OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le cyberespion russe espionné http://owni.fr/2012/11/02/le-cyberespion-russe-espionne/ http://owni.fr/2012/11/02/le-cyberespion-russe-espionne/#comments Fri, 02 Nov 2012 16:27:11 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=124972

C’est une histoire tirée d’un roman d’espionnage, plutôt à la mode OSS 117. Un État fabrique un logiciel espion, le lance sur sa cible, un autre État. Celui-ci s’en rend compte, dissèque ledit logiciel dans le plus grand secret. Il décide ensuite de piéger l’attaquant, y parvient. À la fin, il publie un rapport avec les photos du pirate ennemi, obtenues en entrant dans son ordinateur.

Fin de la fiction. L’histoire est réelle. Le rapport a été publié en anglais la semaine dernière par l’agence d’échange de données géorgienne. Il pointe la main de la Russie dans une cyberattaque importante contre la Géorgie découverte en mars 2011. “Un acte de cyberespionnage” écrit l’agence dans son rapport qui détaille le modus operandi sophistiqué de l’attaque.

Informations confidentielles

Première étape : des sites d’informations géorgiens sont piratés. Le script malveillant placé sur ces pages infecte les ordinateurs des visiteurs. La pêche aux “informations confidentielles et sensibles” peut commencer. Étape deux : les ordinateurs piratés sont criblés pour dénicher les précieuses informations qui sont renvoyées (c’est l’étape trois) vers un serveur distant. Malins, les artisans de l’attaque changent régulièrement l’adresse du serveur.

Un jour sous surveillance

Un jour sous surveillance

Les documents révélés par WikiLeaks laissent entrevoir le paysage de la surveillance. Un téléphone portable devient un ...

Non content d’obtenir ces documents – principalement word, powerpoint et pdf à propos des questions des relations avec les États-Unis ou l’Otan – les pirates peuvent avoir accès aux micros et caméra de l’ordinateur infecté. Des fonctionnalités sophistiquées, mais pas hors du commun à en croire le catalogue de certains marchands d’armes de surveillance…

390 ordinateurs ont été infectés détaille le rapport de l’agence géorgienne. Une immense majorité en Géorgie, et quelques 5% en Europe et en Amérique du Nord. Les autorités géorgiennes affirment avoir reçu l’aide de services étrangers (américains et allemands) ainsi que l’assistance de grandes entreprises comme la division cybersécurité de Microsoft. Une fois disséqué, le logiciel malveillant a permis de remonter à la source. Les autorités géorgiennes sont parvenues à identifier le pirate, et le prendre en photo avec sa webcam.

La moustache de Moscou

Pas peu fière, l’organisation chargée de la cybersécurité géorgienne raconte :

Nous avons trouvé un PC infecté dans notre lab, avons envoyé une fausse archive ZIP, intitulée “Georgian-Nato agreement’, qui contenait le virus. L’attaquant a dérobé cette archive et a exécuté le fichier malveillant. Nous avons maintenu le contrôle sur son PC, puis capturé une vidéo de lui, personnellement.

La prise est évidemment jointe au dossier : deux photos d’un homme moustachu, sans uniforme, dans ce qui ressemble à un appartement.

Pour la Géorgie, l’origine de l’attaque ne fait aucun doute : Moscou est derrière. Ce ne serait pas une première. Lors de la guerre entre les deux pays à l’été 2008, le Russie avait mené des cyberattaques concomitamment aux attaques sur le terrain. Le rapport ne manque pas de le rappeler, citant “deux organisations indépendantes américaines”. Les cyberattaquants avaient alors pu compter sur “certaines ressources” appartenant à l’Institut de recherche du ministère de la défense russe.


