OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Et Dieu créa le HTML5 http://owni.fr/2012/05/29/html5-html-jeux-video/ http://owni.fr/2012/05/29/html5-html-jeux-video/#comments Tue, 29 May 2012 12:37:23 +0000 Adrien Carpentier http://owni.fr/?p=109699

Fond d'écran "Steampunk" du jeu Nitrome

Jouer à des jeux sur votre navigateur web peut aujourd’hui vous valoir un certain dédain de la part des hardcore gamers ou de joueurs sur console.

Ce serait pourtant un peu dur par rapport à l’industrie du jeu. D’une part, parce que le succès phénoménal de certains jeux web sociaux (on pense bien sûr à Farmville) a permis de prouver la viabilité de leurs modèles économiques et de celle de l’utilisation de technologies web au service du jeu, comme le Flash ou l’intégration au sein de Facebook. D’autre part, parce que certains studios de jeux web comme Nitrome ont su créer des univers graphiques travaillés qui n’ont pas à rougir face à des titres classiques reconnus.

Et le mouvement continue : grâce à l’avènement de technologies émergentes comme le HTML5, les Websockets ou le WebGL, le jeu web est peut-être promis à un avenir radieux. Ces technologies pourraient même, à terme, ériger le navigateur web en véritable plate-forme de jeu universelle et standardisée.

Exigence

Le HTML est le standard de formatage des données pour le web : totalement ouvert et reconnu par tous les navigateurs, il rend de bons et loyaux services depuis l’invention du web en 1991 en structurant les pages et en y décrivant les différents éléments qu’elle contient – image, lien ou paragraphe de texte par exemple. Mais pour les jeux et animations, il fallait jusqu’à présent avoir recourt à des technologies propriétaires et nécessitant l’installation d’un plug-in, une extension au navigateur, comme le célèbre Flash d’Adobe.

Dernière mouture du HTML, le HTML5 change la donne. Instituée par le W3C (l’organisme chargé de standardiser le web) et bien qu’encore officiellement en phase d’étude, cette nouvelle norme est opérationnelle et les professionnels l’implémentent déjà depuis plusieurs mois dans leurs projets web. Parmi les innovations que propose le HTML 5, la nouvelle balise <canvas> est l’une des plus prometteuses. Elle permet aux développeurs web d’insérer dans leur page une surface sur laquelle il est possible de tracer des formes et de les animer. Dans cette zone peuvent par exemple figurer des jeux qui n’utilisent pas de plug-in externe, et donc reconnus par tous les navigateurs, y compris sur les téléphones mobiles.

Comme souvent en informatique, c’est le jeu vidéo qui, par sa grande exigence technique, est un des meilleurs moteurs et vitrines de l’innovation. La fondation Mozilla n’a pas dérogé à cette règle en présentant avec le studio Little Workshop le 27 avril, un jeu multi-joueurs en temps réel dans une seule page web, BrowserQuest. Histoire de démontrer ce qu’il est possible de faire en utilisant le HTML5, le Javascript et les Websockets. Militante historique de l’open-source, la fondation Mozilla, a également mis à disposition de tous le code de BrowserQuest.

Contournement

Non content d’animer une page web sans plug-in grâce au HTML5, BrowserQuest fait aussi de celle-ci un jeu multijoueurs en temps réel. Ceci est rendu possible grâce à une autre nouvelle technologie : les Websockets.

Jusqu’à présent, pour qu’une page web affichée sur votre navigateur mette à jour son contenu en fonction de l’action d’autres internautes, il fallait que le navigateur réclame à nouveau au serveur web la page mise à jour. Ces requêtes client-serveur unidirectionnelles sont inhérentes au protocole de communication historique du web, le HTTP. Ainsi, pour concevoir une page comportant un chat de discussion, les développeurs devaient jusqu’à présent utiliser des technologies de contournement complexes, ou n’utilisant pas le protocole HTTP.

Les Websockets rendent cette fois possible une communication bidirectionnelle en temps réel entre le navigateur et le serveur qui héberge la page. En clair, les Websockets peuvent par exemple permettre la création de jeux multi-joueurs sur une simple page web, sur laquelle des milliers de joueurs sont connectés, influant sur son contenu en temps réel. Une belle promesse technique pour les jeux massivement en ligne.

