OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La vie secrète de nos pseudos http://owni.fr/2010/05/27/la-vie-secrete-de-nos-pseudos/ http://owni.fr/2010/05/27/la-vie-secrete-de-nos-pseudos/#comments Thu, 27 May 2010 15:34:35 +0000 See Mee http://owni.fr/?p=16744 Crédit CC Flickr andrefromont/fernandomo rt

Peut-être suis-je naïve, mais pour différentes raisons, je ne crois pas que la loi proposée par le sénateur Masson (voir à ce propos le pearltree alimenté par Yann Savidan) puisse voir le jour.
En parcourant quelques billets à ce sujet, j’ai été interpelée par un commentaire de Hipparkhos sur le blog d’Autheuil. Et notamment cette phrase :

“L’obligation de publier son nom sur son blog rendrait impossible sur Internet ce qui est possible dans la vie réelle, compartimenter ses relations”.

Je crois que cela explique bien l’émotion que suscite le projet de M. Masson, et c’est justement pour cette raison que je la réprouve.

Attention, révélation : dans mes navigations sur Internet, j’ai recours à plusieurs pseudos… même si celui de See Mee domine à 90 %.

N’y voyez aucune perversion de ma part, cette dissimulation apparente n’en est pas une : je n’ai rien d’important à cacher.

En fait, dans le contexte ouvert de la Toile, l’utilisation d’un ou plusieurs pseudos remplit surtout une fonction de filtre relationnel.

Quand jongler avec les pseudos délimite des sphères d’expression différenciées

Comme le dit Hypparkos, l’emploi de plusieurs pseudos me permet de séparer mes différentes sphères d’expression :

  • J’en ai eu un quand je publiais un blog “corporatiste”, qui me donnait la possibilité de m’exprimer sur des questions liées à mon travail.

Ce que je produisais était un recueil documentaire qui avait pour but de mettre l’information à la disposition du plus grand nombre. J’y étais “transparente”, je ne tenais pas à influencer les lecteurs avec mon opinion, réservant celle-ci au cadre de mon engagement syndical.

J’aimais bien l’idée d’être une petite fourmi anonyme, insignifiante, tout le contraire du super-héros qui se masque pour cacher ses hauts faits.

Dans ce contexte, le pseudo m’évitait de prêter le flanc à des mesquineries de la part de mon environnement professionnel immédiat, ou de bénéficier d’une visibilité qui m’aurait donné une importance dont je ne voulais pas.

Mes employeurs n’auraient je pense pas eu trop de mal à me débusquer si j’avais tenu des propos diffamatoires ou trahi mon devoir de réserve.

  • J’en ai un que j’utilise occasionnellement quand je m’exprime sur certains blogs de manière “intime”.

Si j’ai envie de parler de ma vie sentimentale, de rebondir sur un sujet qui parle de sexualité, c’est un autre pseudo que j’emploie.

Je peux me permettre le partage d’une certaine intimité, justement parce que les interlocuteurs que cela concerne s’exposent intimement sur leur blog ou dans les commentaires :  dans ce contexte, nous sommes sur un pied d’égalité, comme tenus par un pacte de discrétion et de tolérance.

Ce pseudo n’est connu que de deux catégories de personnes : soit de parfaits inconnus qui se fichent complètement de mon identité, soit au contraire des copains de blogging dont je me sens très proche et qui, pour certains, connaissent mon identité véritable.

  • Et il y a celui que vous connaissez, qui est pour moi comme un nom de plume.

Sur le Net, une identité morcelée

Ce pseudo de See Mee m’a été proposé par Gee Mee, comme une sorte de nom de plume pour signer mes billets sur son blog. Il fait partie de mon histoire de blogueuse et marque la période où j’ai commencé à écrire sur le thème du blogging.

J’aime l’idée que l’on construit une identité autour de son pseudo : c’est un peu comme une marque de fabrique, dont on est à la fois l’objet et l’inventeur.