Illustration par Alvaro Tapia Hidalgo [CC-byncnd]
Photos tirées du rapport [PDF] Cyber Espionnage against Georgian government (DR)

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WikiLeaks: Les sales dessous de la guerre de Tchétchénie http://owni.fr/2011/05/05/wikileaks-les-sales-dessous-de-la-guerre-de-tchetchenie/ http://owni.fr/2011/05/05/wikileaks-les-sales-dessous-de-la-guerre-de-tchetchenie/#comments Thu, 05 May 2011 18:53:22 +0000 Alban Leveau-Vallier http://owni.fr/?p=61237 Une maison au Dagestan, au bord de la mer Caspienne. C’est un grand bâtiment, qui ressemble à un restaurant perché au sommet d’une tour de contrôle verte de 40 mètres, accessible seulement par un ascenseur. On y trouve quelques chambres, une salle de réception et une grotte avec un énorme aquarium. Le complexe comprend une deuxième maison, avec un court de tennis, deux pontons donnant sur la mer pour faire du jet ski.

C’est ainsi qu’un câble révélé par WikiLeaks et rédigé par un diplomate de l’ambassade américaine, décrit la maison de Gadhzi, un membre de la Douma (le parlement russe) et directeur de la Dagestan Oil Company. Gadhzi marie son fils et a invité la crème des célébrités, politiciens et businessmen de la région à assister à une fête qui fera date. Nourritures et boissons sont fournies en quantité, « comme si des vaches et des moutons entiers étaient cuisinés jour et nuit ».

La vodka coule à flot. Les participants s’interrompent de temps en temps pour aller faire du jet-ski sur la mer Caspienne. Des groupes de popstars locales se succèdent pendant que les participants rivalisent d’habilité sur une danse locale – la « lezginka ». Lorsque ce sont des filles qui dansent, on leur jette des billets jusqu’à ce que le sol en soit couvert.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les invités sursautent lorsque le feu d’artifice commence. C’est que, remarque l’envoyé de l’ambassade, la plupart des participants sont armés. Il note en particulier le pistolet en or de Ramzan Kadyrov, le président de la République voisine de Tchétchénie. Il se distinguera en offrant cinq kilos d’or aux mariés, en jetant des milliers de dollars sur deux petites danseuses et en quittant précipitamment la cérémonie. “Ramzan ne s’arrête jamais nulle part la nuit”, explique-t-on au diplomate.

La fête continue. Un colonel du FSB cherche à lui verser du cognac dans son vin en s’exclamant que « c’est presque la même chose ! », un vétéran de la guerre d’Afghanistan, « trop ivre pour rester debout, ni pour s’asseoir », dégaine son pistolet pour « le protéger », et l’envoyé de l’ambassade juge bon de se retirer.

Le diplomate américain y est venu pour récupérer des informations en apprendre un peu plus sur cette région difficile à décrypter, le Caucase – dont le Daguestan fait partie – une région montagneuse située au sud de la Russie entre la mer Noire et la mer Caspienne.

Des attentats pour déclencher la guerre

Le Caucase est le théâtre de conflits indépendantistes et de rivalités ethniques et en tant que tel un élément clé de la politique russe. A la chute de l’URSS, en 1991, la Géorgie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan deviennent de nouveaux États tandis que le nord du Caucase est intégré en Fédération de Russie et divisé en sept républiques autonomes. La Tchétchénie déclare son indépendance et affronte la Russie à deux reprises (en 1994-95 et 1999-2000).

Le début du premier mandat de Poutine a été marqué par la question caucasienne. En 1999, une série d’explosions fait 293 morts. D’après Helène Blanc, criminologue au CNRS, ces attentats

ont servi d’alibi à déclencher la seconde guerre de Tchétchénie. Mais maintenant nous savons qu’ils n’étaient pas du tout l’œuvre des Tchétchènes auxquels on les a attribués mais l’œuvre du FSB [Services fédéraux de sécurité, ex-KGB dirigé par Poutine à l’époque]

Le centre-ville de Grozny, le 6 février 2000

Poutine profite de la situation d’instabilité créée et est propulsé à la tête du pays comme l’homme fort qui pourra restaurer l’ordre et la paix. Il sort de l’ombre du jour au lendemain grâce à l’appui de Boris Berezovsky, proche de Eltsine. Or, Berezovsky est connu pour ses relations avec les indépendantistes tchétchènes. Il a profité d’enlèvements perpétrés par ceux-ci pour verser d’imposantes rançons. Officiellement ces rançons étaient le fruit de sa générosité et de son désir de faire libérer des otages innocents. Officieusement, elles servaient à payer la « protection » de ses affaires par une mafia puissante.