Accélération

Le WebGL est le troisième larron des nouveaux standards qui changent le jeu web. Développé par Khronos Group et Mozilla, cette technologie permet d’afficher de la 3D en temps réel sur une page web, là aussi sans plug-in à télécharger. Vous utilisez déjà WebGL lorsque vous affichez les immeubles de GoogleMaps en 3D, par exemple.

Jeu BrowserQuest par la Fondation Mozilla

La grande innovation de WebGL repose surtout dans l’utilisation de l’accélération matérielle de l’ordinateur de l’internaute. À l’instar des jeux classiques, le WebGL permet au web de profiter lui aussi des formidables optimisations offertes par l’architecture des microprocesseurs des cartes graphiques pour l’affichage d’un environnement en 3D.  Si le fait de relier le web à une couche informatique de si bas niveau en inquiète certains (Microsoft ne souhaite pas encore implémenter le WebGL pour des raisons de sécurité), elle représente néanmoins une petite révolution technique. On se plaît déjà à imaginer un Call of Duty directement dans son navigateur web.

Convergence

L’arrivée de ces nouveaux standards ne bénéficiera pas qu’aux internautes joueurs. À l’heure actuelle, un studio de jeu qui vise le marché le plus large possible doit développer une version de son jeu pour iPhone en langage Objective-C, une version pour Android en langage Java, une version web en Javascript… Au vu de l’importance croissante du marché jeu mobile, ces portages multiples constituent une barrière rédhibitoire pour les petits studios qui souhaitent se lancer dans l’aventure de la création d’un jeu.

HTML5, Websockets et WebGL offrent l’espoir aux développeurs de produire des jeux sur tous les navigateurs et surtout cross-devices. BrowserQuest est ainsi compatible avec la plupart des navigateurs web récents comme Firefox, Chrome ou Safari, mais également sur iPhone, iPad et sur la version Android de Firefox.

Le navigateur web prend décidément de plus en plus des allures de système d’exploitation. Si l’on ne peut que se réjouir de la standardisation et de l’ouverture technique qu’il offre aux créateurs de jeux, il faut cependant espérer que cela n’impose pas à l’ensemble du jeu vidéo la faiblesse artistique auxquels les jeux web et mobiles nous habituent parfois…


Captures d’écran : BrowserQuest, Nitrome, HTML5

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Le web est mort deux fois http://owni.fr/2010/09/21/le-web-est-mort-deux-fois/ http://owni.fr/2010/09/21/le-web-est-mort-deux-fois/#comments Tue, 21 Sep 2010 11:36:50 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=28765 J’ai tardé à réagir à l’article de Chris Ander­son dans Wired, parce que, depuis plus d’un an, j’ai annoncé cette mort du Web, et qu’il me sem­blait inutile de me répé­ter, et puis parce que la posi­tion capitalo-libéraliste d’Anderson com­mence à me cou­rir sur le hari­cot. Il oscille au gré des modes, sur­fant la vague idéo­lo­gique du moment, pour mieux la reje­ter quand il entre­voit une nou­velle pos­si­bi­lité de busi­ness. La plu­part des auteurs de son espèce ne pensent que gros sous. Ils croient que tout se règlera par des contrats (et par les séries TV qui consti­tuent le sum­mum de leur culture).

Le gra­phique publié dans Wired paraît défi­ni­tif. La messe est dite. Mais, à y regar­der mieux, il ne s’agit que d’un com­pa­ra­tif en parts de mar­ché. Ce n’est pas parce que le Web perd des parts qu’il meurt. Aujourd’hui par exemple, on publie plus de livres que jamais même si les gens passent pro­por­tion­nel­le­ment moins de temps qu’avant à les lire. Le dis­cours d’Anderson est biaisé, collé au seul plan com­mer­cial. Il se vautre sur le cultu­rel et le poli­tique. Dans l’absolu, en termes de tra­fic et de quan­tité d’information dis­po­nible, le Web n’a jamais cessé de progresser.

Ne croyez pas que je sois devenu un défen­seur du Web. Je dénonce juste une cer­taine rhétorique.

C’est le chemin naturel de l’industrialisation: invention, propagation, adaptation, contrôle, explique Anderson.

