OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Un bon petit village français… http://owni.fr/2011/07/13/un-bon-petit-village-francais/ http://owni.fr/2011/07/13/un-bon-petit-village-francais/#comments Wed, 13 Jul 2011 13:26:57 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=73309 Il revient parfois à la source, dans cette campagne que des magazines étranges et glacés qualifient de “profonde” ou de “charmante” et qui, pour lui, est juste l’endroit où il a grandi. Les lieux ne lui arrachent qu’une vague mélancolie. Il n’est pas attaché aux endroits juste aux souvenirs.

C’est un village de vieilles pierres prisées, “hors de la vie” pour l’urbain. A son arrivée dans la région, trente ans plus tôt, l’enfant des villes s’émerveillait d’une existence au ralenti ponctuée de “bonjour” et de “merci”, de rez-de-chaussées, de chiens lézardant au milieu de la grande rue aux grandes chaleurs, de volets ouverts et fermés à des heures précises. Pourtant, dans cette société loin du moderne, on trouvait à moins de quatre minutes de marche de la plus éloignée des maisons, deux électriciens, un quincaillier, trois épiceries, un disquaire, un grand bureau de poste, une école municipale (où le maire lui apprit à lire) et même un magasin de jouets artisanaux où, après les cours, il s’attardait une petite heure.

Avec les années, les voyages et le manque de pognon, il revient de moins en moins ici déguster son calice des souvenirs. L’amertume du présent est trop prononcée. Le village aux rudes contours, murs fêlés et toitures déglinguées, s’est métamorphosé en smoothie aspartamé. Le grand tournant s’opérait au milieu de la dernière décennie du siècle passé : quand l’immobilier remplaça le travail dans la mentalité des possédants.

Dans la grande rue, les vieilles bâtisses bringuebalantes ont aujourd’hui de belles façades aux pastels nomenclaturés par décret municipal, les cabots ont disparu, remplacés par des rangées 4X4, aux vitres teintées respectant un horodatage sophistiqué de part et d’autre de la chaussée. Le square est “vidéoprotégé“. L’église assiégée par sa peur de l’ailleurs déchire le silence des lieux, carillonnant sa suprématie chrétienne à chaque nouvelle heure sans vie. Seul le désir de communier chaque dimanche à onze heures dans son plus bel apparat, berlines métallisées et souliers vernis, trouble la quiétude mortifère d’une ruralité sous-vide. Mais pas l’été. On lui préfère Ibiza.

Il remonte la grande rue pavée, sous le bras une rustique aux arachides de Palerme, une baguette quoi. Chaque pavé de la voie classée des chariots qu’il a toujours connu défoncée a été enlevé, traité, retaillé, poli et réaligné, lissé pour le confort des suspensions de cabriolets. Un jour tu verras, on y rajoutera un tapis de sol pour s’éviter des procès en cas de chute et de trauma crânien.

Hormis le logo collé par la multinationale qui l’a franchisée, seule la façade de l’épicerie centrale de la grande rue n’a pas connu de modifications en trente ans. Les autres façades de l’artère, trop insistantes sur l’”authenticité“ pour l’être ne serait-ce qu’un peu, abritent des banques, des assureurs, des brocanteurs d’objets à cinq ou six chiffres et des choucrouteurs pour vioques. Le bulletin municipal indique pour le trimestre : 112 décès pour 1 mariage et 2 naissances. La rue déserte offre ses 6 distributeurs de billets en moins de 50 mètres. Ici, on se cash pour mourir.

Bientôt midi. Pas une âme à la terrasse des troquets vintage sur la place de l’église. Si. Un couple, de ces couples à cheveux blancs qui ont l’air d’avoir vingt ans depuis vingt ans, s’attable dans l’enclos fleuri climatisé à la cannelle de la belle auberge prune. Il s’approche, les deux parlent anglais.

Le juke-box à souvenirs sort un classique de derrière les fagots. Le soir de l’élection de Chirac en 1995, les précédents taverniers offraient leur tournée de champagne. Il se souvient des dithyrambes du patron : “Ah putain, ce pays va enfin changer !” lançait le bonhomme à l’assemblée, avant de lui soigner une dédicace personnalisée :

Ah…Et puis les gauchistes de Canal Plus c’est fini !