La manne du pétrole de contrebande

Poutine est arrivé au pouvoir avec comme priorité – officielle – de mettre fin au conflit en Tchétchénie. Une tâche qui s’est révélée plus difficile que prévue car l’armée se réjouit de la reprise de la guerre et ne souhaite pas qu’elle soit courte. Les officiers russes sont déterminés à rester déployés dans une région qui permet de poursuivre de nombreuses activités lucratives. Dès la première guerre de Tchétchénie ils ont profité de leur présence dans la région pour faire fortune comme mercenaires (des soldats russes ont combattu des deux côtés lors du la guerre du Haut-Karabakh), « protecteurs » des petits commerces, trafiquants de drogue ou d’armes (des membres de l’armée russe ont vendu des armes aux différentes parties en jeu dans les conflits en Abkhazie et en Ossétie du Sud). « Les officiers et leurs généraux ont donc toujours formé un bloc puissant en faveur de leur déploiement dans le Caucase, en particulier sous Eltsine », explique un câble de l’ambassade américaine. Ce bloc est devenu puissant au point d’ignorer la tutelle du Kremlin. En 1993, la Géorgie obtient la promesse d’un accord avec Moscou, lorsqu’ils rencontrent les généraux russes dans le Caucase, les termes de l’accord ont changé.

Laissez le président s’installer à Moscou, boire de la vodka et chasser les filles. C’est son affaire. Nous sommes ici et nous avons du travail.

Cette guerre est trop lucrative pour eux. Un des trafics majeurs des militaires dans le Caucase est celui de pétrole de contrebande. Lors de la chute de l’URSS, le prix du pétrole en Russie correspondait à 3% du prix dans le reste du monde, donnant lieu à une combine simple pour les militaires et les fonctionnaires : des millions de tonnes de pétrole russe entraient en Tchétchénie– ayant déclaré son indépendance. Une fois là, le pétrole était considéré comme sorti de Russie, appartenant donc au marché international et vendu au prix correspondant. Avec l’argent obtenu, les tchétchènes impliqués dans ces trafics ont acheté des armes, généralement auprès de leurs partenaires de l’armée russe.

L’entrée de l’armée en Tchétchénie en 1994-95 a été une aubaine pour les militaires qui ont pu augmenter leur présence et donc leurs trafics. Ceux-ci diminuent après le cessez-le-feu mais reprennent de plus belle avec la reprise du conflit en 1999 :

Des témoins occidentaux ont vu un convoi de camions de l’armée russe transportant du pétrole au départ de Grozny pendant la nuit. Finalement, les forces russes ont trouvé un accord avec les combattants rebelles. En apercevant un de ces convois, un journaliste occidental a demandé à ses hôtes de la rébellion si parfois ils leur arrivent de les attaquer. “Non, a répondu le chef, ils nous laissent tranquilles et nous les laissons tranquilles.”

La double stratégie Poutine

En 1999, Poutine se retrouve  avec pour objectif de mettre fin à une guerre qu’il a lui-même déclenchée, arrivé au pouvoir grâce à un ami de ceux qu’il est censé combattre, avec une armée qui veut que le conflit dure le plus longtemps possible.

