OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Du clash au catch : une époque d’inconsistance désinvolte http://owni.fr/2010/03/10/du-clash-au-catch-une-epoque-d%e2%80%99inconsistance-desinvolte/ http://owni.fr/2010/03/10/du-clash-au-catch-une-epoque-d%e2%80%99inconsistance-desinvolte/#comments Wed, 10 Mar 2010 10:49:37 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=9775

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Parfois des éléments et tendances récents ne prennent corps dans un grand tout qu’à la lecture de vieilles références.

Gilles Lipovetsky rassemble dans « L’ère du vide« , paru en 1983, les grands traits de l’ère postmoderne qui est caractérisée essentiellement par l’émergence et la prise de contrôle de l’individualisme égoïste autant que sensible, au sens de sensiblerie.

Depuis, on peut lui apporter un petit complément pour aller plus loin.

La thèse de Gilles Lipovetsky s’attache à décrire les transformations de la société qu’il observait au début des années 80 pour caractériser l’ère postmoderne, qu’il qualifie durement de « vide » parce que davantage vide de sens que les époques précédentes. Aux logiques engagées et collectives succèdent l’indifférence et le narcissisme, à la solennité idéologique et au rire succède le cool et le fun décontractés, à la violence  exutoire succède l’empathie pathologique et l’hypersensibilité à la violence, aux rapports sociaux et aux logiques de socialisation codifiés succède la consommation d’information et de produits. La frontière entre le sérieux et le non-sérieux s’estompe, l’hédonisme l’emporte sur les logiques collectives, le symbolique est récupéré et détourné et le sacré disparaît, le figuratif et l’engagement pérenne laissent place à l’abstrait et au happening, le thérapeutique et l’analyse narcissique prévalent sur le raisonnement calculateur et la stratégie à long terme.

L’essai est long, documenté, argumenté, parfois mal écrit (ça jargonne à tout va et procès remplace processus sans que l’on comprenne pourquoi) mais on ne s’ennuie pas et surtout… c’est un formidable point d’appui car il est daté. Daté d’avant le web que l’on connaît, d’avant 2001, d’avant la surveillance généralisée et organisée, d’avant la prise de conscience écologique à grande échelle. C’est un peu comme avoir une encyclopédie Universalis datée des années 1987 ou 1988, avant la chute du Mur de Berlin et ce que cela a changé dans le monde politique et de la pensée, c’est une relique à conserver précieusement.Et sous un faux air de conservatisme passéiste, l’analyse mérite d’être regardée de près.

Deux décennies plus tard, deux engouements populaires dénotent une plongée plus profonde encore dans le mouvement global de pacification et de détachement que Lipovetsky signale dans la dernière partie de cet essai. Quand l’Etat et la civilisation prennent tout en charge par leur mainmise sociale, régulent et codifient, la violence est de moins en moins acceptée à l’échelle de l’individu autant que socialement réprouvée : vengeance, violence envers les animaux, violence politique, violence exutoire… L’auteur va jusqu’à parler d’escalade de la pacification, qui paradoxalement laisse une place grandissante à une violence de l’image et des imaginaires (notamment au cinéma).

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Premier élément, le goût pour le clash : venu semble-t-il du rap et des invectives / interpellations entre groupes dans une chanson, le clash s’est répandu en tant que tel (nommément, avec cet anglicisme-là) et en particulier dans les médias sociaux. Les billets croisés et commentaires provocateurs (trolling) furent le premier avatar de cette tendance à la provocation, le terme clash s’est semble-t-il popularisé plus tard. Si l’on recherche dans Google un nom de personnalité un peu polémique, « clash » fait souvent partie des suggestions du moteur de recherche. Dans Youtube, on obtient plus de 160 000 occurences sur le terme, il s’agit souvent d’extraits d’émissions (talk, interviews) où un ou plusieurs invités en viennent à un affrontement verbal voire une réaction physique violente.

Sur Twitter, machine à gazouillis, pensées instantanées et humeurs du moment, le tweet clash est devenu une figure de style qui a ses amateurs et ses orfèvres, des journalistes (Xavier Ternisien, Eric Mettout), des blogueurs (Versac) et bien entendu des politiques (l’inénarrable troll Frédéric Lefèvre). Un compte Twitter et un site sont même dédiés à cette pratique. Et même, il semble que ces prises de bec numériques soient addictives car elles génèrent du manque.