Qu’est-il en train de faire sans le dire ? De mettre en pièce sa théo­rie de la longue traine. Michael Wolf écrit en parallèle :

Selon Compete, une agence d’analyse web, les 10 sites les plus importants ont drainé 31% des pages vues aux Etats-Unis, contre 40% en 2006 et près de 75% en 2010. ‘Les gros captent le trafic des petits’, explique Milner. ‘En théorie, une petite frange d’individus à la réussite insolente peuvent contrôler des centaines de millions d’individus. Vous pouvez grandir rapidement, et cela favorise la domination des personnes fortes.’

On dirait qu’ils viennent de décou­vrir une loi uni­ver­selle, et de se mettre à genoux devant elle. On com­prend mieux ce qu’entendait Ander­son par longue traîne, et que j’ai par­fois dénoncé. Pour lui, des ven­deurs mono­po­lis­tiques créent la longue traîne en leur sein pour accroître leur part de marché.

Armes d’interconnexion

De mon côté, je défends l’idée d’une longue traîne exo­gène, externe à toute entre­prise, qui s’observe dans l’ensemble de l’écosystème. Comme je l’explique dans L’alternative nomade, nous devons nous battre pour déve­lop­per cette traîne si nous vou­lons défendre nos liber­tés. La longue traîne sur le cata­logue d’Amazon est une bonne chose, mais insuf­fi­sante à mes yeux. Nous devons lut­ter avec nos nou­velles armes d’interconnexion contre cet ave­nir qui serait déjà écrit.

En fait, avec Ander­son, toute l’industrie média­tique se féli­cite de la mort du Web, c’est-à-dire de la mort des sys­tèmes ouverts et de la décen­tra­li­sa­tion incon­trô­lée. De nou­veaux opé­ra­teurs mono­po­lis­tiques émergent, avec comme Apple leurs plates-formes pro­prié­taires, et leurs sys­tèmes de micro paye­ment, ce qui injecte de nou­veaux reve­nus dans la boucle. Et comme par hasard, Wired qui a frôlé l’asphyxie en début d’année, voit peu à peu le retour des publicités.

Toute per­sonne qui veut faire for­tune sur Inter­net ne peut que prô­ner une forme ou une autre de cen­tra­li­sa­tion, c’est-à-dire une forme de contrôle. Nous devons en être conscients et lire leurs décla­ra­tions sui­vant cette perspective.

Nous ne sommes plus à l’époque où un busi­ness décen­tra­lisé sédui­sait par le seul nombre de ses usa­gers. Il s’agit aujourd’hui de les fli­quer pour les faire payer. Alors oui, l’idéal du Web est bien mort, mais rien ne nous empêche de nous battre contre les barons de la finance, contre tous ces gens qui ont remisé leurs rêves, contre tous ceux qui veulent que rien ne change, sinon nos jouets technologiques.

Deux tendances qui s’opposent

J’en reviens main­te­nant aux causes de la mort du Web. J’en vois deux.

L’émergence des appli­ca­tions pro­prié­taires. Avec les Apps­tores qui les accom­pagnent, elles n’utilisent ni HTML, ni les URL, deux des trois inno­va­tions de Tim Ber­ners Lee. Elles nous font bas­cu­ler vers des solu­tions pro­prié­taires, avec la pro­messe d’une plus grande ergo­no­mie et la tarte à la crème d’une plus grande sécu­rité. Au pas­sage, nous ban­quons. Il devient dif­fi­cile de créer des liens vers ces écosys­tèmes qui se veulent auto­nomes (com­ment est-ce que je lie depuis mon blog vers la météo affi­chée dans une appli iPhone ?).

Le pas­sage au flux. Nous nous retrou­vons avec des objets mou­vants, des fichiers ePub par exemple, qui ne sont plus sta­tiques dans le cybers­pace comme l’étaient les sites. Tout le monde va bien­tôt com­prendre leur impor­tance. Plus besoin de s’embêter avec un ser­veur ou un héber­geur pour exis­ter en ligne.

Ces deux ten­dances s’opposent. La pre­mière veut nous rame­ner avant le Web (mini­tel, AOL, Com­pu­Serve…), la seconde après le Web. Je vois mal com­ment il pour­rait sur­vivre dans ces conditions.

Le retour des appli­ca­tions pro­prié­taires, c’est la vic­toire des mar­chands. Plu­tôt que de déve­lop­per un espace ouvert avec des sites dif­fi­ciles à mon­nayer, on referme les inter­faces, les asso­cie à des appa­reils par­ti­cu­liers. Apple a ini­tié ce mou­ve­ment rétrograde.