Pour se sortir de cette situation compliquée, il adopte une double stratégie. Premièrement, il entreprend de remettre l’armée au pas, en mutant les chefs militaires en Sibérie et en renforçant sur place le FSB. C’est Sergeï Ivanov, un proche de Poutine qui est craint car on ne sait comment l’acheter, qui est chargé de remettre l’armée au pas:

…beaucoup disent qu’Ivanov n’est pas corrompu (du moins pas trop), et du coup quelques proches conseillers de Poutine le voient comme une menace, car ils ne savent pas comment “faire du business” avec un tel individu.

Deuxièmement, il retourne certains chefs indépendantistes – en particulier Ahmad Kadyrov, le père de Ramzan Kadyrov évoqué plus haut – en leur promettant l’autonomie et beaucoup de cash contre une adhésion de façade à la Fédération de Russie:

L’accord Kadyrov/Poutine est complètement personnel. Poutine autorise, soutient et finance le pouvoir et les activités de Kadyrov en Tchétchénie et donne des garanties d’immunité et d’impunité aux 10 000 à 15 000 combattants de Kadyrov, pour la plupart des anciens rebelles comme Kadyrov. En échange, Kadyrov assure Poutine de sa loyauté personnelle et fait en sorte que ses combattants tourneront leurs fusils contre les séparatistes, les islamistes et autres ennemis de l’état russe.

Ahmad Kadyrov devient l’ennemi numéro un des indépendantistes tchétchènes et échappe à de nombreux attentats avant de sauter sur une bombe en 2004. Son fils Ramzan Kadyrov lui succède, sur les bases d’un accord similaire avec Poutine. Ramzan Kadyrov est notoirement corrompu et détourne notamment un tiers de l’aide russe et internationale en Tchétchénie. Mais l’argent qu’il détourne est considéré par le Kremlin comme le prix à payer pour la stabilité.

Aujourd’hui le gouvernement central russe alloue entre 4,5 et 6 milliards de dollars par an aux régimes du Nord Caucase (estimation de Nemtsov et Milov). Poutine traite directement avec Kadyrov, le constituant en contre pouvoir aux autres chefs locaux tchétchènes, mais aussi par rapport à l’armée, le FSB ou le MVD [le ministère de l'Intérieur, NDLR]. Il ne veut pas que ces derniers deviennent trop puissants et mettent la région à sac comme l’on fait les militaires auparavant. En même temps, ces institutions sont réorganisées pour qu’elles contre-balancent le poids de Kadyrov et ne tombent pas sous son contrôle:

Poutine a promu Kadyrov peu après qu’il ait abattu son rival Movladi Basarov – un lieutenant-colonel du FSB – en pleine journée dans une rue de Moscou. D’après un membre de l’administration présidentielle, Poutine attribue le succès de sa politique tchétchène à son soutien illimité à Kadyrov. Les “silovikis” ou “ministères du pouvoir” – le FSB, MVD et MOD (services secret, intérieur et armée) – détestent Kadyrov, d’après xxxxxx, et leurs membres essayent de travailler avec des tchétchènes ne soutenant pas Kadyrov. Un bon exemple est ORB-2, anciennement RUBOP, la section chargée de combattre le crime organisé (qui avait fini par rejoindre le crime organisé) qui avait été intégrée dans le MVD local, mais pas en Tchétchènie. Elle était subordonnée à la section sud du MVD à Rostov, pour qu’il y ait des agents du MVD travaillant sur la Tchétchènie qui ne soient pas sous la coupe se Kadyrov.

Kadyrov, le parrain absolu de la région

C’est que Kadyrov profite de sa position pour faire nommer en Tchétchénie de plus en plus de ses sbires. Son influence grandit et il devient petit à petit le parrain absolu de la région:

Quand son neveu de 10 ans a eu un accident au volant de la voiture qu’il conduisait (!), tombant dans le coma, les notables vinrent lui rendre hommage à Grozny.

Mais cette influence ne s’arrête pas à la Tchétchénie et il se considère comme le parrain de tous les tchétchènes, très influents dans le reste de la Russie. Poutine doit donc le contrebalancer en laissant une partie de l’armée sur place, ainsi que le FSB, qui s’empresse de reprendre à son compte les trafics locaux.

