OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les data en forme http://owni.fr/2012/06/26/les-data-en-forme-8/ http://owni.fr/2012/06/26/les-data-en-forme-8/#comments Tue, 26 Jun 2012 09:19:22 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=114421 Owni vous aide à trouver quels vêtements porter, vous explique ce que révèle sociologiquement votre choix des aliments, vous rend diplomatique sur Twitter et vous propulse dans les Jeux Olympiques. ]]> Commençons ce nouvel épisode des Data en forme de manière diplomate. L’AFP a lancé la semaine dernière sa nouvelle application interactive intitulée “The e-diplomacy hub – Twitter et politique étrangère : la démocratie numérique en action”. Le contenu est extrêmement riche mais relativement complexe. L’application, comme son sujet, mérite de s’y plonger plus que quelques secondes pour en tirer tout le potentiel.

Les acteurs publics de la diplomatie sont le point de départ de cette application. L’équipe éditoriale de l’AFP s’est en effet attachée à sélectionner plus de 4 000 comptes twitter (personnalités et/ou organisations) qui, selon elle, composent une forme de diplomatie numérique. Des chefs d’Etat bien sûr, des diplomates, des ministres mais aussi des lobbyistes, des experts, des activistes ou des hackers. Par exemple, pour la France, on trouve aussi bien le compte de François Hollande, Nicolas Sarkozy, Greenpeace, Dominique de Villepin que celui de notre Jean-Marc Manach.

L’algorithme conçu par l’AFP, prend en compte les tweets, le nombre de followers, le pourcentage de retweets, le niveau d’interaction et des ratios entre ces indices, afin de classer ces comptes en fonction de leur influence.

Pour étudier les relations entre ces acteurs, ces Etats, la signification et l’impact en termes de politique étrangère, l’application propose plusieurs portes d’entrées :

  • Le mode“Carte” permet de visualiser les relations numériques et diplomatiques entre deux Etats de votre choix, ainsi que de consulter les hashtags les plus utilisés. Cette fonctionnalité est un peu difficile à appréhender : lorsque l’on sélectionne deux pays, puis que l’on clique sur le pictogramme de l’un des deux, ce sont les échanges twitter du pays avec l’ensemble des autres pays qui s’affichent, et non pas uniquement avec l’autre pays sélectionné.
  • Les entrées “Acteurs” et “Etats” affichent le classement d’influence. Il est possible d’activer des filtres, et de comparer l’évolution de l’influence pour les comptes sélectionnés.
  • La partie “Actu chaude” est peut être la plus simple et la plus efficace : sélectionnez un hashtag parmi ceux qui sont les plus utilisés, puis choisissez jusqu’à trois pays pour voir ce que les acteurs de ces pays ont à dire sur ces hashtags en particulier. Le test sur #Syria pour la France, les Etats-Unis et l’Ethiopie est à ce titre particulièrement révélateur.
  • La section “Liens” propose de voir quelles sont les personnes qui suivent ou qui sont suivies par un compte en particulier.
  • Enfin la partie “Conflits”met en exergue certains conflits qui s’exercent particulièrement sur Twitter.
  • Pas étonnant donc que cette application soit complexe : elle cartographie pour la première fois un nouvel éco-système, celui de la diplomatie numérique, et met les données récoltées à disposition. C’est un bel outil : les classements d’influence seront mis à jour toutes les heures, tout comme les hashtags les plus utilisés. L’AFP précise également qu’elle annoncera à la fin de chaque année le classement des 100 Etats et personnalités les plus influentes de la “e-diplomatie”.

    Si certains aspects ou fonctionnalités restent obscurs, il faut surtout voir cette application comme une ressource, utilisable dans le temps. Le concept et la réalisation méritent en tout cas un coup de chapeau (notamment à nos anciens camarades Pierre Romera de Journalism++ et Elsa Secco).

    Vague rose au choix

    Après les élections législatives ayant marqué la victoire de la Gauche, un sujet a largement inspiré les médias : la “mainmise” du Parti socialiste sur l’ensemble des lieux décisionnels : Présidence, Régions, Départements, Sénat, Assemblée Nationale. Trois visualisations ont ainsi été produites, sur la même thématique, mais selon des techniques différentes.

    L’infographie “La Gauche détient les lieux de pouvoir” du Monde, est esthétiquement très parlante, grâce à sa conception en forme d’escargot qui permet de visualiser l’ensemble du message d’un seul coup d’oeil. Cependant, on aurait bien aimé qu’elle soit effectivement un “visuel interactif” comme le précise le sur-titre, et non une infographie fixe.

    La frise chronologique du Figaro, “La répartition des pouvoirs sous la Vème République” a un mode de navigation plus fluide et fonctionne également bien graphiquement. On peut cependant lui reprocher un manque de délimitation claire entre les différents pouvoirs.

    Enfin, le “Bienvenue dans la France rose” de Rue89 utilise un mode de visualisation fort pour montrer le poids du parti socialiste puisque tout les élus y sont représentés par une silhouette, associée à la couleur de leur parti. Cependant, la taille et l’effet de masse nuisent un peu à la qualité de l’infographie.

    Sur le sujet des élections législatives, mais un peu plus loin en Europe, celle réalisée par Igraphics, site monté par des journalistes et des designers d’informations grecs, est très réussie. Sans extravagance, elle rassemble sur une seule page les différentes données du scrutin : cartographie des résultats, couleur de la nouvelle assemblée, pourcentage des votes, etc. Pas si fréquent.

    Les JO de la data

    2012, année politique. Année sportive aussi : après Roland-Garros et l’Euro de football, bientôt le Tour de France et les Jeux Olympiques. Des évenements propices à une retranscription en data visualisation : Visualizing.org, communauté de designers, développeurs, journalistes créée et animée par General Electrics, lance même un concours à cette occasion. Ouvert jusqu’au 27 juillet, il récompensera les meilleures dataviz sur les Jeux Olympiques répondant aux critères de compréhension (10 points), originalité (5 points) et style (5 points).

    Pour les futurs participants, voici quelques sources d’inspiration sur le sujet : le “Medal Count” du New York Times, d’autant plus impressionnant qu’il date de 2008 ; ou la visualisation sur les revenus générés par les Jeux Olympiques pour la chaîne NBC depuis 1984, proposée par Nicolas Rapp.

    Bourdieu, data journaliste

    Cette réalisation est plutôt anecdotique mais révèle tout de même à quel point les données sont partout, depuis longtemps et comment les techniques d’aujourd’hui permettent de les renouveler facilement.

    Dans son ouvrage La distinction : critique sociale du jugement publié en 1979, le sociologue Pierre Bourdieu publie un graphique à quatre axes représentant les choix des aliments et la façon de se nourrir en fonction de la dotation en capital économique et en capital culturel, ainsi que selon le temps libre et le statut de la femme.

    Molly Watson, du site Gastronomia, a redessiné ce graphique, en y ôtant certains éléments (la question du temps libre et du statut des femmes) et en y ajoutant des aliments ou comportements typiques du 21ème siècle (“DIY”, “macchiato”, “aliments micro-ondables”). Molly Watson ne met pas derrière ce dessin d’autre ambition que celle de s’amuser, en ouvrant la discussion “ce graphique est un début. Qu’y inclureriez-vous ?”. Mais le résultat est sympathique et ouvre de nouvelles perspectives entre data et sociologie.

    La data pour ton placard

    Difficile, le matin, de choisir commet s’habiller ? Savoir quelle couleur il faut porter, celles qui sont passées de mode ? La marque Pimkie, dans un engagement complètement désintéressé, a monté un projet pour vous y aider. “Pimkie Color Forecast” a placé des caméras repérant les couleurs majoritairement portées dans les rues de trois capitales de la mode : Paris, Milan et Anvers. De cette observation, ils en tirent une série de données visualisées sous forme de jolis camemberts et histogrammes, qui permettent ensuite à Pimkie de vous conseiller sur la couleur à porter. Pour info : à Paris, aujourd’hui, c’est le coquelicot.