Aucun langage universel

Il ne fau­drait tou­te­fois pas oublier l’enseignement phi­lo­so­phique du ving­tième siècle. Il n’existe aucun lan­gage uni­ver­sel. HTML est insuf­fi­sant et sera tou­jours insuf­fi­sant. Il est pré­fé­rable d’entretenir un écosys­tème divers, ce qui implique des dif­fi­cul­tés d’interfaçage. Nous devons en pas­ser par là si nous vou­lons, après une phase appa­rente de régres­sion, connaître un nou­veau boom créa­tif. L’innovation suit une res­pi­ra­tion entre les hip­pies idéa­listes et les mar­chands réactionnaires.

Si la pre­mière ten­dance est néces­saire, elle ne m’en déplait pas moins, et je pré­fère me consa­crer à la seconde, qui plu­tôt que cen­tra­li­ser le Web l’éclate plus que jamais.

Les ePub, et j’espère pour bien­tôt les ePub sociaux, cir­cu­le­ront par­tout, aussi bien dans les mondes fer­més que les mondes ouverts. Ils reprennent tout ce qui fai­sait le Web : HTML ou plu­tôt XML, les objets inclus, les scripts… Il ne leur manque que la pos­si­bi­lité de se par­ler entre eux. Leur force, c’est leur liberté plus grande que jamais, leur capa­cité à être ava­lés par une mul­ti­tude d’applications ouvertes ou non, d’être mon­nayables ou non.

Il nous reste à inven­ter un nou­veau pro­to­cole de com­mu­ni­ca­tion entre ces fichiers libres et riches, sans doute sur une base P2P. Le Web est bien en train de mou­rir, il res­tera une immense gale­rie mar­chande et un point de pro­pul­sion pour nos conte­nus qui vivront ensuite libre­ment dans le flux, voire atter­ri­ront dans des applications.

Billet initialement publié sur le blog de Thierry Crouzet

Crédits Flickr CC toprankonlinemarketing, nicolasnova

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http://owni.fr/2010/09/21/le-web-est-mort-deux-fois/feed/ 36
(R)évolution de la langue grâce au clavier:l’hybridation des codes http://owni.fr/2010/05/01/revolution-de-la-langue-grace-au-clavier-lhybridation-des-codes/ http://owni.fr/2010/05/01/revolution-de-la-langue-grace-au-clavier-lhybridation-des-codes/#comments Sat, 01 May 2010 09:16:18 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=13647 Un jour on reçoit un courrier électronique, que l’on appelle courriel, e-mail voire mail par paresse. Il semble rédigé dans une novlangue étrange. Et plutôt que de sauter au plafond d’étonnement, d’appeler l’Académie Française pour outrage ou encore de filer vers la Bibliothèque Nationale pour compulser dictionnaires et ouvrages de sémiologie, ma réaction fut différente et enthousiaste.

Il est effectivement temps de faire un petit point sur les nouvelles formes créatives et culturellement hybrides d’écriture et d’expression.

Voici le contenu :

De : Nicolas Voisin

A : [Enikao] & Alphoenix

Copie : Media Hacker

L’un de vous deux+trois ou les deux-1 *et j’y suis pour rien* {vous/tu/ne rédigerai/riez} pas 1 (billet /-) _précis de typographie signifiante_ à destination de kevin -> parce qu’un jour lui aussi <- issu de la LOLculture et autres /b/ et #tuvoiscequejeveuxg33k [hein] ?

</plus j’y pense plus je me dis>

une bit.ly sur la bouche

(test Monoyer adapté : parlez-vous le geek ?)

Etonnante missive numérique de prime abord pour qui serait étranger aux codes d’Internet… mais qui m’a réjouit.

#Quandjaicompris le contenu de ce message

#Quandjaicompris le contenu de ce message qui mêle divers codes au sens propre comme figuré : langage HTML, smileys et symboles issues des messageries instantanées comme MSN et autres chats, #hashtag de Twitter, langage issu des forums et de 4chan… Il contient de nombreuses typographies du clavier, de celles que la génération des doigts (manettes de jeu vidéo, digicodes, claviers d’ordinateurs, concours de SMS et autres interfaces tactiles) aime à glisser dans ses textes tapés et qui ressemblent à du chinois pour le néophyte. Dans sa structure aussi, il diffère du français académique car ce message est dans une écriture non linéaire : en lisant de gauche à droite et de bas en haut on obtient des éléments contextuels dans un ordre inhabituel. Et effectivement, le langage de la génération LOL peut paraître déroutant au néophyte.

