OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Nous, les autistes du web http://owni.fr/2012/11/16/nous-les-autistes-du-web-chronologie-medias-cinema/ http://owni.fr/2012/11/16/nous-les-autistes-du-web-chronologie-medias-cinema/#comments Fri, 16 Nov 2012 11:03:48 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=125636

Les présents à la table ronde Parlement européen : Jean-Marie Cavada (Nouveau Centre), membre de la commission parlementaire culture et éducation ; Marie-Christine Vergiat (Front de Gauche), également membre de cette commission ; Louise Ferry, assistante de Malika Benaba-Attou (Europe-Écologie les Verts) ; Laurent Cotillon, directeur d’édition du Film français ; Juliette Prissard-Eltejaye, Déléguée générale du Syndicat des producteurs indépendants), ; Georges Bermann, producteur (de Michel Gondry notamment) ; Eric Vicente, programmateur chez Sophie Dulac) et Yvon Thiec (Co-fondateur du Prix Lux et délégué général d’Eurocinema).

Pour les professionnels du cinéma, Internet incarne de plus en plus le mal absolu, comme nous avons pu le constater le 8 novembre dernier, lors d’une réunion tenue dans l’enceinte du cinéma parisien L’Arlequin, avec une poignée de spécialistes du septième art rassemblée pour discuter financement et diffusion (c’est-à-dire chronologie des médias).

Cette table ronde organisée par le Parlement européen avait lieu dans le cadre du festival Lux Film day. Dans un contexte un peu particulier : la Commission européenne a récemment décidé de mobiliser 2 millions d’euros pour tester la sortie simultanée de 20 longs métrages d’art et essai, projetés pour la première fois en VOD, télévision, Internet et évidemment en salles. Une expérience pas très orthodoxe pour la profession.

Le débat, fort de passion et d’Amour de l’art, n’a pas été animé seulement au nom de l’importance que revêt le cinéma pour les différents protagonistes présents, ni pour la trentaine de personnes qui avaient pris place dans la salle rénovée de L’Arlequin.

Il a surtout montré qu’Internet était – aux yeux de certains – un danger pour la culture. Le mythe de la gratuité y est trop souvent présenté comme l’argument faisant basculer l’internaute, jamais prêt à payer, du côté des acteurs du piratage de la création.

Globalement, plus de la moitié des échanges a tourné autour de la relation entre Internet et le cinéma. Juliette Prissard-Eltejaye, déléguée générale du Syndicat des producteurs indépendants (SPI), a été l’une des premières à affirmer cette problématique :

J’ai une remarque sur un programme soutenu sur la sortie simultanée en salle et en VOD. Ça a fait couler beaucoup d’encre. [...] L’endroit qui doit être privilégié de façon exclusive et pour un temps suffisant doit être prioritairement dans la salle et nous déplorons que face à la difficulté qu’ont certains pays d’équiper les salles en numérique, la solution proposée soit la sortie simultanée. Que l’accent soit mis sur l’entretien des salles me parait cohérent. Mais dire aujourd’hui pour ceux qui n’ont pas accès au cinéma alors on va vous proposer la VOD… nous pensons que c’est un précédent qui sera dommageable pour le secteur et nous sommes assez inquiets.

Confondre

La salle applaudit, un peu, puis beaucoup. La voix tremblante de la responsable du SPI a fait résonner chez les présents quelque chose qu’ils comprennent et appréhendent sûrement à longueur de temps.

En attendant, Jean-Marie Cavada, pour qui l’Union européenne a pour finalité non pas “une monnaie stable, ni une libre circulation mais le bien vivre ensemble” n’a pu qu’acquiescer. Et la défense de la salle avant toute chose a dépassé le stade de la lubie – somme toute logique, le cinéma est l’art de la salle et de l’écran blanc, des fauteuils en velours rouge et de l’émotion d’un public – : ”Je suis pour discuter des modalités d’extension ou de rétrécissement à la marge mais je trouve qu’un cinéma et un film c’est d’abord être au contact du public en salle. Je ne suis pas d’accord pour confondre toutes les étapes de l’après-salles et notamment de la VOD parce que je pense que c’est une façon stupide d’étouffer une économie naissante dans ces différentes étapes.”

Un à un les arguments se tiennent, frôlent “l’Internet #saymal” et pour des raisons de priorité, on l’aura compris, les films sont faits pour être vus en salle. Pour le combat de la diversité, il faut être force de proposition, “y compris chez des gens qui n’iraient pas voir un Béla Tarr et un Béla Tarr ne mérite pas de sortir en VOD : c’est un film précieux qui a le droit d’être exclusivement en salle”, assène la déléguée générale du SPI.

Il y aurait donc des films que les cinéphiles ne pourraient voir que dans les salles, même si on aurait pu penser que le voir sur plusieurs supports soit aussi enrichissant. Pourtant non, assène Cavada :

Ce n’est pas le même film dans une salle que sur un écran. C’est comme si un livre avait des caractères différents. C’est un art le cinéma, il est fait pour les salles. L’émotion est soulevée par des gens autour de vous et vous emmène. Ce que vous n’auriez pas vécu sur votre écran. C’est pas la même chose !

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Jupe

Pas la même chose peut-être. Mais en quoi serait-ce incompatible ? En mémoire, “La journée de la jupe” avec Isabelle Adjani et Denis Podalydès. De Jean-Paul Lilienfeld, diffusé le 20 mars 2009 sur Arte et sorti dans 50 salles, 5 jours plus tard. Produit par Arte France, Fontana Film et Mascaret Films, il obtient 2,2 millions de téléspectateurs, pour un peu moins de 10% de part de marché en télé le soir de sa diffusion.

Touche pas au grisbi du CNC

Touche pas au grisbi du CNC

Refoulée par Bruxelles l'an dernier, la taxe qui ponctionnerait Internet en tant que diffuseur de télévision est en cours ...

L’expérience est mal accueillie par les exploitants. La première semaine, il compte pourtant 40 000 entrées au cinéma, malgré une diffusion télé en amont. Pourquoi ces réticences et inquiétudes de la part des créateurs et diffuseurs ? Pourquoi le bouche-à-oreille pour la recommandation d’un film fonctionnerait en salle avec des journalistes mais pas en avant-première en télévision ou sur Internet ?

Parce que pour Jean-Marie Cavada et Juliette Prissard-Eltejaye, le film a besoin de la salle pour faire sa réputation, “autant que les millions que vous pouvez mettre en presse radio et télé pour le marketing” précise le député européen.

Donc les avant-premières gratuites en salle pour les journalistes, c’est bon pour la réputation d’un film. En revanche, la table familiale et les discussions qui peuvent émerger sur les réseaux sociaux après la diffusion d’un film en avant-première sur YouTube (en partenariat avec réalisateurs et autres), c’est mal.

Multiplier les recommandations, oui, mais seulement avec des professionnels. Surtout pas avec les internautes lambda. Pourtant plutôt efficaces dans le bouche-à-oreille concernant Intouchables – l’exemple cité par Jean-Marie Cavada – non ?

Mais pour certains, Internet dévalue les films où seraient diffusées les avant-premières et c’est le consommateur-pirate-internaute qui serait à l’origine de cette dévaluation. Jusqu’au moment où une voix s’est élevée dans le public :

On est au stade de l’humanitaire là, de penser pouvoir réduire des avant-premières de film à une diffusion sur Internet. Des réalisateurs, des producteurs qui doivent se rémunérer, c’est un travail considérable ! Pourquoi on serait dévalués ? En termes de politique culturelle, on tient vraiment à ce que le cinéma reste un espace de forum. La pratique culturelle n’est pas la même, entre un consommateur autiste devant son écran Internet et l’idée du spectacle d’une salle de cinéma.

Jungle

“Un consommateur autiste devant son écran Internet”. Dans le public on trépigne. Exprimant sa détresse face à la chronologie des médias qui semble faire si peur à l’ensemble de la chaîne du cinéma, une femme se lance et malmène à la fois les informations sur la déprogrammation dans 12 salles sur 15 du film brésilien “Les paradis artificiels” suite à une diffusion en avant-première sur Dailymotion et mélange VOD, jungle d’Internet et piratage :

Par rapport à ce qu’il se passe en France, c’est très simple. Vous allez passer directement un film en VOD, vous avez la moitié des salles qui déprogramment le lendemain, ça se fait régulièrement, là ce qui vient de se faire, sur un film, 15 salles derrière sur les 17 ont déprogrammé, on a eu le même problème avec un film passé sur Arte, les salles ne programment pas ces films-là donc de fait vous excluez les films de toute possibilité de bouche à oreille, mais aussi de succès d’estime ou de critique. [...] Les publics existent, [...] des gens nous disent, “je n’ai plus le temps d’aller voir des films”, déjà le temps de savoir qu’il existe parce qu’on en parle pas. Des films n’ont pas toujours les moyens de faire de la promotion. En même temps, les films qui ont du mal à exister en salle, comment on va les faire vivre et exister dans la jungle de la VOD et dans la jungle d’internet ? [...] Je vous avoue, si parfois on était piraté, on sauterait de joie, tant mieux ça veux dire que les gens savent qu’il existe et ils vont aller le chercher sur Internet mais c’est une super nouvelle.

Internet ? La jungle ? Pire, des internautes. Owni a tenté d’évoquer l’alternative d’une avant-première diffusée en streaming, rebondissant sur la question de la déprogrammation du réalisateur brésilien.

Je voudrais rebondir un peu sur l’alternative qui pourrait avoir lieu, à savoir une avant-première en streaming sur Dailymotion, quelle est le risque pour la culture cinématographique de le permettre pour un certain nombre de personnes ? N’est-ce pas un autre bouche-à-oreille, avec effet boule de neige ?

