OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 DCRI contre Anonymous http://owni.fr/2012/01/27/dcri-contre-anonymous/ http://owni.fr/2012/01/27/dcri-contre-anonymous/#comments Fri, 27 Jan 2012 16:34:26 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=96090

Pierrick Goujon, photographié à OWNI (cc Claire Berthelemy)

Ce vendredi, OWNI a longuement rencontré Pierrick Goujon, 29 ans, connu sur les réseaux sous le pseudo de Triskel. Il est soupçonné par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) d’être un membre des Anonymous – même si ce mouvement militant se caractérise par l’absence totale de hiérarchie, de structures et de cartes de membres. Hier, après 45 heures de garde à vue, plus 15 heures d’attente dans une cellule du Palais de Justice de Paris, Pierrick Goujon a été présenté au juge David Benichou du Tribunal de grande instance de Paris, qui l’a mis en examen. Selon son ordonnance de placement sous contrôle judiciaire, que nous avons consultée, le magistrat lui reproche d’avoir :

courant août 2011 sous la banière des Anonymous participé à la campagne Greenrights, entente formée en vue de conduire des entraves par déni de service contre des producteurs/distributeurs d’électricité.

La campagne Greenrights, menée en France, en Allemagne, en Italie et aux États-Unis, consistait à manifester sur les réseaux contre la dépendance de nos sociétés industrielles à l’égard du nucléaire, quelques mois après la catastrophe de Fukushima. Avec Pierrick Goujon, un autre homme également arrêté et interrogé par la DCRI, a été mis en examen pour les mêmes faits.

Mardi 24 janvier, 7h du matin. Pierrick Goujon est réveillé par sa sonnerie de téléphone. Peu habitué à se réveiller si tôt, il raccroche et met son téléphone en mode silencieux. 10 minutes plus tard, le téléphone de son amie sonne. Une voix très autoritaire, limite agressive :

- Bonjour, police nationale. Nous nous trouvons devant votre domicile, où êtes-vous?
- Euh, chez ma copine, à Pontivy.
- Nous voulons vous parler, venez ici, si vous n’êtes pas là dans 30mn on arrive à Pontivy.

Pierrick téléphone alors à la gendarmerie, afin de vérifier s’il ne s’agissait pas d’un canular. Le gendarme de permanence lui répond qu’il n’est au courant de rien : “N’y allez pas, il n’auront qu’à venir. Et vous pourrez dire que je vous ai dit ça“.

Ceinture et bretelles, il n’en téléphone pas moins, malgré l’heure matinale, à son voisin. Cinq minutes plus tard, ce dernier lui confirme que 3 voitures et 10 policiers l’attendent effectivement en bas de chez lui, et qu’ils lui intiment l’ordre de se dépêcher d’arriver.

8h40. Pierrick arrive chez lui. Ceux qui l’attendent sont de la gendarmerie, venus accompagner trois policiers de la DCRI, ce service de renseignement qui se trouve au cœur de plusieurs scandales politiques, décrits dans le livre “L’espion du président”, récemment paru.

Après s’être fait signifié son placement en garde à vue, les policiers de la DCRI entrent chez lui et s’intéressent à ses ordinateurs et disques durs. Pendant ce temps, les gendarmes fouillent un peu partout, “y compris dans les culottes de ma meuf’, à la recherche d’un masque d’Anonymous“.

La preuve ? Un flyer

Conduit à la gendarmerie de Loudéac (la plus proche), il est ensuite amené à celle de Saint Brieuc (parce qu’elle reste ouverte la nuit), puis ramené à Loudéac le lendemain matin, avant d’être conduit à la DCRI, à Levallois-Perret, l’après-midi du lendemain.

Au total, Pierrick estime avoir été interrogé une dizaine de fois. Il a refusé d’être assisté par un avocat, s’estimant totalement innocent des faits qui lui sont reprochés. Il est en effet accusé d’”entrave au fonctionnement d’un système de traitement de données“, pour avoir participé à une attaque par déni de service (ou DDOS, ayant pour but de bloquer l’accès à un serveur en l’inondant de requêtes, un peu comme si des centaines de personnes tentaient d’entrer, en même temps, dans un magasin) contre le site edf.com initiée par les Anonymous.

Pour preuve, la DCRI lui a dit avoir relevé son adresse IP dans les fichiers de logs d’EDF, et que son ordinateur s’y était donc bien connecté sur le site web le jour de l’attaque en question : il reconnaît certes avoir visité le site ce jour-là, comme des dizaines ou milliers d’internautes, mais nie avoir participé à l’attaque par déni de service, étant opposé, par principe, à ce genre de pratique. Des centaines de milliers d’internautes sont ainsi allés, ces derniers jours, visiter elysee.fr ou hadopi.fr, alors qu’ils étaient aussi visés par les Anonymous, y laissant eux aussi leurs adresses IP. Mais jusqu’à plus ample informé, visiter un site, ce n’est pas le pirater.

Pierrick est également accusé d’”entente en vue de l’entrave au fonctionnement d’un système de traitement de données“. La preuve ? Un flyer, posté par on ne sait qui sur le web, qui invitait les Anonymous à s’en prendre à edf.com, et qui mentionnait l’adresse de son site web, irc.lc.

Pour sa défense, Pierrick a demandé à la DCRI pourquoi elle n’arrêtait pas aussi le responsable de Facebook, Twitter où encore de SFR, ou de n’importe quel fournisseur d’accès à l’Internet (FAI), qui permettent eux aussi aux Anonymous de communiquer et d’accéder à leurs salons de discussion :

Si un terroriste utilise une autoroute, on n’attaque pas le prestataire de service de l’autoroute ! Au bout d’un moment ils en avaient marre, ils ne voulaient plus entendre mes comparaisons.

Son site web, irc.lc, permet en effet de se connecter sur des salons de discussion relayée par Internet (ou IRC) depuis le web et sans avoir besoin d’installer de logiciel spécifique.

Mais irc.lc n’est en fait qu’un tout bête raccourcisseur d’URL, qui agrège tous les “webchats” de ce type, sans pour autant ni les héberger, ni en être le moins du monde responsable.

Au bout de 45 heures de garde à vue, il est déféré au palais de Justice de Paris, où il attendra en cellule, 15 heures, qu’un juge le reçoive.

Ce dernier lui conseille fortement de trouver un avocat commis d’office dans le couloir du palais de Justice, ce qu’il fait, et lui propose, soit de se taire, soit de répondre à des questions, soit de parler librement, ce qu’il décide de faire.

