OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le Web, acteur et enjeu de la vie politique russe http://owni.fr/2011/05/04/internet-web-politique-russie/ http://owni.fr/2011/05/04/internet-web-politique-russie/#comments Wed, 04 May 2011 09:36:46 +0000 Julien Nocetti http://owni.fr/?p=60876 Relativement libre, le traitement du Web en Russie contraste avec le contrôle étroit exercé sur les médias traditionnels, télévision en tête. Le phénomène des blogs est porté par la croissance substantielle du Net en Russie depuis une décennie. Le potentiel politique de la blogosphère est régulièrement mis en avant par les affaires de corruption révélées par des blogueurs-militants, comme celui impliquant le groupe pétrolier Transneft, dénoncé par Alexeï Navalny [EN] à l’automne 2010, ou la polémique née de la construction d’une autoroute traversant la forêt de Khimki [EN], au nord de Moscou.

La blogosphère, caisse de résonance du ressentiment populaire

La mobilisation pour la sauvegarde de cette zone protégée s’est structurée en grande partie sur la blogosphère. Dans les situations extrêmes, les blogueurs sont les premiers à répandre la nouvelle et à agréger l’information. Le rôle des blogs et des micro-blogs, comme Twitter, a ainsi été crucial dans la couverture médiatique des attentats du métro de Moscou en mars 2010 ou des incendies dévastateurs de l’été 2010. L’action d’opposition concerne désormais moins les figures ou partis politiques que les actions de terrain. Le Web sert souvent de dernier recours dans des situations désespérées, comme en témoigne la mode des « policiers YouTube » [EN] ou les manifestations d’automobilistes dans l’Extrême-Orient. Les sceptiques estiment que les blogs sont utilisés par l’Etat comme un moyen de canaliser les opinions critiques tout en conservant intact un système politique semi-autoritaire.

Dimitry Medvedev - World Economic Forum Annual Meeting 2011

Cette utilisation politique du Web – néanmoins balbutiante – a attiré l’attention du Kremlin. Le numérique crée en effet un défi de gouvernance et de légitimité politique que le président Medvedev, plaçant les nouvelles technologies en tête des priorités de son mandat et lui-même technophile convaincu, a su anticiper. Cette démarche se traduit par une implication de plus en plus visible des gouvernants (ministres, parlementaires, gouverneurs des régions) sur les principales plateformes de blogs et les réseaux sociaux comme Vkontakte (équivalent russe de Facebook) ou Twitter. A l’origine de ce « dédoublement virtuel » : l’inquiétude du Kremlin dans la perte de confiance des citoyens dans les médias officiels, tandis que le Web est un moyen de promouvoir la modernisation du système politique. Avec plus ou moins de succès [PDF] jusqu’à présent.

Frontières numériques = frontières physiques ?

Multipliant les projets dans la sphère numérique, l’État russe est un « acteur proactif » du Web, qui tente de modeler l’espace d’information national et de diffuser des messages politiques qui lui sont favorables. L’objectif est de parvenir à une « russité » du Net russophone, c’est-à-dire de calquer les frontières numériques sur les frontières physiques. Dans cet objectif, les autorités superposent une série d’initiatives incitant les internautes à rester dans le cadre du cyberespace national. Tant le projet de créer un moteur de recherche d’État [RU] que l’adoption de l’open source par les différents organes du pouvoir ou le lancement d’un nom de domaine en cyrillique relèvent de cette logique.

En plus de « souverainiser » le Net russe, le Kremlin cherche à établir un contrôle à la fois plus ferme et sophistiqué sur le Web. Le pouvoir a su créer un corpus juridique favorable au contrôle des flux informationnels et cultiver une communauté dynamique de « gourous de l’Internet ». Ceux-ci, par le biais de startups, favorisent la diffusion de messages pro-Kremlin dans les forums et blogs. En outre, l’État concentre les actifs des firmes russes du Net entre les mains d’entrepreneurs proches du Kremlin. On estime ainsi que près de 70 % des pages vues sur le Net russe appartiennent aux sites web du groupe Mail.ru (ex Digital Sky Technologies), qui rassemble le portail Mail.ru, les réseaux sociaux Vkontakte et Odnoklassniki, et participe au capital de Facebook et de startups prometteuses comme Groupon, Zynga ou Spotify.