Juliette Prissard-Eltejaye (plutôt en colère) : Je voulais vous répondre en vous disant pourquoi ce serait une diffusion intégrale du film ? Pourquoi ce serait pas du marketing à travers des bandes annonces, à travers du buzz sur Internet puisque la question est de savoir comment renouveler le marketing et la prescription sur Internet telles qu’elles existaient aujourd’hui en papier ? Aujourd’hui les modes de consommation évoluent, donc il faut avoir son article dans Internet (sic). Pourquoi on ne parle pas de promo ? Pourquoi on dit il faut le donner gratuit (sic) à 6 000 personnes ? Et pourquoi pas plus demain ? Alors même qu’elle pourrait faire l’objet de 6 000 tickets ? Pourquoi ce serait intégral et gratuit ? Quelle est cette idée que ça doit être absolument nécessaire de le donner gratuitement en entier à tout le monde à un moment donné ? C’est-à-dire que nous on comprend pas d’une certaine façon la dimension industrielle et entrepreunariale : j’ai fait un film, j’en suis fière et j’aimerais qu’il y ait des gens qui payent leurs tickets pour le voir parce que c’est de ça dont je vis. Et pourquoi on devrait sur une logique de la gratuité faire ce buzz sur Internet ?

J’ai parlé d’avant-première, pas de diffusion gratuite, ce qui est assez différent.

Juliette Prissard-Eltejaye : L’avant première, elle est faite pour les professionnels qui après prescrivent à leur tour. Moi aujourd’hui quand un producteur fait une avant-première, il invite la presse qui ensuite va faire de la prescription. Ou alors elles sont payantes. Mais l’avant-première, elle est faite pour multiplier les prescriptions.

* * *

Décupler les prescriptions, oui, mais encore une fois seulement avec des professionnels. Pas avec “un consommateur autiste devant son écran internet”. Belle réduction de la consommation culturelle à l’heure du numérique.

Même avec l’intervention de Louise Ferry – qui, comme d’autres, ne comprend pas l’image de l’autiste encouragé à la paresse – le mot est lâché, violent, dans une salle où se mélangent certainement des producteurs d’images et d’histoires mais visiblement pas d’internautes cinéphiles. Internet ne peut servir qu’au buzz marketing, point. La question du web dans sa globalité divise toujours autant les producteurs de contenus. Pour différentes raisons.

Les acteurs du web, le mal incarné

Peut-être à commencer par la crainte que Google, Apple et Amazon ne viennent contrôler un système de diffusion et de distribution de la culture que les réalisateurs, les producteurs et les distributeurs dits classiques ne maîtrisent pas. C’est Marie-Christine Vergiat qui le chuchotera : les questions en suspens sont celles du financement et de la rémunération des acteurs de la chaîne du film.

Derrière toute la chaîne de distribution, il y a effectivement beaucoup de professionnels à financer. Il y a des gens qui ont besoin de vivre de leur art. Donc diffuser gratuitement sur Internet comme ça, avec accès à la culture pour tous, est une réponse qui ne me satisfait pas. Je suis toujours frustrée dans ces débats on s’envoie tous des trucs à la tête. On n’est pas au pays des Bisounours et derrière Internet, il y a des géants et notamment à Bruxelles où c’est toujours les même qu’on voit.

Les choses sont dites. Le problème n’est pas forcément l’internaute mais c’est aussi celui qui ne finance pas ce dont il se servirait. À savoir les géants des télécoms qui, pour Yvon Thiec, sont dans une logique d’alimentation des réseaux qu’ils ont construits et pour qui derrière cette tentative de dérégulation de la chronologie des médias se trouve un cheval de Troie, “parce qu’il n’y a pas que des gens innocents et généreux”. Et le cheval de Troie sonne enfin comme l’hypothèse la plus crédible de cette peur du Net.

La “négation de la démocratie” du sénateur Marini

La “négation de la démocratie” du sénateur Marini

Le président de la commission des finances, le sénateur UMP Philippe Marini, présentait hier soir son rapport pour une ...

Un peu comme une thérapie de groupe pendant laquelle le fond sortirait après un flot libérateur de paroles, la table ronde prend une tournure qu’on ne soupçonnait plus.

La sortie simultanée d’un film en salles, en VOD, en télévision et sur Internet ne serait que la façon permettant aux majors du web, Google, Apple et Amazon, de prendre le pouvoir sur la culture et d’enterrer l’exception culturelle française. Il faut “faire face aux multinationales américaines qui sont en train de tout bouffer sur le territoire de l’Union européenne” lâche Marie-Christine Vergniat. #Saydit.

Nuances

Malgré tout, dans ce conservatisme à la limite parfois de l’anti-internaute – qui finance lui aussi le cinéma en y allant au même titre que le non-internaute – la position d’Éric Vicente, programmateur chez Sophie Dulac est bien plus nuancée et avouons-le montre timidement les avancées qui peuvent être faites au sein même de la corporation du cinéma. Sur la distribution :

C’est compliqué pour un exploitant de dire quels sont les films en trop, est-ce qu’il y a des films en trop mais on peut se poser la question avec certains films distribués dont les scores sont très compliqués. Il est important que la diversité continue mais il faut se poser la question de comment faire pour qu’un film soit vu : les salles d’art et essai font cette promotion et cette diversité mais parfois il y a une absence de public. Comment faire pour que vous ne passiez pas x années devant un film qui ne sera pas vu ? Est-ce qu’un distributeur peut passer trois mois de sa vie pour 1 000 spectateurs même si c’est important ? Je n’ai pas de religion en la matière, ce sont juste des interrogations.

Sur le terrain des concessions il est rejoint par Louise Ferry, qui se demande si on ne peut pas créer une exception pour les acteurs les plus modestes du marché du cinéma :

Je me demande en quoi c’est un problème de sortir les films d’art et essai de la chronologie des médias dans la mesure où ce sont des films qui restent très peu de temps et où il y a très peu de copies. C’est très peu diffusé, ils sont boudés par le grand public. Surtout dans la mesure où cette offre légale en ligne n’est pas importante en plus.

Ce n’est pas tant l’envie de culture qui manquerait aux spectateurs, mais de moins en moins de curiosité d’une partie du public. Un film d’auteur dans une seule salle à Paris à deux séances par jour, est-ce suffisant pour permettre à un grand nombre d’aller voir ce film ? Est-ce un film mauvais ou simplement un film qui manque sérieusement de moyens, de plateaux télés et de promotion dans le métro. En tête, Camille redouble, le dernier film de Noémie Lvovski, dont le matraquage télévisuel et radiophonique a dû nécessiter un budget publicitaire considérable.

Donner une chance aux petits en bouleversant la chronologie des médias. Utiliser Internet comme support de promotion et de recommandation. Faire confiance aux internautes. L’autisme est une “attitude mentale caractérisée par le repliement sur soi-même, un mode de pensée détaché de la réalité”. Choisir ses mots, avec autant de précaution qu’on choisit ses images.


Photo par William Brawley (cc-by) remixée par Owni

]]>
http://owni.fr/2012/11/16/nous-les-autistes-du-web-chronologie-medias-cinema/feed/ 30
Les data en forme http://owni.fr/2012/06/11/les-data-en-forme-episode34/ http://owni.fr/2012/06/11/les-data-en-forme-episode34/#comments Mon, 11 Jun 2012 16:20:35 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=113001 Owni ont fait remonter du flot quotidien quelques trésors de dataviz. Vous y verrez passer des carrés roses et bleus, des bulles orange et jaunes, des trains en retard, des camemberts à la plume et autres nuages arduinesques. Bonne découverte.]]> Actu oblige, attaquons cette nouvelle semaine avec une datavisualisation tournant autour des élections législatives. Elle nous vient d’un “dessinateur de données” de l’OCDE qui est en train de devenir un habitué de notre veille : Jérôme Cukier. À force de jouer joyeusement avec la librairie d3.js, il a fini par coder une carte interactive permettant de visualiser une projection des résultats probables de ce scrutin, circonscription par circonscription.

Le calcul de ces probabilités a été fait sur la base des résultats du second tour des élections présidentielles et les données sont consultables via une interface à l’ergonomie déconcertante.

D’un côté, vous pouvez consulter la carte où chaque circonscription est plus ou moins colorée du rose au bleu marine en fonction des résultats probables. De l’autre, une série de 577 carrés représentent l’ensemble des circonscription avec ce même code couleur. Cette grille peut même être organisée selon deux types de classement : géographique (de l’Ain aux Français de l’étranger) ou politique (du plus rose au plus bleu). Cerise sur le gâteau, les circonscriptions où sont présents soit l’un des ex-ministres de François Fillon, soit l’un des ministres actuels ou encore l’un des proches de Nicolas Sarkozy, sont identifiables grâce à un motif hachuré.

Je ne saurais que vous conseiller d’aller fouiller le blog de Jérôme Cukier qui, en plus, n’est pas avare d’explications sur ses manipulations avec d3.js

Bulles culturelles

Restons dans le data-chauvinisme et allons jeter un oeil au très bon travail de Jean Abbiateci, qui va finir lui aussi par avoir un bout de code à son nom dans les posts des Data en forme.

Journaliste indépendant, féru de photojournalisme et créateur de la très bonne veille visuelle l’Oeil du Viseur, il n’hésite pas à mettre les mains dans le code et ces derniers temps il a, lui aussi, pas mal joué avec d3.js. Pour ne rien gâcher, il le fait avec des données qui ne sont pas si souvent mises en scène : celles du secteur culturel. Ce qui donne un peu d’air frais face à l’omniprésence des sérieuses data politico-économiques.

Il y a quelques semaines, alors que twitter résonnait de débats passionnants sur l’état de la météo au dessus de la Croisette, Jean Abbiateci sortait tranquillement une visualisation bien utile, judicieusement nommée “Box-Office : le cinéma français mis en bulles”.

Elle permet de parcourir les résultats du box-office de 2007 à 2011. Deux bonnes idées rendent cette datavisualisation d’autant plus efficace : attribuer des codes couleurs facilement identifiables aux films présents et/ou récompensés à Cannes et proposer des filtres bien sentis (genre, avis public/médias, pays).

En jouant avec les données ainsi présentées on découvre quelques sympatiques informations. Par exemple que quatre années sur cinq, la Palme d’Or est un drame (que la Croisette est joyeuse !) ou encore que ces même palmes sont systématiquement notées un cran au dessus par les critiques en comparaison de la note attribuée par le public (que la Croisette est magnanime !).