A l’issue de son audition, Pierrick est mis en examen pour les deux faits qu’il continue de nier, et placé sous astreintes. Il lui est interdit de quitter le territoire national, de se rendre sur “tous reseaux, espaces ou forums de discussion, dédiés aux Anonymous“, et de “se livrer aux activités professionnelles ou sociales suivantes” :

Fourniture de tous services permettant l’accès au réseau IRC “anonops”

A 20h, il est relâché, en plein Paris, à 400 km de chez lui. Quelques heures plus tard, il ferme la page qui permettait d’accéder aux salons d’anonops.li, la “plateforme de communication internationale” des Anonymous, à la demande de la justice française, et après 60h de garde à vue et d’interrogatoires à la DCRI.

Il est toujours possible d’accéder via le web, aux salons d’Anonymous, mais plus depuis chez lui. Un peu comme si on avait interdit à un libraire de vendre un livre ou un magazine, alors même qu’aucun juge ne l’a interdit, et qu’il est tout à fait possible de pouvoir le lire dans n’importe quel autre magasin à côté.

Ironie de l’histoire : au moment même où le site d’EDF était attaqué, irc.lc était coupé. Le gouvernement colombien avait demandé à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI, en charge des questions de cyberdéfense) de fermer irc.lc au motif qu’il avait aussi été utilisé par des Anonymous pour mener une autre attaque.

Pierrick avait alors contacté l’ANSSI pour se défendre et lui expliquer qu’il n’était nullement responsable du fait que des gens passent par chez lui pour se connecter aux serveurs IRC utilisés par les Anonymous. L’ANSSI avait rapidement reconnu que son site n’avait pu, au mieux, qu’à seulement discuter de l’attaque, qu’i ne relevait donc pas de son ressort, s’excusant auprès de lui et contactant l’hébergeur dans la foulée pour lui demander de réactiver l’accès à irc.lc.

L’histoire ne raconte pas, en revanche, comment ni pourquoi les fins limiers de la DCRI, service de renseignement connu pour ses techniques d’investigation parfois fort intrusives, sont allés chez lui, à la Folie, alors qu’il n’y était pas.

MaJ, 20h02 : Pierrick Goujon vient de mettre en ligne un texte revenant sur son “petit tour” à la DCRI.

MaJ, 21h32 : le hashtag #entendupendantlaGAValaDCRI étant devenu le trending topic n°1 ce soir sur Twitter, on vous en propose un “best of” :



Photo : Claire Berthelemy CC [by-nc-nd]

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Anonymous, du lulz à l’action collective http://owni.fr/2011/12/12/anonymous-lulz-laction-collective-wikileaks-hackers/ http://owni.fr/2011/12/12/anonymous-lulz-laction-collective-wikileaks-hackers/#comments Mon, 12 Dec 2011 10:27:04 +0000 Gabriella Coleman http://owni.fr/?p=77422 Dans cet article, initialement paru en anglais et que nous rééditons, l’anthropologue Gabriella Coleman synthétise ses découvertes et ses analyses sur le mouvement des Anonymous. Chercheuse en sciences humaines à l’Université de New York, elle est actuellement l’une des plus fines observatrices des activistes d’Occupy Wall Street.

Pris dans son ensemble, le concept d’Anonymous désigne une réalité vaste et complexe ; ce nom prend actuellement tout son sens dans un monde dans lequel son rôle est de coordonner une série d’initiatives décousues, lesquelles vont du trolling aux revendications politiques. Au départ, cette appellation était utilisée en vue de coordonner les facéties de cybernautes sur ce grand terrain de jeu qu’est le web, mais au cours de l’hiver 2008, certains Anonymous se sont politisés, et ont tout particulièrement dénoncé les dérives de l’Église de Scientologie.

En septembre 2010, ils inauguraient une nouvelle campagne politique baptisée Operation Payback, en vue de dévoiler les pratiques de la Motion Picture Association of America (MPAA), et quelques mois plus tard, ce sont les mêmes qui prêtaient main forte à WikiLeaks, affaire qui a retenu l’attention de millions de personnes de par le monde. Cette action a fait l’objet d’une vaste couverture médiatique portant sur la spectaculaire vague d’attaques par déni de service (DDoS) lancées par de nombreux Anonymous (contre Paypal et Mastercard, pour manifester leur soutien à WikiLeaks). En dépit de leur notoriété, et malgré le fait qu’ils aient coordonné un mouvement de protestation face à l’Église de Scientologie deux ans plus tôt, les commentateurs tentent désespérément de décrire l’éthique, la sociologie et l’histoire du mouvement des Anonymous à grand renfort de catégories analytiques traditionnelles.

Partant de là, la difficulté découle du fait que le concept d’Anonymous est délibérément nimbé d’un certain mystère. Les Anonymous disent ne pas avoir de leader, aucune structure hiérarchique, et encore moins d’épicentre géographique. Même si plusieurs formes d’organisations et de logiques culturelles sous–tendent indéniablement une grande variété de moyens d’expression, n’importe quel individu ou groupe peut se revendiquer du mouvement des Anonymous.

Hackers

À ce titre, selon la définition de Marco Deseriis, Anonymous tient lieu de nom impropre : « L’adoption du même alias par des collectifs organisés, des groupes d’affinités, et des blogueurs. » Ainsi, les personnes ayant coordonné les attaques DDoS ne sont pas nécessairement à l’origine des manifestes Anonymous, ou des sites ou blogs lancés sous ce nom ; les actions de protestations menées en faveur de Wikileaks n’ont, pour la plupart, pas été initiées par les Anons qui ont dénoncé les pratiques de l’Église de Scientologie, mais cela n’est pas souvent mentionné par les médias.

Chez les Anonymous, les hackers sont un cercle de personnes plutôt restreint : ils sont des programmeurs de génie, des chercheurs en sécurité, ou encore administrateurs système. Le moteur de bon nombre d’entre eux – mais pas tous – est une variation dans le thème de la quête pour la liberté d’information. Les non hackers forment selon moi un groupe beaucoup plus large – je prendrai donc la liberté de les qualifier de « geeks ». Ces derniers maîtrisent un certain nombre de médias numériques ; outils d’édition vidéo, graphisme, outils dédiés à l’écriture collaborative, et suffisamment de connaissances techniques pour se connecter aux IRC (« discussion relayée par internet »). Et les autres ? Ni geeks ni hackers, ils contribuent à leur manière à la constante réinvention de ce domaine numérique, dans lequel ils s’imprègnent de codes culturels et découvrent de nouvelles technologies numériques. S’ils ne deviennent pas des geeks, ils se seront néanmoins familiarisés avec leur univers.

Dans cet article, j’aborderai succinctement l’histoire de la naissance d’Anonymous au travers de plusieurs opérations politiques menées sous cet étendard, puis je décrirai dans les grandes lignes la logique de leur organisation et de leur éthique. Cet essai ne devrait en aucun cas être considéré comme étant exhaustif ; cependant, il vous permettra de balayer quelques idées reçues sur l’orientation politique des Anonymous, et de comprendre pourquoi en trois ans, quelques Anons ont choisi d’abandonner certaines pratiques désarticulées, non reliées, et ancrées dans la culture du trolling, pour créer une forme d’action collective et rhizomatique (ou techno–nomade), catalysée et alimentée par des opérations menées à l’échelle mondiale, ainsi que par des interventions politiques.