Peu de temps après, le patron de l’auberge vendait le fonds de commerce. Il vit six mois par an en Thaïlande. Le reste du temps, il se repose. Et empoche des loyers.

Face à l’auberge, il aperçoit la boutique verte. Trente ans avant, ces murs abritaient la Coop, une petite épicerie familiale debout depuis des décennies, des siècles peut-être. A l’infarctus du gérant, le magasin fut repris par un couple de jeunes de la ville. Quelques mois. Un glissement de terrain aura raison du magasin qui restera fermé trois ans. Puis, un coiffeur styliste vint s’installer. C’était le début de la fin. Plusieurs se succédèrent. Pas moins de trois patrons en quatre ans, dont un coiffeur canin.

Nouvelle fermeture d’un an à la fin des années 80. Au début des 90, un jeune entrepreneur nommé Rachid, une rareté dans la région, transforma l’endroit en vidéo-club. La demande de divertissement dans ces terres reculées était forte et le commerce de proximité, malgré l’épiderme du tenancier, plébiscité. Rachid, essentiel aux soirées cosy, on l’intégra rapidement. Mais les chaines à péage eurent raison de son coeur à l’ouvrage et un matin il placarda un Braderie des films, liquidation totale. Le renouveau ne dura que deux ans. Dans le village et tout autour dans le pays, peu à peu “bien marcher” ne suffisait plus pour vivre de son métier. Chacun trouva moins fatiguant que d’aller chez Rachid pour se fournir en distraction, et personne ne le pleura. Derrière les volets fermés de propriétés aux pointes de portails de plus an plus aiguisées, Canal Plus triomphait.

A partir de cette époque, l’homme aux souvenirs ne vint plus que très épisodiquement dans la région. Au gré de ses courts séjours, en dix ans il observera le manège des commerces à cette adresse : un énième salon de coiffure puis un fleuriste. Été 2011. La stabilité enfin. Depuis octobre 2008, l’échoppe est colonisée par un agent immobilier de luxe fier d’afficher qu’il opère de concert avec le spécialiste international de l’immobilier de luxe. A la différence de la Coop qui restait ouverte d’avant l’aube au crépuscule passé, il n’a jamais vu l’agence ouverte. Pourtant, il doit y avoir de la vie quelque part : en vitrine les annonces pour demeures au million d’euros, prix d’entrée, sont régulièrement achalandées.

De la Coop à Sotheby’s, il faut croire que les commissions sur les transactions immobilières des riches étrangers annexant la région rapportent plus que le commerce de produits locaux aux villageois, deux espèces décimées en une génération, la sienne. Paradoxe du village opulent, il est aujourd’hui bien plus vide à l’année qu’il ne l’était il y a trente ans lorsqu’il était « hors civilisation ». Et on veut lui faire croire que la richesse sauve ? L’argent détruit tout, s’il n’est pas partagé. Il s’assoit sur les marches de l’église tonnant sa loi dans le néant d’un pays imaginaire au passé relooké. Un pays sans présent où demain n’arrive jamais.

Un bon petit village français !, hurle-t-il à l’épicentre de la matérialisation miniature du fantasme national. Il est temps de reprendre la route.

P.S : Cette note est inspirée par l’Atlanticrotte de la veille signée Malika Sorel : “On doit donner la nationalité quand on reconnaît que la personne est devenue française, c’est à dire qu’elle possède la mentalité française“.


Article initialement publié sur Le jour et l’ennui de Seb Musset sous le titre : “Mentalité française, le village”

Crédits photo FlickR CC : by-nc-nd l1nda1 / by-nc Phil Thirkell / by-nc-sa ((:o pattoune o:)) / by-sa gillesklein

Seb Musset est l’auteur de Les Endettés

]]>
http://owni.fr/2011/07/13/un-bon-petit-village-francais/feed/ 6
Le Paris touristique, ses étrangers et ses logements http://owni.fr/2011/06/12/paris-immobilier-touristique-etrangers-logements-pied-a-terre/ http://owni.fr/2011/06/12/paris-immobilier-touristique-etrangers-logements-pied-a-terre/#comments Sun, 12 Jun 2011 11:23:20 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=67099 Un constat : ici, la plaie immobilière s’appelle “placement“.