Jean Abbiateci, sur sa lancée, a poursuivi son jeu de bulles pour visualiser le marché de l’art. Cette fois-ci ce sont les 270 oeuvres vendues qui ont atteint des sommets aux enchères, entre 2008 et 2011 qui sont présentées.

Là encore, parcourir ces données est un jeu d’enfants : quatre couleurs pour les typologies d’oeuvres (dessin, peinture, sérigraphie, sculpture) et pas moins de dix filtres nous montrant les diverses facettes de ces data. Pourquoi faire compliqué quand on sait faire simple ?

Data ferrées

Honte donc, à ceux qui penseraient que l’hexagone ne regorge pas de ressources pour faire travailler les données (comme nous l’avions déjà largement remarqué à l’occasion du concours GoogleViz l’hiver dernier). Cependant, il semblerait que la SNCF ne soit pas au courant. Pour explorer ses données relatives à nos usages des rails, la compagnie a choisi de travailler avec des chercheurs outre-atlantique. On l’excusera puisqu’il s’agit de ceux du MIT et plus précisément du Senseable city lab.

Trains of data propose deux approches autour de ces chiffres dont nous sommes les émetteurs premiers. Une vision isochronique de l’hexagone relative aux temps de trajet entre deux gares. Le territoire et sa perception apparaissent alors bien différents de ce que l’on connait. Amis de l’éducation nationale, il va falloir mettre à jour les manuels de géo.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

 
Second angle : comment se répartissent les retards des trains sur le territoire. Jusqu’ici, on en avait sans doute l’intuition, désormais on en a la preuve en images. Mais ce n’est pas simplement l’horloge interne de la SNCF qui nous est donnée à voir mais aussi le nombre de passagers affectés par chaque retard, les points représentant chaque train étant plus ou moins large en fonction du nombre de voyageurs qu’ils transportent.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

 
Une telle visualisation permet ainsi à l’aiguilleur de savoir quels sont les points rouges à décongestionner en premier pour qu’au final le ratio retard/voyageur soit le plus faible et le mieux réparti. Conclusion : ne tombez pas sur un train en retard et presque vide, vous y passerez la nuit. Éternelle lutte entre minorités et rendement…

D’où venons-nous ?

Après la géo, l’histoire et pas n’importe laquelle en l’occurence, celle de ce dont nous vous parlons à longueur de Data en forme : l’Histoire de la visualisation de données. Gaëtan Gaborit, chargé d’étude à l’Observatoire régional économique et social des pays de la Loire et accessoirement passionné de données, nous offre en mode #opendata, la présentation qu’il a fait lors de la semaine de l’OpenData qui se tenait à Nantes du 21 au 25 mai dernier.

Ce que l’auteur qualifie lui-même comme “Un bref aperçu illustré” donne déjà de bonne bases sur les origines de cette pratique qui nous fait scruter le réseau chaque semaine à la recherche des nouvelles perles. Pour aller plus loin, Google est notre ami.

Hors des écrans

Après, ce petit flashback historique, je vous conseille d’aller jeter un oeil aux données visualisées hors de vos écrans. La Fonderie, agence numérique d’Île-de-France, adossée au conseil régional, organise un événement intitulé “Expoviz” du 16 au 23 juin prochains.

Au programme : un datatuesday, une conférence et surtout une exposition. Vous pourrez y découvrir une cinquantaine d’infographies que les organisateurs ont considéré comme étant les meilleures du moment, le tout sur des panneaux de grandes dimensions. Ça nous changera des zooms frénétiques sur 13 pouces et autres tablettes.

Et parce qu’une bonne infographie vaut mieux qu’un long discours, voici une petite mise en abyme produite à l’occasion de cet événement.

Data-nimbus

Allez, contrairement aux débats sur les réseaux, cet épisode des data en forme ne se terminera pas sur un point Godwin mais sur un “point cloud”. Point Cloud est le projet un peu fou de James Leng.

Selon ses propres mots : ce projet essaye de réinventer notre rapport quotidien aux données météorologiques. Plutôt que d’afficher les valeurs habituelles température / humidité / précipitations, ce nuage de points relie les données entre elles pour donner à voir, ​​de manière dynamique, les interactions entre ces diverses informations chiffrées.

Ça peut sembler obscur et abstrait, ça l’est en partie, mais cela pousse à nous interroger sur comment visualiser cette donnée que l’on étudie depuis des siècles et qui continue de nous échapper : la météo. La réponse de James Leng tient en quelques processeurs Arduino, 100 mètres de câbles et 966 points de jointure. Fun et zen.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

 
Pour finir, parce que derrière la visualisation de données il y a du code et parce que le code, oui, c’est aussi de l’art, allez donc vous balader ici et . Bonne semaine.

]]>
http://owni.fr/2012/06/11/les-data-en-forme-episode34/feed/ 2
Bienvenue au festival du film bidouillé http://owni.fr/2012/05/21/bienvenue-au-festival-du-film-bidouille/ http://owni.fr/2012/05/21/bienvenue-au-festival-du-film-bidouille/#comments Mon, 21 May 2012 09:15:41 +0000 Adrien Carpentier http://owni.fr/?p=110126

Au mois d’avril dernier, lors d’une conférence tenue à Genève, le cofondateur de Wikipédia Jimmy Wales a prédit la fin prochaine d’Hollywood. Non pas à cause du piratage, mais parce que selon lui,

les outils collaboratifs pour raconter des histoires et réaliser des films vont faire à Hollywood ce que Wikipédia a fait à l’Encyclopedia Britannica.

À l’entendre, cette révolution serait en germe par l’entremise des machinimas, ces objets filmiques un poil immatures et sur lesquels Hollywood n’a pas encore beaucoup lorgné. Les machinimas, ce sont des films réalisés à l’aide d’un moteur 3D temps réel de jeu vidéo. Décors, personnages, caméra… les moteurs de jeux offrent en effet tous les outils de production pour raconter des histoires en vidéo, sans plateau ni acteurs.

GTA

La création amateur de films grâce aux outils 3D est une vieille histoire. Dans les années 1980, des hackers créent de petites séquences 3D à l’aide de moyens très réduits, et qu’on découvre en introduction à des programmes dont ils crackent la protection contre la copie. C’est la scène demo. Mais les vrais ancêtres des machinimas sont probablement les speedruns, ces vidéos de parties de jeu vidéo terminées dans un temps record. Un speedrun demande à son auteur des mois ou des années de persévérance pour gagner de précieuses secondes et disposer enfin d’une vidéo qui établisse un record. En effectuant des centaines de prises pour n’en garder qu’une seule qu’il montrera à son public, le recordman devient réalisateur, et le personnage qu’il dirige à l’écran, son acteur.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

 

Disney Animation Studio sur Amiga et surtout le jeu Stunt Island proposent, dès le début des années 1990, de mettre en scène et d’enregistrer des films dans un environnement virtuel. Mais l’Histoire ne retiendra qu’une petite vidéo de 1996, basée sur le jeu Quake, comme le premier machinima à proprement parler. Intitulée “Diary of a Camper” , ultra-courte, au script minimaliste et à peine compréhensible pour les non-gamers, c’est cependant la première fois qu’un simple enregistrement d’une partie de FPS (First Person Shooter) est détourné de son but original pour raconter une histoire. Comme pour les films muets, les dialogues sont affichés à l’écran grâce au détournement du chat intégré au jeu.

La pratique est vite imitée par la communauté des joueurs de FPS. L’arrivée de Quake 2, qui permet de changer la caméra sur une séquence déjà enregistrée, encourage encore un peu plus ces fanarts qu’on appelle encore des Quake Movies.

Le mot machinima, contraction de “machine”, “animation” et “cinéma”, ne remplacera Quake Movie qu’en 2000 lors de la création d’un portail Internet dédié. Jusqu’alors sous-culture de hardcore gamers, la pratique cesse d’être l’apanage des FPS, et les créations commencent à fleurir sur Internet. La série ultra-cinématographique des Grand Theft Auto en 3D apparue en 2001, avec son inspiration très hollywoodienne et ses immenses villes américaines virtualisées, constitue un terrain de jeu rêvé pour imiter le cinéma. De plus en plus de jeux se mettent à intégrer de véritables outils dédiés à la création de séquences, comme le très populaire The Sims 2. The Movies, sorti en 2005, a même pour but la gestion d’un studio de cinéma et la réalisation de petits films.

Cinéaste geek

Pourtant, le processus de production d’un machinima peut être bien éloigné de celui d’un film. Les machinéastes ont ainsi deux méthodes, suivant les possibilités offertes par le moteur du jeu et le but recherché :

- Ils peuvent créer un machinima “en temps réel”. Dans ce cas, comme dans un film classique, il y a tournage. Des joueurs réels contrôlent chacun un personnage, qui sont autant d’acteurs. Ils peuvent enregistrer des dialogues pendant le tournage à l’aide des casques-micros qu’ils utilisent pour les parties multijoueurs, ou bien ceux-ci peuvent être ajoutés en post-production. Un autre joueur tient alors le rôle du caméraman. Le point de vue de son personnage est enregistré sur le disque dur et constituera le rush du film, pour être éventuellement monté plus tard.

Cette méthode collaborative s’apparente à la fois à un tournage de cinéma et à une partie de jeu vidéo, et laisse place à l’improvisation. Elle est par ailleurs un excellent outil d’apprentissage des métiers du cinéma puisqu’elle passe par les mêmes procédés que la production d’un film : écriture, direction d’acteurs, prise de vue, montage… Voici un exemple de machima tourné en temps réel, issu d’une célèbre série :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

 

- La création machinimatographique peut aussi s’affranchir d’un tournage pour être entièrement scriptée. Les personnages comme la caméra obéissent alors aux actions, aux changements de points de vue et aux trajets programmés dans un script informatique qui peut être le fruit d’une collaboration en ligne comme celle d’un seul machinéaste. Et grâce à ces scripts qui décrivent le film, il n’y a pas de rush : il suffit du moteur du jeu et du script pour lire la séquence. Donnant des résultats souvent plus aboutis et spécifique au machinima, cette méthode peut bien entendue être combinée au tournage en temps réel. Voici un machinima scripté utilisant le moteur d’Unreal Tournament.