    Scrollez le Sommet de Rio

    Du 20 au 22 juin se tenait le Sommet de Rio, Conférence des Nations Unies sur le développement durable, vingt ans après la dernière édition. Les critiques liées à l’organisation ou l’implication des lobbies industriels ont davantage fait la Une que les accords et engagements qui en sont ressortis. Le Sommet de Rio aura cependant été pour le ministère des Affaires Etrangères et la Netscouade l’occasion de produire une belle application interactive, racontant, de 1972 à 2012, l’Odyssée du développement durable. Scrollez, cliquez, naviguez, c’est joli et c’est très instructif.

    Bonne data-semaine à tous !


    Retrouvez tous les épisodes des Data en forme !

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    http://owni.fr/2012/06/26/les-data-en-forme-8/feed/ 55
    Bûcher diplomatique à Téhéran http://owni.fr/2012/03/12/feu-les-relations-france-iran/ http://owni.fr/2012/03/12/feu-les-relations-france-iran/#comments Mon, 12 Mar 2012 13:00:18 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=101508 OWNI, au mois de décembre, la France a ordonné la destruction des archives diplomatiques de son ambassade de Téhéran. Paris entendait se prémunir contre toute attaque, comme celle conduite deux jours plus tôt contre le Royaume-Uni. Récit d'une semaine brûlante, autour de la piscine de l'ambassadeur.]]>

    Les archives brûlent dans la piscine devant la chancellerie de l'ambassade de France en Iran.

    Pendant près d’une semaine, début décembre, une fumée noire s’échappait de l’ambassade de France en Iran. Des années d’archives diplomatiques ont brûlé dans la piscine de l’ambassade, à l’initiative de la représentation française (comme le montrent les photos que nous avons recueillies). La mesure se voulait préventive, deux jours après la mise à sac de sites diplomatiques britanniques à Téhéran.

    Le 29 novembre, des miliciens affiliés au régime, prennent d’assaut deux enclaves diplomatiques de la Grande-Bretagne. La foule, de taille modeste, saccage les lieux, brûle un portrait de la reine et hisse un drapeau de la République islamique. L’épisode rappelle immédiatement en mémoire la prise d’otage du personnel de l’ambassade américaine, pendant la révolution de 1979. Les chancelleries européennes condamnent à l’unisson cette attaque “scandaleuse”, selon les mots du président français, Nicolas Sarkozy.

    Le 30 novembre, le lendemain donc, un email est envoyé aux ressortissants français par l’ambassade :

    Par mesure de prudence, nous recommandons aux ressortissants français en Iran de rester à leur domicile dans la mesure du possible et en tout état de cause d’adopter un comportement discret et prudent s’ils sont amenés à sortir dans les lieux publics.

    Dans le même temps, le Quai d’Orsay rappelle son ambassadeur en consultation,“compte tenu de cette violation flagrante et inacceptable de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et de la gravité des violences”. Plusieurs membres de l’Union européenne font de même, notamment l’Allemagne, la Suède et les Pays-Bas.

    Tensions récurrentes

    Paris craint d’être le prochain sur la liste, en raison des tensions fortes qui opposent la France et l’Iran. Depuis le début de sa présidence, Nicolas Sarkozy s’est fait le chantre d’une politique dure envers l’Iran, débordant même le président Obama et sa politique de la main tendue inaugurée aux premiers jours de son mandat, en 2009.

    La crise de décembre dernier n’est pas la première, mais son intensité est nouvelle. Craignant pour la sécurité de son ambassade, décision est prise au soir du 1er décembre de supprimer les archives diplomatiques. Le personnel de l’ambassade est réquisitionné. L’ambassadeur de France, Bruno Foucher, décolle dans la nuit pour Paris, officiellement rappelé en consultation. Avant même qu’il ne soit parvenu à destination, un télégramme diplomatique arrive à Téhéran : les services culturels, économiques et militaires doivent fermer et le personnel être rapatrié sous huitaine.

    Le lendemain, tous les agents du corps diplomatique sont convoqués à l’ambassade. Renaud Salins, Premier conseiller et chargé d’affaires en l’absence de l’ambassadeur, lit le télégramme diplomatique au personnel rassemblé. Ils doivent quitter le pays d’ici une semaine.

    Piscine

    Ils partent sept jours plus tard, dans la nuit entre le jeudi 8 décembre et vendredi 9 décembre. Entre temps, la piscine de l’ambassade, en face de la chancellerie, fait office d’incinérateur. Pendant une semaine brûlent les archives de l’ensemble des services diplomatiques. Le consulat détruit tout, sauf les documents les plus récents. De même pour le service culturel, situé dans le Nord de la ville.

    De très nombreux aller-retour entre le Nord et le centre de la ville, où est située l’ambassade, permettent de vider les demandes de bourses d’étudiants iraniens, les documents relatifs à des événements culturels, et les télégrammes diplomatiques reçus. Officiellement, il s’agit de protéger les Iraniens en cas d’attaque. Le régime, paranoïaque dès qu’il s’agit de contact avec l’étranger, pourrait reprocher à des citoyens d’avoir été proches des représentations diplomatiques étrangères.

    Une partie des archives échappe à la mesure de destruction. Ces documents sont placés dans un container diplomatique scellé, puis expédié dans l’hexagone. Seule la France prend une mesure d’une telle ampleur. L’ambassade italienne, située non loin de l’ambassade de France, s’enquiert de savoir s’ils disposeraient d’informations que les Italiens n’auraient pas, et qui justifierait la destruction de ces archives…

    Convoi diplomatique

    Jeudi soir, soir du départ, une nouvelle réception est organisée à l’ambassade. Le personnel sur le départ est réuni. Lecture est faite d’un message d’Alain Juppé, ministre français des affaires étrangères.

    Condamnant un “comportement injustifiable” de la part des manifestants responsables de l’attaque des sites britanniques, Alain Juppé annonce la “fermeture temporaire de plusieurs services de l’ambassade”. Il s’agit de ne pas “exposer inutilement” le personnel non indispensable et d’éviter qu’ils ne deviennent “des cibles du régime.”

    A 23h, jeudi 8 décembre, un convoi de plusieurs voitures quittent l’ambassade pour l’aéroport. Personnels de la mission économique, de la mission militaire, des services culturels et de l’école française s’envolent dans la nuit. Dans un passé récent, les relations diplomatiques entre les deux pays ont connu des tensions. Ainsi, en juin 2009, la République islamique traversait une crise inédite depuis la révolution, liée à la réélection frauduleuse de Mahmoud Ahmadinejad. Dans ce contexte troublé, l’Iran avait arrêté une ressortissante française, lectrice à l’université technique d’Ispahan. Gardée six semaines en détention, elle avait été placée en résidence surveillée le 16 août, avant d’être libérée le 16 mai 2010.

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    Chat avec Olivier Tesquet, auteur de “La véritable histoire de Wikileaks” http://owni.fr/2011/06/07/chat-avec-olivier-tesquet-auteur-de-la-veritable-histoire-de-wikileaks/ http://owni.fr/2011/06/07/chat-avec-olivier-tesquet-auteur-de-la-veritable-histoire-de-wikileaks/#comments Tue, 07 Jun 2011 08:40:10 +0000 Admin http://owni.fr/?p=65875 N’hésitez pas à poser vos questions à Olivier Tesquet, auteur de “La véritable histoire de Wikileaks”, via Cover It Live, Facebook ou encore le PiratePad (s’il n’est pas surchargé), il y répondra en direct ce mardi à 16h…:

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    http://owni.fr/2011/06/07/chat-avec-olivier-tesquet-auteur-de-la-veritable-histoire-de-wikileaks/feed/ 1
    Les réseaux sociaux d’information plus forts que les G.I.’s http://owni.fr/2011/03/25/les-reseaux-sociaux-d%e2%80%99information-plus-forts-que-les-g-i-%e2%80%99s/ http://owni.fr/2011/03/25/les-reseaux-sociaux-d%e2%80%99information-plus-forts-que-les-g-i-%e2%80%99s/#comments Fri, 25 Mar 2011 10:56:26 +0000 Jean-Yves Huwart http://owni.fr/?p=53349 En compagnie d’un petit aréopage de journalistes et de chercheurs, nous avons passé une agréable partie d’après-midi avec Alec J. Ross [en], le conseiller principal de la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton [en] en matière de technologie et d’innovation.

    Avant de rejoindre le Département d’État, Alec J. Ross fut l’une des chevilles ouvrières de la campagne électorale de Barack Obama, en charge notamment des liens avec les entreprises de la Silicon Valley.

    Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont devenus un instrument majeur de la diplomatie américaine. Les révolutions arabes des dernières semaines ont fait de Facebook et Twitter des instruments plus efficaces pour renverser les régimes que les milliers de G.I.’s envoyés jadis dans d’autres dictatures.

    Les réseaux sociaux changent aujourd’hui nos relations avec les populations dans les pays du monde, indique Alec J. Ross. Auparavant, nos diplomates tiraient une grande partie de leurs informations sur les pays des rencontres qu’ils avaient avec les élites locales (les ministres  du gouvernement, les dirigeants d’entreprises,… ). Désormais, nous pouvons écouter directement ce que dit la population sur les réseaux sociaux.

    Les élites ne sont plus les seuls interlocuteurs

    Les réseaux sociaux sont un formidable canal d’écoute. Mais aussi d’échange, affirme Alec J. Ross. « Nous avons lu toutes les critiques que les citoyens égyptiens émettaient sur les réseaux sociaux à l’encontre de la politique passée des États-Unis au Moyen-Orient. Ils reprochaient notre soutien à l’ancien président Moubarak. Hillary Clinton a participé à une conversation sur le site Internet Masrawy.com [ar], le premier portail Internet d’Égypte. La secrétaire d’État a répondu directement aux questions et critiques envoyés par les internautes sur les réseaux sociaux. Un nouveau rapport s’instaure grâce aux réseaux sociaux. »

    Cliquer ici pour voir la vidéo.

    Les États-Unis communiquent directement avec les protestataires en Iran, via Twitter, souligne par ailleurs Alec J. Ross.

    Ne nous trompons toutefois pas : dans ce nouveau monde de sur-information et parfois d’hyper-transparence (Ndla: pensons à Wikileaks), la propagande n’a plus d’effet. Ce n’est pas Voice of America [en] ou Radio Free Europe [en], comme il y a plusieurs dizaines d’années. Les Iraniens disposent de beaucoup plus de sources d’information différentes que jadis les habitants des pays communistes, dans les années 60 ou 70. Ils ont accès à des dizaines de chaînes de télévision par satellite. Des centaines de blogs. Il est illusoire de penser que nous pourrions peser sur les événements en bombardant Twitter ou Facebook avec nos propres slogans. Aujourd’hui, le « push broadcasting » n’a plus rien d’efficace.

    Pas seulement Facebook ou Twitter… Maktoob (Jordanie), QQ (China) ou Mixi (Japon) aussi

    Évidemment, que Facebook, Youtube ou Twitter soient nés en Californie, renforce le poids des États-Unis sur ces nouveaux mondes de la diplomatie digitale.

    Alec J. Ross assure que l’origine des réseaux sociaux sur lesquels ces conversations prennent place n’est pas l’aspect le plus déterminant. Cette origine n’a en fait pas d’effet.
    « Le principe de la neutralité du Net est très importante, souligne-t-il. Il est même essentiel. Ce qui compte, c’est l’efficacité. Si les gens, dans un pays, interagissent sur un réseau social plus populaire, c’est très bien. Maktoob ou Mixi, en Jordanie ou au Japon, jouent exactement le même rôle que Facebook et Twitter. Lors d’un séjour en Afrique, le président Obama a interagi avec un réseau social sud-africain qui s’avérait être le plus efficace en raison de sa facilité d’utilisation sur les téléphones portables. Ces derniers sont le principal outil d’accès à Internet dans le continent. »
    Les réseaux sociaux sont donc un phénomène réellement universel.

    Dépasser la diplomatie, connecter le monde économique

    Le nouveau monde de la diplomatie digitale, que décrit le conseiller du State Department, reflète l’impact général des nouveaux outils sociaux sur la politique, l’économie et la société en général.

    Nous ne sommes sans doute qu’au début. Internet suscite d’autres espoirs.

    Pour que les révolutions soient un succès complet, il faudra que la démocratie ramène également la croissance économique. Là aussi, Internet jouera sans doute un rôle important.

    Ainsi, en Tunisie, dans certaines villes où le chômage terrasse la population des moins de trente ans, l’espoir vient de la possibilité de pouvoir collaborer directement, dans le futur, avec des entreprises des pays développés à travers les réseaux numériques.  Après tout, l’Inde a basé une partie de son développement économique fulgurant des quinze dernières années sur les nouvelles technologies et le travail à distance. D’aucuns espèrent qu’elle fera des émules.

    Billet initialement publié sur Entreprise Globale sous le titre « Rencontre avec Alec J. Ross, le conseiller “réseaux sociaux” d’Hillary Clinton »

    Image Flickr CC Stéfan

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    http://owni.fr/2011/03/25/les-reseaux-sociaux-d%e2%80%99information-plus-forts-que-les-g-i-%e2%80%99s/feed/ 2
    Trois révolutions arabes, trois flops français http://owni.fr/2011/03/09/trois-revolutions-arabes-trois-flops-francais/ http://owni.fr/2011/03/09/trois-revolutions-arabes-trois-flops-francais/#comments Wed, 09 Mar 2011 12:57:04 +0000 Catherine Graciet http://owni.fr/?p=50265 « La France n’a rien vu venir », « on pensait que Ben Ali tiendrait », « on n’a toujours rien compris de ce qui s’est passé en Tunisie ». Deux mois après la chute du président tunisien Zine el Abidine Ben Ali, on se remet doucement, dans les allées du pouvoir français, de la surprise causée par la révolution tunisienne. Et le manque de discernement de l’ambassadeur de France alors en poste à Tunis, Pierre Menat, qui prédisait que Ben Ali pouvait reprendre la main quelques heures avant sa fuite en Arabie Saoudite, a bon dos.

    Si l’ancienne ministre des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie, remplacée depuis par Alain Juppé, sert aussi de paratonnerre pour avoir proposé le savoir-faire français à une police tunisienne en pleine répression et s’être engluée dans les révélations du Canard Enchaîné concernant ses vacances tunisiennes et les liens d’affaires qui unissent ses parents à un proche du régime de Ben Ali, rares sont ceux qui se sont interrogés sur le rôle du discret conseiller diplomatique de Nicolas Sarkozy, Jean-David Levitte.

    Diplomate de l’ombre

    Lui aussi souffre pourtant de cette « cécité mentale » (l’expression est du président algérien Abdelaziz Bouteflika) qui caractérise la diplomatie et l’exécutif français. Entre vacances au soleil dans un pays qui n’est pas stratégique pour la marche du monde et l’efficace propagande du régime tunisien (plutôt Ben Ali que Ben Laden), beaucoup ont vite fait de ne pas voir. Jean-David Levitte ne déroge pas à la règle. En 2008 déjà, à la veille d’une visite d’État du président français à Tunis, le sherpa de Nicolas Sarkozy déclarait aux journalistes accrédités pour suivre le président français que des trois pays du Maghreb, la Tunisie est celui avec lequel la France entretien « la relation la plus dense et la plus apaisée ».

    Quant à son épouse, Marie-Cécile Levitte, elle se faisait photographier tout sourire lors d’une soirée organisée en novembre 2008 par Hosni Djemmali, homme-clé de la France-Tunisie et patron du groupe hôtelier Sangho qui, du temps de Ben Ali, tenait table ouverte pour les journalistes dans les meilleurs restaurants du quartier de la Bourse. Ce dernier avait même publié la photo de l’épouse du conseiller diplomatique dans son magazine à la gloire du régime de Ben Ali, Tunisie Plus ! Mais on pourrait tout aussi bien citer, comme le raconte le journaliste Nicolas Beau sur son blog la façon dont Jean-David Levitte a étouffé une tentative de protestation du Quai d’Orsay après l’expulsion de Tunisie en 2009 de la journaliste du Monde Florence Beaugé. Il eut gain de cause alors même que Claude Guéant, le secrétaire général de l’Élysée, partageait, pour une fois, l’initiative des diplomates ! Voilà une anecdote qui en dit long sur qui avait la main sur le dossier tunisien à l’Élysée.