Autre signe, qui peut sembler anecdotique, mais c’est aussi le caractère des signaux faibles, c’est l’engouement récent en France pour le catch. Beaucoup de spectateurs, un affrontement entre adversaires bien identifiés, et des gestes qui doivent faire mouche au cours d’une passe d’armes physique et non pas verbale. On connaissait déjà avec Canal + dans les années 80 le catch avec la WWF, la Lucha Libre a également son lot de fans depuis peu.

Quel est le point commun entre ces deux pratiques qui ont tant de succès ?

> c’est un affrontement-spectacle, sans spectateur catch et clash perdent tout leur intérêt
> c’est une violence par procuration mise en scène et sublimée par l’arbitre dont le rôle, même effacé, est crucial
> c’est un combat qui provoque l’ironie et les commentaires humoristiques plus ou moins fins des spectateurs
> c’est une lutte pour le plaisir de la lutte, il n’y a pas de réelle finalité ni d’objectif identifiable, c’est un combat de l’instant
> c’est autant un travail d’intimidation que de lutte réelle, il faut une phase où l’on se jauge avant que les prises et attaques ne s’enchaînent
> il y a clairement un gagnant à la fin, mais les partisans du perdant ne seront pas complètement déçus s’ils jugent la prestation de leur champion honorable.
> on peut faire rentrer sur le ring des compères qui prennent le relais
> on ne se fait pas vraiment mal, on respecte des règles factices au profit du public, qui en redemande et qui sait que tout est calculé
> il n’y a pas vraiment d’enjeu, la défaite n’a pas grande conséquence mis à part la réputation, bien que celle-ci puisse représenter beaucoup si la réputation est un fond de commerce, par exemple pour une personnalité politique, le clash Bayrou / Cohn-Bendit a fortement nui si ce n’est enterré le premier dans l’opinion publique et dans son propre camp

Catch et clash sont donc peut-être emblématiques d’une époque OSEF, où l’on se fout de tout car rien n’est vraiment grave. Et de toute façon, l’affrontement en lui-même était inconsistant : la violence était contenue, maîtrisée, circonscrite et sans but. A l’inverse, on semble supporter de moins en moins les vrais combats politiques et idéologiques qui engagent profondément et durablement, les endroits où il y a du sang et des morts pour de vrai. L’apathie mi-amusée, mi-engourdie du spectateur qui se distrait temporairement avant de revenir à son petit nombril et à son quotidien en petits cercles égocentrés a peut-être pris la succession des winners cool et branchés des années 80.

> Article initialement publié chez Enikao

> Illustrations par colodio par onesecbeforethedub

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Changement [de Poke] & Glissements [s'aimant TIC] http://owni.fr/2009/10/30/changement-de-poke-glissements-saimant-tic/ http://owni.fr/2009/10/30/changement-de-poke-glissements-saimant-tic/#comments Fri, 30 Oct 2009 16:33:35 +0000 Admin http://owni.fr/?p=5046 L’évolution de la langue traduit souvent des passages de cap et officialise l’appropriation de nouveaux modes… de communication.

Le Net depuis son introduction dans notre quotidien il y a une dizaine d’années, a apporté son lot de petits noms : site, nom de domaine, e-mail, webmaster, chat (à prononcer en Anglais, ceci n’est pas un animal), … Le manque d’effet de “tache d’huile” du web 1.0 a toutefois laissé ces modifications de pratiques dans le registre assez confidentiel….

» La suite sur affinyt.owni.fr

]]> http://owni.fr/2009/10/30/changement-de-poke-glissements-saimant-tic/feed/ 0 La “generation Y” en a assez des “pourquoi ?” http://owni.fr/2009/05/10/la-generation-y-en-a-assez-des-pourquoi/ http://owni.fr/2009/05/10/la-generation-y-en-a-assez-des-pourquoi/#comments Sun, 10 May 2009 13:21:20 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=1021 C’est une tarte à la crème, un cliché à la vie dure, mais la génération Y, ou génération numérique, ou génération digitale, ou encore génération du pouce (SMS & consoles de jeux) est là, et bien là. Socialement présente, active, et… mal accueillie. Dressons un rapide panorama de ce qui nous chiffonne, et surtout en premier lieu l’incompréhension et la surdité. Parce que si nous écoutons sans doute le baladeur trop fort, certains devraient peut-être passer chez Audika…

On ne veut plus des “pourquoi vous n’êtes pas politisés ?”