Genèse politique

Le mouvement Anonymous est né sur 4chan, un site de partage d’images anonyme extrêmement populaire. Le trolling est le principal phénomène auquel nous pouvons rattacher leurs débuts et leur évolution. Sur 4chan, le trolling consiste bien souvent en un mélange aléatoire de ce qui suit : blagues téléphoniques, livraison de pizzas ciblées, DDoS, et surtout la mise en ligne d’informations confidentielles, de préférence humiliantes. « Anonymous » a mené beaucoup de campagnes de trolling de ce genre depuis au moins 2006, voire même avant. Le leitmotiv des instigateurs du trolling – et la conséquence affective recherchée –, y compris sur 4chan, c’est le lulz, pluriel altéré de laugh out loud (lol). Le lulz, c’est le plaisir que procure le trolling, toutefois, ça ne se limite pas qu’à cela. De manière plus générale, il est possible d’atteindre le lulz en faisant des blagues potaches, en postant des images ou en jouant des tours.

En 2008, les Anonymous ont décidé – du jour au lendemain – de déchaîner la colère qu’ils nourrissaient tous envers l’Église de Scientologie, en menant une vague d’opérations de trolling devenues légendaires. L’Église tentait d’empêcher la propagation virale d’une vidéo (destinée à être visionnée dans le cadre de l’Église) avec pertes et fracas. Dans cette vidéo, Tom Cruise tient un discours apologétique, chantant avec exubérance les louanges de la théologie et des pratiques scientologues.

L’Église a menacé certains éditeurs en ligne comme Gawker d’intenter une action en justice (en invoquant la violation de la DMCA (Digital Millenium Copyright Act) s’ils ne retiraient pas la vidéo. Anonymous a riposté en menant une série de « raids », pour reprendre leurs propos, contre l’Église entre le 15 et le 27 janvier 2008. L’un des participants a qualifié ces actions de « foutage de gueule ultra–coordonné ». En suivant la logique qui sous–tendait déjà leurs précédents exploits, les Anonymous ont avant tout trollé l’Église de Scientologie – envers laquelle les geeks vouent une haine jubilatoire – pour le lulz.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Peu de temps après cette première vague de trolling, les Anonymous se sont orientés vers une forme de politique plus conventionnelle. Qu’est–ce qui les a poussés à prendre cette voie ? Fin janvier 2008, en l’espace d’une semaine, plusieurs vidéos – le principal moteur de leur démarche – ont été réalisées et mises en ligne, soulevant au passage une controverse parmi les instigateurs des attaques lancées, qui n’arrivaient pas à s’accorder sur le but et sur le sens de ce raid. Pourtant, cet épisode institue la première et désormais célèbre guerre déclarée contre l’Église de Scientologie. Mais cette vidéo ne constituait pas une déclaration tout à fait sincère, elle a juste été réalisée pour le lulz.

Cinq jours plus tard, une autre vidéo était mise en ligne. Mark Bunker, un détracteur de longue date de l’Église de Scientologie, y envoyait un message aux Anonymous masqués, leur demandant d’oublier leurs manières de trolls, de se montrer plus sérieux, et surtout de déployer des stratégies légales en vue de lutter contre ce que lui et ses amis politiciens considèrent comme une secte. Les Anonymous ont rapidement réagi et se sont montrés plus sincères, en appelant à mettre en place des actions politiques. Les vidéos maison qui suivent constituent le catalyseur d’une période durant laquelle des débats enflammés ont eu lieu sur certains IRC, l’une des questions les plus récurrentes du moment étant :

Est–ce le moment de se déconnecter et de manifester publiquement notre colère face à l’Église ?

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Plusieurs Anonymous ont alors décidé de coordonner une journée d’action mondiale – ce qui a abouti à un nombre conséquent de manifestations extrêmement bien organisées et largement suivies. Le 10 février 2008, plus de six mille personnes sont descendues dans la rue, de l’Amérique du Nord à l’Europe en passant par la Nouvelle–Zélande et l’Australie – bon nombre d’entre elles ont manifesté aux portes de l’Église de Scientologie de leur ville. À l’époque, un grand nombre de manifestants manquaient de ce que l’on peut communément associer aux manifestations de rue : une finalité et une conscience politique.

Mais durant cette période, il régnait une ambiance quasi carnavalesque dans les rues de New York ; tout le monde y tournait en ridicule l’Église de Scientologie, parlait dans un jargon imprégné de lol cats, long cats, lulz et autres mudkips. Ces actions resteront marquantes car l’affluence y était forte et l’audace esthétique présente, grâce à la mise en scène de l’anonymat – une majorité de manifestants était descendue dans la rue le visage caché par le masque de Guy Fawkes, qui fait maintenant partie intégrante de l’iconographie Anonymous.

Quelques jours après cette journée d’action globale, une scission s’est produite parmi les Anonymous. Un grand nombre de participants ont rejoint le vaisseau–mère Internet, tandis que ceux qui sont restés ont organisé des manifestations plus conventionnelles pour dénoncer les abus commis à l’encontre des membres de l’Église, tout en faisant preuve d’une sensibilité politique plus marquée (mais en portant néanmoins le masque de Guy Fawkes pour certains). Un Anonymous irlandais m’expliquait alors au mois d’août :

Je suis venu pour le lulz et je suis resté car j’étais indigné.

C’était un ressenti partagé par bien d’autres, mais le le lulz était toujours au rendez–vous ; les manifestants jonglaient comme ils le pouvaient entre tradition et lulz, en mettant en scène des performances farfelues, grotesques, humoristiques ou offensives – et indissociables du lulz.

De l’hiver 2008 jusqu’au milieu de l’automne 2010, plusieurs Anonymous politiquement modérés ont passé une bonne partie de leur temps à vilipender les dérives de l’Église de Scientologie. En septembre 2010, Operation Payback, une nouvelle opération politique était inaugurée depuis 4chan. Les serveurs du site Pirate Bay venait d’essuyer une attaque par déni de service lancée par un fabricant de logiciels indien entré dans la piraterie le temps d’une mission pour le compte de la MPAA (Motion Picture Association of America). Dans le but de manifester leur soutien aux fondateurs du site d’échange de fichier torrents, les Anons ont pris pour cible le site de la MPAA (ainsi que d’autres), l’attaquant à grand renfort de DDoS.

À l’instar des opérations précédentes, celle–ci fut organisée sur 4chan, avant de faire l’objet d’une migration vers un canal IRC ; en effet, il est difficile de coordonner une opération sur un site de partage d’images anonyme. Bien que certains aient participé à Operation Payback et aux manifestations contre l’Église de Scientologie, d’un point de vue sociologique, l’opération ciblant la MPAA se distingue d’Operation Chanology. Les deux opérations ont été coordonnées sur des canaux IRC distincts et initiées par des groupes relativement différents.