Bientôt des machinimas dans les salles obscures ?

Il n’en fallait pas plus pour que des artistes contemporains s’emparent de cette nouvelle forme de création, à l’instar de l’américain Eddo Stern. En France, on peut citer Frederic Nakache, Benjamin Nuel ou encore Alex Chan, avec ses machinimas “French Democracy” et “World of Electors”, respectivement sortis à l’occasion des émeutes de banlieue de 2005 et de l’élection présidentielle de 2007. Tous ont sans aucun doute contribué à faire du machinima un moyen d’expression plus complet.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

 

Les meilleures oeuvres amateurs sont récompensées dans des festivals selon des catégories très proches de celles du cinéma : meilleure réalisation, meilleure bande son et même… meilleur rôle ! C’est l’Academy of Machinima Art and Science, créée en 2002 aux États-Unis, qui organise le tout premier festival de machinimas. D’abord éclipsé par les conférences sur le jeu vidéo qui les héberge, il essaime finalement d’autres festivals comme le Machinima Expo.

Pour l’heure, l’industrie du cinéma semble n’avoir jeté qu’un oeil timide vers la scène machinima. Steven Spielberg a bien utilisé le moteur du jeu Unreal Tournament pour préparer le tournage de son film I.A.. On a vu, ça et là, des machinimas issus de Second Life dans des téléfilms. Les plans aériens de Los Angeles dans Collateral (2004) semblent clairement inspirés par les vues omnipotentes des machinimas de GTA, et la séquence en vue FPS de Kick Ass (2010) en est un hommage encore plus évident. Mais la plus célèbre utilisation d’un machinima par l’industrie hollywoodienne n’est sans doute que celle de l’épisode mythique de South Park consacré à World of Warcraft. Car si la scène machinima est de plus en plus poreuse aux autres arts, elle ne reste encore aujourd’hui qu’un prolongement du jeu vidéo. Pour peu de temps encore.


illustration capture d’écran par Laurence Simon (CC-by)

]]>
http://owni.fr/2012/05/21/bienvenue-au-festival-du-film-bidouille/feed/ 14
Les data en forme http://owni.fr/2012/04/30/les-data-en-forme-6/ http://owni.fr/2012/04/30/les-data-en-forme-6/#comments Mon, 30 Apr 2012 15:27:12 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=108460 OWNI : découvrez la data-bible, du journalisme tout lent, des réseaux nucléaires qui s'emmêlent et des prix littéraires qui se thématisent. Il y a même du Johnny Hallyday, c'est dire.]]> Depuis ce week-end, Paule d’Atha est un peu émue : notre bible est sortie. Elle est rouge, elle est toute jolie et elle s’appelle The Data Journalism Handbook. Elle a plusieurs parents : conçue à l’initiative du Centre européen du journalisme et l’Open Knowledge Foundation, elle a vu la BBC, le Chicago Tribune, le Guardian, ProPublica, La Nacion, Le Washington Post, et bien d’autres, participer à sa réalisation.

Ce qui nous plaît dans ce handbook (manuel), c’est que le contenu est fondé sur la pratique et les retours d’expériences, et qu’il tente déjà de prendre du recul sur cette “nouvelle” pratique protéiforme, en évolution constante que constitue le data journalism. Par exemple, la partie “In The Newsroom” montre que le data journalism est arrivé différement dans les rédactions : ABC par le biais de projets multi-plateformes, The Chicago Tribune par l’intégration de hackers.

Paul Bradshaw, de l’Université de Birmingham, termine la page consacrée à la définition du data journalism par ces phrases, qu’il nous a semblé intéressantes de relever :

Les données peuvent être la source du data journalism, ou elles peuvent être l’outil avec lequel l’histoire est racontée – ou elles peuvent être les deux. Comme n’importe quelle source, elles doivent être traitées avec scepticisme ; et comme tout outil, nous devons être conscients de la manière dont il est construit et la manière dont il restreint les histoires que l’on peut créer avec

The Data Journalism Handbook est en vente sur O’Reilly et accessible gratuitement en ligne à cette adresse.

Les films en lambeaux

Combien a rapporté Drive ? Quelle rentabilité pour Black Swan ? Qui de Slumdog Millionnaire ou de Gran Torino a eu le plus de spectateurs ?

La remarquable infographie interactive de Tom Evans (dont nous saluons au passage la jolie photo de profil Twitter) intitulée “Film Stripes” et hébergée chez Visual.ly permet de comparer les films selon plusieurs critères : budget de production, argent rapporté par le film, note, et rentabilité. On y apprend ainsi que Paranormal activity tient le haut du classement avec un taux de rentabilité s’élevant à 1 142 000 % : 0,015 millions de dollars de budget pour 171,3 millions de dollars encaissés.

Une vision à la fois esthétique et financière de l’économie du cinéma américain. Petit bémol cependant, l’infographie ne précise pas selon quels critères (années, nationalité…) ont été sélectionnés les films présents.

Browse more data visualizations.

La littérature version thème

Le magazine Delayed gratification, publié par “The Slow Journalism Company”, s’est intéressé aux thèmes présents dans la liste des oeuvres sélectionnées pour le Booker Price 2011, l’un des plus importants prix littéraires remis uniquement à des romans de fiction écrits en anglais, par un auteur vivant citoyen du Commonwealth, de l’Irlande, du Pakistan ou de l’Afrique du Sud.

“Plot lines” en recense vingt thématiques : certaines présentes dans un seul livre, comme “tigre échappé” ou “meurtre de frères cowboys” ; d’autres plus largement partagés : “amour”, “mort”, “guerre”.

Nous avons par ailleurs bien aimé le concept sur lequel se base”The Slow Journalism Company“ :

Slow Journalism mesure les informations en mois et non en minutes, rendant compte d’histoires une fois que la poussière s’est installée. The Slow Journalism Company offre un antidote aux médias jetables et considère comme une vertu d’être le dernier à sortir les informations. Ses publications sont belles, collectables et designées pour être conservées et chéries.

Et en effet, ses archives d’infographie recelent de petits trésors, tant dans l’idée que dans la réalisation : “Le vrai sens de Noël” par exemple, basée sur les recherches Google ou “Février 2011 sur Twitter” qui géolocalise les échanges sur Twitter. Un lien à garder dans sa veille.

Le nucléaire en visuel

Cette application est “oldlink” mais elle nous semblait grandement mériter sa place dans notre veille data.

“FaceNuke”, réalisée par Greenpeace, cartographie les relations dans le secteur de l’énergie en France. Les points représentent des personnalités et au clic, la liste des personnes auxquelles le “point” est relié s’affiche, regroupée en fonction de leur organisation d’appartenance (Areva, EDF, UMP, etc.)

Le bon point : la base de données ayant servi à l’application, est accessible en format tableur depuis l’onglet “En savoir plus”.

Le mauvais point : les liens entre personnes ne sont pas qualifiées. Greenpeace précise dans sa méthodologie que ce sont des mandats actuels ou passés ou une formation mais le détail des liens n’apparaît pas dans l’application.

Si vous aimez les dataviz qui parlent des dessous du nucléaire, il y en a des très jolies publiées par Marion Boucharlat, Sabine Blanc et Claire Berthelemy sur OWNI.fr ici et ici.

Les dataviz aux frontières

Trois datavizualisations cette semaine pour conforter notre identité française :

Pour pouvoir continuer de râler dans le métro parisien, mais avec un beau plan et des infos à jour : utilisez le plan Sublyn. Développé par Geoffrey Dorne (notre excellent chroniqueur de “Vendredi, c’est graphism”) et Barbara Chabriw, Sublyn propose un plan des métros parisiens plus fidèle à la réalité géographique et qui permet d’accéder en temps réel aux tweets publiés sur chaque ligne de métro. Esthétique, interactif, intelligent : de quoi faire – une fois de plus – peur à la RATP.

Pour améliorer notre connaissance sur l’artiste préféré des Français : le parcours formation de l’EMI-CFD, accompagné par Karen Bastien de WeDoData a réalisé une application sur les auteurs des chansons de Johnny Hallyday, selon les périodes, les ventes de singles, ou encore les chansons. Même sans être fan de Jean-Philippe Smet, cette application met en scène des informations de façon novatrice et réfléchie – une réalisation bien aboutie pour un projet de formation.

Rien à voir avec ce qui précède. Mais tout aussi essentiel. Pour savoir si sa cave est bien remplie : The Telegraph permet de vérifier en une dataviz les meilleurs millésimes, de 1978 à 2011.

Bonne data semaine à tous !


Retrouvez tous les épisodes des Data en forme !

]]>
http://owni.fr/2012/04/30/les-data-en-forme-6/feed/ 0
Les Data en forme http://owni.fr/2012/01/18/les-data-en-forme-episode-16/ http://owni.fr/2012/01/18/les-data-en-forme-episode-16/#comments Wed, 18 Jan 2012 10:00:42 +0000 Paule d'Atha http://owni.fr/?p=94238 Better World Flux [en] a vu le jour à l’occasion d’un concours d’applications organisé par la Banque mondiale, afin de promouvoir les objectifs du millénaire pour le développement. Au menu de cette compétition : permettre au grand public, avec l’aide de développeurs, de graphistes et de journalistes compétents, de s’emparer des nombreuses données hébergées sur les serveurs de la Banque mondiale pour comprendre les mécanismes et les histoires qui y sont enfouies. Better World Flux veut être une “magnifique visualisation interactive” (objectif amplement atteint) informant sur ce qui “compte réellement dans la vie”. Il est ainsi possible de comparer en couleurs des indicateurs tels que le bonheur, l’espérance de vie, la longueur de la scolarité et tout ce qui permet de produire une photographie de l’état du monde et de la qualité de la vie dans les pays qui le composent, ainsi que l’évolution de ces indicateurs au cours des 50 dernières années.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le cinéma au scalpel

Cinemetrics [en] est une splendide application, pleine de sens et de pertinence, qui mesure et visualise la data au cinéma, permettant de révéler les caractéristiques des films et de leur créer une sorte d’empreinte digitale… visuelle. La structure de montage, la colorimétrie, les dialogues et les mouvements sont extraits, analysés et transformés en représentations graphiques afin que le film puisse être appréhendé dans son ensemble en un seul coup d’œil, voire comparé avec un autre film sur le même écran. Le résultat, qu’on vous a déjà passé cet été mais qu’on remet ici parce qu’on aime bien le concept de #oldlink, est proprement fascinant et immanquable pour les amateurs du 7e art. La majorité du code est disponible sur Github.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Voyages et bouts de ficelles

Lichtreise [de] est un projet de Christopher Pietsch s’inscrivant dans le cadre d’un cours interactif au sein de l’Université des Sciences appliquées de Potsdam. Le but : concevoir une visualisation qui affiche (au minimum) sept voyages sélectionnés de la vie de l’étudiant. La conception et le résultat final font l’objet d’une série de très jolies photographies de ce projet très “do it yourself“.

