités pour les faire passer. Mais la fenêtre de tir dont nous disposons pour agir est limitée.

Interview réalisé par Roman Chlupaty pour Owni et GlobeReporter.org.
Traduction Thomas Seymat

Crédit Photo Flickr CC : Stuck in Custom / Norges Bank

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La e-mémoire: rêve transhumaniste ou cauchemar déshumanisé? http://owni.fr/2011/01/17/la-e-memoire-reve-transhumaniste-ou-cauchemar-deshumanise/ http://owni.fr/2011/01/17/la-e-memoire-reve-transhumaniste-ou-cauchemar-deshumanise/#comments Mon, 17 Jan 2011 12:20:45 +0000 JCFeraud http://owni.fr/?p=42747 En fondant la Bibliothèque d’Alexandrie en 288 avant JC, Alexandre le Grand nourrissait le projet fou de conserver tout le savoir de l’humanité depuis l’invention de l’écriture à Sumer et Babylone. Sous l’empire romain et au plus haut de sa gloire, cette merveille de l’Antiquité compta jusqu’à 700.000 volumes sur papyrus et parchemins…avant d’être détruite et pillée par les disciples chrétiens du dernier des Ptolémée en l’an 642 comme le raconte le récent peplum Agora. Les savants et philosophes furent expulsés et toute cette mémoire partit en fumée, plongeant le monde dans l’éclipse intellectuelle et scientifique du bas moyen-âge. A l’époque nulle copie de sauvegarde n’était disponible…

Mais quinze siècles plus tard, le saut technologique quantique permis par la révolution numérique rendrait presque palpable le rêve de garder pour l’éternité la mémoire de chaque être humain né sur cette Terre !

L’homme est poussière et retournera à la poussière, mais ses souvenirs resteront gravés sur silicium dans une quête si humaine d’éternité. Les pharaons et Alexandre en rêvaient…Microsoft va le faire.

C’est en tous cas le projet fou de Gordon Bell, un chercheur vétéran de la firme qui a entrepris en 1998 de numériser tous ses écrits, puis d’archiver sur disque dur chaque jour de sa vie en photographiant, scannant, enregistrant méthodiquement tout ce qu’il voyait, mangeait, lisait ou ressentait. Baptisé MyLifeBits (Mes bouts de vie), cette vaine tentative de se constituer une e-mémoire est devenue un livre, qui vient de sortir en France chez Flammarion sous le titre Total Recall. Une allusion bien sûr au film de Paul Verhoeven adapté d’une nouvelle du grand Philip K.Dick (We can remember it for you wholesale).

Sauf que dans le film, la société Rekall vend des faux souvenirs qu’elle implante dans la mémoire de ses clients. Alors que Gordon Bell et son assistant Jim Gemmell prétendent vous aider à vous constituer votre propre mémoire électronique avec un véritable manuel : « imaginez que vous ayez accès, d’un simple clic, à toutes les informations reçues au cours de votre vie », résume l’incontournable Bill Gates qui préface le livre.

Se souvenir jusqu’à ne plus pouvoir vivre

Mais avant d’en arriver là, il vous faudra donc :

1. vous équiper du matos nécessaire (ordinateur, scanner, smartphone faisant appareil-photo-vidéo-GPS…)
2. numériser et sauvegarder maniaquement toutes vos archives personnelles (carnets d’adresse, documents administratifs, photographies, livres lus, musiques écoutées, mails échangés etc…)
3. vous convertir (ainsi que vos proches, votre employeur etc…) au « lifelogging », à savoir l’enregistrement en continu de votre quotidien sous forme de photos, fichiers audio, vidéos, parcours GPS…)
4. Et ce n’est pas le moins fastidieux, organiser soigneusement votre « e-mémoire » en classant le tout suivant une arborescence chronologique parfaite.

Explication rapide dans cette vidéo promotionnelle made in Microsoft:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Oui, imaginez un truc de dingues qui vous empêche finalement de vivre votre vie, de goûter l’instant présent, de savourer le fragile instant de bonheur d’une caresse de soleil sur le visage au premier jour du printemps car vous serez trop occupés à shooter les premiers bourgeons sur les arbres, ces gosses qui jouent devant vous, cette grappe de jeunes filles en fleur, tout en parlant tout seul pour noter-enregistrer vos impressions ! Qui n’a pas expérimenté l’impression de passer à côté de l’instant à force de trop vouloir le capturer en photo ou vidéo ?