    Jean-David Levitte, à droite sur la photo

    Surprise, c’est encore et toujours le même Jean-David Levitte qui, il y a trois semaines, agissait en coulisses pour imposer son candidat au poste d’ambassadeur de France en Tunisie, Boris Boillon. Ce dernier était pourtant sensé remplacer le diplomate Bernard Bajolet à la coordination du renseignement à l’Élysée. Un poste qui a depuis été pourvu par Ange Mancini. Boris Boillon a, entre temps, signé une entrée en matière remarquée à Tunis : depuis qu’il a rudoyé des journalistes posant des questions sur l’attitude honteuse de la France pendant la révolution du jasmin, des manifestants se rassemblent régulièrement devant l’ambassade de France aux cris de « Boillon dégage » !

    Des ambassadeurs de France trop complaisants avec Ben Ali

    Quant aux deux prédécesseurs de Boris Boillon, Pierre Menat et Serge Degallaix, qui se sont illustrés par leur complaisance à l’égard du système Ben Ali alors même que des entrepreneurs français et franco-tunisiens appelaient l’ambassade à l’aide après avoir été spoliés ou persécutés par des proches de Leila Trabelsi, la première dame tunisienne, ils ont travaillé dans le passé avec Jean-David Levitte.

    Serge Degallaix tout d’abord. Très bien en cour, tout comme son épouse, auprès des clans Ben Ali et Trabelsi, il était qualifié par certains opposants tunisiens d’« ambassadeur de Ben Ali en France ». Nommé à Tunis sous Jacques Chirac en 2005, il a occupé son poste jusqu’en 2009. Soit quatre longues années au lieu des trois habituelles pour un ambassadeur. Le tout assortit d’un beau scandale : en 2006, son fils avait organisé une soirée payante au sein de l’ambassade, propriété de l’État français ! Un impair de taille autrement plus grave que les coups de sang de Boris Boillon contre les journalistes tunisiens. Comme Boillon, lui aussi connaissait bien Jean-David Levitte comme le prouve cet arrêté ministériel de 1994. On y apprend que Serge Degallaix était alors l’adjoint du directeur général des relations culturelles, scientifiques et techniques du Quai d’Orsay qui s’appelait alors… Jean-David Levitte !

    Son successeur à Tunis, Pierre Menat, sacrifié sur l’autel de la révolution tunisienne et qui n’est resté en poste que 17 mois (lisez la lettre d’adieux qu’il a envoyé à des amis journalistes en Tunisie), a, lui aussi croisé Jean-David Levitte au long de sa carrière de diplomate. Une première fois entre 1986 et 1988 lorsque Menat était conseiller technique au cabinet de Jean-Bernard Raimond alors ministre des affaires étrangères et Levitte directeur adjoint du cabinet du même ministre. Puis entre 1995 et 1997 lorsque Menat était conseiller pour les affaires européennes à la présidence de la République où Jean-David Levitte officiait comme sherpa de Jacques Chirac.

    Avec trois ambassadeurs connaissant de longue date le conseiller diplomatique de l’Élysée et tous partisans de la même ligne politique envers Ben Ali, on n’est plus dans le hasard mais dans le cadre d’un réseau qui a largement contribué à ridiculiser la France en Tunisie. Et, par ricochet, auprès de nombreuses opinions publiques arabes subjuguées par la révolution tunisienne.

    Les flops économiques de la France chez Kadhafi

    Autre pays, autre flop français. Avant de ne plus savoir sur quel pied danser en Libye — Kadhafi, dont on ne se lassera jamais de relire les grands classiques sur son site web, conservera-t-il son poste de dictateur sanguinaire ? — sous Nicolas Sarkozy, la France s’est engagée dans une effrénée course aux contrats avec les clans entourant le colonel Kadhafi. « Entre Paris et Tripoli, la relation n’était basée que sur le business ! » s’exclame cet initié du dossier franco-libyen.

    Après la visite de Kadhafi en France en 2007, les relations se sont tendues. Nicolas Sarkozy lui en a voulu pour son comportement. La France ne parlait plus en direct au colonel. La relation passait par Claude Guéant et son interlocuteur privilégié, à savoir Moussa Koussa, ancien patron des services de renseignements.

    Un Claude Guéant qui a depuis été nommé ministre de l’Intérieur et qui, du temps où il était secrétaire général de l’Élysée exigeait d’avoir la mainmise totale sur le dossier de l’avion de chasse Rafale. Avec le succès que l’on connaît…

    En décembre 2007, dans un moment d’euphorie sans doute, Nicolas Sarkozy annonçait pour 10 milliards d’euros de contrats entre la Libye et des entreprises françaises, une somme sensée inclure la vente de 14 avions Rafale. Au même moment, à Tripoli, une délégation composée de vingt entreprises américaines, dont Lookheed Martin, rencontrait d’importants dignitaires libyens. Par exemple, le colonel Abdallah Senoussi, beau-frère de Kadhafi et principal accusé dans l’attentat contre le DC-10 d’UTA escortait plusieurs dirigeants de sociétés américaines dans leurs déplacements…

    « Le Zambèze n’est pas la Corrèze »

    À l’heure où le Guide libyen serait, selon la chaine qatarie Al Jazeera, en train de négocier son départ, seul EADS a réussi à conclure un contrat significatif en vendant 21 avions à deux compagnies aériennes libyennes pour 3 milliards d’euros. On est loin, très loin, des promesses de Nicolas Sarkozy qui a beaucoup caressé le colonel Kadhafi dans le sens du poil. Dans le passé et sous d’autres cieux diplomatiques, les vendeurs d’armes français ont pourtant réussi à faire de juteuses affaires en Libye : entre 1970 et 1989, Tripoli avait ainsi acheté 121 Mirage 5 et 32 Mirages F1-C à Dassault, 60 batteries de missiles sol-air à Thomson/CSF et des navettes lance-missiles Combattante 2 (CMN).

    La critique publique la plus acérée en direction de l’Élysée et de Claude Guéant qui gérait le dossier libyen et, d’une manière générale les dossiers africains avant d’être nommé à l’Intérieur, ne revient pourtant pas aux industriels de la Défense mais à un diplomate atypique, en l’occurrence Jean-Christophe Rufin, ex ambassadeur de France au Sénégal :

    Ce n’est pas forcément un connaisseur de l’Afrique, il traite ces dossiers comme il en traite beaucoup d’autres, à la (manière) préfectorale. Mais bon, le Zambèze et la Corrèze, ce n’est pas tout à fait la même chose.

    Hosni Moubarak, une mauvaise pioche pour Henri Guaino

    Quant à l’attitude de la France en Égypte, elle est nettement plus anecdotique mais, là encore, le vent de révolution qui souffle sur le monde arabe donne un sérieux coup de vieux à sa diplomatie. En lançant son Union pour la Méditerranée (UPM), une belle idée qui s’est vite ensablée, le conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino, a tout misé sur Hosni Moubarak. Et l’a choisi pour co-présider avec Sarkozy sa chère Union pour la Méditerranée. Encore une mauvaise pioche.

    Une habitude décidément bien française dès qu’il s’agit du monde arabe. L’arrivée d’Alain Juppé au Quai d’Orsay et le départ de Claude Guéant pour la place Beauvau suffiront-t-il à redorer le blason de la diplomatie française et à réhabiliter le drapeau tricolore auprès des opinions publiques arabes ?

    Crédits Photo FlickR CC : l r / mrecic arg / c a r a m e l

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    Les zones d’ombre du dictateur libyen http://owni.fr/2011/03/06/zones-ombre-dictateur-libyen-kadhafi-terrorisme-petrole/ http://owni.fr/2011/03/06/zones-ombre-dictateur-libyen-kadhafi-terrorisme-petrole/#comments Sun, 06 Mar 2011 12:46:52 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=49987 La semaine passée, la député européenne Eva Joly a vilipendé les relations des capitales occidentales avec le colonel Kadhafi. Stigmatisant leur « lâcheté » et appelant à une plus grande transparence. Ainsi, à la faveur de ce printemps arabe, plus que jamais, les diplomaties américaines et européennes sont suspectées d’avoir par cynisme permis aux dictatures d’Afrique du Nord de s’inscrire dans la durée. Et d’avoir dissimulé ces arrangements à leur opinion publique. C’est notamment le cas pour les échanges entretenus avec Mouammar Kadhafi, comme le montrent  les éléments rassemblés par OWNI.fr.