 (fossé générationnel de la contestation, allégorie de Michaelski)

Traduction dudit message dans la langue de Jean Ferrat :

Camarades, l’un de vous deux+trois ou les deux-1

Une idée me travaille depuis un moment </plus j’y pense plus je me dis> (fermeture d’une division en code HTML : vous voyez bien que ce morceau de texte à la fin doit être remis au début)

et de manière insistante *et j’y suis pour rien*

J’ai besoin de votre collaboration pour un exercice d’écriture éventuellement collective, selon les modalités de collaboration qui vous conviendront le mieux : seul, à deux ou trois mains. l’un de vous deux+trois ou les deux-1 {vous/tu/ ne rédigerai/riez} pas

Il s’agit d’un billet pour owni. un (billet /-)

Sous couvert de parler à la jeune génération dite « kikoolol », il s’agit d’analyser et de décoder les nouveaux usages linguistiques à destination de ceux qui les caricaturent. _précis de typographie signifiante_ à destination de kevin

Il faudra donc recontextualiser -> parce qu’un jour lui aussi <-

et rappeler que les références culturelles, notamment numériques, humoristiques, parodiques voire fantasmatiques divergent. issu de la LOLculture et autres /b/

Nous glisserons tout ceci dans la rubrique « vague but exciting », n’est-ce pas ? #tuvoiscequejeveuxg33k [hein] ?

Je vous salue affectueusement, vous que je lis et que je lie. une bit.ly sur la bouche

C’était pourtant limpide, non ?

#Quandjaicompris l’enjeu de ce qui se déroule

#Quandjaicompris l’enjeu de ce qui se déroule et l’ampleur du mouvement de pénétration d’autres cultures textuelles dans nos pratiques écrites des claviers. Petit panorama de ces nouveaux codes de langage, sans ordre particulier.

Le jargon de la grande volière volage Twitter entre dans des pratiques écrites voire orales : tweet-clash pour se brouiller avec quelqu’un, twitpiquer signifie prendre une photo avec son smartphone (et pas forcément l’envoyer sur Twitter, d’ailleurs), RT ou retwitter indique que l’on va répéter, faire suivre aux amis, fake pour indiquer une contrefaçon ou une fausse qualité. Par exemple un SMS contenant le message brunch l8 demain ? check 4², amis welcome, plz RT signifie Je pensais organiser un brunch demain matin tard, qu’en pensez-vous ? Pour le lieu consulter mon profil Foursquare. Tu peux venir accompagné et rameuter des copains, fais passer le message à qui de droit.

Ca peut sembler être une lubie de technophile hyperconnecté, geek et autre nerd, mais introduire des #hashtags, ces marqueurs contextuels de Twitter, dans un courrier électronique pour donner une information supplémentaire n’est pas si étrange. C’est aussi un moyen d’attirer l’attention sur une notion en particulier, ou de dire dans quel(s) cadre(s) on doit comprendre la phrase en question. Le fameux #fail indiquant un échec manifeste est devenu un classique du genre. Oups, on n’avait pas rendez-vous il y a une heure ? #fail indique que l’on est conscient de sa boulette, c’est même un mea culpa en règle.

Dans la vie courante, nous commençons à voir des acronymes venir coloniser d’autres univers écrits et même oraux. En particulier, les acronymes des forums et chats : le très répandu LOL (laugh out loud) et son pendant français MDR, mais aussi le bien franchouillot OSEF (on s’en fout), VDM (vie de merde) et son homologue anglophone LABATYD (life’s a bitch and then you die), les bien connus ASAP (as soon as possible) et BTW (by the way) que l’on croise souvent dans le monde professionnel, NSFW (not safe for work, sous-entendu : contenu à caractère pornographique), OMG/OMFG (oh my god/oh my f*cking god), AMHA/IMHO (à mon humble avis/in my humble opinion), WTF (what the f*ck), STFU (shut the f*ck up), RTFM (read the f*cking manual), AKA (also known as). Certains ont un peu disparu : ASV (Age/Sexe/Ville) et ASVP (avec une photo) n’ont plus de sens à l’heure où les réseaux sociaux affichent des profils complets et pas seulement un simple pseudonyme, ROFL (rolling on the floor laughing) n’a pas vraiment perduré mais son équivalent français PTDR (pété de rire) se trouve encore, BKAC (between keyboard and chair, sous-entendu : le problème n’est pas technique mais humain, sous-entendu : tu es une tanche) se fait plus rare, AFK/AFKbio (away from keyboard : je m’absente du clavier mais reste connecté, la précision “bio” indique que l’on satisfait un besoin biologique) également, TGIF (thank god it’s friday) n’a pas eu de succès dans l’Hexagone. Et bien sûr, ces exemples ne sont pas exhaustifs.