En décembre 2010, peu de temps après que la publication de câbles diplomatiques – regorgeant de perles – par WikiLeaks, les internautes impliqués dans Operation Payback ont décidé de s’engager dans un projet regroupant un ensemble d’impressionnantes actions d’envergure qui restent sans égal à ce jour. Les Anonymous n’ont pas fait cela dans le seul but d’exprimer leur soutien à Wikileaks ; ils sont passés à l’action pour dénoncer ce que PayPal, Mastercard et Amazon venaient de faire, à savoir couper l’accès à leurs services et supprimer les comptes de l’organisation Wikileaks, qui ne faisait pourtant face à aucune charge pénale.

Les retombées de cette opération furent exceptionnelles : les sites Internet de quelques–unes des corporations les plus puissantes au monde ont été désactivés plusieurs jours durant. Ainsi, de toute l’histoire des Internet Relay Chat, jamais encore les canaux n’avaient été pris d’assaut par des hordes de lurkers et de geeks désireux de prêter main forte – un jour, plus de sept mille personnes se sont retrouvées sur le canal principal au même moment.

Les interactions des très nombreux participants étaient d’apparence chaotique, pourtant, ils ont tout de même réussi à manier les DDoS de manière très réfléchie, et avec le plus grand soin. Les cibles ont ainsi été choisies au travers de sondages, les participants ont rédigé des textes visant à indiquer quels sites devaient être attaqués ou non, et ils ne manquaient pas de se le rappeler sans cesse sur l’IRC.

Les participants ne se sont pas tous impliqués dans ce mouvement de contestation numérique, certains ont créé et mis en ligne des dizaines d’images et de vidéos. Durant cette période, ceux qui s’étaient élevés contre l’Église de Scientologie ont continué sur cette voie, mais certains d’entre eux ont aussi choisi de participer à Operation Payback. Beaucoup de personnes sont juste restées sur l’IRC pour voir ce qui allait se passer, tandis qu’un certain nombre de geeks et de hackers ont déclaré estimer que d’un point de vue éthique, les attaques DDoS constituaient une tactique de protestation et de contestation

À la fin du mois de décembre, peu de temps après la fin des attaques par déni de service, les Anonymous sont intervenus en Tunisie, choix jugé inattendu à l’époque. Ils ont tant et si bien travaillé que les médias d’Amérique du Nord et d’Europe ont commencé à parler de leur rôle – parfois avec justesse et force détails – dans le mouvement de contestation envers le gouvernement tunisien, lequel se préparait à riposter sur le terrain et venait de bloquer le site WikiLeaks.

Le 2 janvier 2011, les Anonymous ont inauguré « OpTunisia » et ont continué d’apporter leur soutien à mesure que les manifestations se propageaient dans tout le pays. Comme le veut la tradition, ils ont lancé une attaque par déni de service contre le site du gouvernement et contre certains sites web touristiques, mais ils ont également mis en ligne des vidéos montrant la violence qui régnait dans les rues de Tunisie et créé des tutoriels pour les cyberactivistes et manifestants, afin de les aider à contourner la surveillance du gouvernement. Dans leur « trousse de secours », certains Anonymous ont choisi d’indiquer que leur compétence dans le domaine du cyberactivisme avait ses limites en déclarant ceci :

Ceci est *votre* révolution, elle ne ne se fera pas sur Twitter ou sur les IRC (sic), elle ne sera pas diffusée à la télévision Vous *devez* prendre les rues d’assaut, ou vous *perdrez* (sic) cette bataille. Restez constamment sur vos gardes, une fois emprisonné (sic), vous ne pourrez plus rien pour vous ni pour votre peuple. Votre gouvernement *est en train* de vous surveiller. »

OpTunisia représente donc un nouveau tournant dans la naissance politique du mouvement contestataire « Anonymous ».Alors que la plupart des opérations précédentes étaient liées à la censure des Internets et aux politiques s’y rapportant, cette opération convergeait avec un mouvement social existant, s’inscrivant par conséquent dans la tradition de l’activisme pour les droits humains.

Depuis cette période, les Anonymous n’ont eu de cesse de mettre en place diverses actions ; le mouvement de contestation tunisien s’étant propagé jusqu’en Égypte, ils ont par la suite porté leur attention sur ce pays. Ils ont entre autres lancé des opérations en Syrie et en Nouvelle–Zélande, mais aussi en Italie, au moment où Silvio Berlusconi s’est vu accusé d’avoir eu un rapport sexuel avec une prostituée mineure, ainsi que dans l’État du Wisconsin, pour dénoncer une loi visant à restreindre les droits de négociation collective des syndicats des services publics. Et au début du mois d’avril, Les Anonymous ont lancé une féroce attaque contre le site de la multinationale Sony, qui venait d’attaquer en justice George Hotz, un jeune gamer–hacker qui avait contourné la protection numérique de sa PlayStation.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

2011 vue par les Anonymous, feat. Gabriella Coleman à 2′34.

Les notions d’autorité et de pouvoir chez les Anonymous

Le portrait exhaustif des Anonymous ayant été dressé, nous pouvons maintenant nous poser les questions suivantes : qui sont–ils ? Qu’est–ce qui les connecte ? À quel moment et de quelle manière font–ils preuve d’autorité, est–ce une décision prise en groupe ou s’agit–il d’actes isolés ?

Techniquement, le concept d’Anonymous est ouvert à tous sans aucune barrière de quelque nature que ce soit. Cependant, certaines connaissances, compétences et sympathies sont requises de manière tacite ou explicite, c’est pourquoi seule une catégorie bien spécifique d’internautes fait la démarche de s’engager dans ce mouvement politique. À la différence de beaucoup d’autres organisations, y compris Wikileaks, il est facile d’apporter sa pierre à l’édifice des Anonymous, entre autres en participant à l’une des nombreuses micro–contestations mises en place en deux temps trois mouvements sur les IRC.

Afin de saisir la dynamique d’influence en œuvre parmi les Anonymous, il est impératif de parler de l’architecture technique au sein de laquelle ils passent beaucoup de temps à discuter et à coordonner leurs actions : l’IRC, pour Internet Relay Chat (en français, « discussion relayée par internet »). Et il convient de souligner qu’il existe à l’heure actuelle deux canaux IRC distincts grâce auxquels les participants peuvent mettre en place différentes actions : Anonet et Anonops. Contrairement à ce qu’un certain nombre de médias ont rapporté, ils sont ouverts au public, mais une bonne partie dudit public ne sait absolument pas comment accéder à un IRC, et encore moins comment l’utiliser, bien que ce ne soit pas difficile d’un point de vue technique.