D’autre part, Poutine joue la carte de la division ethnique en promouvant des chefs concurrents. Les tchétchènes sont divisés entre eux, pour des raisons ethniques ou religieuses (un courant soufi s’oppose à un courant wahhabite, financé avec l’argent du Golfe). Le premier ministre et le président de la République de Tchétchénie sont des rivaux et on a pu voir leurs gardes du corps se tirer dessus.

Les manifestations racistes de Moscou en décembre 2010 sont décrites par les médias russes comme des affrontements entre gens de « nationalité russe » et gens de « nationalité caucasienne ». Cette distinction n’a absolument aucun sens au vu de la mosaïque ethnique que sont la Russie et le Caucase. Elle attise le racisme le plus navrant au sein de la population qui se complait à penser que le problème est « culturel » : les caucasiens sont en majorité musulmans et ne sauraient s’adapter à la culture orthodoxe russe. Cette désinformation sert le pouvoir en attisant la haine de la population et la pousse à soutenir les violences et exactions en Tchétchénie.

En réaction, les « caucasiens » se radicalisent. De plus en plus sont dégoûtés et rejoignent les guérillas salafistes. Les attentats se sont multipliés au cours de la dernière décennie, exaspérant la population, le pouvoir ne réagissant que par des lois liberticides. La journaliste Anna Politkovskaya décrit les zatchiski (décentes nocturnes) de l’armée russe, avec leur lot d’assassinat, de viol et de pillage. Le FSB l’arrête et la soumet à un simulacre d’exécution. Elle est empoisonnée à Beslan au cours d’un reportage sur  la prise d’otage. Elle survit et enquête sur la pratique de la torture en Tchétchénie jusqu’au 7 octobre 2006, jour de l’anniversaire de Poutine, où elle est assassinée – sans doute par des hommes de Ramzan Kadyrov. Poutine n’aime pas les journalistes qui s’intéressent à la Tchétchénie, comme en témoigne l’incroyable réponse qu’il fait à un journaliste français lors d’une conférence de presse.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le Kremlin a procédé à une réforme administrative des régions du Nord Caucase, mais sans que cela ne change la situation. La liste d’attentats s’allonge d’années en années. Cela a amené l’ancien chef tchétchène Akhmed Zakayev à dire que Ramzan Kadyrov a réussi à aller plus loin que le rêve des indépendantistes des années 90 : non seulement la Tchétchénie est indépendante, mais en plus elle reçoit des sommes considérables du Kremlin.

Ghadzi, dont la fête somptuaire a été évoquée plus haut, est un exemple de ces chefs tribaux mis à la tête de leurs régions qui garantissent un semblant de stabilité contre l’accès à des trafics lucratifs et du cash. Mais son train de vie n’est rien par rapport à celui de Zyazikov, qui a dirigé l’Ingouchie voisine jusqu’en 2008. Son niveau de corruption, et sa propension à montrer sa fortune, était sans commune mesure avec Ghadzi ou Kadyrov. Un câble de l’ambassade américaine raconte un dîner dans le palais de Zyazikov. Alors que la conversation porte sur les besoins urgents de l’Ingouchie et la nécessité de recourir à l’aide internationale, Zyazikov parle de ses projets de construction  d’un nouveau palais, l’actuel ne lui plaisant.

Un aure télégramme de l’ambassade américaine décrit la façon dont les prisons sont gérées en Russie : les gardiens n’assurent plus l’ordre depuis longtemps. Ils se contentent de nommer des détenus plus forts que les autres au poste de garde chiourme officieux et d’en changer régulièrement pour qu’ils ne deviennent pas trop puissants. Sans vouloir les comparer à une prison, la Tchétchénie, l’Ingouchie et le Dagestan, sont gérés exactement de la même façon. Symptôme d’un État qui a démissionné en pratique mais dont les membres restent en place pour siphonner les ressources du pays.

