OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Tron ou l’auto éloge funèbre de Daft Punk http://owni.fr/2010/12/22/tron-ou-lauto-eloge-funebre-de-daft-punk/ http://owni.fr/2010/12/22/tron-ou-lauto-eloge-funebre-de-daft-punk/#comments Wed, 22 Dec 2010 10:27:26 +0000 cyril2real http://owni.fr/?p=28988 Ces choses que l’on pense si fort mais que l’on n’oserait dire soit même… Ciryl2real fait preuve d’intégrité avec une synthèse, pertinente et argumentée de la dernière oeuvre du légendaire Daft Punk.

C’est avec une immense tristesse que Brain vous fait part ce mardi du décès du groupe Daft Punk, qui n’aura finalement pas survécu à l’enregistrement de la monumentale B.O. de Tron. Hommage à ces visionnaires qui surent innover jusqu’au dernier souffle. Allant même jusqu’à inventer, avec cet ultime disque, un nouveau genre musical : l’auto-éloge funèbre.

En ce triste jour où la France, pays des sosies, vient de perdre celui de Kraftwerk, qu’il nous soit permis de rappeler ici l’ampleur de l’œuvre de Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo. Chacun est familier bien sûr de leur première période géniale, qui avec Homework et Discovery, contribua à façonner le son de l’électro mondiale pour 1000 ans. Discovery, dont Kanye West disait déjà en 2008 : « J’achète ». Mais même si la douleur transperce aujourd’hui nos cœurs, il serait injuste de ne retenir de Daft Punk que sa période trop évidemment créative. Car en effet, depuis 10 ans, le groupe s’était engagé dans une période d’innovation, certes plus discrète aux yeux de certains esprits chagrins obsédés par l’idée floue de « qualité indépendante de la notoriété ou de l’opportunité d’avoir la couverture pour le mois de février », mais en réalité tout aussi audacieuse.

Citons rapidement l’invention de l’auto-fake avec Human After All, dont on sait aujourd’hui qu’il s’agissait d’un album apocryphe mais néanmoins reconnu volontairement par le groupe ; invention de l’auto-bootleg avec Alive 2007 et son megamix sur CD-R de deux heures + megashow son et lumière, qui ferait passer Jean-Michel Jarre pour lui-même. Citons enfin, dans Harder, Better, Faster, Stronger ou Robot Rock par exemple, l’invention de l’auto-sample, technique consistant à retrouver dans la musique du passé ce qui pourrait être de soi. Pas de contresens cependant : tout ce qui pourrait être trop rapidement interprété comme une repli cynique sur soi devait en fait être compris comme une période de réflexivité, de frugalité et d’introspection anthume typique des Sages qui affrontent l’arrivée de la mort avec dignité. C’est cette période qui culmine aujourd’hui avec ce qui restera hélas la dernière œuvre du duo : la bande originale du film pour enfants Tron.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Cette œuvre testament est par bien des aspects déroutante et ne supporte assurément pas une écoute superficielle. Certes Daft Punk s’est contenté d’habiller de deux-trois nappes et effets éculés un score hollywoodien imposé tant par la production que par l’incapacité technique du duo à concevoir ce type d’orchestration. Certes l’ensemble est d’une parfaite banalité harmonique et sacrifie à la grille standard de La Ritournelle, dominante aujourd’hui dans l’Ecole Française du Bach pour les Nuls, de Air à Rob en passant par eux-mêmes. Certes composer des motifs répétitifs de cordes présente seulement l’avantage de permettre l’emploi de la phrase « à la Philip Glass » (disponible également : « à la Steve Reich »).

Certes utiliser des filtres lo-fi est efficace, mais seulement pour déclencher les métaphores des journalistes musicaux qui ne savent pas ce que c’est, ni que le monde entier les utilise, et mieux. Certes slicer/glitcher un beat sur Pro Tools ou Ableton Live a cessé d’être innovant depuis 10 ans, et le faire avec Effectrix depuis deux ans. Certes les arpégiateurs utilisés n’ont aucun intérêt depuis 1979 minimum. Certes l’ensemble semble relever de l’esprit de sérieux morbide et révérencieux typique des cuistres au contact de la Grande Musique, qui avec leur tropisme du piano programmé en MIDI (SebastiAn) ou des cordes-parce-que-ça-fait-musique-de-film (SebastiAn, Daft Punk), semblent à chaque instant s’écrier « les mystères de cette musique nous échappent, feignons d’en être les organisateurs » – variante : « je veux 90 musiciens et je veux enregistrer dans une chapelle ». Certes, sur le plan esthétique, l’attelage Tron-Daft Punk est aussi passionnant que si on demandait à Oasis de composer le score du biopic de Lennon.