La route vers les élections sera numérique

Le discours des dirigeants russes sur le numérique reste toutefois empreint d’une certaine schizophrénie. D’un côté, l’administration présidentielle, autour de Dmitri Medvedev, focalise ses initiatives sur le potentiel modernisateur et innovant des nouvelles technologies du Net. D’un autre côté, les siloviki – l’entourage de Vladimir Poutine – redoutent un « scénario à l’arabe » : en Tunisie et en Egypte, les outils du Web 2.0 ont joué un rôle indéniable dans l’organisation des manifestations et la diffusion des événements en cours. Pour ce clan politique, l’Occident – avec Google, Facebook, Twitter et YouTube en « bras armés » – aurait trouvé là un nouveau moyen de faire avancer ses intérêts après les révolutions de couleur dans l’espace post-soviétique. Les récentes déclarations d’Igor Setchine (vice-premier ministre) et d’un haut responsable du FSB, assimilant ces outils à une « menace pour la sécurité de la Russie », valident cette nervosité au sommet.

Quant aux internautes, les récentes cyber-attaques sur la plateforme de blogs LiveJournal [RU], très populaire, ravivent leurs craintes. Assimilées à un « galop d’essai » du pouvoir avant les échéances électorales par certains blogueurs russes, ces attaques traduisent le potentiel de nuisance des autorités sur le Net. A l’approche des campagnes électorales, le rôle des médias et réseaux sociaux sera donc à surveiller de près.


Illustrations Flickr CC France Diplomatie et World Economic Forum

]]>
http://owni.fr/2011/05/04/internet-web-politique-russie/feed/ 1
@whitehouse: “Welcome President Medvedev @KremlinRussia !” http://owni.fr/2010/06/29/whitehouse-welcome-president-medvedev-kremlinrussia/ http://owni.fr/2010/06/29/whitehouse-welcome-president-medvedev-kremlinrussia/#comments Tue, 29 Jun 2010 10:25:20 +0000 Gregory Asmolov (trad. C.Ulrich) http://owni.fr/?p=20543 Ce billet a été originellement publié sur Global Voices, écrit par Gregory Asmolov et traduit par F. Der Hagopian sous le titre “Russie : la visite du président Medvedev à Silicon Valley fait buzzer la blogosphère russe“.

__

Premier tweet du président Medvedev (et première faute de frappe).

[Liens en anglais, sauf mention contraire] La visite du président russe Dmitry Medvedev à Silicon Valley en Californie a fait couler beaucoup d’encre. Son principal objectif était d’étudier cette expérience américaine et d’attirer des investissements américains pour la création d’une “Silicon Valley russe”, Skolkovo. L’un des plus grands succès de cette visite fut la signature d’un contrat d’un milliard de dollars avec Cisco. L’un des plus grands scandales fut le refus du président de rencontrer l’un des fondateurs de Google, Sergey Brin, qui est natif de Moscou et est connu pour ses positions critiques envers les autorités russes.

Pourtant les blogueurs russes se sont principalement attachés à d’autres événements : la visite de Medvedev au siège de Twitter durant laquelle il a ouvert son propre compte Twitter et le fait qu’il devienne le premier citoyen russe à posséder un iPhone 4 (même si il ne sera probablement pas capable de l’utiliser pour des raisons de sécurité).

En fait, pour les blogueurs et utilisateurs de Twitter russes, la préparation de la visite a commencé avant même que Medvedev envoie son premier tweet. Ainsi, Lenaswan sur LiveJournal a suggéré [en russe] :

[Chers amis], puisque il est annoncé que Medvedev va visiter quelques sociétés installées dans la Vallée – Twitter, Wpple, Yandex… - ne devrions nous pas créer un mot clé sur Twitter #askMedvedev (demandez à Medvedev) et poser quelques questions dérangeantes ?

Voici l’une des questions :

Barack Obama, vous pourriez jeter un coup d'œil à #askmedvedev et lui demander quand le procès de Khodorkorsky sera annulé et quand il sera libéré ?

Aussitôt créé, le 23 juin, le compte Twitter est devenu l’un des principaux sujets de discussion sur la blogosphère russe. Medvedev a aussi créé un version en anglais de son compte, KremlinRussia_E, où les messages, à la différence de ceux en russe, sont écrits sans fautes de frappe.

Le premier Tweet du Président Medvedev (sur le compte anglais)

Le premier tweet du président a été salué par @White House et re-tweeté par @BarackObama. Il y a quelques années, les dirigeants soviétiques et américains avaient un “téléphone rouge” pour communiquer, maintenant ils utilisent Twitter pour se parler :

La première personne que @kremlinrussia suit est @barackobama… Cela semble si ambigu : le Kremlin qui suit Barack Obama…

Le président américain lui-même, lors de sa conférence de presse avec Medvedev a évoqué en plaisantant le remplacement du téléphone rouge par Twitter. Cela n’a pas empêché quelques utilisateurs russes d’exprimer les inquiétudes suscitées par cette amitié Twitter des premiers twittereurs américains et russes.