Très souvent, un pseudo est unique, personne au monde n’a le même ! C’est peut-être pour cela que je préfèrerais appeler Nicolas sous son pseudo Twitter (“Jegoun“) : il a beau être célèbre comme blogueur, il existe plein de Nicolas. Du coup, on pourrait croire que je me la pète (n’est-ce pas Philippe ? *Private joke*), car je fais référence à un Nicolas comme si tout le monde savait de qui il s’agit !

Un pseudo est un label qui permet de se singulariser. C’est sur lui que s’appuie la construction de sa communauté : on le repère dans des commentaires, on le retrouve chez les uns et chez les autres, on le lie à un blog s’il y en a un.

Mais ceci ne règle pas la question de l’anonymat…

La liberté d’expression est-elle en danger ?

Utiliserais-je un pseudo parce que, comme c’est souvent avancé, je ne me sens pas libre de m’exprimer à visage découvert ? Non. Je ne rejoins pas Nicolas, qui dit, dans son billet Anonymat : ne nous trompons pas de combat :

C’est bien parce qu’on est obligés de se réfugier derrière un pseudo qu’on n’a plus de liberté d’expression.

Certes, c’est une question intéressante, en particulier dans des sphères politiques, idéologiques. J’ai moi-même l’impression que la culture politique actuelle nous encourage à des mesures de protection, voire incite à l’auto-censure, quand elle ne prend pas clairement des dispositions pour bâillonner certaines expressions.

Mais même s’il y a des dérapages parfois du côté du délit d’opinion, je ne pense pas que, en général et en France, nous soyons dans une société qui soit si avare que cela à nous accorder le droit d’expression.

Bien au contraire, Internet nous donne l’occasion de nous exprimer librement dans de nombreuses situations, plus que nous en disposions auparavant.

Je suis fascinée par exemple comme il est facile de trouver des interlocuteurs pour parler de sexualité sans tabous ! Avant, n’était-ce pas réservé soit à des relations très proches (amis, couple, voire famille), soit à des sphères plutôt spécialisées (psys, groupes de parole et réseaux tels que le planning familial, groupes de militants féministes et… clubs échangistes) ?

Les réseaux sociaux, les forums, les blogs et sites nous donnent maintenant la possibilité d’échanger sur des sujets que nous ne sommes pas enclins ou en mesure d’aborder avec notre environnement habituel, celui de notre sphère de proximité géographique ou socio-culturelle (voir à ce propos mon billet L’épreuve des espaces sociaux [Rencontre IRL #3]).

Nous pouvons maintenant nous connecter au sein de communautés d’intérêts plus ou moins délimitées thématiquement, mais extrêmement ouvertes quantitativement. Tellement ouvertes qu’il faut peut-être s’en protéger un peu, en créant des filtres.

Dans ce contexte, je n’utilise pas un pseudo parce que ma liberté d’expression est limitée, mais ne pas pouvoir le faire peut sacrément la restreindre !

Crédit CC Flickr madamepsychosis

Nous restreignons volontairement notre sphère d’expression

Ainsi, l’obligation de publier son identité réelle sur son blog peut-elle porter atteinte à ce que j’ai envie d’appeler le “droit à l’extimité” (sur cette notion, je vous recommande vivement de lire Les nuages lieux de l’extimité ?, par Yann Leroux).

La notion de liberté d’expression ne doit pas être réduite au droit d’exprimer son opinion, mais élargie à celui d’en user de manière différenciée. On ne livre pas les mêmes informations sur soi selon la sphère dans laquelle on évolue. Comme dans la vie de tous les jours !

Tout est question de contexte. Il y a besoin de clés pour déchiffrer nos comportements, nos postures, nos opinons. La part à laquelle je donne accès sous un pseudo reste en théorie lisible, compréhensible : le pseudo permet la reconnaissance de l’identité publique que je veux bien exposer dans cette sphère, de la relier avec toutes les manifestations que j’y aurais ici ou ailleurs sous ce nom.

Mais si j’ai mis en œuvre les bonnes mesures de précaution, j’empêche de rendre trop facile la remontée à la source de mon identité réelle. Utiliser un pseudo me permet de ne pas livrer ce “je” tout nu à des personnes mal intentionnées, et éviter les désagréments qu’entrainerait une trop grande exposition.