C’est une contre-vérité car nous votons et débattons, la jeune génération est en revanche très méfiante vis-à-vis des appareils politiques. Toute machine broie l’individu pour créer du collectif, or nous sommes plus individualistes car les utopies collectives sont en grande partie mortes au XXème siècle. Les grandes institutions ont failli : les partis ont magouillé, l’Armée a disparue, la famille se délite, l’Education Nationale se contente d’instruire et n’éduque plus. Il reste d’autres idéologies plus vivantes mais elles sont décentralisées et davantage empiriques que théoriques : altermondialisme, décroissance, éco-responsabilité. Il est plus difficile de gérer et fédérer autour d’une figure emblématique ceux qui ont appris à penser par eux-mêmes. D’ailleurs, regardons ce qui reste de la fureur et de la fougue des révolutionnaires bon teint d’hier : des petits bourgeois bien installés ou des aigris cramponnés à leurs vieilles illusions. Est-ce tentant ?

On ne veut plus des “pourquoi vous n’engagez pas la lutte sociale ?”

Heu… le CPE, les stagiaires anonymes, le chômage des jeunes si élevé, l’insertion sociale impossible, la banque qui se fait pénible dès le début de la vie indépendante, un État criblé de dettes pour le maintien du niveau de prestations d’une génération qui aura tout conquis et tout croqué, ça vous dit quelque chose ? Nous sommes moins optimistes que vous au même âge, car nous savons que nous aurons moins que vous, qu’il n’y a pas à conquérir. Nous savons que nous entamons la longue liste des matches en trop sur un front purement économique. L’avenir est sombre et en plus vous vieillissez en refusant de mourir assez tôt. Allez, on vous aime bien, on vous garde quand même… Mais ne nous forcez pas à sourire ! En revanche sur les droits civils nous sommes là et bien là : droits des homosexuels, représentation, discriminations, parité, immigration et intégration, vote local… autant de débats largement entamés. Sans vous, la plupart du temps.

On ne veut plus des “pourquoi vous ne vous engagez pas dans l’entreprise ?”

On a commencé comme stagiaire, on a été trop diplômé pour le poste, ou manquant d’expérience, on nous embauche pour remplacer certaines fonctions sans en recevoir le salaire, alors donner aveuglément notre loyauté, il ne faut pas rêver non plus. Nous sommes la génération du chômage de masse, des plans sociaux et des conflits où il y a un peu à préserver, rien à gagner. Arrêtons les discours faussement paternalistes sur l’accomplissement de soi en entreprise : une société fait du business, pas de la philanthropie. Nous venons travailler pour chercher à manger et un peu plus si possible. Si en plus on s’épanouit dans notre travail, c’est formidable mais pas indispensable. Et d’ailleurs nous donne-t-on du champ pour cela ? Nous fait-on confiance ? Prend-on des risques en nous confiant certaines missions, certaines responsabilités ? Nous n’en avons pas l’impression. L’époque des bons petits soldats obéissants est révolue, il va falloir faire avec une génération moins niaise, moins enthousiaste sur les repères traditionnels, mais qui a d’autres richesses et valeurs à partager.

La voiture et les avions ça nous fait moins rêver, les pétroliers et les banques aussi. Le consulting et les présentations pipeau jusqu’à pas d’heure avec notes de frais invraisemblables également. Parlez-nous engagement en faveur du handicap, de la diversité, gestes éco-responsables, économie locale, commerce équitable, formation. Nous n’avons simplement pas les mêmes aspirations, nous savons que nos carrières seront plus chaotiques, nous ne serons pas dans une courbe globalement croissante durant notre carrière. Les métiers que nous exercerons dans 10 ans n’existent probablement pas encore aujourd’hui. Mais nous sommes davantage prêts à nous adapter, à rebondir, à changer. Saurez-vous en prendre le meilleur parti ? Au pire, nous entreprendrons, sans vous. Nous le faisons déjà.

On ne veut plus des “pourquoi tu ne te maries pas ?” et des “pourquoi tu ne fais pas d’enfants ?”