(RTFM : read the f*cking manual)

Le jargon des joueurs de jeux vidéo est aussi présent, sous forme d’onomatopées ou d’expressions dérivées insérées à l’intérieur de phrases : GG pour good game (bien joué), n00b pour newbie (débutant), pwnd/powned/pwn3d (tu t’es fait avoir, je t’ai battu), TK ou team kill (dommage collatéral), skin (habillage d’un avatar, ou plus largement la personnalisation d’une interface), roxer (dérivé de l’anglais it rocks, l’expression roxer du poney est devenue un classique et proviendrait du jeu Dark Age of Camelot), OOM (out of mana, à court d’énergie magique, pour indiquer que l’on est sans argent ou trop fatigué), loot (trouver quelque chose), être stuffé (être paré, équipé), ou encore faire level up ou gagner des XP ou PEXer (gagner de l’expérience, progresser) pour ne prendre que les plus courants et faciles à placer.

Le leet speak ou 1337 5|°34|<, langage qui substitue un caractère par une graphie similaire ou détournée (le 3 est un E à l’envers, le 2 est un R sans la barre verticale, le k se décompose en |<), s’introduit en partie dans les mots, pour quelques lettres, sans forcément effectuer un remplacement complet. Par exemple les comptes Twitter d’Electron Libre (devenu 3l3ctr0nLibr3) ou Owni (devenu 0wn1). Ces interversions constituent un marqueur social qui indique quelque chose comme : je suis technophile et appartiens à la culture Internet. C’est aussi un moyen de parler un langage codé que ne comprennent que quelques initiés : pr0n est une façon de parler (presque) discrètement de pornographie, en travestissant porn.

Plutôt que de répondre à quelqu’un qui vous agace “va te faire voir chez les endettés”, j’ai entendu récemment un camarade lâcher très nettement un bon “/rude” (lire slash rude), en référence aux commandes de gestes dans les jeux en ligne dits MMORPG (les fameux… meuporg /-) qui font faire à votre personnage un geste disons… injurieux. Les autres commandes ont un succès proportionnel à leur expressivité et à leur simplicité de prononciation /bow pour je m’incline, /wave pour je vous salue à la cantonade, /quit pour je dois vous laisser

Les images, dessins et textes en ASCII (American Standard Code for Information Interchange) consistent à faire un assemblage de caractères du clavier utilisant ce standard afin d’obtenir un graphisme, un peu sur le même principe que le canevas. Fréquent il y a 15 ans à l’époque où les pages ne permettaient pas de grande liberté de mise en forme, où le haut débit n’existait presque pas et où les images étaient rares, cela a disparu progressivement sauf pour les nostalgiques acharnés des contre-cultures du web qui y voient là une forme d’impressionnisme numérique. Les smileys participent de cette même idée.

(page d'accueil du site de hackers Cult of the Dead Cow, fin des années 1998)

Les smileys (et leurs variantes japonaises verticales, les kao moji) se glissent un peu partout dans les courriers électroniques, dans les billets de blog, dans les commentaires, dans les SMS… et jouent un rôle de ponctuation ou de nuance. On a par exemple des :’-( ou :-( ou :-/ oue encore T_T pour ça m’attriste, :-P pour notifier une espièglerie ou un caractère coquin, :-) ou ^_^ ou ^^ pour la joie, :-D ou XD pour la satisfaction à pleines dents, :-0 ou o_O pour l’étonnement, \o/ pour la victoire, la liste serait longue. L’usage des émoticônes a connu une belle expansion grâce aux salons de chat pour rajouter de l’expression de sentiment dans du texte jugé trop froid, les outils de dialogue en ligne comme ICQ, puis les messageries instantanées plus élaborées comme MSN Messenger et Skype ont fortement popularisé les émoticônes, de même que les téléphones mobiles grâce aux SMS. Notons que le symbole cœur <3 est un grand classique que l’on retrouve également sur les blogs, profils MySpace voire dans les conversations : comment va ton plus petit que trois ? pour comment va ton chéri / ta chérie ?