À l’intérieur de chaque réseau IRC se cachent un nombre important de canaux, mais de manière générale, seule une douzaine d’entre eux sont bondés à certains moments. Certains canaux sont dédiés à des sujets d’ordre social ou au badinage humoristique, le lulz étant toujours une valeur d’actualité pour bon nombre d’entre eux. Comme l’a expliqué un internaute, le lulz est un exutoire qui rend le travail lié à l’activisme politique – en soi difficile et parfois déprimant – plus supportable. Sur d’autres canaux, des problèmes techniques spécifiques sont abordés, et il existe sans aucun doute beaucoup de canaux sur lesquels des opérations politiques sont coordonnées. Certains participants jouent un rôle clé sur bon nombre de canaux, tandis que d’autres ne sont impliqués que dans un ou deux IRC à la fois.

Sur les IRC, les personnes à même d’intervenir sur une infrastructure – les opérateurs des IRC – détiennent plus d’autorité que les autres (il y a des « ops » sur tous les canaux IRC, pas seulement chez les Anonymous, et sont donc chargés de maintenir l’ordre. En tant que tel, ils sont en mesure de renvoyer ou de bannir des personnes indésirables sur le canal pour différentes raisons, y compris la violation des normes culturelles ou du règlement en vigueur sur le canal, selon lequel – dans le cas de Anonops – il est interdit de se connecter et se déconnecter en permanence, de prendre pour cible les médias ou de faire l’apologie de la violence. Il n’est pas nécessaire d’être très compétent sur le plan technique pour être opérateur, c’est pourquoi des dizaines d’ops œuvrent sur chaque canal IRC.

Bien que leur opinion aient davantage de poids durant les nombreux débats qui ont lieu sur les IRC, ils ne déterminent pas les plans d’actions ou les opérations menées par les Anonymous. Certains ne sont là que pour intervenir sur l’infrastructure, tandis que d’autres participent à la plupart des opérations politiques.

L’autorité et la discipline sont également présentes sous forme de principes, de sensibilités éthiques et de normes – qui sont en constante évolution selon l’actualité. Les internautes impliqués dans les deux canaux se concentrent sur les problèmes inhérents à la censure, la liberté de diffuser des informations, et comme leur nom l’indique clairement, ils tendent à s’inscrire corps et âme dans un principe libéral séculaire selon lequel l’expression anonyme est nécessaire à toute société démocratique saine.

Dans le cas d’Anonops, la politique actuelle consiste à s’abstenir d’attaquer les organes de presse, même dans les États–nations dans lesquels les médias sont jugés être à la solde du régime au pouvoir, comme en Iran. Cette clause n’étant pas du goût de tous, elle a été enfreinte à plusieurs reprises par certains participants, provoquant moult débats discordants – une situation classique commune à tous les mouvements de contestation politique.

En définitive, pour comprendre les mécanismes du pouvoir et de l’autorité chez les Anonymous, il faudra se confronter à un précepte – des plus répandus parmi les cyberactivistes – fort intéressant et dynamisant d’un point de vue social, à savoir le code éthique (qui nuance, à défaut d’éliminer, la concentration du pouvoir) selon lequel le leadership ou la célébrité ne sont en aucun cas une fin en soi. Les Anonymous offrent donc ce que Mike Wesch définit en tant que « critique virulente du culte post–moderne de la célébrité, de l’individualisme et du concept d’identité, et de laquelle découle néanmoins des retombées contradictoires ».

Il est important de noter que les participants ne se contentent pas de philosopher sur leur engagement, ils le vivent. Les participants se rappellent très souvent les uns aux autres qu’il serait regrettable d’adopter un comportement de leader ou de chercher à attirer l’attention des médias, en qualifiant ces pratiques « d’usurpation d’identité » ou « d’abus de pouvoir ». Quiconque se livre à ce genre de débordement se voit remettre à sa place sur la place publique ou au cours d’une discussion privée, et quiconque attire trop l’attention se voit bannir de l’IRC d’un simple clic.

J’ai récemment été témoin d’une situation de ce genre, car un Anon – qui ne s’était constitué aucun capital social en restant en retrait lors des attaques DDoS – avait un peu trop parlé de lui à un journaliste. Une personne qui venait de lire l’article en question a su résumer l’ambiance qui régnait parmi les Anonymous en une phrase :

Chercher à utiliser un travail fait par d’autres pour s’en attribuer les mérites est une chose intolérable.

La sentence est rapidement tombée, il a été banni de l’IRC.

Le fait que les Anonymous se soient dotés d’une éthique signifie–t–il que le pouvoir n’est jamais canalisé, qu’il existe certaines formes d’autorité ? Où les Anonymous sont–ils LE mensonge incarné ? Ni l’un ni l’autre. Évidemment, dans le cas de certaines actions comme le piratage ciblé, seul un petit cercle de hackers de génie pourront tirer leur épingle du jeu ; il n’est donc guère surprenant de constater que ce type d’opération reste entouré de secret. Cela ne signifie pas que seuls quelques hackers tiennent les rênes du mouvement, comme l’explique l’auteur de cet article de Gawker ; toutefois, le fait d’être à même de hacker – ce qui constitue une source de puissance incontestable –, et la capacité à mener toutes les opérations « Anonymous » peut susciter de la confusion.

Comme indiqué précédemment, les personnes les plus actives sur le réseau, celles qui ont travaillé d’arrache–pied, détiennent plus d’autorité que les autres – mais ce ne sont pas nécessairement eux qui mènent la danse. Une analyse de la dialectique en œuvre entre la création et la dispersion d’un pouvoir centralisé – également présente dans d’autres actions collaboratives menées par des geeks ou des hackers – permettrait de mieux comprendre cette dynamique d’influence. Ces deux tendances entretiennent une relation compliquée, mais ceci est en partie contrebalancé par le fait que les Anons se rappellent constamment les uns aux autres qu’il faut s’abstenir de se comporter en leader, ce qui les pousse à s’efforcer de parvenir à un consensus – leur processus décisionnel préféré.

Conclusion : l’entrée en politique

Étudier le mouvement Anonymous constitue un challenge, car comme l’explique fort bien cet article, leurs caractéristiques se superposent, formant un tout complexe. Toutefois, les Anonymous sont–ils – comme le suggère la fin de l’article – un « gang de cyber–lyncheurs qui s’organisent en ligne sous l’étendard du mème « Anonymous », au sein duquel une poignée d’internautes proposent des Ops; les personnes sur la même longueur d’onde participeront à ces opérations, tandis que les autres continueront de poster des lolcats sur 4chan » ?