Hack your life or be a user – Pietsch


Aiguilles et bottes de foin

Citeology [en] est un projet extraordinaire coordonné par Justin Matejka au sein du laboratoire de recherche des fameux logiciels de modélisation Autodesk/AutoCAD. Ce projet Citeology permet de visualiser les relations entre des publications selon les citations qu’elles utilisent. Pour l’exercice, plus de 3 500 documents portant sur les interactions humains-ordinateurs et publiés au cours des 30 dernières années ont été passés à la moulinette data pour créer cette application (nécessite le plug-in Java) qui fait ressortir près de 12 000 citations croisées au sein de la collection. Le résultat est tout simplement époustouflant et ouvre la porte à des pistes de visualisations réellement innovantes, notamment dans le domaine émergent de la “big data“.

Ceci n’est pas un jeu

Candidate Match Game [en] est l’une des premières (et sans doute très nombreuses) applications ludiques autour de la présidentielle américaine de l’automne prochain. Développée par USA Today, cette application fonctionne selon un principe extrêmement simple : vous placez un curseur sur des grands thèmes de société selon l’importance que vous leur accordez et répondez ensuite à des questions concernant ces thèmes en sélectionnant la proposition qui convient le mieux à vos convictions. Au terme de ce questionnaire, le jeu vous annonce le nom des candidats dont les programmes politiques ou la vision globale se trouve à la plus grande proximité de votre propre vision de la société. Cette app est évidemment à l’entrée d’un long tunnel que nous allons emprunter, et nous reviendrons régulièrement sur ce type d’initiatives – qu’elles aient lieu en France ou aux États-Unis.

Un gazon de toutes les couleurs

Diversity in the Premier League est une visualisation sur le championnat anglais de football, motivée par “l’affaire Suarez” qui agita la fin du mois de décembre dans le monde du ballon rond – le joueur du club de Liverpool ayant été accusé par l’arrière français Patrice Evra d’avoir proféré de nombreuses injures raciales en plein match. Partant de ce navrant fait divers, Josh Ritchie a souhaité mettre en valeur la diversité de nationalités au sein de l’élite du football anglais au travers de cette dataviz très réussie.

Love, etc

Pour clore ce 16e épisode des Data en forme, des nouvelles de deux “data-artistes” parmi ceux dont nous suivons régulièrement le flux (YouTube et Flickr). Parce que ce monde n’est pas un monde de brutes mais plutôt paix, amour et beauté.

Une excellente data-semaine à tou(te)s :)

Eric Fischer – World travel and communications recorded on Twitter


Stephen Malinowski – Claude Debussy : Doctor Gradus ad Parnassum

Cliquer ici pour voir la vidéo.

]]>
http://owni.fr/2012/01/18/les-data-en-forme-episode-16/feed/ 2
Libé vampirise les primaires http://owni.fr/2011/10/04/liberation-vampirise-les-primaires/ http://owni.fr/2011/10/04/liberation-vampirise-les-primaires/#comments Tue, 04 Oct 2011 07:27:02 +0000 André Gunthert http://owni.fr/?p=82048 Mise à jour: Ce 4 octobre 2011, c’est au tour du favori des sondages François Hollande de se faire tirer le portrait dans Libé:


Et de quatre! La bouille d’Arnaud Montebourg est venue rejoindre le 30 septembre dernier la sinistre galerie des portraits des candidats à la primaire commandés par Libération au photographe Yann Rabanier.

Une série qui a déjà beaucoup fait parler d’elle, dès sa première occurrence, le 20 septembre, commentée notamment sur Culture Visuelle, Rue89 ou Arrêt sur images.

“Certaines photos font plus causer que d’autres” remarque, candide, le journaliste préposé à la réplique sur Liberation.fr, faisant mine de s’étonner qu’on y trouve à redire. Le service photo n’a-t-il pas “agréé” la proposition de Rabanier, qui vise à révéler “le masque que toute personnalité politique adopte”?

Ben voyons. Si les commanditaires sont contents, pourquoi chercher la petite bête? A quoi bon toute cette “agitation” sur Twitter? L’auguste Demorand, à son tour titillé sur Canal +, s’en tire par une pirouette, en évitant de répondre sur le fond.

Un renvoi à la tradition du film noir, d’horreur ou de vampires

L’“agitation” qui a accueilli ces images est pourtant significative, tout comme les nombreuses associations qu’a suscité le portrait de Martine Aubry, qui vont de Blue Velvet à Priest en passant par The Dark Night ou Chucky, mais qui n’évoquent curieusement jamais Mary Poppins ni l’Ile aux enfants.

Que Libération tente de glisser sous le tapis les réactions suscitées par cette série n’est pas surprenant. Il faut pourtant admettre que le coup de projecteur qui isole les contours du visage, faisant flotter dans les airs une tête au teint blafard, n’a rien d’un portrait conventionnel.

Contrairement à ce que croit le critique d’art improvisé Jonathan Bouchet-Petersen, les associations des internautes ne visent pas à repérer l’origine d’une “filiation” iconographique. Les références évoquées proposent plutôt une forme d’analyse sauvage, qui rappelle qu’en matière visuelle comme ailleurs, il existe une culture, des codes, des genres. Pour une grande partie du public, le visage violemment éclairé sur fond sombre renvoie à la tradition du film noir, d’horreur ou de vampires.

Il est peu probable, eu égard à son lectorat, que Libé ait eu l’intention de zombifier volontairement les candidats à la primaire socialiste. Les dénégations du journal suggèrent que le projet était plutôt, en faisant appel à un photographe qui tente de renouveler le genre du portrait, de créer une signature visuelle originale, un signe repérable permettant d’identifier la série.

La “zombification”, un principe frappant

Les contraintes du feuilleton ne laissaient en effet guère de choix. Compte tenu de la dispersion chronologique des interviews, la réutilisation de portraits existants aurait forcément dilué l’unité du projet éditorial. Comparable à celle récemment publiée en couverture du Nouvel Observateur (voir ci-dessus), la commande d’une série ad hoc s’imposait.

Si l’on ajoute que les invitations des candidats, qui se déplacent au journal, sont elles aussi effectuées de manière échelonnée dans le temps, et que le photographe doit réaliser ses prises de vues en fonction de ce calendrier, la solution d’un dispositif facilement reproductible n’était pas une option absurde.

La gestion de cette grille de contraintes était-elle compatible avec le choix du spectaculaire? Plus encore que le portrait politique, le portrait du candidat en campagne se conforme habituellement à la règle implicite d’en présenter une image favorable. Le précédent du portrait du candidat Obama publié par le magazine Time en septembre 2008, qui avait suscité lui aussi la controverse, montre que la marge est étroite. L’art du portrait est un art de l’éclairage et de la gestion de l’expression, où les plus petits détails peuvent faire déraper l’interprétation.

Écrasés par un dispositif sommaire et mal maîtrisé, les candidats socialistes ne sont pas présentés à leur avantage. En revanche, l’effet de signature visuelle de la série, très identifiable, fonctionne à plein. Cet épisode montre quel est le rapport de force entre médias et personnalités politiques en période de campagne, et atteste qu’une série d’entretiens constitue un produit éditorial attractif pour un journal comme Libé. Plutôt que les candidats, c’est bien ce produit que vantent les portraits de Une.

La série de Rabanier n’est rien d’autre qu’une publicité pour un feuilleton maison qui va booster les ventes. La réussite du buzz encouragera peut-être d’autres organes à reprendre ce principe frappant. On n’a pas fini de vampiriser la campagne.


Article initialement publié sur Culture Visuelle sous le titre “Libération vampirise les primaires”.

Illustrations: captures par Culture Visuelle. Photographies des candidats à la primaire socialiste par Yann Rabanier pour Libération

]]>
http://owni.fr/2011/10/04/liberation-vampirise-les-primaires/feed/ 9
La caméra du collectif “Supermarché” http://owni.fr/2011/09/17/vice-squatte-la-soucoupe-supermarche/ http://owni.fr/2011/09/17/vice-squatte-la-soucoupe-supermarche/#comments Sat, 17 Sep 2011 13:32:45 +0000 vice http://owni.fr/?p=79706 C’est beau, c’est nouveau et c’est idéal pour affronter les longs week-ends d’hiver qui s’annoncent: OWNI s’associe à Vice pour diffuser interviews et reportages originaux, le tout en vidéo. La rédaction sélectionnera tous les week-ends les meilleures vidéos des plateformes de Vice.

Aujourd’hui, on part à la rencontre du collectif de réalisateurs américains Supermarché. Des geeks new-yorkais bouillonnants, dont l’intérêt se porte tant sur le ballet de New-York que sur un bon vieux film d’horreur. Ils expliquent leur démarche: recherche de simplicité mini-caméra au poing, rapidité dans l’exécution et attention portée au montage.

N’oubliez pas de choisir les bons sous-titres!