    Terrorisme

    Le bal des hypocrites s’ouvre avec les années 2000. Le 13 septembre 2003, l’ONU lève ses sanctions contre la Libye, et le 11 octobre 2004, l’Union européenne autorise à nouveau les ventes d’armes vers Tripoli. Offrant quelques opportunités aux industriels français de la Défense. Avant ces décisions, un embargo isolait le pays depuis plus de dix ans. En cause : l’implication d’agents des services de sécurité libyens dans la préparation de l’attentat de Lockerbie (décembre 1988) et dans celui du DC-10 d’UTA (septembre 1989).

    Deux contre-enquêtes fouillées contestent alors la responsabilité des dirigeants de Tripoli dans ces affaires : un documentaire du réalisateur britannique Allen Francovich, et un livre du journaliste français Pierre Péan. Mais en 2003, le gouvernement libyen reconnaît sa responsabilité dans ces deux crimes et accepte de dédommager les familles des victimes. Kadhafi redevient vite un interlocuteur fréquentable.

    Pourtant, les relations du régime libyen avec le terrorisme international se révèlent paradoxales. Peu après le 11 septembre, les enquêtes sur les réseaux d’Al-Qaida mettent à jour le premier mandat d’arrêt d’Interpol visant Oussama ben Laden. Surprise : il émane de Tripoli et il remonte au 16 mars 1998. Le document montre que les autorités judiciaires libyennes ont été les premières à émettre un mandat d’arrêt en bonne et due forme pour interpeller le chef d’Al-Qaida. À cette période, elles l’accusent d’être à l’origine d’un double assassinat perpétré dans la ville libyenne de Surt, quatre ans plus tôt, en 1994, contre deux fonctionnaires allemands.

    Si Tripoli a bien soutenu des mouvements terroristes jusque dans les années 90 (groupuscules palestiniens radicaux, Armée républicaine irlandaise – IRA…), ce n’était surtout pas le cas des ancêtres d’Al-Qaida. Sujet bien connu dans les chancelleries occidentales, et à propos duquel les Libyens pourraient donc détenir des détails inédits. Dans les mois qui ont suivi le 11 septembre 2001, d’anciens fonctionnaires britanniques des affaires étrangères confiaient, sous couvert d’anonymat, que ces informations faciliteraient les tractations anglo-libyennes à venir.

    Pétrole

    Les anciennes relations entre l’Armée républicaine irlandaise (IRA) et les services de sécurités libyens passent en pertes et profits. Alors qu’elles sont avérées et que de nombreuses procédures judiciaires ont démontré l’existence de camps d’entraînement de l’IRA en Libye. Tandis que d’autres enquêtes ont montré que le Semtex (un explosif), employé dans plusieurs attentats de l’IRA, provenait de fournisseurs libyens. Cependant, après la fin de l’embargo décrété en 2003, le temps est au business. Chaque partie souhaite refermer les dossiers terroristes. Quelques années plus tard, en 2009, le Premier ministre britannique Gordon Brown s’obstinera même à refuser tout débat avec les familles des victimes de l’IRA.

    Dans une série de courriers publiés par le Sunday Times en septembre 2009, il indique que la controverse sur le soutien de la Libye à l’IRA pourrait faire perdre au groupe BP l’exploitation de plusieurs gisements pétroliers. Quelques jours plus tard, les parlementaires britanniques décortiquent ces relations avec la Libye, mettant en évidence les déplacements à Londres du patron de la National Oil Company (NOC), la compagnie pétrolière libyenne. Tandis que plusieurs éléments matériels recueillis par des parlementaires américains montrent, qu’un peu plus tard, la Grande Bretagne a libéré le principal accusé libyen pour l’attentat de Lockerbie afin de favoriser l’implantation de BP en Libye.

    Aux États-Unis, côté pouvoir exécutif, Tripoli devient aussi une destination commerciale. Début 2004, dans un discours à l’Université de Georgetown, le directeur de la CIA, George Tenet, justifie la fin de l’embargo au motif que ses services ont vérifié le sérieux des engagements libyens à renoncer à des programmes d’armes de destruction massive. Un an et demi plus tard, le géant américain ExxonMobil annonce son retour en Libye, où il est chargé d’exploiter l’un des plus vastes gisements du pays.

    Dans le monde de l’après 11 septembre, les immenses ressources pétrolières libyennes excitent les convoitises. Des réserves estimées à 46 milliards de barils, inaccessibles au temps de l’embargo, tendent désormais les bras aux majors pétrolières. Alors que Paris, Londres et Washington souhaitent réduire leur dépendance énergétique à l’égard des monarchies islamiques suspectes de sympathie pour Al-Qaida, responsables politiques américains et européens se rapprochent du colonel Kadhafi.

    Illustrations FlickR par byammar, monkeyc. Image de Une par Loguy pour OWNI.

    Retrouvez notre dossier ainsi que l’ensemble de nos articles sur la Libye.

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    Diplomatie française: sourds, aveugles et muets? http://owni.fr/2011/02/27/diplomatie-francaise-sourds-aveugles-et-muets/ http://owni.fr/2011/02/27/diplomatie-francaise-sourds-aveugles-et-muets/#comments Sun, 27 Feb 2011 18:20:57 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=48846 Trois tribunes en une semaine. Trois textes d’une singulière et rare violence, dans un milieu habitué à plus de réserve et de doigté. Trois libelles rédigés et signés par de hauts fonctionnaires dont le travail quotidien est de nous représenter. Dans l’ordre, si vous les avez raté :

    1. Mardi, dans Le Monde, un mystérieux groupe Marly attaque la « voix de la France » désormais « disparue », exécution en règle de la politique sarkozyenne:

    A l’encontre des annonces claironnées depuis trois ans, l’Europe est impuissante, l’Afrique nous échappe, la Méditerranée nous boude, la Chine nous a domptés et Washington nous ignore ! Dans le même temps, nos avions Rafale et notre industrie nucléaire, loin des triomphes annoncés, restent sur l’étagère. Plus grave, la voix de la France a disparu dans le monde. Notre suivisme à l’égard des Etats-Unis déroute beaucoup de nos partenaires.

    2.  Jeudi, dans le Figaro, réplique d’un non moins mystérieux groupe Rostand qui fustige une « petite camarilla de frustrés » et défend les acquis de la « politique d’action » menée par le président:

    Le traité de Lisbonne, la présidence française de l’Union européenne, les accords de défense avec l’Angleterre, la Géorgie sauvée de l’invasion et préservée dans son indépendance, les partenariats stratégiques avec l’Inde et le Brésil, les fondations d’un vaste espace commun avec la Russie, en Afrique la réconciliation avec le Rwanda, la refonte de nos accords de défense et le soutien déterminé à la démocratie ivoirienne, la fermeté lucide face à l’Iran, les initiatives à l’ONU sur le contrôle des armes ou les droits des homosexuels, pour ne citer que ceux-là.

    3. Enfin, dimanche, dans Libération, l’énigmatique groupe Albert Camus livre une dernière salve, quelques heures avant l’annonce officielle du départ de Michèle Alliot-Marie du Quai d’Orsay, en tirant les leçons du naufrage arabe de la diplomatie française:

    Nous constatons une nouvelle fois que notre pays, malgré ses références mécaniques aux droits de l’homme, éprouve les plus grandes difficultés à intégrer dans sa politique étrangère la défense de la démocratie, le soutien aux dissidents et à la transformation des régimes. Il semble paralysé par la peur du changement, obsédé par la volonté de maintenir le statu quo, la stabilité.

    Sous-titrage : les premiers, proches du Parti socialiste, tirent à boulets rouges sur Nicolas Sarkozy. Les seconds, reprenant des éléments de langage entendus à l’Elysée, le défendent. Les derniers, se faisant l’écho des arguments d’un Dominique de Villepin, tentent une audacieuse passe-sautée pour préparer l’avenir. Avec la droite ou avec la gauche.