Billet initialement publié sur En attendant BlogExperience sous le titre “La vie secrète de nos pseudos, ou pourquoi je ne veux pas bloguer à visage découvert”

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A quand un observatoire des média sociaux ? http://owni.fr/2010/04/19/a-quand-un-observatoire-des-media-sociaux/ http://owni.fr/2010/04/19/a-quand-un-observatoire-des-media-sociaux/#comments Mon, 19 Apr 2010 12:24:29 +0000 See Mee http://owni.fr/?p=12579

Photo CC Flickr Zoltan Papp.

Il manque une structure officielle qui pourrait fournir des données en nombre ainsi que des analyses, et pas uniquement sous l’angle de la technique et de l’économie : c’est comme pratiques culturelles que les media sociaux doivent aussi être étudiés.

Il y a des sujets récurrents que je me lasse d’avoir à lire et relire sans cesse. Même quand cela parle du blogging, qui est pourtant mon sujet de prédilection.

Néanmoins, je me suis intéressée au billet de Jean Véronis qui se saisit d’une question à la mode en ce moment, celle de La mort des blogs, pour en interroger sa pertinence.

En faisant l’hypothèses de la désaffection de Skyblog au profit de Facebook, l’article du linguiste-informaticien révèle surtout que le manque de données rend difficile tout diagnostic sur cette question… et tant d’autres !

Cela m’a donné envie de réagir, tout en étant bien consciente que je ne suis pas une experte, et que mes recherches pourraient être plus poussées… si j’avais le temps.

Dominique Cardon, Le design de la visibilité : un essai de typologie du web 2.0

— Une lacune de données

Qui n’a jamais cherché de données sérieuses sur lesquelles s’appuyer pour parler de l’environnement bloguesque, de l’usage des média sociaux ? Et qui en a trouvé ?

Les données disponibles sont bien pauvres et dispersées. À commencer par des chiffres bruts : personne ne sait, même à 10% de marge d’erreur — même à 100% de marge d’erreur ! — combien il existe de blogs en France, encore moins combien sont actifs.

Les plate-formes d’hébergement sont d’ailleurs peu bavardes sur la question. Et quand bien même, si quelques chiffres sont fournis parfois (ex. en commentaire du billet de Véronis, par Overblog), sans une démarche globale et méthodique, impossible de croiser les données pour en tirer des informations exploitables.

Je ne suis pas pour la mise en place de systèmes qui contraignent et surveillent, mais, parfois, j’en viens à souhaiter l’existence d’une sorte de grille d’observation partagée. Les plate-formes pourraient y déclarer quelques données de bases indispensables, comme celles que l’article et les commentaires chez Véronis pointent comme manquantes.

— Une approche scientifique trop circonscrite

Tout de même, un observatoire des média sociaux (les blogs seuls, ce serait trop limité pour décrire un écosystème cohérent) ne mériterait-il pas d’exister ? L’idée n’est pas neuve (voir ici et ), il y a même un blog qui en porte le nom, et l’IFOP propose quelques données actualisées sur les réseaux sociaux.

Mais qu’en est-il d’une structure « officielle » sinon publique, qui serait capable de produire des chiffres en quantité, et des observations approfondies ?

Eh bien, figurez-vous qu’il existe déjà une structure de ce type, créée par Carignon en 2005 : c’est l’observatoire des pratiques numériques culturelles, à l’IRI (Institut de recherche et d’innovation du Centre Pompidou).

Mais faites une recherche sur son intitulé et voyez ce que cela donne… A-t-il récemment produit des résultats intéressant le plus grand nombre ? Nous donne-t-il les informations que nous recherchons ?

Aucune étude ne nous dit qui sont les blogueurs, quel est le profil sociologique des usagers des réseaux sociaux, quelle part prennent ces activités dans nos occupations, de quelle manières celles-ci sont orientées…

C’est comme si ce phénomène ne valait pas la peine d’être étudié autrement que dans ses aspects technico-économico-marketing, notamment par ceux qui veulent faire du fric et conquérir de nouveaux marchés, ou développer de nouveaux dispositifs avec.