Retrouvez toutes les vidéos du groupe Vice sur leurs différentes plateformes:

Vice.com/fr

The Creators Project

Noisey

]]>
http://owni.fr/2011/09/17/vice-squatte-la-soucoupe-supermarche/feed/ 10
Le jour où les avions se sont arrêtés http://owni.fr/2011/09/08/avions-arretes-11-septembre-2001-world-trade-center/ http://owni.fr/2011/09/08/avions-arretes-11-septembre-2001-world-trade-center/#comments Thu, 08 Sep 2011 17:02:08 +0000 Jean-Noël Lafargue http://owni.fr/?p=78563 Le 11 septembre, les vols d’avion sont bradés. Par superstition, sans doute, de nombreux voyageurs évitent cette date. Ils ne le font pas en souvenir du coup d’État du 11 septembre 1973 au Chili, mais à cause de l’attentat du World Trade Center à New York, le 11 septembre 2001.

Une date marquante, il est vrai, autant pour le fait historique lui-même, pour les images qu’il a produites que pour tout ce que cela a déclenché ou plutôt, autorisé : des guerres moyen-orientales, des lois réprimant les libertés publiques et le sentiment général, à tort ou à raison, d’un certain déclin des pratiques démocratiques dans les pays les plus développés.

Souviens-toi, souviens-toi du 11 septembre

Je me rappelle bien ce jour là. Ma fille aînée, qui avait alors onze ans, nous avait prévenus de ce qui était pour elle un évènement incroyable : toutes les chaînes diffusaient le même programme. À ce moment, personne ne savait ce qu’il se passait, on voyait de la fumée sortir d’une des tours qu’un avion venait de percuter. La thèse de l’accident a été abandonnée quand on a vu un second avion percuter l’autre bâtiment. On a vu les tours s’effondrer, en direct, l’une après l’autre. Je ne me souviens plus trop de l’enchaînement des évènements ensuite : on a parlé d’un avion s’écrasant sur la Maison Blanche (aussitôt oublié, il s’agissait vraisemblablement d’une erreur), d’un autre sur le Pentagone, d’un autre encore qui ne répondait plus et que l’on avait dû abattre, le climat était à la panique complète, les images étaient rediffusées en boucle, on revoyait de malheureux courtiers se jeter du haut des tours jumelles dans un geste désespéré dont le sens n’est toujours pas très clair.

J’aimerais bien revoir l’ensemble de ces images, disons les deux premiers jours, pour me rappeler dans quel ordre tout ça nous est parvenu, savoir à quel moment précis le coupable a été désigné, aussi. Je me rappelle enfin que pour quelques dizaines d’heures, tous les vols civils du monde ont été annulés, permettant aux météorologues et aux observateurs de la qualité de l’air de collecter des données complètement inédites sur l’impact écologique de l’aviation. On peut minimiser l’évènement, rappeler le nombre de fois où les États-Unis ont été la cause directe ou indirecte d’un grand nombre de morts, mais il n’empêche que dans les heures qui ont suivi l’effondrement des tours, le monde s’est arrêté, on ne parlait que de ça et on ne pensait qu’à ça. Quelque chose de nouveau s’était produit, un évènement sidérant, dont on a tout de suite été certains qu’il allait changer énormément de choses à la marche du monde — et ce fut le cas.

Les coupables désignés ont été les terroristes islamistes du groupe Al Qaeda, qui s’en étaient déjà pris au World Trade Center en 1993. Je ne me rappelle pas que l’attentat du 11 septembre ait été explicitement revendiqué par Al Qaeda, mais il n’a jamais été démenti non plus. Le président de l’époque, George Bush, élu récemment dans des conditions complexes (au terme d’un recomptage des votes), dont la seule particularité notable jusqu’ici était d’être le fils du prédécesseur de son prédécesseur, connaissait une baisse régulière de son taux de popularité. En allant sur les gravats de Ground Zéro un casque de pompier sur la tête et en promettant une guerre en Afghanistan, George Bush a vu sa cote de popularité passer en quelques jours de cinquante à quatre-vingt dix pour cent : l’effroi de tous les américains, fragilisés comme jamais dans leur histoire, avait eu cet effet inespéré.

La guerre oui, mais pas sur notre territoire

Il faut dire que depuis l’attaque de Pearl Harbour , le pays n’avait jamais été attaqué sur son sol. En fait, les États-Unis, qui sont pourtant en guerre permanente depuis qu’ils existent, ne sont pas du tout habitués à être pris pour cible de manière directe. Dans la foulée de cet enthousiasme bushiste, quatre-vingts pour cent des américains soutenaient encore leur président, le 26 octobre 2001, lorsque celui-ci a fait voter le Patriot Act, un arsenal juridique qui donnait des pouvoirs étendus aux services secrets et limitait nettement les libertés publiques : droit à la vie privée, droit d’expression, droits de la défense des accusés. Ne parlons pas de l’amalgame honteux qui associait à Al Qaeda l’Iran la Corée du Nord et surtout l’Irak, victime d’une guerre aux justifications vaseuses et mensongères.

Enfin, New York, siège des Nations Unies, symbole d’une Amérique cosmopolite liée à la vieille Europe, centre du XXe siècle, a momentanément semblé vaincue par ses propres valeurs d’ouverture au monde. Et ce n’est pas un petit symbole.

De manière opportuniste, le gouvernement fédéral venait d’obtenir de nombreuses choses qu’il aurait été difficile ou impossible à obtenir autrement, et ceci avec le consentement pleutre du parti Démocrate (qui a voté le Patriot Act et accepté la guerre en Irak) mais aussi de la plupart des alliés des États-Unis, à l’exception de la France dont la résistance reste le dernier “beau geste” historique à mon avis. Il faut dire que la menace était forte, le président de la première puissance militaire n’avait pas hésité à lâcher :

Vous êtes soit avec nous, soit contre nous

La théorie du complot dans l’air du temps

La théorie d’un “choc des civilisations” que Ben Laden ou George Bush ont tenté d’imposer à l’opinion internationale semblait pourtant motivée par une raison certes civilisationnelle mais pas spécialement religieuse, je veux parler du pétrole. La famille Bush et la famille Ben Laden étaient partenaires financiers dans le domaine, et Oussama Ben Laden, renégat de sa famille, avait quand à lui été soutenu par la CIA, qu’avait justement dirigé George Bush père, pendant la guerre entre l’URSS et l’Afghanistan. La proximité amicale, historique, financière et stratégique entre différents protagonistes et les conflits d’intérêts (il suffit de penser au fait que le vice-président Dick Cheney était l’ancien directeur de la société Halliburton, titulaire de milliards de dollars de contrats avec l’armée) ou les incohérences dans la traque d’Oussama Ben Laden (jusqu’à son incompréhensible assassinat) ont donné à certains l’idée folle que la chute des tours jumelles avait été décidée et exécutée par la CIA.

C’est la fameuse “théorie du complot”, qui a été décrédibilisée par ceux qui l’ont soutenue médiatiquement et ont tenté de la démontrer, expertises “indépendantes” farfelues à l’appui, mais qui n’a pourtant rien d’absurde : après tout, il est déjà arrivé que les États-Unis attaquent leur vassaux en se faisant passer pour leurs rivaux, comme dans le cas du spectaculaire attentat de la Gare de Bologne, en 1980, organisé par des “Brigades rouges” qui étaient en réalité des néo-nazis de la loge maçonnique . Propaganda due, fournis en explosifs par Gladio, c’est à dire la branche italienne de Stay Behind, un service secret de l’Otan chargé de diffuser en Europe la peur du socialisme.


Les complots existent. Les attentats destinés à accuser d’autres que ceux qui les ont perpétrés, y compris des attentats contre soi-même, ne sont pas rares dans l’histoire : qui veut noyer son chien l’accuse d’avoir la gale, n’est-ce pas. Mais pour moi, l’hypothèse du complot d’État reste peu vraisemblable, et ce pour des questions d’image.

Pour commencer, la raison d’État est une notion qu’une majorité de gens admet à des degrés divers, mais toujours à condition que celle-ci ait un lien direct avec ce qui est censé être protégé ou conquis. On peut prendre pour exemple la question des indiens d’Amérique. Malgré quelques films tardifs d’auto-flagellation (Little Big Man, etc.), les Américains vivent assez bien avec l’idée du génocide des indigènes. Certaines parties de leur histoire les mettent un peu plus mal à l’aise. Le film Heaven’s Gate (1980), de Michael Cimino, a par exemple provoqué à sa sortie un rejet général de la part de la critique et du public, car il affirmait que les grands propriétaires terriens qui ont fondé le pays l’ont fait en assassinant les immigrants pauvres qui étaient venus chercher la bonne fortune sur le nouveau continent, et dont la présence gênait : il y a ici une dissonance entre deux mythes, celui des immenses puissances financières telles que le pays sait en produire, et celui du pays où “tout est possible” et où chacun a les mêmes chances de réussir.

La construction d’un imaginaire national

Par ailleurs, si les États-Unis adorent s’inventer des ennemis et les monter en épingle, il est en revanche insoutenable pour eux de se voir en victimes d’une authentique défaite, et je doute qu’ils prennent sciemment le risque d’en subir.

Virtuellement, au cinéma ou dans les comics, les États-Unis ont été menacés par des saboteurs nazis, par des sous-mariniers japonais, par des arabes délirants (les Lybiens dans Retour vers le futur, par exemple), ou par d’autres aliens, venus de l’espace ou de pays exotiques. Mais ces défaites, toujours dues à la fourberie de l’ennemi, ne sont jamais que provisoires.

Le cas-limite est le film Pearl Harbour, par Michael Bay (2001), qui transforme une défaite historique traumatisante en quasi-victoire, puisque l’on y voit deux valeureux pilotes détruire à eux seuls la plupart des avions japonais puis, quelques mois plus tard, aller bombarder Tokyo : le film s’achève donc sur un succès, le martyr est exclu.