Si l’on prend le temps d’étudier les différentes ailes politiques existantes chez les Anons, il apparaît clairement qu’ils sont suffisamment cohérents, qu’ils ont une histoire et une substance éthique, ce qui d’une certaine manière les éloignent des diverses facettes de la culture propre à 4chan, ou encore de cette discipline qu’est le trolling. Même si le lulz reste inhérent à chaque aile politique existante chez les Anonymous, et si le trolling reste une pratique courante et revendiquée, il est tout simplement impossible de réduire le mouvement Anonymous à ce que l’on pourrait qualifier de cyber–lynchage, et de se contenter de les assimiler aux différentes formes de politique dépeintes dans cet essai.

Même si j’ai cherché à placer les Anonymous dans un contexte particulier, en me basant sur le milieu culturel dont ils sont issus (4chan, trolling et lulz), j’ai tout d’abord ciblé leurs différentes expressions politiques. Les canaux IRC permettent d’identifier les diverses factions politiques dont se réclament les Anonymous, ainsi que les participants qui donnent davantage de leur temps que les autres, et les messages qu’ils envoient au travers de vidéos, de manifestes et de communiqués, ou encore les normes selon lesquelles ils s’organisent, passent à l’action et évoluent. Je me suis contentée d’effleurer la question des mécanismes inhérents aux normes en vigueur dans le domaine de l’autorité, de l’éthique et du comportement, ainsi que des tactiques politiques qui naissent et sont employées par certains clusters d’Anonymous. Mais il reste encore beaucoup à apprendre, comprendre et dire à leur propos.

S’il y a une chose à noter à propos des Anonymous, c’est que depuis l’hiver 2008, ce mouvement est devenu une porte d’entrée en politique pour les geeks ( et consorts) qui souhaitaient passer à l’action. Entre autres opportunités, le mouvement Anonymous offre la possibilité – inédite – de mettre en place des micro–manifestations en toute discrétion, permettant à certains individus d’évoluer au sein du mouvement et de participer à des opérations d’envergure. Nul besoin de remplir le moindre formulaire, de donner son identité ou ses deniers pour avoir le sentiment de faire partie d’un vaste groupe. Il s’agit donc de prendre la décision d’entrer en politique d’une manière ou d’une autre, en établissant un moyen d’action concret à adopter, un ensemble d’événements ou d’influences – et le mouvement Anonymous offre cette possibilité.


Illustrations et photos via Flickr, Anonymous9000 [cc-by] ; Operation Paper Storm [cc-by]

Traduction Élodie Chatelais (WeTransl8) , version originale en anglais.

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http://owni.fr/2011/12/12/anonymous-lulz-laction-collective-wikileaks-hackers/feed/ 0
[MàJ] Sur les traces de Lulz Security, les hackers invisibles http://owni.fr/2011/06/08/sur-les-traces-de-lulz-security-les-hackers-invisibles/ http://owni.fr/2011/06/08/sur-les-traces-de-lulz-security-les-hackers-invisibles/#comments Wed, 08 Jun 2011 14:00:12 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=66853 * Cette enquête a été réalisée sur IRC (pour Internet Relay Chat), un protocole de communication qui permet d’échanger avec plusieurs centaines de personnes en même temps.

Retrouvez directement l’article original en cliquant ici

Mise à jour du 28 juin: Après avoir opéré la jonction avec les Anonymous sous une bannière commune “Antisec” (un mouvement hacker déjà connu pour ses raids contre l’industrie de la sécurité informatique il y a quelques années), les rigolos de LulzSec ont décidé de se retirer du jeu le 26 juin, après 50 jours de farces et attrapes numériques. Dans un communiqué, les mystérieux pirates – des “rainbow hats”? – expliquent leur démarche, et les raisons de leur dissolution:

Même si nous sommes pleinement responsables du Lulz Boat, nous ne sommes pas liés à cette identité de manière permanente.

En guise de cadeau d’adieu, ils lèguent un fichier .torrent sur The Pirate Bay (vite retiré de la plateforme de peer-to-peer). Son contenu? Les preuves du chaos provoqué par le collectif: adresses IP des employés d’EMI ou de Disney, mots de passe de l’OTAN, piratage du site de l’US Navy, et cætera. Déjà, les spéculations vont bon train pour expliquer la disparition de LulzSec: certains y voient la marque de la lassitude; d’autres pensent que la justice était sur le point de les identifier; un troisième camp privilégie quant à lui l’hypothèse d’un réglement de comptes entre groupes rivaux.

Les regards se tournent notamment vers The Jester, un hacker patriote dont la grande spécialité consiste à attaquer des sites djihadistes au son d’un cri guerrier: “TANGO DOWN”. C’est lui qui aurait participé à l’identification des membres présumés de LulzSec, démasqués sur le blog LulzSec Exposed. Aux yeux de Barrett Brown, un jeune Américain fortement médiatisé depuis qu’il s’est revendiqué porte-voix des Anonymous, les informations relatives à l’identité de LulzSec ne sont pas complètement infondées. Joint par OWNI, il prétend même les connaître:

Les éléments divulgués sur LulzSec Exposed se basent autant sur des faits que des rumeurs. Je peux en attester car je connais les membres du collectif. Lors de mon passage chez les Anonymous, ils faisaient partie des meilleurs hackers du groupe.

Il y a quelques jours, au Royaume-Uni, Ryan Cleary, un Britannique de 19 ans qui pensait avoir confondu les Anonymous, a été arrêté et devrait être déféré devant la justice pour son rôle supposé dans les attaques de LulzSec contre les Anonymous. Stop ou encore?


Un voilier en ASCII Art – la norme de codage informatique -, les premières notes de la Croisière s’amuse qui se lancent au autoplay, et puis une liste, celles des victimes de Lulz Security (alias LulzSec), un mystérieux groupe de hackers aux desseins sans équivoque:

Cibles: les whitehats, les mouchards et les agents fédéraux. Les effacer de notre communauté. Voguez sur le bateau du Lulz, par-delà les sept proxys.

Actifs depuis mai 2011, ces multirécidivistes ont successivement attaqué les candidats de l’émission X Factor, des employés de Fox News, le réseau de télévision publique américain PBS, le parti conservateur canadien, les géants japonais Sony et Nintendo, ainsi qu’un spécialiste en sécurité proche du FBI. Sur les 17 actes de piratage répertoriés contre Sony depuis la brèche du PlayStation Network, six ont été revendiqués par LulzSec, qui s’est vite imposé comme l’hybridation improbable entre Action Discrète et WikiLeaks.

Dans un climat médiatique et politique marqué par une fascination endémique pour les hackers et leurs actions, tout le monde se demande qui est LulzSec, et le but que le groupe poursuit. La réponse pourrait bien être dans la question: le lulz, cette sous-culture des imageboards (comme 4chan), qui consiste à rire du malheur des autres dans un élan de sadisme distancié. En juillet 2010, une adolescente américaine du nom de Jessi “Slaughter” en avait fait l’amère expérience. Après avoir posté une vidéo sur YouTube, les légions de 4chan avaient déferlé sur elle, la jetant en pature au Net. Tandis que la justice se penchait sur son cas, le père de la jeune fille lançait un avertissement en forme de pléonasme rapidement détourné par les petits rigolos du web anonyme:

Consequences will never be the same / Les conséquences ne seront plus jamais les mêmes.