Bien sûr Gordon Bell nous promet pour bientôt une automatisation de ce fastidieux processus de sauvegarde mémorielle à force de mini-caméra incorporée aux vêtements, de GPS intégré à votre terminal portable préféré permettant de restituer fidèlement vos impressions et vos sentiments, de retracer vos moindres pas.

Mais au fait à quoi rime tout cela ? Que fera-t-on vraiment de cette masse de souvenirs numérisés ? L’auteur avoue avoir stocké 261 gigaoctets sur son unité centrale, plus une centaine d’autres gigaoctects sur des serveurs extérieurs…Plus qu’il n’en aurait fallu pour sauver la bibliothèque d’Alexandrie consacré à un seul homme, si brillant soit-il ? N’est-ce pas un peu vain et pathétique ? Sauf à en faire un happening artistique et politique comme Hasan Elahi, qui soupçonné à tort d’activités terroristes aux etats-Unis, a décidé d’enregistrer sa vie en life-logging. Un geste militant en forme de pied de nez à la surveillance dont il est l’objet. A lire ici sur OWNI.

La numérisation : abolition du choix ?

Et un souvenir numérique vaut-il vraiment un vrai souvenir palpable ? La sensation d’un joli galet rond roulant dans votre main en souvenir d’un weekend en amoureux avec la femme de votre vie… est-ce que cela peut-être digitalisé ? Est-ce que cela tient sur une clé USB ? Et puis comment gérer cette fantastique masse de données sans l’oublier…ou devenir fou de nostalgie, obsédé par le passé, incapable de vivre dans l’instant présent ?

Dans une récente critique consacrée à ce livre Total Recall, Le Monde évoquait la nouvelle de Borgès “Funes ou la mémoire”: ou comment un jeune homme acquiert par accident le don de mémoire totale et en perd la raison, incapable de penser et vivre sa vie au présent tout en gérant ses souvenirs infinis…

Alors faire œuvre de mémoire oui, bien sûr. Mais pas de manière industrielle, robotisée, déshumanisée…Dans ce récent billet, Autant en emporte nos images, je disais ma nostalgie de la photo argentique qui obligeait à choisir minutieusement l’instant, la pose, l’exposition, la vitesse d’obturation pour faire LE cliché souvenir qui vous fera sourire encore dans 20 ans: « nous prenions des clichés pour garder le souvenir d’une bulle spatio-temporelle de bonheur, laisser un témoignage de nos fragiles existences, transmettre la mémoire familiale, témoigner de l’histoire en train de se faire…bref sourire à la vie et dire merde à la mort… ».

Aujourd’hui ce n’est plus pareil, ça change, ça change comme chantait Boris Vian dans la Complainte du Progrès :

Prendre non pas une, mais dix mais cent photos sans y penser. Les transmettre en quelques secondes d’un appareil numérique ou d’un smartphone sur l’écran d’un ordinateur, d’une tablette ou d’un téléviseur. Faire défiler paresseusement des centaines de clichés, stockées sur son PC, cocher ce qui nous plait, retoucher le cliché comme un chirurgien photoshop de l’image, diffuser une beuverie d’un soir ou un souvenir de vacances sur le réseau d’un clic et l’oublier immédiatement…

Pardon je m’autocite encore.

Le risque d’une e-surveillance consentie

Mais tout à son scientisme geek béat, Gordon Bell balaye, zappe presque toutes ces interrogations :

Total Recall va bouleverser le fait même d’être humain. A terme, l’avènement de ce programme constituera pour la prochaine génération un changement aussi important que l’ère numérique l’a été pour la notre.

Et nous revoilà partis dans le délire flippant de la « transhumanité » cher à Google, le meilleur ennemi de Microsoft…il n’y a pas de hasard. « Ce que nous essayons de faire c’est de construire une humanité augmentée, nous construisons des machines pour aider les gens à faire mieux les choses qu’ils n’arrivent pas à faire bien (…) Google veut-être le troisième hémisphère de votre cerveau », prophétisait récemment le patron de la Firme, Eric Schmidt. J’en parlais dans ce billet.

Pire l’auteur, qui dit avoir eu l’idée de MyLifeBits pour se « débarasser totalement du papier », élude carrément la question centrale de la possibilité d’une e-surveillance de nos vies numérisées par l’Etat et ses pseudopodes policiers arpenteurs du Net: « Comment ne pas craindre, par exemple, que le gouvernement nous espionne par le biais de nos e-souvenirs ? », se demande-t-il benoîtement. Comment en effet ne pas craindre d’être fliqué jusque dans notre intimité mémorielle quand déjà les caméras de surveillance scrutent nos villes et nos vies comme autant d’yeux inquisiteurs (voir la carte des 1300 nouvelles caméras prévues en 2011 à Paris sur OWNI?