Mais l’essentiel est ailleurs. Et à saisir dans la parole notoirement rare de Daft Punk, qui a refusé comme d’habitude quasiment toutes les interviews – tout en finançant quand même ça et là quelques publi-reportages, comme récemment dans Les Inrockuptibles, qui récitent avec enthousiasme le slogan/stickers de Disney : « Daft Punk réinvente la musique de film ».  Ecoutons donc plutôt les auteurs eux-mêmes dans l’interview précieuse qu’ils donnèrent au magazine Dazed & Confuzed : « [ce disque] était une manière de dire : ok, s’il n’y avait pas la technologie, voilà ce que nous aurions pu faire. C’est ce que Daft Punk aurait fait en 1750 ». Comment comprendre une telle affirmation ? S’agit-il de dire que les synthés existaient en 1750 ? On ne saurait leur attribuer un tel anachronisme. S’agit-il d’affirmer que Daft Punk aurait pu réussir le tour de force d’inventer la musique contemporaine néo-classique avant la musique classique ? On ne saurait imaginer telle fatuité, quand même.

Il n’y a qu’une chose, semble-t-il, à comprendre : ce qui fascinait Daft Punk dans ce travail, c’est tout ce qui n’était pas eux, tout ce qu’ils ne savaient et ne pouvaient pas faire : de la Grande Musique.

Ok, quelques synthés et effets pour décorer, mais surtout le grand orchestre pour être sûr, à la Fin des Fin, d’avoir été quelqu’un et de laisser un héritage, comme le suggère le titre du film. Deux ex-home studistes arrogants et géniaux qui rentrent dans le rang au seuil de la mort. Aidés par 90 musiciens, des arrangeurs et compositeurs, et une chapelle, Daft Punk a en fait tenté d’écrire son propre « tombeau » : c’est ainsi dans la tradition de la musique occidentale que l’on nomme une musique lente, répétitive, monumentale, composée en l’honneur d’un personnage illustre. En général on le compose pour vous, mais comme Daft Punk ne faisait rien comme tout le monde (sauf ce que tout le monde fait), c’est eux-mêmes qui s’en seront finalement chargé.

Article intialement publié sur: brain magazine sous le nom de “Tron: tombeau de Daft Punk”

Crédits photos CC flickr: davecobb; the Tm’s; ssoosay

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Toi aussi rate ta carrière d’artiste http://owni.fr/2010/10/22/toi-aussi-rate-ta-carriere-dartiste/ http://owni.fr/2010/10/22/toi-aussi-rate-ta-carriere-dartiste/#comments Fri, 22 Oct 2010 16:44:28 +0000 Scott James http://owni.fr/?p=27280 Scott James, musicien et webdesigner, est le fondateur du site Independent Rockstar.

Après avoir écrit de nombreuses choses pour aider les artistes « do-it-yourself » à réussir dans leur entreprise, et après avoir analysé les discours des plus fins experts du marketing musical, Scott James pense maintenant aux musiciens qui voudraient savoir comment se tirer une balle dans le pied aussi efficacement et douloureusement que possible…

Voici ses conseils pour aider les artistes indé à se vautrer en beauté, traduits par Gabriel Halle de TE/\MS.

Faîtes vous voler vos idées

Vous avez un album en préparation ? Super ! Débrouillez vous pour lâcher partout sur le net chaque version de chaque démo et tous les mix que vous êtes en train d’enregistrer. Faites en sorte que votre public ne soit pas vraiment sûr si vous avez déjà déjà sorti votre CD ou pas. Ne fixez pas de date de sortie bien à l’avance et ne construisez pas de plan promo pour anticiper l’événement. Essayez de faire des communiqués les plus transparents et les plus confus possible.

Ne vendez rien vous même !

De toute façon, vous allez certainement vous faire signer par un gros label dans les trois prochains mois, alors pourquoi se fatiguer ?! Mieux vaut attendre que des personnes professionnelles viennent à vous pour arranger les choses. Assumer la responsabilité de votre propre carrière, c’est un travail trop difficile et ça peut conduire au succès, alors faites de votre mieux pour l’éviter. Et essayez de rester vrai: si vous avez de l’argent, vous serez moins dans le besoin et vous aurez plus de poids, cela pourrait vous entraîner vers le succès, restez à l’écart !

Cachez vos meilleurs morceaux

Essayez de faire en sorte que les gens aient du mal à trouver vos meilleures chansons. Par exemple, vous pouvez les dissimulez dans vos lecteurs audio en les mettant tout en bas de la playlist. Et puis, assurez-vous de ne plus jouer vos meilleurs titres en live mais concentrez vous plutôt sur vos toutes dernières compo. Rappelez-vous: « nouveau » est mieux que « bien ». Après tout, vous n’en pouvez plus de vos singles, il vous rendent malade. Pourquoi vous soucier des gens qui n’ont pas encore entendu votre musique ? Ca ne servirait qu’à attirer de nouveaux admirateurs.

Ne vous souciez pas de vos fans

Le but, c’est d’atteindre le top niveau le plus vite possible. Essayez par exemple de voir si vous pouvez rameuter tout votre public pour un concert live dans la plus grande salle de votre ville avant que vous ne soyez prêt pour jouer là-bas. Vous pourrez ainsi vous assurer que vos fans vont payer très cher pour vous voir dans un lieu qui s’en fout complètement de vous et qui va s’arranger pour que votre show ne dure pas trop longtemps.