    La diplomatie a perdu 20% de ses moyens en 25 ans

    Au-delà des divergences de points de vue, ces trois interventions publiques ont ceci de particulier qu’elles dessinent précisément les forces et faiblesses de notre système actuel :

    • Hypercentralisation de la décision politique à l’Elysée au détriment de l’action de la diplomatie (ministre + administration)
    • Primauté à l’action de court terme sur les engagements à long terme
    • Absence de vision stratégique au profit d’alliances tactiques de circonstances
    • Pas de vraies différences droite/gauche sur les options à suivre en matière de politique étrangère (cf. crise tunisienne et suivantes)

    Il est d’ailleurs révélateur que la dernière tribune marquante sur le sujet ait été co-signée, l’été dernier dans Le Monde (6 juillet 2010), par Hubert Védrine (ministre PS des Affaires étrangères 1997-2002) et… Alain Juppé (ministre RPR des Affaires étrangères 1993-1995). Que disaient-ils, ensemble ? Que la diplomatie française s’appauvrit. En 25 ans, elle a perdu « 20% de ses moyens financiers ainsi qu’en personnels » :

    Les économies ainsi réalisées sont marginales. En revanche, l’effet est dévastateur : l’instrument est sur le point d’être cassé, cela se voit dans le monde entier. Tous nos partenaires s’en rendent compte.

    Ils avaient raison : l’effet est dévastateur. Nous sommes en train de le mesurer chaque jour un peu plus dans la litanie des révolutions de l’hiver. Incapables de comprendre le monde actuel, les politiques n’ont même plus la possibilité de se reposer sur une administration performante, innovante et anticipatrice.

    Pourquoi ? La RGPP (révision générale des politiques publiques), qui taille chaque année dans les budgets et réduit le nombre de postes, fait figure de grande accusée. Puis viennent les hommes et leurs défauts. Faire de Boris Boillon (actuel ambassadeur à Tunis) la prométhéenne icône de la nouvelle politique arabe de la France était aussi risquée que futile. Il n’est ni plus mauvais, ni meilleur qu’un autre. Juste un peu plus jeune (41 ans) et maladroit que ses collègues rompus à toutes les manœuvres de couloir. Un coup de poker dans une partie d’échecs.

    Recul du soft power, défiance des élites du Sud

    Alors l’espoir viendrait d’un Alain Juppé ou d’un Hubert Védrine, eux qui n’ont rien anticipé des mouvements actuels? Probablement pas. A moins que leur longue traversée du désert respective (canadien pour Juppé, dans un grand cabinet d’avocats d’affaires pour Védrine) n’ait eu pour effet de changer radicalement leur perception du monde et, du coup, de modifier leur grille d’analyse. Rien de tel dans leurs discours publics en tout cas.

    Pourtant, le constat est clair :

    • La France manque d’idées originales, sa position recule chaque année sur le terrain du « soft power »
    • Les engagements de son armée (Afghanistan, Côte d’Ivoire) sont illisibles pour l’opinion et incompréhensibles pour les militaires
    • Les élites intellectuelles du monde entier, en particulier celles du Sud, s’en détournent lentement mais sûrement
    • Enfin, elle continue d’afficher des principes universels (droits de l’homme, égalité sociale…) en totale contradiction avec ses pratiques politiques (ventes d’armes, soutiens aux pires dictateurs)

    Ce grand écart est en train d’exploser sous nos yeux. De Tunis jusqu’à Tripoli, chaque crise nous renvoie à nos paradoxes. Et nous restons muets, sourds et aveugles.

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    Crédits photo: Flickr CC Propaganda Times, Alain Bachellier, uhrmacher-nr.1

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    Hillary Clinton et la liberté d’Internet (civilisé) http://owni.fr/2011/02/17/hillary-clinton-et-la-liberte-dinternet-civilise/ http://owni.fr/2011/02/17/hillary-clinton-et-la-liberte-dinternet-civilise/#comments Thu, 17 Feb 2011 10:00:36 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=47056 “Internet Freedom? There’s no app for that!” Le deuxième discours d’Hillary Clinton sur la liberté d’Internet, prononcé mardi à Washington, pourrait se résumer à cette aimable saillie à destination de tous les Steve Jobs de l’activisme en ligne. Un an après avoir posé la première pierre du “21st Century Statecraft” (le terme fourre-tout inventé par des spin doctors pour définir une diplomatie connectée), la Secrétaire d’Etat américaine a remis le couvert, en choisissant avec soin la séquence médiatique la plus propice.

    Début 2010, son allocution était intervenue juste après l’incident entre Google et la Chine. Cette fois-ci, Clinton a patiemment attendu l’issue – positive – des révoltes tunisienne et égyptienne pour s’exprimer. Plus intéressant encore, elle a commencé son discours par une allusion à l’extinction momentanée d’Internet par le régime de Moubarak, avec un sens aigu du storytelling: “Quelques minutes après minuit, le 28 janvier, l’Internet a disparu en Egypte”.

    Très rapidement, elle a cité l’exemple iranien et convoqué la figure de Neda, cette jeune fille tuée pendant les manifestations consécutives à la réelection de Mahmoud Ahmadinejad, propulsée martyre de la “révolution verte” et visage de la contestation contre le régime des mollahs. Après avoir loué le pouvoir émancipateur du web et sa prégnance dans les soulèvements populaires aux quatre coins du monde il y a quelques mois, la tête de pont de la diplomatie américaine a tenu à replacer les événements arabes dans leur contexte:

    Ce qui s’est passé en Egypte et en Iran [...] relève d’un schéma plus vaste que le seul Internet. Dans chacun de ces cas, les peuples ont manifesté parce qu’ils ressentaient de la frustration vis-à-vis de leur situation politique et économique. Ils se sont levés, ont marché, ont chanté, les autorités les ont traqués, bloqués, détenus. Internet n’a rien fait de tout cela. Les individus l’ont fait.

    Sans remettre en cause le rôle de Facebook après les émeutes de Sidi Bouzid ou l’importance d’un canal “dégradé” dans une Egypte coupée du monde, ce constat peut sonner comme une lapalissade. Pourtant, il est tout sauf anodin. Dans l’après-Moubarak immédiat, Google et Facebook ont adopté une posture similaire, prenant soin de ne pas trop accentuer leur rôle dans des mouvements qui les dépassent très largement. Ainsi, la compagnie de Mark Zuckerberg a pris d’infinies précautions langagières pour ménager son implantation récente dans d’autres pays de la région. Après avoir opté pour le soft power systémique (voir l’image ci-dessous), Clinton a clairement changé de braquet, privilégiant “les gens”.

    Le discours d'Hillary Clinton en 2010...

    ... et en 2011

    Trois axes… et WikiLeaks

    Les élans lyriques et autres voeux pieux évacués (“la liberté de s’assembler s’applique aussi dans le cyberespace”), Hillary Clinton a évoqué les trois défis que doit relever l’administration américaine, les “règles fondamentales qu’elle doit mettre au point pour se prémunir contre les méfaits”. En évoquant l’équilibre à trouver sur chaque aspect, elle a énuméré trois grands axes de réflexion, les deux premiers s’interpénetrant d’une façon relativement inquiétante:

    • Liberté et sécurité. “Sans sécurité, la liberté est fragile. Sans liberté, la sécurité oppresse les individus”, a-t-elle d’abord déclaré, avant d’évoquer les “méfaits” cités plus hauts, la pédopornographie, le trafic d’êtres humains, le terrorisme et… le piratage informatique, qu’elle amalgame grossièrement avec le hacking (un peu comme si une loi contre les étrangers en situation irrégulière s’appliquait à tous les étrangers).
    • Transparence et confidentialité. D’emblée, Clinton a dénoncé le faux débat autour de WikiLeaks, en insistant sur le fait que “toute cette histoire a commencé par un vol, comme on déroberait des documents dans une mallette”. En prenant soin d’escamoter la prépondérance du cloud-computing dans le monde post-11-Septembre, la Secrétaire d’Etat a indirectement rangé l’initiative de Julian Assange (et plus important, l’idée qui se cache derrière) dans la catégorie des menaces à la sécurité nationale.
    • Liberté d’expression et tolérance. Après avoir raconté la visite des camps d’Auschwitz et de Dachau par des imams révisionnistes, Hillary Clinton a lourdement insisté sur la nécessité de multiplier les moyens d’expression, dévoilant par la même occasion une enveloppe de 25 millions de dollars à destination à des programmes conçus pour contourner la censure des régimes autoritaires. Rappelons à toutes fins utiles que de tels projets ont déjà montré leurs limites, le précédent Haystack ayant frôlé de peu la catastrophe.