Et bien Gordon Bell et son co-auteur Jim Gemmel ne craignent pas Big Brother et son Brave New World. Normal, ils travaillent pour Microsoft. Ils nous promettent la main sur le coeur un Little Brother qui serait chacun d’entre nous:

La face démocratique d’une société de surveillance globale dans laquelle les moyens d’enregistrement, au lieu d’être aux mains d’une autorité centrale unique, sont partagés entre des millions d’individus.

Tu parles Charles, moi je préfère garder mes souvenirs pour moi. Et si possible sous forme de vraies choses analogiques: une photo prise à Paros dans les Cyclades un été 1990 où le bleu Klein de l’azur claque sur la blancheur des maisons chaulées; le galet rond d’Etretat dont je vous parlais plut haut; un brin de lavande cueilli un jour en montagne par ma fille aînée; une mèche des cheveux blonds de sa cadette; un instant à deux rayonnant de lumière sur le toit de la maison Gaudi à Barcelone…et tant d’autres choses palpables, exhalant un parfum de douce nostalgie, un moment de bonheur, de grâce ou d’amour que jamais la numérisation ne pourra exprimer autrement que par une pâle copie fantôme.

“Après votre mort, le corpus d’informations ainsi constitué permettra même la création d’un « vous » virtuel. Vos souvenirs numériques et les traits de votre personnalité, sous forme fossilisée, formeront un avatar avec lequel les générations futures pourront converser”, fantasment les auteurs.

Ou comment accéder au désir si humain d’immortalité, le vieux rêve d’Alexandre et de Pharaon, la boucle est bouclée. Pour ma part, je ne sais si j’ai envie de finir sous forme d’hologramme 3D, radotant méthodiquement ma vie fossilisée dans un cimetière numérique. Je préfèrerais je crois laisser des choses de moi comme un jeu de piste, des écrits, des photos, des vidéos façon puzzle. A exhumer patiemment, sûrement pas en un clic. Si cela intéresse l’un de mes descendants ou quelqu’un d’autre. Et si demain surtout, on a encore la patience de donner le temps au temps des souvenirs…

Billet publié originalement sur le blog Sur mon écran radar sous le titre “Total Recall”, votre vie numérisée pour l’éternité ?

Photos FlickR CC : Amy Halverson ; Jurvetson ; Tony Hall.

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Rencontre avec danah boyd http://owni.fr/2010/08/30/rencontre-avec-danah-boyd/ http://owni.fr/2010/08/30/rencontre-avec-danah-boyd/#comments Mon, 30 Aug 2010 08:13:03 +0000 Alexandre Léchenet http://owni.fr/?p=25753 danah boyd travaille depuis maintenant un an et demi au Microsoft Research New England et s’est auparavant  fait connaître grâce à ses études sur Friendster puis MySpace. Elle se spécialise sur la question des pratiques et usages des adolescents sur les réseaux sociaux et sur les questions liées à la confidentialité. Ses analyses ont déjà été régulièrement reprises sur OWNI. Je suis allé la rencontrer à Boston.

Le bâtiment de Microsoft Research est posé juste à côté du MIT et propose une vue assez impressionnante sur les voiliers traversant la rivière Charles. Arrivé au douzième étage, je demande danah boyd. Un premier chercheur ne voit pas de qui je veux parler. Un second me dit que le nom lui dit bien quelque chose, mais qu’il ne peut pas m’en dire plus. Finalement, une autre personne m’amène jusqu’à une salle de réunion assez simple. Assise sur un canapé anis, une couverture verte sur les genoux, danah boyd me reçoit.

L'envers du décor

Généralement, quand on lui demande ce qu’elle fait, elle répond qu’elle est chercheur en “social media”. Elle m’explique que pour elle, ce terme n’a pas de signification précise mais qu’il a le mérite de dire quelque chose à tout le monde. Son métier consiste à analyser les interactions sociales entre les humains. Dans le cadre des médias sociaux, il s’agit surtout de comprendre comment la technologie permet de favoriser ou d’influencer ces interactions.

Adolescents et réseaux sociaux

Premier sujet de notre échange : les adolescents. À partir de 8 ans, les enfants commencent à comprendre le monde qui les entoure et leur place dans celui-ci. À présent, ils doivent également comprendre comment s’insérer dans les réseaux sociaux. La plupart a déjà compris que l’information était un pouvoir. Si je sais quelque chose sur quelqu’un, cela me donne un pouvoir, et cela fonctionne également dans l’autre sens : si quelqu’un sait quelque chose sur moi, j’ai un pouvoir sur lui.