Sur le même sujet, d’autres utilisateurs s’inquiétaient [en russe] pour la sécurité de la plate-forme Twitter après la visite du président russe.

Ils n'auraient pas du le (président Medvedev) laisser entrer dans le bunker de Twitter. Il pourrait avoir amené un genre de nano-virus avec lui.

Tina Kandelaki, une populaire animatrice de télévision russe, membre du conseil de la société civile du gouvernement, et utilisatrice très active de Twitter était très enthousiaste [en russe] devant ces nouvelles de Californie :

Medvedev est l’un des rares présidents qui ne cache pas à quel point il aime la vie. S’il continue à partager des photos comme celles de son inscription sur Twitter, le gouvernement russe aura une véritable chance de devenir un gouvernement dont le peuple est fier. Quelqu’un a souligné avec raison que son nombre de suiveurs et la vitesse à laquelle leur nombre augmentait prouvaient clairement la popularité du président. S’il continue comme il l’a fait au début , l’émergence d’une “nouvelle” Russie deviendra évidente non seulement pour nous mais aussi pour l’Occident.

Alexander Plushev, un expert connu d’Internet et animateur de radio sur Echo Moskvyétait un peu plus sceptique [en russe] quant à la valeur de la visite de Medvedev à Silicon Valley :

En fait, le voyage de Medvedev en Californie semble très amusant : ”Wow, je suis avec Shwartz ! Je reviens !”, “Je suis sur Twitter !”, “Vue de San Fransisco”, “Vous pouvez tout trouver en Amérique ! Même Yandex !”, “Je fais un tour avec Jobs !”, “J’ai reçu un cadeau – le nouvel iPhone !”. On dirait un rêve d’enfant qui se réalise. Comme quand les Deep Purple sont venu en Russie. Poutine aime conduire [des véhicules militaires] et monter à cheval, tandis que Dmitry Anatolievich [Medvedev] est plus du genre gadgets. Je ne critique pas, vous savez, moi aussi j’aime conduire et j’aime les gadgets, les cadeaux, etc. Je ne crois simplement pas que ce soit une raison pour devenir président.

Piligrim-67 était plus optimiste et suggérait [en russe] qu’il y avait quelque chose de positif dans l’ouverture du compte Twitter du président russe :

L’important, c’est que quand notre président joue avec ses gadgets, il ne crée pas de problèmes pour notre pays. C’est pourquoi personnellement je souhaite qu’il passe autant de temps que possible sur Twitter. Cela permettrait peut être au pays de survivre à la durée de son mandat présidentiel.

Kmartynov argumente [en russe] que ce nouveau compte Twitter soulève des dilemmes intéressants sur le second mandat de Medvedev :

Medvedev a ouvert un compte appelé KremlinRussia. J’ai une question à ce sujet : devons-nous en conclure que d’autres résidents du Kremlin hériteront du compte à un certain point, ou que Medvedev compte s’amuser un peu puis se lassera, ou qu’il a l’intention de rester au Kremlin pour toujours ?

Sur Twitter, beaucoup étaient très excités que les premiers tweets semblent en effet avoir été écrits par le président lui-même. Il a été jusqu’à publier une photo de la vue de sa suite d’hôtel à San Francisco. Cette excitation n’a cependant pas duré. @Kursenko écrit [en russe] :

Selon ses derniers tweets, @kremlinrussia en a assez de jouer. Ou il n'a simplement pas le temps. Maintenant il n'y plus que des redites par son service de presse.

Sur Twitter berillii a même adressé [en russe] un message addressé à la porte-parole du président, Natalya Timakova :

@KremlinRussia Natalya Aleksandrovna, s'il-vous-plait créez un compte Twitter séparé pour les (conneries) officielles non-personnelles ! RT

Certains blogueurs russes voient le lancement de @KremlinRussia comme un nouveau moyen de contacter le président. Alexey Navalny, un blogueur anti-corruption bien connu, a publié [en russe] un billet qui exposait la corruption qui a abouti au décès de l’avocat Sergei Magnitsky et a suggéré d’utiliser la nouvelle plate-forme pour approcher Medvedev :

Il semble que Medvedev ait ouvert un compte Twitter. Envoyons lui quelques liens. Sinon notre leader high-tech pourrait, pendant qu’il joue avec son iPhone, oublier que dans ce pays la police vole des milliards et que les gens sont torturés dans les prisons.