Aujourd’hui, ce sont les mêmes motivations, à savoir leur absence pure et simple de mobile, qui constituent le dénominateur commun des attaques lancées par LulzSec. Après le round de politisation des Anonymous pendant l’épisode WikiLeaks et le printemps arabe, est-on en train d’assister à un retour en force de la mouvance “historique”, celle du “nonsense” numérique? Même le logo de l’e-groupuscule, à mi-chemin entre les mèmes Trollface et Rage Guy, semble valider cette hypothèse.

“J’offre 100 bitcoins pour une interview d’un membre de LulzSec”

Pris en chasse par le FBI, qui n’a encore procédé à aucune arrestation malgré les rumeurs, LulzSec continue de narguer les autorités en semant de faux indices un peu partout sur le réseau. Certains ont cru les avoir démasqué, mais leur activité effrénée prouve le contraire. Un expert en cybersécurité ironise sur l’opportunité financière dont il profite avec cette vague de piratage?

Son site subit un defacement en règle.

Dans les rédactions du monde entier, les journalistes cherchent à savoir qui se cache derrière cette congrégation de pirates impénitents, tout en reconnaissant la limite de l’exercice. Dans un article consacré au sujet, la BBC pose la question de l’identité de Lulz Security. “Personne ne sait”, concède le site britannique. Profitant de cette curiosité professionnelle, les hackers se jouent de la presse, pour laquelle ils éprouvent visiblement la même tendresse qu’à l’égard des gouvernements.

Ainsi, au détour d’un canal IRC, on découvre le message d’un reporter (probablement bidon) de la Fox, qui propose “100 bitcoins (une monnaie virtuelle qui commence à faire parler d’elle, ndlr) pour une interview avec un membre du syndicat cyber-terroriste LulzSec”. Quelques messages plus loin, c’est un (faux?) journaliste de la BBC qui fait une offre chiffrée pour essayer d’obtenir un entretien du même type. Il se fera bannir quelques minutes plus tard.

Pour essayer de remonter le fil et de mieux comprendre l’origine de Lulz Security, direction le chan IRC d’Encyclopedia Dramatica, le Wikipedia de la culture Internet, qui consigne toutes ses manifestations, les plus virales comme les plus étranges. Sans surprise, on y trouve nulle trace d’un plan machiavélique pour désosser une multinationale cotée en bourse. Globalement, LulzSec les fait rire à gorge déployée, même si certains commencent à s’agacer de l’action systématique et indiscriminée du groupe (“si LulzBot ne se fait pas entendre, il semblerait qu’il répète le même message des millions de fois”). Mais n’est-ce pas là une manifestation ultime de la culture du trolling?

Contacté par OWNI, Lulz Security n’a pas donné suite à nos demandes d’interview. LOL.


Crédits photo: Flickr CC openfly

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“Bonjour, vous avez demandé les Anonymous” http://owni.fr/2011/02/01/bonjour-vous-avez-demande-les-anonymous/ http://owni.fr/2011/02/01/bonjour-vous-avez-demande-les-anonymous/#comments Tue, 01 Feb 2011 14:07:03 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=44895 Petit génie du web, “soupçonné d’avoir participé à une cyberattaque internationale”, passionné par l’informatique depuis qu’il a 6 ans, et même cerveau des vengeurs de WikiLeaks. Depuis quelques jours, la presse s’emballe autour du cas d’un adolescent auvergnat de 15 ans, entendu par la police il y a six semaines à propos de son rôle dans la réponse pro-WikiLeaks: au mois de décembre, alors que plusieurs organismes bancaires tels que Visa ou MasterCard avaient décidé de couper l’approvisionnement du site de Julian Assange, les Anonymous avaient massivement riposté en lançant une série d’attaques par déni de service (DDoS), paralysant les sites des entreprises incriminées. Et à en croire certains, c’est un hacker français pas encore majeur qui aurait coordonné l’opération depuis l’ordinateur familial, “au milieu des t-shirts et des chaussettes sales”.

Ca vous rappelle quelque chose? En mars, François Cousteix, un jeune Auvergnat – déjà – répondant au nom de Hacker-croll, avait été interpellé, soupçonné de s’être introduit frauduleusement sur un système de données, en l’espèce le compte Twitter de Barack Obama. Et tandis que le FBI arpentait les vallons clermontois, le procureur lui-même dégonflait la baudruche. “Ce n’est pas un pirate, le costume est trop grand pour lui”, reconnaissait-il.

Dans un contexte médiatique où l’attention se concentre sur les “mystérieux Anonymous”, la fascination inhérente au secret qui les entoure percute de plein fouet les grilles d’analyse traditionnelles. Première représentation: tout mouvement a un leader, et les Anonymous ne devraient pas échapper à la règle. En dehors du fait que l’article du Figaro ait été écrit par un journaliste membre du Groupe de contrôle des fichiers de police et de gendarmerie présidé par Alain Bauer, déjà célèbre pour ses dithyrambes pro-sécuritaires (qui sont loin de faire l’unanimité), force est de constater que les strates d’Internet n’ont pas encore révélé tous leurs secrets aux journalistes-spéléologues. A titre d’exemple, personne ne s’est demandé comment ce jeune homme avait pu être tracé par les autorités, alors même que LOIC (Low Orbital Ion Cannon), le logiciel qui permet de lancer des attaques DDoS en deux clics, a montré de cruelles failles de sécurité, dévoilant l’adresse IP du belligérant.

“Certains contrôlent l’infrastructure”

Selon Gabriella Coleman, anthropologue et professeur à la New York University et spécialiste du phénomène, “il faut se méfier du sensationnalisme et de la mythologie”. Si elle reconnait que ces erreurs d’appréciation “ont été dans l’air du temps depuis des décennies, et devraient persister encore longtemps”, il est plus que nécessaire de faire un effort d’analyse dès lors qu’on se penche sur le cas très particulier des vengeurs-masqués-transfuges-des-interwebs.

“Les Anonymous ne sont pas un groupe structuré ou homogène, mais ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas de rôles définis, précise d’emblée Coleman, qui avait publié un article très intéressant sur The Atlantic au mois de décembre, embarquée avec les Anon pendant l’Operation Payback. “Certains ont un rôle technique, ils contrôlent l’infrastructure, les serveurs IRC (Internet Relay Chat, services de messagerie en temps réel utilisés pour planifier et coordonner les attaques, NDLR)”. Car c’est sur ce genre de plateformes collaboratives, à laquelle on peut ajouter PiratePad, que se “noue le consensus” entre tous ces internautes hétéroclites.