    “Faites ce que je dis, pas ce que je fais”

    Plus que jamais, la juxtaposition de tous ces désidératas montre l’étendue de la schizophrénie du gouvernement américain, dont le message sur le numérique est plus que jamais le suivant: “Faites ce que je dis, surtout pas ce que je fais”. En parlant de WikiLeaks, Clinton a tenu à rappeler que le Département d’Etat n’avait pas vivement critiqué le site “parce qu’il fait partie d’Internet”. Elle s’est bien gardée de mentionner une réalité trop souvent ignorée: si l’organisation d’Assange avait décidé de démanteler les dictatures en révélant leurs petits secrets, elle aurait été soutenue par le même Département d’Etat. Et aurait probablement goûté aux millions de dollars promis par l’administration aux prosélytes du web libre. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter Clinton chanter les louanges d’un “avocat vietnamien qui dénoncerait la corruption”. Celle des autres.

    Mais il y a encore plus éloquent. Pendant que la Secrétaire d’Etat délivrait son discours, le Broadcasting Board of Governors (BBG) se réunissait pour discuter de cette “nouvelle ère digitale”. Agence “indépendante” chargée de coordonner le service public de Washington à l’international, le BBG administre par exemple Radio Free Europe ou Voice of America, ces samizdat distribués mis en place pendant la Deuxième Guerre Mondiale et remaniés pendant la Guerre Froide pour promouvoir la démocratie dans le bloc soviétique.

    Dans son compte-rendu, le Broadcasting Board of Governors ne fait aucun mystère: les événements qui secouent les pays arabes “démontrent le pouvoir des médias sociaux”. Un animateur de la version en farsi de Radio Free Europe va même plus loin: “Sans Facebook, rien n’est possible aujourd’hui”. Placés sous l’autorité directe du Département d’Etat, ces instruments diplomatiques sont-ils en train de s’autonomiser, et de s’éloigner du discours officiel? Alors que les conseillers technophiles de Barack Obama s’écharpent pour faire émerger un consensus, tandis qu’Hillary Clinton cherche un équilibre précaire entre la carotte et le bâton, l’émergence d’une conscience numérique en Tunisie, en Egypte, en Iran, au Bahreïn, pourrait vite changer la donne.

    Surveillance au nom de la realpolitik

    Tandis que le Département d’Etat présente un “Internet ouvert” comme le Saint Graal d’une nouvelle civilisation en réseau, des entreprises 100% américaines profitent des marges d’un nouveau marché, celui de la surveillance. Pour ne pas céder de terrain à la concurrence étrangère, nombreuses sont celles – grosses et petites – qui décident de se plier aux normes locales pour préserver la paix des ménages. Narus, une petite boîte californienne, a vendu des solutions à l’Egypte pour renifler le trafic; Cisco, le géant de l’informatique, 7,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires, présente des PowerPoint à ses employés pour leur expliquer le fonctionnement de la censure chinoise et comment s’impliquer dans le processus; et de l’autre côté du Great Firewall construit par Beijing, Google filtre toujours ses contenus au nom de la realpolitik.

    Cerné par ses contradictions, le cyber-plan Marshall américain si critiqué par certains activistes pourrait faire long feu. Il y a quelques mois, le blogueur tunisien Sami Ben Gharbia tirait au bazooka sur la politique du State Department, en pointant du doigt les incohérences de l’administration:

    Si les États-Unis et d’autres gouvernements occidentaux veulent soutenir la liberté sur Internet, ils devraient commencer par interdire l’exportation de produits de censure et d’autres logiciels de filtrage vers nos pays. Après tout, la plupart des outils utilisés pour museler notre liberté d’expression en ligne et pour suivre nos activités sur Internet sont conçus et vendus par des entreprises américaines et occidentales. Nos chers amis et défenseurs de la liberté d’expression américains devraient mettre plus de pression sur leur gouvernement pour mettre un terme à l’exportation de ce type d’outils à nos régimes au lieu de faire pression pour recevoir plus d’argent pour aider à construire (encore) un autre outil de contournement ou pour aider les dissidents à renverser leurs régimes.

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    Crédits photo: Wordle, Flickr CC roberthuffstutter, roberthuffstutter

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    Politics fiction: qui s’occupera des deux (ou trois) Belgique ? http://owni.fr/2011/01/17/politics-fiction-qui-s%e2%80%99occupera-des-deux-ou-trois-belgique-partition-wallonie-bruxelles/ http://owni.fr/2011/01/17/politics-fiction-qui-s%e2%80%99occupera-des-deux-ou-trois-belgique-partition-wallonie-bruxelles/#comments Mon, 17 Jan 2011 13:35:21 +0000 LBLT http://owni.fr/?p=37650

    Beaucoup s’accordent à dire aujourd’hui que la probable scission de la Belgique serait une catastrophe et un échec de la construction européenne. Certes, après le « non » français et hollandais à la constitution de Lisbonne, la volonté des peuples européens de poursuivre l’aventure de leurs gouvernants, vieille de près de 60 ans, était fortement remise en cause. Le colosse aux pieds d’argile a vibré mais reste bien ancré et s’est consolidé fin 2009 avec un nouveau traité donnant plus de droit au Parlement et instituant un Président de l’UE. Aujourd’hui, de nouveaux éléments menacent le devenir de la construction européenne.

    A l’heure de la globalisation et de cette « super Union » qui lie les pays dans un marché commun à grande échelle, nous prenons peu à peu conscience que les régionalismes s’exacerbent au niveau local, menaçant le postulat de base de la construction européenne : faire la paix en Europe et compter sur le fait que l’on est plus fort ensemble. Le cas belge en est la parfaite illustration : deux peuples se déchirent et ne semblent avoir aujourd’hui en commun que leur Roi.

    La scission d’un Etat membre, une hypothèse absente des traités

    Le Belgique se trouve aujourd’hui dans une situation paradoxale. Pays fondateur des Communautés européennes, venant tout juste de conclure la présidence tournante de l’Union, il perturbe la construction européenne par les menaces de scission des Flamands et Wallons. Il est d’ailleurs particulièrement symbolique qu’une éventuelle scission d’un pays européen se déroule justement dans celui où se trouvent les institutions européennes, symboles de paix et de construction d’un avenir commun.

    Il y a quelque chose de paradoxal : d’un côté on veut construire la paix en unissant les peuples via des institutions communes donnant des droits nouveaux aux citoyens européens. De l’autre, à l’échelle locale, on s’aperçoit que les nationalismes s’exacerbent, et que l’on ne souhaite plus partager un héritage avec son voisin pour des raisons linguistiques, culturelles et/ou économiques. La solidarité européenne ne vaut peut-être plus à l’échelle locale.

    Alors que les Allemands se sont réunifiés il y a 20 ans, les Flamands souhaitent aujourd’hui se séparer des Wallons.
    Deux nouveaux pays provenant de la scission d’un autre seraient-ils automatiquement intégrés à l’Union Européenne ou bien faut-il revoter leur adhésion via un accord de l’ensemble des autres partenaires Européen ? Que disent les traités européens sur le sujet ? Question complexe que les traités ne prennent pas en compte.

    Aussi, en cas de scission, que deviendrait l’héritage de la Belgique ? Comment flamands et wallons se partageraient-ils le patrimoine commun…et les dettes ?

    Ce genre de problèmes juridiques est normalement géré via la Convention de Vienne sur la succession d’Etats en matière de traités, rapport « onusien » de 1978 et entré en vigueur en 1996. Ce document règle la succession des Etats. Or, la Belgique n’a pas signé ce traité. L’héritage de la séparation risquerait d’être aussi douloureux sinon plus que la séparation elle-même. En cas de divorce, la situation pourrait s’apparenter à un couple qui n’arrive pas à se séparer dans un premier temps, puis, lorsqu’il se décide enfin à officialiser cette séparation, continue de se déchirer pour régler la séparation des biens. Il serait donc urgent d’y réfléchir au plus vite afin d’éviter une situation politique et juridique complexe et inédite.

    La Wallonie française : bon deal diplomatique pour Paris mais gros poids économique
    Certains disent déjà que la Wallonie demanderait son rattachement à la France. Il est bien difficile de prédire la réaction d’une Wallonie indépendante comme d’un gouvernement français futur sur le sujet. Toutefois, en termes d’intérêts stratégiques et politiques, quelques données peuvent être introduites. Au premier abord, il pourrait être intéressant pour un pays comme la France de voir sa sphère d’influence politique, géographique et économique s’agrandir face à l’Allemagne disposant de 20 millions d’habitants supplémentaires.