Le billet de Navalny a poussé LenaSwan à poser d’autres questions :

La chose la plus incroyable à propos de ce compte Twitter est peut-être que pour la première fois dans l’histoire du web en langue russe les internautes peuvent laisser des commentaires sur le compte officiel du président russe sans aucune modération. Jusqu’à présent, le blog du site officiel kremlin.ru, de même que le groupe du président sur la plateforme de blogs LiveJournal, étaient modérés selon des règles très strictes. Max1976 écrit [en russe]:

Il n’y a pas de pré-moderation sur Twitter :) Les utilisateurs s’amusent déjà
Les commentaires n’ont pas été laissé sur le compte lui-même mais à la suite des trois photos publiées par le président sur Twitpic. Marina Litvinovich, a re-publié [en russe] une photo prise par Medvedev de sa chambre d’hôtel à San Francisco et écrit:

Dans les commentaires le gens demandent quand ce sera comme ça ici [en Russie]. Mais au fait, personne ne lui dit de ne pas revenir.

Les blogueurs russes se sont précipité pour laisser des commentaires sur le compte Twitpic du président. Certains d’entre eux avaient de forts accents d’opposition :

@alburov: Poutine doit démissioner !

@l_i_b_e_r_t_a_d: Dmitry Anatolievich, faîtes démissioner Putin !

@elvinaz1: Libérez Khodorkovsky et le monde vous respectera de nouveau.

Quelques utilisateurs ont saisi l’opportunité d’acceuillir le président russe avec le classique mème du web russe :

@bryhada_ua: Preved, Medved )))

D’autres avaient des questions plus fondamentales :

@sarafan96: Quel appareil photo avez-vous utilisé, @KremlinRussia?

La troisième photo a suscité un intérêt particulier – elle montrait Medvedev avec le légendaire fondateur d’Apple, Steve Jobs :

@Shurik_Coyotoff : Pourquoi ne vendent-ils pas les iPhone en Russie au même prix qu'aux Etats-Unis ? @ButakovRus_SPb : Nous pouvons être fiers d'un tel président. Il comprend tous ces gadgets électroniques. Il est tellement moderne ! @xvitaliy : Je vous adore tous, mais pas votre iPhone.

Quelques utilisateurs russes demandaient des choses spécifiques, après la rencontre avec Jobs :

@RachkovMikhail: Dmitry Anatolievich, s'il vous plait, quand vous rencontrez (Steve) Jobs, demandez lui de faire quelque chose au sujet des prix d'Apple en Russie )

@one_dpi: Anatolich!!! Allez-y ! Ecrasez les pour qu'ils n'augmentent plus les prix pour la mère patrie. Vous faîtes partie de son peuple, n'est-ce pas ? (=

Notons que les réactions n’exprimaient pas seulement des messages d’opposition ou des souhaits, mais aussi des compliments :

@NikitaOdintsov: Bravo, c'est la PREMIERE personne et président de TOUTE l'histoire russe qui sait ce qu'est un ordinateur, et pas simplement un ordinateur, mais un Mac !

Le compte présidentiel sur Twitter a attiré de nombreux spammers, des trolls et des contenus “inappropriés”. Par exemple, la communauté russe 4chan a commencé a publier des liens sur ses forums. Les commentaires ont commencé comme une plaisanterie.

Un des blogueurs a publié [en russe] une capture d’écran avec du spam et la réponse “Merci de vos commentaires” du président russe sur la même page. Certains commentaires appelaient au retour de l’ordre, sinon en Russie, au moins sur le nouveau compte Twitter :

Et en effet, l’appel de @reclamat est probablement celui auquel il a été répondu presque immédiatement. Le 24 juin, alors que Medvedev mangeait des hamburgers avec le président Obama, tous les commentaires ont soudain disparu. Toutes les tentatives pour laisser de nouveaux commentaires ont échoué. L’ère de la démocratie russe en ligne sans modérateur avait duré moins de 24 heures.

P. S. Le même jour, un “frère jumeau” du président russe est apparu sur Twitter – un compte avec un nom très proche de celui du président et sur lequel l’auteur a fait [en russe] les mêmes fautes de frappe que Medvedev avait faites dans son premier tweet :

J'ai ouvert Twitter. C'est aussi mon6 premier message. Nishukov Vladimir.

Peut-être que ceux qui ne peuvent plus laisser de commentaires sur @KremlinRussia devraient se tourner vers @RussiaKremlin. Ça a l’air d’être un gars sympa.

__

Billet originellement publié sur Global Voices, sous le titre “Russie : la visite du président Medvedev à Silicon Valley fait buzzer la blogosphère russe“.

Crédits Photo CC Flickr: Fenst, captures d’écran Global Voices.

]]>
http://owni.fr/2010/06/29/whitehouse-welcome-president-medvedev-kremlinrussia/feed/ 7