Sophistication politique

Mais alors, comment expliquer ce regain d’intérêt pour les Anonymous, dont le dernier fait d’armes remontait à 2008 et ce grand combat contre l’Eglise de Scientologie? En décidant de défendre WikiLeaks au moment où les projecteurs étaient braqués sur Julian Assange et son organisation, ils ont donné une nouvelle ampleur à la fameuse Operation Payback, lancée en septembre contre les sites américains d’ayants-droit. Et depuis, ils accompagnent les soulèvements arabes, en Tunisie ou en Egypte, jouant les trouble-fêtes quand l’Internet s’éteint. Gabriella Coleman y voit un phénomène de diversification:

Les Anonymous sont politiquement plus sophistiqués qu’avant. Ils sont passés du statut de troll à celui de militants. Les utilisateurs de 4chan (l’imageboard qui a vu naître le mouvement) ne sont plus seuls, on recense également des geeks lecteurs de Boing Boing ou des activistes technophiles locaux.

Finalement, le meilleur moyen d’appréhender la présence et l’action des Anon, c’est d’évoquer les chiffres plus que d’organiser le storytelling autour de l’arrestation d’un adolescent, qui tend à faire croire que les Anonymous sont des millions de soldats numériques connectés en armée invisible. Selon les estimations de Coleman, on a recensé des milliers d’Anon au plus fort de la bataille contre les organismes bancaires. Aujourd’hui, dans les nuages entre Le Caire et Tunis, 252 canaux IRC sur le serveur principal draineraient entre 365 et 400 personnes.

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Crédits photo: Flickr CC Anonymous9000, Ben Fredericson

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Le nouveau Facebook… encore et toujours nouveau http://owni.fr/2010/10/08/le-nouveau-facebook%e2%80%a6-encore-et-toujours-nouveau/ http://owni.fr/2010/10/08/le-nouveau-facebook%e2%80%a6-encore-et-toujours-nouveau/#comments Fri, 08 Oct 2010 14:11:40 +0000 Catherine Ertzscheid http://owni.fr/?p=30887

L’avantage avec la nouveauté, c’est qu’elle ne reste jamais neuve. Il y a toujours une nouvelle nouveauté pour faire vieillir la précédente.

Frédéric Beigbeder, Extrait de 99 francs

Mark Zuckerberg, créateur de Facebook a annoncé hier, lors de la conférence de presse qui avait lieu au siège de la société à Palo Alto, de nouvelles fonctions.

Première à retenir mon attention, les nouveaux groupes

Des groupes plus restreints pour une meilleure gestion de la confidentialité

Avec quelques-uns de mes comparses et amis community managers, nous les avons testés ce matin !

Première observation : Nous avons retrouvé quelques sensations d’IRC (woooo on ne date pas d’hier). Bref… Vous pourrez reconstituer des salons de discussions entre amis, membres de votre famille, ou selon les thématiques que vous souhaitez. Pour les membres qui, comme nous, ont des « amis » facebookiens aussi bien professionnels que personnels, cela a l’avantage de permettre une plus grande différenciation des genres.

Plus souples à l’usage que les listes qui alourdissaient les mises en ligne de vos statuts Facebook, ces groupes vous permettront de segmenter le type d’information que vous avez envie de partager avec tel ou tel individu. Les groupes peuvent être ouverts (contenus et membres visibles), privés (contenus cachés mais membres visibles), secrets (ni le contenu, ni les membres ne sont visibles). Sachez que lorsque l’administrateur du groupe vous invite, vous êtes automatiquement intégré à la liste des membres mais vous pouvez toujours en partir!

Gestion du niveau de confidentialité

Mark Zuckerberg, lui-même a expliqué lors de la conférence que sans les remplacer, ces groupes seraient une bonne alternative aux listes qui n’ont pas connu le succès espéré (seulement 5% des membres du réseau les auraient adoptées). J’avoue les avoir adoptées mais l’usage est fastidieux, surtout lorsque vous acceptez un contact via l’application Iphone car il est impossible de le mettre directement dans une liste, cela suppose donc une bonne gestion de votre compte pour que personne n’échappe aux mailles du filet.

Deuxième observation : Partager du contenu de manière sélective. Vous pouvez écrire des messages sur le mur, laisser des commentaires, partager des photos, vidéos, articles.. bref les mêmes types de contenus que sur un profil ordinaire mais si vous avez choisi la confidentialité maximum, cela restera entre vous!

Partager du contenu en toute tranquillité

Troisième observation : Le chat permet de converser enfin à plusieurs ! Bon quelques bugs encore mais nous nous sommes bien amusés. Beaucoup plus de convivialité, d’interactivité. Bien sûr ça ne vous empêche pas d’avoir des conversations privées en one to one.

Autant le dire, cette fonctionnalité va renforcer l’addiction. A quand le même type de fonctionnalité sur les pages fans…?

Une autre question que je me pose : cela ne va-t-il pas vider le contenu des murs? L’usage nous le dira.

La deuxième nouveauté : Le téléchargement de vos données personnelles

Une manière de répondre aux critiques sur l’aspiration par Facebook des données personnelles ? Votre dossier sera reconstitué dans un fichier zip téléchargeable pour être consulté hors-ligne. Je n’ai pas encore testé cette partie donc je ne peux rien en dire de plus… Ni dire vraiment à quoi cela peut servir, alors pour reprendre les termes de Mark Zuckerberg : « Vous êtes propriétaire de vos informations, il faut que vous en ayez la maîtrise, vous devez pouvoir en faire ce que vous voulez »…

La troisième nouveauté : un tableau de bord

Pas toujours facile de se retrouver dans la foultitude d’applications que l’on accepte sur son profil et dont on ne se sert qu’une fois pour ensuite tomber vite dans l’oubli… mais elles… ne vous oublient pas et conservent (enfin leurs éditeurs) un accès à vos données personnelles. Ce tableau de bord devrait donc vous permettre de voir toutes les applications actives sur votre compte et les données auxquelles elles ont accès. A vous ensuite de les restreindre ou les supprimer purement et simplement.

Dernière nouveauté (à ce jour) : le moteur de recherche renouvelé

Depuis hier (pour ma part), lorsque je mets un mot clé dans la barre de recherche, les résultats me donnent bien sûr les données de base (profils, pages et groupes) mais aussi les articles que mes contacts ont publiés ou partagés sur leur mur. Je ne sais pas si d’une manière globale cela donnera un taux de clics plus important sur ces liens mais j’avoue que je trouve la fonctionnalité intéressante pour suivre aussi l’évolution des liens diffusés…

Un moteur de recherche renforcé

Et vous toutes ces nouveautés, vous en pensez quoi ?

>> Article initialement sur Nunalik

>> Photo CC FlickR smlions12

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