Dans une société traditionnelle, les informations personnelles s’échangent dans les deux sens la plupart du temps, à moins d’entrer dans des relations parasociales. Les relations parasociales sont celles par exemple qui lient une personnalité à ses fans, où ils en savent beaucoup, mais la personnalité n’a pas besoin de savoir quoi que ce soit sur eux. Ce genre d’interaction est beaucoup plus courante sur Internet, avec des gens suivant d’autres personnes ou ayant accès à leurs informations.

La relation parasociale sur Internet peut rendre les gens vulnérables. Et particulièrement les jeunes, qui arrivent dans le monde à cet âge, n’ayant aucune indication sur la façon dont il fonctionne. Ils ne doivent pas seulement découvrir le monde, mais également les technologies. Et c’est ce qui rend passionnant l’étude des enfants pour danah boyd.

Face au flux de l’information, nous sommes tous effrayés de pouvoir manquer quelque chose, mais nous savons qu’il est impossible de tout consommer. Les jeunes nagent également dans ces flots d’informations, mais ça a plus d’importance pour eux. Ils vivent avec tous les jours. Et en sortir est un choix difficile à faire.

La génération Y n’existe pas

Concernant l’existence d’une “Génération Y” dont on nous parle si souvent, elle est assez claire : c’est de la bouillie marketing. Il existe sans aucun doute des périodes dans la vie où des tranches d’âge partagent les mêmes découvertes et une actualité commune. En revanche, il ne s’agit pas d’une génération au sens où les gens l’entendent : on généralise beaucoup trop. La question de la classe sociale compte beaucoup. La “Génération Y” n’est en fait qu’une petite partie des jeunes actuels, celle que les spécialistes du marketing doivent atteindre.

Attention, hackers

Nous revenons ensuite sur les “attention hackers”. Ces jeunes qui ont décidé de s’amuser avec l’économie de l’attention, mettant en lumière la malléabilité de l’information. La nouvelle pédagogie proposait il y a quelques années que les élèves s’intègrent dans les livres, racontant comment il pourraient sauver tel personnage ou aider tel autre, pour s’investir. Aujourd’hui, l’investissement personnel est sorti des considérations éducatives pour s’étendre bien au-delà. Les jeunes sont passés de la pure consommation au cycle consommer et produire.

L’exemple typique de produit culturel qui entre dans ce schéma est Lost, série qui n’est pas faite que pour être regardée mais qui pousse ses spectateurs à produire des théories, des réflexions… Les artefacts culturels qui entourent un fait d’actualité ou un bien culturel lui donnent un intérêt et investissent le spectateur/lecteur/producteur. danah me parle ensuite des tags vidéo où des jeunes Philippins expliquent ce qui les fait philippins et qui proposent à plusieurs de leurs amis de réaliser à leur tour une vidéo.

danah meets Morano

C’est le moment que je choisis pour lui montrer la publicité du secrétariat d’État à la famille. Plus la vidéo avance et plus elle sourit. En voyant le vieux monsieur proposer à la petit fille de lui montrer son lapin, elle s’esclaffe “Il ne manquait que lui !” Je lui expose rapidement les projets de filtrage de notre gouvernement.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Elle redevient alors sérieuse. Ses exemples et études sont principalement américaines et britannique : elle ne s’avance pas à l’appliquer à la France. Pourtant, l’étude EU Kids Online de Sonia Livingstone, encore en cours, semble confirmer les chiffres observés en Angleterre et aux États-Unis. S’ensuit une suite d’arguments dont je sens qu’elle a l’habitude.

Les problèmes que peuvent rencontrer les individus en ligne sont des problèmes qui ne sont que révélés sur Internet et qui arriverait sans le réseau. Des brimades ? Des jeunes qui s’invitent chez un camarade de classe pour y faire la fête ? Cela existait avant. Ce qu’apporte Internet, c’est une preuve tangible, un enregistrement de ces problèmes.

danah prend alors pour exemple le site des pro-ana, dont elle sait qu’une sénatrice française, Patricia Schillinger, a tenté de les interdire, initiative qui lui semble dérisoire. Elle avait suivi toutes les discussions autour de ce thème et ce qui la surprend c’est qu’on veuille interdire des sites où des jeunes se présentent dans des états de maigreur morbide, et partagent leur maladie alors que selon elle, la première des choses à faire serait plutôt d’aider ces jeunes filles qui sont dans une situation visiblement merdique [visible deep shit].