A lire sur WikiLeaks :


Toutes les images sont issus du magnifique travail photographique en Creative Commons de LOreBoNoSi.

Image de clé: Un soldat russe à Grozny. Il est écrit “Souvenez-vous d’Allah!”.

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Casser l’internet à coup de bêche, c’est possible http://owni.fr/2011/04/15/casser-linternet-a-coup-de-beche-cest-possible/ http://owni.fr/2011/04/15/casser-linternet-a-coup-de-beche-cest-possible/#comments Fri, 15 Apr 2011 10:30:12 +0000 Mael Inizan http://owni.fr/?p=56967 Cet article a été initialement publié sur Silicon Maniacs sous le titre “Peut-on couper un pays d’internet d’un simple coup de bêche?”

Le 28 mars dernier, la quasi-totalité des habitants de l’Arménie, ainsi qu’une partie de ceux de l’Azerbaïdjan et de la Géorgie, ont été soudainement coupés d’internet pendant plusieurs heures. L’agence de presse russe RIA Novosti rapportait alors qu’ « une panne en Géorgie» avait obligé les fournisseurs d’accès à internet (FAI) du pays à utiliser des réseaux de réserve pour tenter de rétablir le service.

Une semaine après l’incident, le ministère de l’Intérieur géorgien annonçait mercredi avoir découvert le coupable : une ferrailleuse géorgienne de 75 ans. Pensant trouver du cuivre, cette dernière a endommagé un câble sous-terrain près de la capitale géorgienne, Tbilissi, sans réaliser les conséquences de son geste. 90% du réseau arménien étant branché sur celui de la Géorgie voisine, comme le rappelle le Guardian [en], la connexion de 3,2 millions d’Arméniens est brusquement tombée.

Depuis, l’information fait le tour du web. Un simple coup de bêche peut-il suffire à couper un pays d’internet ? Le réseau est-il finalement si fragile ?

Black-out sur le Net

En ce début d’année, les régimes égyptien, puis libyen ont censuré internet, pour tenter d’étouffer la contestation. Dans ces deux cas cependant, il n’y a eu aucune intervention sur le réseau physique. Le régime de Moubarak a contraint les FAI au blocage des protocoles BGP (Border Gateway Protocol, qui permet aux sites de signaler leur adresse) et DNS (Domain Name Server, qui permet aux navigateurs Internet d’orienter vers un site), tandis que celui de Kadhafi a considérablement réduit la bande passante, provoquant un ralentissement drastique du service. Rien de comparable avec le cas arménien. Aucune pression ici d’un régime autoritaire sur les FAI, mais simplement une grand-mère armée d’une bêche face à un câble de fibre optique.

Pour Benjamin Bayart, président du FAI associatif FDN (le plus ancien FAI en France encore en exercice), cet incident n’a cependant rien d’incroyable, même si il précise qu’il vaut mieux se munir d’une solide pince monseigneur que d’un banal outil de jardinage pour détériorer un tel câble renforcé:

Tout dépend du tissu économique local. Si il y a peu d’entreprises qui travaillent sur internet et sur les couches basses du réseau, il est techniquement possible qu’un petit pays comme l’Arménie soit quasiment dépendant d’un unique câble.

Le moindre incident peut dès lors créer véritable un black-out.

Quid de la France?

Mais pourrait-on imaginer une telle coupure en France ? La situation est totalement différente dans les pays développés, dans lesquels le maillage est infiniment plus dense. Là où un coup de bêche à eu raison du réseau arménien, internet à résisté au tremblement de terre au Japon. La solidité de l’architecture d’internet repose justement sur sa non-centralisation et sur une imbrication de réseaux les uns dans les autres. Lorsqu’un câble est endommagé, une autre route est automatiquement empruntée.