Certains textes utilisent sciemment les caractères barrés, par exemple le point 6 du manifeste Internet de journalistes web et blogueurs allemands affirme : Internet change améliore le journalisme. Ce n’est pas un barrage d’erreur, mais bel et bien une façon d’indiquer l’opinion dominante ou le préjugé pour le dépasser. Ici, il faut comprendre : Internet fait plus que changer le journalisme, il l’améliore ! Il est parfois difficile de distinguer l’ironie de l’erreur dans les textes barrés, mais justement leur schizophrénie les rend délicieusement ambigus et ce doute fait partie intégrante du texte lui-même. Alors que barrer à la main n’est qu’une rature. On perd du sens et du sous-entendu.

On peut voir des morceaux de code HTML jusque… dans des manifestations contre la guerre en Irak ! Ici, la fin de la division <war>, sous-entendu Arrêtons la guerre.


Il peut paraître étonnant de trouver des morceaux de calcul mathématiques comme le célèbre +1 (qui n’a rien à voir avec le Plussain de Dofus) et sa déclinaison pour geek lettré, le verbe plussoyer. Signifiant je souscris pleinement à ton assertion, je te rejoins, il a le mérite d’être simple, court et efficace. Il permet aussi de compter le nombre de participants à un événement  _Je sors manger à la pizzeria du coin, qui vient ? _+1 ! Pour mettre de l’emphase on pourra également employer des +1000 et autres +∞ (symbole infini).

Les médias sociaux ont aussi leur part dans le changement de vocabulaire : il y a eu le fameux I’m blogging this il y a 5 ans qui n’a pas connu grand succès en zone francophone, mais en peu de temps avec le succès de Facebook et Twitter on a vu arriver dans les conversations et les échanges en ligne ça se twitte, ça se twitpique, j’aime/je like, on se poke on se rappelle, il m’énerve je l’ai désamifié.

#Quandjaicompris la spécificité structurelle des pianoteurs de clavier

La culture de l’écrit à la main laisse en apparence davantage de liberté, par le simple fait que les lignes, formes, traits n’ont de limite que l’imagination de celui qui tient l’instrument d’écriture. On peut songer aussi à des formes plus artistiques et originales, comme Apollinaire et ses calligrammes, ou les calligraphies arabes et japonaises qui sont des arts à part entière.

De son côté, l’écriture au clavier permet de développer des pratiques à plus grande échelle parce qu’il y a standardisation de l’écriture (une touche ou une combinaison de touches donne un caractère) autant qu’ouverture des possibles (chacun peut effectuer des compositions à partir d’un existant). L’écriture à la main ne procède pas de ce double mécanisme et ne facilite donc pas la réappropriation, la modification et la vie des codes d’écriture et de langage.

Il y a une dimension véritablement hiéroglyphique dans ces nouvelles formes d’écrits, par la simple utilisation de symboles qui apportent du sens par leur aspect graphique, et du contexte par les sous-entendus et présupposés culturels qu’ils impliquent.

#Quandjaicompris l’aspect mémétique de ces nouvelles pratiques

La théorie des mèmes de Richard Dawkins fait de nos esprits des supports de mémoire tout comme notre un corps est un support de patrimoine génétique, ainsi gènes comme mèmes font partie d’une famille plus grande baptisée “répliquants”. Mémétique et génétique partagent des processus similaires : reproduction, mutation, lutte pour la survie et parfois mort. Les mèmes sont des comportements sociaux qui tendent à se produire et à subir des modifications, ils participent à une culture commune et on compte parmi eux les mythes (et les religions pour les athées les plus militants), les proverbes, les comptines, la chanson Happy Birthday, l’humour de répétition, les images célèbres (Mona Lisa, les photos à la Warhol, l’iconographie des campagnes de propagande du début du XXème siècle), le symbole ♥ et tout un tas de pratiques et habitudes dont on ne se souvient jamais vraiment du moment où on les a adoptées. Le marketing viral s’appuie par exemple sur la puissance mémétique. Bien entendu, par le pouvoir de duplication rapide du copier/coller et les outils de retouche, et grâce aux médias sociaux permettant de propulser les contenus, Internet est devenu une formidable machine à mèmes humoristiques, des LOLcats à La Chute en passant par Captain Obvious et autres Chuck Norris Facts.