Nous sommes la génération des parents de divorcés, nous avons eu sous les yeux des familles qui se déchirent, il ne faut pas non plus trop en demander tout de suite. Cela ne veut pas dire que le couple ou les enfants nous font peur. On se PACSe, on vit ensemble, on se sépare, on fait des enfants hors mariage, on recompose les ménages, on assume son homosexualité sans faire de mariage de façade. Les femmes sont plus libres et libérées, elles veulent une carrière, elles sont devenues plus exigeantes (à raison) et ne s’engagent pas à la légère. Nous sommes la génération du SIDA, pour laquelle le sexe et la relation à l’autre n’est pas émancipateur mais est un danger potentiel. Nous sommes la génération de la xénophobie et du racisme au quotidien, la génération du FN à plus de 10%. Comprenez nos angoisses et nos doutes. Et pour ce qui est de faire des enfants, on s’entraîne, on s’entraîne… (NDLA : il existe une version plus trash de cette dernière réponse mais chez OWNIon est polis, on enlève les doigts de son nez et on dit bonjour à la dame).

On ne veut plus des “pourquoi tu as besoin de Facebook, Twitter, Skype, ton blog, LinkedIn et MSN au bureau : tu ne bosses jamais ?”

Parce que nous sommes une génération connectée. Nous entretenons des relations plus informelles avec différents cercles de connaissances, nous outrepassons les hiérarchies parce que nous recherchons l’efficacité plutôt que l’esprit maison. Nous formalisons nos pensées, nous réfléchissons collectivement, parce que nous veillons et pas seulement au coin du feu avec une guitare. Nous aimons travailler en musique, faire des blagues potaches, réagir rapidement, en résumé : vivre ! Nous ne sommes pas des no-life mais au contraire des more-life. Nous avons de multiples dimensions. Il y a une vie, sur le lieu de travail comme ailleurs. Ce monde n’est pas aseptisé, décrit par un organigramme figé. Notre vie est mouvement. Il y a des rapports humains. Vous acceptez bien que l’on emporte du travail à la maison, alors pourquoi pas un peu de vie privée au travail ?

On ne veut plus des “pourquoi vous ne comprenez pas que tout ne peut pas être gratuit ?”

Parce que vous vous cramponnez à une époque pré-numérique où la fabrication et la copie nécessitaient des moyens matériels et impliquaient une privation de l’un pour donner à l’autre. Aujourd’hui les choses ont changé et les business models de l’industrie vidéo et de la musique devraient changer. La vente des supports est une activité marchande annexe, pas l’activité artistique en elle même. Elle est parasite parce qu’elle capte l’essentiel des revenus sans produire quelque chose d’utile.

Les frères Coen et Dardenne font des films. Ils ne bourrent pas les salles ni les rayons DVD des commerçants. Dionysos fait de la musique, des albums et de la scène. Les membres du groupe ne gravent pas les disques personnellement, et s’en fichent pas mal. Arditi joue des pièces et des films, il en assure éventuellement la promotion dans les médias mais c’est simplement… le jeu. Le jeu d’une industrie. Ce n’est pas là son talent artistique ni ce pourquoi on l’engage.

Qui plus est, penser que nous croyons que tout est gratuit, c’est nous infantiliser et nous prendre pour de sombres crétins. L’image de la jeunesse insouciante et en rébellion, c’est bien gentil mais ce n’est drôle que dans les séries TV et les publicités ironiques. Nous payons nos impôts, nous avons un salaire, nous achetons ce que nous aimons pour nos loisirs. Les gros téléchargeurs sont aussi des gens passionnés, et donc la plus part du temps les plus gros acheteurs, les plus fervents prescripteurs (oui oui ! Ils font même du marketing pour vos produits ! Et gratuitement en plus !) et parfois même… sont artistes eux-mêmes.

Vous pensiez que le monde avait beaucoup changé entre celui de vos parents (nos grands-parents) et le votre ? C’est vrai. Il a également beaucoup changé en une génération, juste après. Ces questions sont légitimes mais les réponses que nous donnons datent déjà et n’ont toujours pas été entendues par une génération qui s’agrippe aux pouvoirs. Peut-être ne fait-on que reporter l’éternelle querelle des anciens et des modernes, qui a dû faire jaser à d’autres époques charnières. Seulement, l’histoire et la technique, la société et la géopolitique, l’économie et les nouveaux enjeux de la planète, tout cela s’accélère.

Au lieu de nous prendre pour des mômes, pourquoi ne compteriez-vous pas un peu sur nous ?

PS : le titre est resté sans accents pour generation, car en anglais, Y se dit “why”, comme pourquoi.

Illustrations CC FlickR Kuba Bożanowski, wili_hybrid, Dustin Diaz, Chris Devers, johntrainor

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