La politique extérieure américaine n’est justifiée, dans l’opinion publique du pays, que par le sentiment d’être du “bon côté”, d’être mondialement enviés (et donc d’avoir toutes les raisons de se défendre, y compris préventivement) et enfin, par un sentiment d’invincibilité, du moins d’invincibilité sur leur propre sol, car ailleurs il en va autrement : les guerres de Corée, du Viêt Nam, d’Irak ou d’Afghanistan sont loin de pouvoir être qualifiées de victoires. Si la défaite extérieure est gérée par diverses fictions et par des rites (le rapatriement des soldats tombés pour le drapeau, les cérémonies dans les cimetières militaires,…), la défaite intérieure n’a pas vraiment d’image, n’est pas imaginable. Quant à l’agression, elle est toujours de l’autre côté : en se fiant exclusivement aux films de fiction, on peut imaginer que les États-Unis sont constamment attaqués par d’autres pays et ne font que répliquer légitimement à ces assauts, tandis qu’en regardant l’Histoire, on constate l’exact opposé : des siècles de guerres”préventives”, “anticipatives”, c’est à dire des guerres déclenchées par les États-Unis.

Pour accepter sa situation très singulière — celle d’un empire martial bâti sur une terre spoliée qui assure le confort d’une partie de ses citoyens au détriment du reste du monde, si l’on doit résumer —, les États-Unis ont construit assez spontanément une mythologie séduisante en laquelle ils sont les premiers à croire, qui s’exprime avant tout dans les fictions populaires et qui propose au public mondial une vision symbolique cohérente de la marche du monde. La légitimité de la domination ; la supériorité de la décision sur l’analyse ; de l’action sur la réflexion ; du “bon sens” (c’est à dire des préjugés) sur l’intelligence ; l’héroïsme des conquêtes ; l’envie ou la jalousie qu’est censé susciter le modèle américain ; etc.

Cow-boys libres et aux pieds sur terre ; président fondamentalement honnête et courageux, protection divine (parfois si bête que les traducteurs français l’éludent des adaptations de séries ou de films), étrangers hostiles mais — et c’est une assez bonne raison — dont les pays sont traités comme une aire de jeu, … Notre imagination, l’imagination planétaire, est en partie limitée, bornée par l’efficacité des scénaristes hollywoodiens.

D’autres modes de pensée existent pourtant

En même temps, les États-uniens sont aussi les premiers producteurs du contre-poison aux œuvres qui relèvent de l’idéologie américaine. Il existe chez eux une grande tradition de résistance au patriotisme forcé, à la bigoterie, à l’impérialisme de leur pays, à la société de consommation, à l’organisation patriarcale et aux académismes esthétiques. On la trouve, à des degrés divers (du rejet total de la civilisation américaine contemporaine à des revendications plus ponctuelles), dans les contre-cultures qu’on a appelées beat, freak, hippie, etc. : William Burroughs, Jack Kerouac, Allen Ginsberg, Gregory Corso, Robert Crumb, John Waters, Philip K. Dick, Bob Dylan et Joan Baez, Hakim Bey, Michael Moore. On la trouve aussi (et souvent en lien étroit avec les précédents cités), à l’université, avec des personnalités telles que Noam Chomsky, Donna Haraway, Angela Davis, Howard Zinn. On peut bien sûr remonter plus loin dans l’histoire avec des gens tels que Henry David Thoreau. Il existe aussi une forte contre-culture « de droite », parfois opposée à l’État fédéral : survivalistes et autres libertariens.

Mais tous ces mouvements plus ou moins underground souffrent d’une part de leur statut, qui fait d’eux, et parfois malgré eux, des cautions démocratiques, mais ils souffrent aussi de leur récupération médiatique : caricaturés, achetés, transformés en marques, en clichés, victimes d’hagiographies qui renvoient leur pensée et leur engagement à l’histoire ou la résument à des anecdotes,… Qu’on les ignore, qu’on fasse d’eux les épouvantails de leur propre engagement ou qu’on les affaiblisse en les célébrant ou même en continuant leur travail, ils sont toujours gérés et, finalement, à peu près inoffensifs.

Plus efficaces sont parfois les artistes qui jouent le jeu de l’entertainment et avancent en quelque sorte masqués, touchant un large public et parvenant à donner une publicité extraordinaire à des idées subversives. Bien sûr, leur attitude peut aussi être questionnée et elle est à double-tranchant : on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre, certes, mais dans un message transmis sous forme de divertissement, c’est le divertissement qu’on retient le plus, et qui reçoit le consentement, pas l’éventuel message politique.

De plus, ces œuvres se perdent souvent dans la masse des films ou des séries de propagande patriotique qui, souvent, épousent le même forme et ont les mêmes qualités, et qui feignent même parfois la subversion (un président noir dans 24 heures chrono, par ex). Pourtant, j’admire beaucoup les figures de cette étonnante “contre-culture mainstream”, si on me permet cet oxymore, dans laquelle je range, à des niveaux de subversion, là encore, très divers, Matt Groening (Les Simpson, Futurama), Joss Whedon (Buffy, Angel, Firefly), Tim Burton (pour Beetlejuice, Edward Scissorhands et Mars Attack), Paul Verhoeven (pour Robocop et Starship Troopers) et même, je suis près à le défendre, James Cameron (Terminator, Aliens, Dark Angel, Avatar).

De nouvelles pistes sur l’après-11 septembre

Je voulais parler du 11 septembre 2001 et je me lance dans un discours anti-impérialiste anti-américaniste primaire qui conclut en affirmant que James Cameron est un cinéaste subversif. Parmi le déluge d’articles consacrés à cet anniversaire, je doute que quelqu’un arrive à faire plus fort que moi.

Alors le 11 septembre 2001, oui, c’est bien un évènement, parce qu’il y a beaucoup de choses derrière. Beaucoup de choses y ont mené, et beaucoup de choses en ont découlé : on n’a pas fini d’en entendre parler. Un travail que j’aimerais vraiment réaliser sur le sujet, ce serait de reprendre chaque série télévisée de l’époque, et voir comment l’attentat a modifié leur ligne politique, quel genre de situations ont été scénarisées (je pense, par exemple, aux épisodes de séries justifiant la torture par exemple), quels nouveaux personnages sont apparus, et bien sûr, quelles séries ont disparu et quelles séries sont nées à ce moment-là.

Quelques articles liés au sujet : Opérations extérieures, Mission: Impossible, L’herbe du voisin bleu du futur est toujours plus pourpre.

__

Billet initialement publié sous le titre “Le jour où les avions se sont arrêtés” sur Le dernier des blogs

Illustrations: Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Joshua Schwimmer /PaternitéPas d'utilisation commerciale Brendan Loy/PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification US Army Korea – IMCOM /PaternitéPas de modification How I See Life/PaternitéPas d'utilisation commerciale morizaPaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Sister72

]]>
http://owni.fr/2011/09/08/avions-arretes-11-septembre-2001-world-trade-center/feed/ 9
[Infographie] Tu te fais des films! http://owni.fr/2011/08/12/film-canal-plus-action-porno-sexe-animation-horreur/ http://owni.fr/2011/08/12/film-canal-plus-action-porno-sexe-animation-horreur/#comments Fri, 12 Aug 2011 18:26:33 +0000 la redaction http://owni.fr/?p=76087 Au mois d’avril dernier, Canal Plus, sous sa casquette de studio cinéma,  livrait ses meilleures recettes pour réaliser des films… et ce quelque soit leur orientation. Animation, action, horreur et même porno, le groupe, pas farouche pour un sou, vous montre le chemin à suivre pour que vos meilleures productions atterrissent dans les salles obscures ! Mais attention, la route est semée d’embuches…

Des infographies drôles et pas idiotes réalisées par Les Graphiquants,  qu’OWNI a enrichi pour vous avec des bandes annonces, des making-of… et quelques bêtises. Une pépite retrouvée par Korben.


]]>
http://owni.fr/2011/08/12/film-canal-plus-action-porno-sexe-animation-horreur/feed/ 17
Aliens au cinéma: le vrai d’UFO http://owni.fr/2011/08/04/super8-aliens-ovnis-culture-populaire-soucoupe-ufo/ http://owni.fr/2011/08/04/super8-aliens-ovnis-culture-populaire-soucoupe-ufo/#comments Thu, 04 Aug 2011 15:17:48 +0000 pierre lagrange http://owni.fr/?p=75392 Aujourd’hui (3 août 2011), sort sur les écrans, Super 8, du réalisateur américain J.J. Abrams (Lost, Star Trek etc). Le sujet rapidement : dans une petite ville américaine, en 1979, des adolescents passionnés de cinéma s’improvisent réalisateurs et acteurs pour tourner leur film d’horreur (qu’ils veulent présenter à un festival). Alors qu’ils tournent une scène de nuit en utilisant la gare voisine comme décor, ils assistent au déraillement, particulièrement spectaculaire, d’un train de marchandises. Mais s’agit-il d’un accident ?

Rapidement, le spectateur comprend que quelque chose se trouvait dans ce train. Quelque chose dont personne ne doit apprendre l’existence et qui attire dans le village une armada de militaires, pendant que des événements étranges et inquiétants se succèdent: phénomènes étranges, disparitions inexpliquées de personnes.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Révisez vos classiques!

Il serait dommage de dévoiler l’intrigue de ce film, très réussi à mon sens, pour ceux qui iront le voir. Disons qu’il est une remarquable évocation de la « mythologie soucoupique » et de l’univers du cinéma populaire américain de la fin des années 1970.

Évidemment, si vous ne maîtrisez pas bien vos classiques, vous risquez de manquer une partie de ce qui fait le charme de cette œuvre. Super 8 fait toute une série de clins d’œils aux films qui ont rendu son producteur, Steven Spielberg, célèbre, et notamment à Rencontres du 3e type (Close Encounters of the Third Kind, 1977) et ET (1982). Le groupe d’enfants engagés dans une partie de cache-cache avec les militaires est un écho à certaines scènes culte de ce dernier. L’opération de désinformation évoquant la dispersion accidentelle de matières dangereuses prétendument transportées par le train qui permet d’évacuer la population est un clin d’œil à Rencontres du 3e type.