Les nouveaux codes de langage issus des univers numériques s’inscrivent directement dans cette perspective, à ceci près qu’ils ont aussi un rôle cathartique à jouer. Aussi, s’opposer de manière frontale à la réappropriation créative de la langue et critiquer l’intrusion de nouveaux codes au nom de la tradition (qui n’est parfois que le synonyme d’un conservatisme passéiste, irrationnel et figé) n’est sans doute pas le meilleur service à rendre à la langue de Bobby Lapointe. Bien sûr, on connaît des langues codifiées et figées, bien rigides, avec leurs gardiens du temple. Il s’agit d’ailleurs… de langues mortes.

Une langue vivante, au sens où on utilise cette expression dans l’enseignement, mute et évolue. Face à leurs voisins anglophones, nos amis de la Belle Province manient subtilement le travail normatif pour faire la chasse aux anglicismes inutiles et la traduction / adaptation : e-mail devient l’élégant courriel, chat devient le superbe clavardage. Quand la technique entre dans nos vies, il faut bien nous les approprier et donner un nom est un bon début pour cela : au début fut le verbe

Au-delà de la lutte contre une préservation cocardière de la langue de Serge Gainsbourg, qui participe d’un esprit de clocher bien gaulois de lutte contre l’envahisseur, il faut peut-être regarder l’aspect pratique. Car c’est bien l’usage qui fait l’innovation, pas l’invention. Une invention qui ne sert à rien devient rapidement un souvenir ou une pièce de musée, tandis qu’un usage qui se développe participe au changement. Le regretté Douglas Adams, auteur d’ouvrages de science-fiction burlesque proche des Monty Python et personnalité excentrique, avait entamé un travail avec le joueur de tennis John Loyd baptisé The meaning of Liff pour tenter de mettre des mot sur des expériences humaines bien connues mais qui ne portent pas encore de nom. Voilà qui est créatif, drôle (clunes : catégorie de gens qui ne partent jamais alors qu’on aimerait les voir partir, sconser : personne qui vous parle en regardant autour s’il n’y a pas quelqu’un de plus intéressant avec qui parler, thrup : faire vibrer une règle sur un coin de bureau en la rapprochant progressivement pour qu’elle fasse un bruit plus rapproché et sec), et surtout qui comble un potentiel manque. Ces mots sont créés pour indiquer une réalité jusqu’alors sans nom spécifique, et on se demande d’ailleurs bien pourquoi parce qu’elles correspondent à des réalités tangibles.

En un mot, on définit une idée parfois complexe, et c’est bien dans cet esprit hiérogplyphique ou idéogrammatique que se situent les codes venus du clavier. Ils rajoutent des couches d’information et disent beaucoup tout en étant économes en espace occupé. Du smiley au +1 en passant par les acronymes, on ajoute du sens aux signes en comprenant les codes venus de divers univers. C’est donc bien une langue, avec ses étymologies et ses usages grammaticaux. Et elle est vivante, elle évolue grâce à ses locuteurs.

Pour revenir à la missive d’origine, il devient évident qu’il ne s’agit pas de faire pour Owni un dictionnaire. Certains s’y attèlent déjà avec une certaine créativité et une justesse qui forcent le respect, comme le Dictionnaire du futur. Mais il n’en est pas question ici. Après ce que je viens d’écrire, figer les codes serait du plus beau ridicule. Aussi, en guise de conclusion, je vais simplement répondre au message d’origine. Comprenne qui pourra.

/lit/ > done {</body> & in the dark } \o/

Vraiment #OOM car *mine de rien* l00ter des pic et bit.ly ->pour faire de la pédagogie<- c’est nécessaire /-) mais |<20n0|°|-|463.

Kevin va pouvoir aider _sur des arguments solides AMHA_ la GenX à PEXer en #LOLculture. GG @Loguy 4 [JPEG]

</work> AFK.

8^)

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http://owni.fr/2010/05/01/revolution-de-la-langue-grace-au-clavier-lhybridation-des-codes/feed/ 14