En France des centaines de milliers de kilomètres de câbles cheminent le long de toutes les voies de chemin de fer, des voies navigables, des autoroutes, du tunnels, des lignes haute-tension. Benjamin Bayart résume:

Par exemple, essayer de priver Paris d’internet en s’attaquant aux câbles reviendrait à tenter de mettre en place un barrage routier sur toute la capitale. Même si on coupe les principaux axes, il reste des milliers d’itinéraires bis.

Des dizaines de câbles relient ainsi la France aux continents américain, asiatique ou africain. Une réalité illustrée par le drame du tunnel sous la manche en 2008, estime Benjamin Bayart:

L’incendie dans le tunnel de la manche en 2008, n’a par exemple eu aucune incidence sur le réseau. Il y a suffisamment de routes secondaires pour que la destruction de quelques câbles soit imperceptible pour les internautes. Même dans le cas d’une attaque terroriste qui ciblerait simultanément tous nos câbles transatlantiques, il serait toujours possible d’accéder aux sites hébergés aux États-Unis en passant par Taïwan. La seule conséquence serait une éventuelle congestion du réseau

Tractopelle et câbles optiques

La France serait dès lors à l’abri d’un black-out global. Cependant le réseau reste vulnérable à l’échelon local. En février dernier, le journal Sud-Ouest rapportait un incident similaire à ce qui s’est produit en Arménie. En préparant des tranchées pour ses plants, un vigneron de Libourne (33) a brusquement arraché une gaine comprenant une fibre optique et des câbles de cuivre.

Un accident qui eut pour conséquence immédiate de priver d’internet et de téléphone la moitié du département de la Dordogne, pendant une après-midi. « Ce genre d’incident arrive en effet régulièrement, en particulier dans les zones blanches, dans lesquels il n’y pas de connexion ADSL. Il reste beaucoup de villes en France qui ne sont reliées au réseau que par un seul câble, voir uniquement un relais Wifi », détaille Benjamin Bayart. Dans ces régions, la chute d’un arbre ou un accident de bêche peut alors suffire à plonger les habitants dans le noir pendant des jours.

Et une connexion internet ce n’est pas comme un réseau électrique : on peut pas utiliser un générateur d’appoint en attendant d’être rebranché.

Illustration CC Flickr par courambel

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La Révolution, et après ? http://owni.fr/2011/01/26/la-revolution-et-apres/ http://owni.fr/2011/01/26/la-revolution-et-apres/#comments Wed, 26 Jan 2011 15:44:46 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=43943 En 2003, la révolution des Roses secouait la Géorgie. Fin 2004, le monde s’enthousiasmait pour la révolution Orange en Ukraine. Un peu plus tard, c’était la révolution des Tulipes au Kirghizistan. Puis la révolution Twitter en Moldavie, en 2009.

Aujourd’hui, ces pays d’Europe et d’Asie Centrale sont-ils des démocraties libérales bénéficiant, comme nous en France, de la liberté d’expression et d’un Etat de droit à peu près fonctionnel ? Réponse en 4 points pour l’Ukraine, la Géorgie et le Kirghizstan.

Perceptions de la corruption

Transparency International compile un indice de perception de la corruption (CPI) depuis une dizaine d’années. L’ONG basée à Berlin demande aux hommes et aux femmes d’affaires leur opinion sur la corruption dans les pays où ils interviennent. Plus rarement, l’ONG fait des sondages auprès de la population afin de voir si les perceptions des hommes et femmes d’affaires et le vécu de la population concordent. Le plus souvent, c’est le cas.

Dans l’indice CPI, plus la note est élevée, moins il y a de corruption. Pour donner un ordre de grandeur, le Danemark est à 9, la France à 7 et l’Afghanistan à 1.

Depuis les révolutions, on voit que la Géorgie a largement amélioré sa position, en doublant son score depuis sa révolution des Roses. Pour les deux autres, c’est moins brillant : +4% en Ukraine depuis 2004 et même -9% au Kirghizstan depuis 2005.