Tout n’est pas à jeter (cf. la très intéressante étude de Dominique Cardon, Orange Labs : Le design de la visibilité : un essai de typologie du web 2.0, certes. Mais il y a tellement d’autres dimensions qui ne sont jamais explorées par les chercheurs !

— Une focalisation sur le vecteur

Même si les usages numériques commencent timidement à être reconnus comme vecteurs de pratiques culturelles, ils ne sont pas encore vraiment abordés comme des pratiques culturelles à part entière.

On apprend quels sont les usages de l’Internet, on découvre (ou pas !) que les « écrans » sont des « supports privilégiés de nos rapports à la culture » et que plus les gens les utilisent fréquemment, plus ils vont également au cinéma, au musée, lisent de livres, etc.

Malgré son titre prometteur, « Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique », cette enquête nous apporte peu d’enseignements sur les nouveaux usages, ce qui n’a rien de surprenant…

Voici ce que j’ai trouvé : 23% des Français de plus de 15 ans ont une activité en amateur sur ordinateur, dont 12% écrivent un journal personnel et 7% ont créé un blog ou un site personnel (hors photographie et vidéo, source : pratiques culturelles 2008, DEPS, Min. de la Culture et de la Communication).

À part cela, peu de choses. Tout est abordé sous l’angle des pratiques culturelles habituelles, le numérique n’étant qu’un moyen.

Cette porte d’entrée ne conduit-elle pas à entretenir l’opposition manichéenne entre les anciens et les modernes ? Placer les TIC dans une position de vecteur entretient l’idée qu’elles vont tuer le livre, le cinéma, le disque, les journaux d’information, voire les relations sociales, l’autorité, les valeurs morales et que sais-je encore ! À force de se concentrer sur des sujets épars, on finit par construire une image diabolisée qui révèle surtout nos fantasmes collectifs.

Commençons par travailler à une compréhension plus globale et hors des polémiques, qui remette les choses en perspective !

— D’autres perspectives

Qu’est-ce qu’évoluer dans le monde d’Internet aujourd’hui ? Comment intégrons-nous ces média dans nos occupations quotidiennes ?

Quels impacts les blogs et autres réseaux sociaux interviennent-ils dans la manière qu’a la société – ou au moins les gens qui les fréquentent et les nourrissent – de s’informer, s’exprimer, s’impliquer, se lier, se représenter les uns les autres… et aussi s’épanouir, créer, se socialiser, être citoyens ?

Considérons tout ce « temps de travail » bénévole cumulé, cet investissement que nous y avons tous : on ne peut pas dire que cela soit quantité négligeable ! Je suis même certaine que, en observant pratique du blogging et usage des réseaux sociaux, on peut aussi comprendre comment, et peut-être vers quoi, nous sommes en train d’évoluer dans nos rapports sociaux.

Pour ce que j’en sais, on dirait que les recherches se focalisent sur certains effets « tendances » alarmistes qui ne sont sans doute que des épiphénomènes, ou tout au moins abordent les questions uniquement par des aspects très circonscrits et posant problème (genre « jeux vidéo et addiction » dont on nous rebat les oreilles depuis des années).

Où trouve-t-on les plus intenses des débats et les plus intéressantes des réflexions sur le blogging ? Sur les blogs eux-mêmes !

Et loin d’être des échanges sclérosants, ceux-ci touchent à tous les domaines des sciences humaines (économie, sociologie, ethnologie, psychologie et même psychanalyse, communication, étude des média, sémiologie… ou un peu de tout cela).

On sent que les média sociaux sous-tendent des enjeux majeurs… mais combien de chercheurs travaillent-ils dessus ?

Qu’attendent les pouvoirs publics pour s’intéresser à la part sociale (et pas seulement sociologique, d’ailleurs) et culturelle de cet environnement technologique qui ne cesse de se développer ?

Billet initialement publié sur En attendant BlogExperience

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