Surtout, le film s’appuie sur un contexte précis. Évidemment, il est possible de l’apprécier sans maîtriser ce contexte, mais plus vous le connaissez, plus vous en profiterez. Super 8 emprunte à la « mythologie » de Roswell, de la Zone 51 et des conspirations pour cacher la vérité sur les ovnis. On constate qu’aujourd’hui, ce contexte est tellement bien partagé par la majorité d’entre nous qu’il peut servir de toile de fond à un film sans nécessiter au préalable d’explication particulière. Le même film n’aurait pas pu être tourné il y a vingt ans. On constate d’ailleurs qu’entre les films de l’âge d’or, comme La Chose d’un autre monde (The Thing, 1951), Le jour où la Terre s’arrêta (The Day the Earth Stood Still, 1951), Planète interdite (Forbidden Planet, 1956) et les films d’ovnis sortis ces dernières années, il y a souvent un fossé. On a souvent dit que les soucoupes des films des années 1950 et 1960 étaient inspirées par le contexte de la guerre froide.

Aujourd’hui, les films de soucoupes volantes s’inspirent des théories lancées par les ufologues (de UFO, Unidentified Flying Object, ovni en américain) sur des complots autour de soucoupes écrasées et récupérées en grand secret par l’armée américaine.

Quand Spielberg popularisait les soucoupes

Quand sommes-nous passés d’un registre à l’autre ? Un film incarne ce passage : Rencontres du 3e type, sorti en 1977. Le premier film qui ne s’inspire plus des films de soucoupes des années 1950 mais qui puise ses sources dans la « sub-culture » ufologique, la culture alors très marginale des amateurs d’ovnis. Steven Spielberg a écrit son scénario avec sur sa table de travail quelques ouvrages classiques, et notamment — ce que personne n’avait relevé jusqu’ici faute de connaître la culture ufologique aussi bien que la culture cinématographique, deux univers populaires qui s’ignorent — le livre de l’astronome américain et ex-conseiller de l’air force J. Allen Hynek, The UFO Experience : A Scientific Inquiry (1972, Hynek deviendra d’ailleurs le consultant du film et fera une apparition à la fin, parmi les savants réunis sur la “face cachée de la lune”). Les histoires mises en scène dans Rencontres sont inspirées des grands faits divers du milieu des années 1960 impliquant des ovnis. Notamment la poursuite d’objets lumineux par des voitures de police, qui transpose à l’écran une histoire tout à fait réelle [en], celle du policier américain Dale Spaur. Après son observation, sa vie bascule comme bascule la vie de Roy Neary dans le film. Il perd son travail, sa femme le quitte. Avec Rencontres du 3e type, Steven Spielberg est le premier à extraire l’ufologie de sa marginalité culturelle. Et avec quelle maestria!

Mais, malgré son impact formidable à l’époque, Rencontres du 3e type ne va pas demeurer dans la mémoire collective. Pas autant que des films comme Star Wars par exemple, qui s’inspirent d’une conception beaucoup plus « classique » de la science-fiction : le “space-opéra”, né dans les pulps des années 1920. Il faut dire que Rencontres n’a pas eu de suite (l’Édition spéciale sortie en 1980 ne peut réellement être considérée comme une suite, tout au plus une tentative des studios pour capitaliser sur le succès du film en proposant quelques images inédites qui, à l’exception de la scène de la découverte du Cargo dans le désert de Mongolie, altèrent la qualité de l’œuvre).

Pourtant, aujourd’hui, les thèmes mis en scène dans Rencontres du 3e type en 1977 — manipulation orchestrée par l’armée, problèmes rencontrés par les témoins, caractéristiques des phénomènes, pannes de courant, calages de véhicules, etc — nous sont désormais familiers. De quand date cette familiarité, notamment avec la théorie de la “conspiration pour étouffer la vérité sur l’affaire de Roswell” ? Peut-on seulement la dater ? C’est possible et même de façon très précise : c’est au cours de l’été 1995 que l’affaire de Roswell et l’histoire des secrets américains sont devenus des éléments de notre culture générale.

La théorie du complot

Rappelez-vous : à l’été 1994, la première saison de la série télévisée X-Files, avec les inoubliables Fox Muler et Dana Scully, est diffusée sur M6. Mais à l’époque, la série ne passionne pas le public français. Et le nom de Roswell évoqué par les deux enquêteurs du FBI ne leur rappelle rien. Ce nom est tellement peu connu que même les traducteurs de la série s’y perdent. Dans un épisode, ils commettent une erreur en traduisant des lignes de dialogue de Fox Mulder. Les traducteurs croient que l’enquêteur du FBI parle d’une personne qui s’appelle Roswell, et non d’une ville du Nouveau-Mexique où une soucoupe se serait écrasée en 1947. Conséquence : une erreur de traduction qui passe inaperçue, des téléspectateurs sauf des quelques spécialistes qui regardent — et apprécient déjà !— la série. Pourtant, la première saison passe relativement inaperçue.

Aux États-Unis, la série connaît déjà un grand succès. En effet, la culture ufologique y est plus largement diffusée. Depuis le début des années 1950, grâce à un auteur nommé Frank Scully (rien à voir avec Dana Scully), de nombreuses rumeurs de crashs de soucoupes volantes ont circulé. Outre le film Rencontres du 3e type, l’auteur à succès Charles Berlitz, connu pour ses best-sellers sur le Triangle des Bermudes, publie en 1980 un livre, The Roswell Incident, le premier qui dévoile l’histoire d’un crash de soucoupe dans les environs de Roswell. Le livre est un best-seller. Également et surtout, en 1994, au moment où X-Files commence à être diffusé, le Congrès américain s’intéresse à cette histoire sous la pression des contribuables de l’État du Nouveau-Mexique et de son Sénateur, Steven Schiff. L’US Air Force est sommée de s’expliquer sur ce qu’elle aurait pu cacher. Elle rend public un volumineux rapport rempli de copies d’archives autrefois secrètes. Oui, quelque chose est bien tombé à Roswell. Oui, la chose était secrète et l’armée a caché la vérité. Non il ne s’agissait pas d’une soucoupe, mais de ballons équipés d’appareils destinés à espionner les Soviétiques et leurs progrès dans le domaine atomique. Une partie de l’opinion pense que l’armée continue à cacher quelque chose.

En France, où tout cela est peu connu (la simple idée que notre Assemblé Nationale puisse exiger de l’armée de l’air la vérité sur les ovnis nous paraît un scénario de série B), X-Files ne connaîtra le succès qu’au moment de la diffusion de la deuxième saison en 1995. Mais quel succès! Un véritable phénomène de société! Pourquoi ? Que s’est-il passé dans l’intervalle qui a familiarisé le public français avec les thèmes de la série ?

Ce qui a permis de populariser la série X-Files, c’est la diffusion, par un producteur anglais, auprès des grandes chaînes de télévision, d’une mystérieuse vidéo montrant l’autopsie d’un prétendu ET tombé à Roswell. Diffusé en France par TF1, cette vidéo d’autopsie provoque une controverse nationale en France au cours de l’été. Les Guignols s’emparent même de l’histoire et mettent le pauvre ET autopsié à toutes les sauces.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les articles et débats télé et radio se multiplient au cours de l’été. Tant et si bien, qu’à la rentrée 1995, plus personne n’ignore plus le nom de Roswell. Tout le monde sait désormais qu’en 1947 une soucoupe s’est écrasée avec ses pilotes, que l’engin et ses « Martiens » ont été récupérés par l’armée américaine qui a caché le tout dans une base secrète. Le nom de la Zone 51 (Area 51), une base militaire secrète localisée dans le Nevada, où seraient cachés soucoupes et pilotes se diffuse peu à peu (remplaçant l’ancien Hangar 18 de la base de Wright-Patterson, célèbre dans les années 1970, mais aujourd’hui bien oublié).

Pendant plusieurs années, grâce à son succès phénoménal, la série X-Files va populariser la thématique des crashs de soucoupes volantes et des secrets militaires sur les ovnis.

Ovnis au quotidien

Aujourd’hui, ces thèmes font partie de notre culture commune. Dans les années 1970, à l’époque où la télévision était étroitement contrôlée par l’État, il y avait très clairement une culture officielle (« les soucoupes n’existent pas et sont une croyance populaire », pour en parler à la télé, on invitait un psychiatre et un astronome sceptique) et une sous-culture marginale (celle des passionnés d’ovnis, regroupés en associations loi 1901, éditeurs de petits bulletins ronéotés introuvables). Aujourd’hui, avec la multiplication des chaînes privées et des sources d’information sur Internet, nous assistons à la coexistence de plusieurs cultures : nous sommes tous un peu amateurs de complots et la façon dont l’actualité est présentée par les grands médias emprunte beaucoup aux codes de ce qui était autrefois une culture marginale. Regardez les actualités, elles regorgent de révélations sur des conspirations. Impossible d’évoquer l’actualité politique ou la finance internationale sans évoquer les complots que les banques et les grands trusts industriels, pétroliers ou de l’agro-alimentaires, mettent en place pour étendre leur pouvoir.

Dans un tel contexte, et après les bouleversements opérés sur nos cadres de pensée après les attentats du 11 septembre, où la réalité et la fiction se sont brutalement télescopées, la « croyance aux ovnis » est de moins en moins vécue comme une culture marginale. Entre les années 1970 et aujourd’hui, nous sommes passés d’une hiérarchie stricte entre les « savoirs » et les « croyances » à une cohabitation des cultures.

Super 8 n’est pas comparable à Rencontres du 3e type ni à ET, mais c’est un vrai bon film populaire. Les amateurs du genre ne seront pas déçus. Ceux qui avaient alors l’âge des héros du film se souviendront des histoires de soucoupes ou de zombies qu’ils écrivaient à la fin des années 1970 sur leurs cahiers d’écoliers, et finissaient parfois par tourner à l’aide de la caméra super 8 empruntée à leurs parents.

Billet initialement publié sous le titre “Super 8” sur le site Culture Visuelle

Illustrations: Flickr CC PaternitéPas de modification Markusram / capture d’écran de la Une du Parisien du 4 août 2011

]]>
http://owni.fr/2011/08/04/super8-aliens-ovnis-culture-populaire-soucoupe-ufo/feed/ 11