    Cela signifierait aussi une influence plus grande au sein des institutions européennes via un nombre de députés et diplomates plus important notamment. Toutefois, en termes économiques, le bas blesse. La Wallonie est connue pour son manque d’industrialisation, son chômage (15,4 % en aout 2010 alors que la Flandre est proche de 7 %) et son endettement (entre 4 et 11 milliards d’euros selon les chiffres, la Flandre ayant presque épuré la sienne). Quel gouvernement français aurait intérêt à rajouter un poids supplémentaire aux déficits déjà abyssaux alors que la crise économique hypothèque l’avenir de toute une population ?

    De plus, revendiquer la Wallonie éveillerait probablement l’opposition de l’Allemagne dont ce n’est pas l’intérêt premier. La France deviendrait en effet plus influente.

    Bruxelles, région capitale des convoitises

    La région de Bruxelles, territoire principalement francophone immergée en Flandre, fait l’objet d’appétit commun des flamands et wallons (francophones), et pour cause. Avec 19 communes et environ 1 millions d’habitants (soit 10 % de la population), la ville de Bruxelles, capitale de la Flandre, reste un symbole en raison de son dynamisme économique – il s’agit de la 3ème région la plus riche d’Europe – et de sa connotation internationale très forte.

    En effet, plus de 120 grandes institutions internationales y ont leur siège : l’OTAN avec 4.000 personnes, Eurocontrol (2.000 personnes), l’Organisation de l’Unité Africaine, l’Organisation Mondiale des Douanes, l’Assemblée des Régions d’Europe), la Fondation Européenne pour le Management par la Qualité, etc. ou une représentation : l’ONU, avec l’UNESCO, l’UNHCR, l’UNICEF, le PNUD ; l’OMS, le BIT, la Banque Mondiale, la Conseil de l’Europe, l’Organisation Internationale pour les Migrations.

    Ce sont au final environ 120 organisations internationales gouvernementales, 1.400 organisations internationales non gouvernementales, 186 ambassades et de nombreuses délégations et représentations diplomatiques au sein d’autres institutions comptant près de 5.000 diplomates et faisant de Bruxelles-Capitale la première place diplomatique au monde. Près de 30% des habitants sont étrangers, et 47% d’origine étrangère. Parmi ces derniers, 55% sont européens (170.000 personnes dont près de 50.000 français qui constituent le groupe le plus important).

    C’est également la ville au monde où les lobbies industriels seraient les plus présents après Washington : entre 15.000 et 20.000 personnes dont 5.000 au Parlement Européen. Près de 70% d’entre eux servent les intérêts des entreprises, 20% ceux des régions, villes et institutions internationales et 10% ceux des ONG déversant chaque année près de 750 milliards d’euros dans le monde.

    La rue de la Loi, à Bruxelles : à gauche, le siège du Conseil européen, et à droite, le siège de la Commission européenne.

    Bruxelles est aussi une place financière importante puisqu’elle est quatrième au niveau européen où près de 16.000 colloques d’affaires se tiennent chaque année, classant la ville à la 3ème place mondiale. Enfin, c’est le siège de la Commission européenne et du Conseil de l’Union. Le Parlement européen où siègent les représentants de tous les peuples européens s’y réunit trois semaines sur quatre. Au total à Bruxelles, près de 30% de l’espace de bureaux disponibles est occupé par des acteurs européens, dont la moitié par les institutions européennes et les organes consultatifs associés.
    La présence des institutions européennes engendre près de 13% du PNB et des emplois directs et indirects de Bruxelles-capitale avec près de 30.000 fonctionnaires de la Commission, 3.000 fonctionnaires de Parlement auxquels s’ajoutent 3.000 assistants parlementaires embauchés par 785 députés, 3.500 personnes pour le Conseil de l’Union Européenne et près de 1.500 pour le Comité des Régions et le Comité Economique et Social Européen. Soit au total plus de 40.000 emplois directs. Aussi, jusqu’à 2.000 journalistes sont accrédités au sein des institutions.

    Au vu de ce contexte économique, institutionnel et international aux enjeux stratégiques très importants, il est clair que Bruxelles et sa région demeurent un problème supplémentaire et de taille en vue de la séparation car elle cristallise les divergences des Flamands et Wallons.

    Le Roi et le peuple, les deux grands perdants

    Dans le cas d’une scission, que deviendrait le Roi, peut-être un des derniers dénominateurs communs des Wallons et Flamands ? Celui qui porte par le bout des doigts la stabilité de la Belgique depuis de nombreux mois pourrait bien être le grand perdant d’une scission belge. Les monarchies sont de véritables vecteurs de stabilité d’un pays et de son peuple car elles représentent le référent vers lequel le peuple peut s’adresser et avoir confiance en dernier recours.

    Le Roi est donc vecteur de stabilité et de paix et sur le long terme – même si ses pouvoirs sont d’ordre symbolique, ce que ne possède pas un système Républicain qui connait des changements politiques sans « référent suprême » durable. La scission belge aurait certainement pour conséquence a minimal’affaiblissement du système monarchique tout entier, voir l’éviction totale du Roi des Belges. Sa chute représenterait un message fort à toutes les monarchies de la planète, et il est difficile de présumer des effets qu’aurait un tel événement à court ou long terme. Quoi qu’il en soit, le système monarchique en ressortirait affaibli.

    Quoi qu’il arrive, la population serait la première concernée par une scission. Source de craintes et de peurs pour le futur, une scission trop rapide et donc traumatisante pourrait avoir des conséquences terribles pour le peuple et la stabilité régionale et Européenne.

    Toutefois, même s’il faut laisser la possibilité aux peuples de décider de leur autodétermination et de construire leur propre histoire, ils ne peuvent ignorer leurs voisins souvent inquiets des risques associés à une telle séparation. En tant que peuple fondateur de l’Union européenne, les Belges doivent aussi être attentifs aux craintes de leurs partenaires européens vis-à-vis de leur stabilité nationale (qu’en diraient les Catalans, Basques, Corses ou autres régionalismes européens et internationaux ?) et également de la construction européenne. Il est de leur responsabilité de rassurer la communauté européenne et internationale en créant, en amont, des conditions de séparation pacifique au cas où la séparation deviendrait réalité.


    Billet initialement publié sur Le Taurillon sous le titre Quel rôle pour l’UE en cas de scission de la Belgique ? 1/2.

    Pour creuser le sujet, découvrez l’application OWNI.fr La crise belge par les datas : démographie, économie et autres critères selon les schémas de partition (deux Etats, Bruxelles indépendante ou ralliée, etc.).

    FlickR CC Fr Leslie Sachs ; Anton Raath ; Kristof van Landshoot ; Bruno Desclee.

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    Ebook: le cahier 2010 Wikileaks http://owni.fr/2010/12/27/ebook-wikileaks/ http://owni.fr/2010/12/27/ebook-wikileaks/#comments Mon, 27 Dec 2010 17:28:53 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=40142 Après avoir méticuleusement œuvré dans l’arrière-cour de l’administration américaine (en dévoilant la bavure d’un hélicoptère Apache de l’armée en Irak, puis en publiant des milliers de documents relatifs aux conflits afghan et irakien), WikiLeaks a définitivement enfoncé la porte de la sphère publique à la fin du mois de novembre. En s’associant au Guardian, au New York Times, au Spiegel, au Monde et à El Pais pour publier les mémos diplomatiques les plus significatifs du Département d’Etat, l’organisation de Julian Assange a réussi son triple pari : capter l’attention des médias, qui ont enfin réussi à prononcer le nom de WikiLeaks et guettent désormais le moindre rebondissement ; celle de la foule, qui distingue désormais les détails du paysage ; celle de la classe politique enfin, qui découvre la portée politique d’Internet tout en cherchant un moyen de brider ce pouvoir de nuisance qui fait peur aux États.

    Beaucoup de choses ont été écrites sur WikiLeaks, par cercles concentriques : il y a eu le traitement des révélations contenues dans les documents, puis les commentaires sur le processus de publication, auxquels sont venus se greffer les commentaires de commentaires, dans une vertigineuse mise en abyme. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous avons parcouru nos archives et compilé les meilleurs articles sur WikiLeaks publiés sur OWNI les six derniers mois. Bonne lecture.

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