En règle générale, il est toujours mieux de vous assurer que la relation avec vos fans va plutôt en votre faveur, plutôt que cela soit un échange mutuel. Les gens vont volontiers revenir vous voir si vous vous concentrez sur leur expérience et que vous leur donnez pleins de bonnes choses, il est donc préférable de pas trop vous concentrer là dessus, de vous reposer sur vos acquis et d’éviter de penser à ce que vos fans attendent de vous.

Impressionnez les gens avec un énorme volume de contenu

Si c’est vraiment classe d’avoir une vidéo YouTube sur votre page d’accueil, c’est encore mieux d’en avoir 37. Essayez de bien mélanger les captations professionnelles et amateurs. Si vous l’avez fait, pourquoi ne pas le montrer ? Les gros labels vont sûrement être impressionnés quand ils vont voir combien de choses que vous avez fait toutes ces années. Si vos visiteurs n’arrivent pas à digérer toute cette quantité de contenus non organisés sur votre page, c’est que vous êtes sur la bonne voie.

Ne dites votre nom à personne

C’est mieux si vous gardez un certains sens du mystère autour de vous. Quoi que vous fassiez, n’en dites pas trop sur qui vous êtes. Laissez le mystère travailler pour vous. Dans vos différentes communications, faites en sorte qu’on ne puisse pas voir votre nom et si vous êtes obligés de le mentionner, arrangez vous pour qu’on ait des difficultés à l’entendre. C’est encore mieux si votre nom ressemble à quelque chose comme ça: Anne Kalshzyagrakaviczich. Dans ce cas seulement, vous pouvez clairement prononcer votre nom, juste une fois pour voir s’ils arrivent à s’en souvenir. Mission impossible !

Ah oui aussi, débrouillez vous que pour votre adresse web soit orthographié étrangement avec plein de chiffres et de caractères spéciaux partout pour qu’on ne puisse pas la retenir. Et vous serez au top si vous faites en sorte que les URL de votre chaîne YouTube, votre page Facebook et profil Twitter soient complètement différentes les unes des autres. Si quelqu’un veut vous suivre, vous n’allez quand même pas lui faciliter la tâche !

Ne donnez rien gratuitement

Quoi que vous fassiez, assurez-vous que personne ne puisse accéder à votre musique sans la payer. Si trop de gens peuvent chopper gratuitement votre musique alors vous pourriez générer plus de demandes et accrocher plus d’auditeurs. Et surtout, si jamais vous deviez quand même offrir une chanson, assurez-vous de ne pas obtenir une adresse e-mail en retour. Cela risquerait de vous habituer à faire des choses qui vous conduisent à gagner plus d’argent et encourager les gens à venir vous voir sur scène.

Ne facilitez pas les relations à long terme

Votre relation avec vos fans ça doit être comme le coup d’un soir. Si vous observez trop les moyens de rester en contact avec eux (comme la collecte de leur email ou trouver des moyens créatifs de collaborer avec eux sur Facebook), vous pourriez vous réveiller un matin et vous apercevoir que vous êtes sur une trajectoire durable de succès. Donc, il faut vous assurer que les gens ne peuvent pas facilement rester dans la boucle ou savoir où et quand vous allez jouer à côté de chez eux. S’ils peuvent vous trouver en ligne, par exemple sur votre site web, assurez-vous que tout est présenté de manière bordélique et qu’il n’y a aucun moyen pour eux de rester connecté avec votre actualité.

Faites de votre mieux pour être vague et confus lorsque vous décrivez votre musique

Si quelqu’un vous demande à quoi ressemble votre musique, faites en sorte qu’il ne comprenne pas ou qu’il se souvienne de rien. Ne réduisez pas votre musique à une description concise et intéressante. Il est préférable d’essayer de leur donner un résumé de longue haleine et de décrire tout ce que vous ne jouerez jamais. Quoi que vous fassiez, ne vous comparez pas à un autre groupe car cela donnerait un cadre de référence aux gens curieux. C’est beaucoup mieux de dire que vous ne ressemblez à rien de connu et que vous avez inventé un nouveau genre de musique. Cela devrait être suffisant pour semer la confusion et les frustrer au point qu’ils ne cherchent pas à en savoir plus sur vous.

Parlez que de vous. Tout le temps

En effet, c’est une bonne idée que vous n’ayez pas à parler de quelqu’un d’autre que vous et de votre carrière. Si vous arrêtez de faire votre auto-promotion même pour une minute, et que vous commencez à parler des autres ou de sujets intéressants, alors les gens pourraient vraiment penser que vous êtes bien une personne réelle et ils risqueraient de vouloir en savoir plus. C’est donc mieux d’éviter ce scénario par le dynamitage de vos amis musiciens et de bien casser les fans qui font votre promotion. Cela devrait donner des nausées aux personnes qui avaient décidé de vous donner une chance.

Bien entendu, si vous avez d’autres idées pour aider les artistes indé à enterrer leur carrière , n’hésitez pas à les partager ici.

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Cet article a été initialement publié sur le site IndependentRockstar.com, le 10 octobre 2010

Crédit photo cc flickr : Chris Devers, Beverly & Pack

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