Par ailleurs, les autres pays de la région ont vu leur note dégradée. Deux dictatures sans “révolution de couleur”, l’Arménie et le Turkménistan, ont subi des baisses de 13% et de 20% depuis 2003, respectivement.

Liberté de la presse

Le baromètre de Reporters Sans Frontières fonctionne en sens inverse de l’indice CPI. Un score élevé montre un pays où la liberté de la presse n’est pas respectée.

Seul les journalistes ukrainiens sont plus libres après la révolution qu’avant, selon RSF. La situation a largement empiré au Kirghizstan et n’a pas changé en Géorgie.

Stabilité politique

La Banque Mondiale agrège plusieurs indicateurs pour établir ses classements de gouvernance mondiale. Les indices vont de -2.5 à +2.5, une note haute indiquant une ‘meilleure’ gouvernance (comprendre : plus proche des idéaux occidentaux).

Les indicateurs progressent dans le bon sens pour tous les pays concernés, de +13% pour l’Ukraine à +55% pour le Kirghizstan. C’est d’autant plus significatif que les autres présipautés de la région, comme l’Arménie ou l’Azerbaïdjan, n’ont pas connu d’évolutions similaires.

Etat de droit

Cet agrégat statistique fourni par la Banque Mondiale montre que seuls les Géorgiens ont vu leur situation s’améliorer, avec des tribunaux qui fonctionnent mieux et un droit à la propriété mieux respecté après la révolution qu’avant.

Bilan bon, mais pas top

Cette démonstration par les données montre que les situations nationales n’ont pas été extrêmement impactées par les “révolutions” annoncées en fanfare dans les années 2000. En Ukraine d’ailleurs, le candidat du dictateur Leonid Kutchma en 2004, Victor Yanoukovitch, est revenu au pouvoir légalement après 5 ans de conflits personnels entre les différents acteurs de la révolution.

En Géorgie, Mikhail Saakachvili, arrivé au pouvoir en 2003 après avoir mis dehors le dictateur en place, a perdu son aura de superstar de la démocratie en devenant de plus en plus autoritaire  au fil des ans, jusqu’à emmener son pays dans une guerre dramatique en 2008.

Au Kirghizstan, la révolution n’a jamais mené de démocrate au pouvoir. Durant les mois qui ont suivi, des émeutes et des meurtres ont entaché la vie politique du pays. Les massacres de 2010 ont fini de mettre à bas les rêves de stabilisation et de démocratisation du pays.

Tout n’est pas noir pour autant. Des mesures symboliques, prises au lendemain des révolutions, n’ont pas été abrogées. Les citoyens de l’Union peuvent désormais voyager en Ukraine et en Géorgie sans visa, par exemple. Le parlement ukrainien a également passé une loi reconnaissant la famine de 1932-33 (entre 4 et 5 millions de morts) comme un acte politique instrumentalisé par les bolchéviques, marquant son indépendance vis-à-vis de Moscou.

Révolutions silencieuses

Malgré ces aspects positifs, force est de constater que seules les révolutions des pays du bloc soviétique, en 1990-91, ont permis des transitions démocratiques en une dizaine d’années. Partout ailleurs, les institutions démocratiques se sont construites dans la durée, s’autonomisant progressivement du pouvoir dictatorial.

En Corée du Sud ou au Mexique, les évènements violents, comme le soulèvement de Gwangju en Corée en 1980, n’ont pas déclenché de changements politiques majeurs, même s’ils ont été des marqueurs fédérateurs de courants démocratiques plus profonds.

A la lumière de ces exemples, on peut imaginer que les évènements en Tunisie et en Egypte ne vont pas directement mener à des démocraties parlementaires. Mais nous ne pouvons que nous réjouir de la chute de dictatures abjectes et espérer que ces étapes marquent des jalons vers des sociétés réellement libres.

Photo CC alex_e14

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