Les blogs où les jeunes organisent leurs suicides qui permettent à la presse de titrer “Internet les a poussés au suicide” constituent également un bon exemple. Encore une fois, si on remonte un peu dans les archives de ces blogs, on aperçoit de nombreux appels à l’aide, auquel il s’agirait plutôt de répondre plutôt que de blâmer la technologie.

Face à tous ces problèmes, plutôt que l’outil législatif, danah boyd préconise des services sociaux. Prenant pour exemple les “Street Outreach Service”, structures dans lesquels des jeunes aidaient d’autres jeunes ayant des problèmes dans la rue, elle imagine des patrouilles virtuelles qui trouveraient ces contenus et tenteraient d’aider ces jeunes.

Pédophilie et pédopornographie

La pédophilie est également évoquée. Elle me rappelle que la plupart des agressions sexuelles sont perpétrées par un membre de la famille ou un proche et donne cet exemple des violeurs qui vont statistiquement plus souvent se rapprocher de mères célibataires.

La plupart du temps les informations personnelles que les enfants diffusent à propos d’eux-mêmes ne leur occasionnent pas de problème. Les risques potentiels existent uniquement quand la conversation tourne autour du sexe. Et dans ce cas, ce sont les enfants qui mentent sur leur âge et ils savent très bien ce qu’ils font, et ils le font pour le sexe. Il a été prouvé que ces enfants ont des problèmes dans leur famille ou des désordres psycho-sociaux. Encore une fois, il s’agit plutôt d’aider les enfants que de traquer des pervers.

Concernant la pédopornographie, il s’agit de quelque chose de beaucoup plus grave selon elle. Il s’agit de la production d’enregistrements de crime contre des enfants. La diffusion de ces images continue de nuire aux enfants. Et plus une personne collectionne sur son ordinateur des contenus pédopornographiques, plus la probabilité qu’il passe à l’acte lui-même est importante. Le taux de conversion de la consommation à la production de telles images est énorme. Il s’agit donc d’empêcher les gens d’en collectionner.

Et de bien faire la différence avec des vidéos impliquant des enfants pré-pubères ou les pratiques de sexting entre adolescents, ce que ne fait pas encore la loi. Un outil législatif puissant contre la pédo-pornographie est donc nécessaire pour empêcher les consommateurs de devenir producteurs.

Alors, faut-il tout de même donner des cours aux jeunes pour leur expliquer la confidentialité et Internet ? La réponse est claire, il faut avant tout les éduquer. Tout simplement. Quand on regarde l’interview de la soldate israelienne dont le nom sera à jamais attaché à ces photos, on se rend surtout compte qu’elle n’est pas très intelligente et que sa réputation est à jamais entachée. Les jeunes doivent tous les jours faire avec leur réputation. Et ça ne change pas avec Internet.

Pour finir, elle parle des quatre leviers de Lawrence Lessig pour que les choses changent : le marché, la loi, les normes sociales et la technologie. Il faut jouer avec ces quatre leviers pour faire évoluer la société. Pour ces différents problèmes, le marché et la technologie sont trop dispersés. Il faut donc faire évoluer nos normes sociales et se baser sur la loi, qui a le désavantage de ne pas être très rapide, pour résoudre les plus grands problèmes.

L’heure accordée à notre entretien est bientôt terminée, danah espère que l’annonce de Places par Mark Zuckerberg ne va pas l’obliger à lire toutes la soirées les nouvelles normes de confidentialités de Facebook et les brèches que cette nouvelle fonctionnalité va ouvrir. D’ailleurs, elle en est convaincue, le futur se jouera sur le mobile et la localisation. Est-ce que Facebook fera partie de ce futur ? On n’a pas la réponse. Il y a dix ans, on pensait que Yahoo serait le plus gros. La question est donc de savoir jusqu’à quel point Facebook va se mettre ses utilisateurs à dos. Et à quel moment le coût social d’utilisation d’un tel réseau social sera plus important que les bénéfices qu’on en tire.

En me relevant, je regarde une dernière fois les voiliers sur la rivière Charles et elle me raconte la beauté de la rivière en hiver quand celle-ci est gelée et que les gens patinent dessus. Où l’amusement qu’elle peut avoir à regarder les jeunes marins tomber pendant leurs cours de voilier.

Patiner, tomber, se relever. La vie tout simplement. En ligne ou hors ligne.

Illustrations CC FlickR par Ewan McIntosh, Peter the Repeater

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