Grâce à elle, sous deux variantes, “immeubles de bureaux (vides)” pour banques ou entreprises et “investissement locatif” pour particuliers, il devient impossible pour une famille moyenne, sans héritage ou indispensablecoup de pouce parental“, de vivre, à la location ou à l’achat, dans une ville qui vire à vue d’oeil au ghetto pour riches. NDLR : ce n’est pas tant le mot “riche” qui me défrise que celui de “ghetto“, le manque de mixité sociale (habitation comme commerce) étant un des fléaux foncier et sociologique de ce pays.

Que ce soit dans les villes-banlieues, les campagnes-ghettos et les capitales-villages aseptisées, le manque de mixité débouche sur le mépris respectif des populations, permet aux communautarismes de se renforcer, aux méfiances de prospérer.

Dsl, nous le destinons à la location saisonnière, plus rentable, plus fléxible car l’idée est que nous ayons un pied-à-terre à Paris.

Comme si le locataire parisien n’en avait déjà pas assez de la pénurie de logements (artificielle, Paris est une coquille vide), de la gentrification , de l’abondance de taudis (car bizarrement la folie foncière n’a d’équivalent dans l’excès que l’insalubrité de son offre), il doit désormais faire face à la mode de la “pied-a-terrisation” de la capitale.

Il s’agit pour un propriétaire de mettre son bien immobilier rénové et meublé à la location pour la classe-moyenne supérieure (étrangère généralement et en vacances spécifiquement) ou les cadres supérieurs. Se substituant ainsi au parc hôtelier, le proprio loue son 2 ou 3 pièces à 800 euros la semaine à une famille brésilienne, russe, allemande ou américaine qui, bien dans l’air du temps, pourra “s’imprégner de la vie parisienne” sans prendre le risque de bouger de son standing habituel.

Le propriétaire a deux options :

  • soit il déclare la location et empoche une réduction d’impôt de 50%,
  • soit il opère “au noir” et empoche bien plus.

Dans le deuxième cas, l’opération est sans risque. Les sommes sont payées à l’avance, par internet, ou en cash sur place. Il y a déjà bien peu d’inspecteurs du travail, autant dire qu’une brigade de contrôle des résidences secondaires est de l’ordre du rêve : pourtant c’est bien d’évasion fiscale dont il s’agit. Elle se double d’une gonflée mécanique des loyers parisiens. Le vivier de touristes étant inépuisable, à 800 euros ou plus par semaine, les tarifs déconnectés des réalités salariales s’expliquent un peu mieux.

Le proprio accumule les baux courts, gagne bien plus (défiscalisé ou sans le déclarer) qu’en louant à des “locaux” peu à peu parias dans leur propre ville. Il ne prend pas le risque de s’embarrasser à long terme de familles (beaurk) de revenus modestes (rebeuark) et garde la disposition de son appartement à peu près quand il le souhaite, sans même à avoir à se fader la moindre visite.

La pratique d’une poignée est devenue  une mode en trois ans. Au “désolé mais vous n’avez pas les garantis nécessaires” au relent d’aristocrate plutôt embarrassant en ces périodes pré-révolutionnaires, se substitue maintenant un “désolé mais vous n’êtes pas touristes” à la ségrégation plus friendly.

Ci-dessous, l’encart décomplexé de la rubrique “placement raison” d’un “Valeurs Actuelles” du mois dernier, récupéré dans la boite aux lettres de mes voisins virtuels:

Tout va bien dans le meilleur des mondes sauf pour les irréductibles masochistes qui travaillent à Paris. Pour servir nos bienheureux vacanciers, que ce soit pour la tambouille ou les conduire avec béret à travers St-Germain-des-Près au volant de 2CV bleu blanc rouge (véridique), ils doivent s’exiler en 27eme périphérie ou cramer l’intégralité de leur paye dans un loyer pour cage à lapins (si toutefois le dossier est accepté, ce qui n’arrive jamais sans Papa et Maman, encore eux, pour se porter caution).

Je passe sur la Disneylandisation de Paris qu’entraîne l’afflux des cornets deux boules en quête d’une “authenticité” que de leur cocoon surfing et de leurs excursions en tongs Armani à la recherche de cette tarte éthérée d’Amélie Poulain ils contribuent à détruire, ou sur les désagréments quotidiens de la cohabitation avec nos aventuriers du confort en safari chez les fauchés abandonnant sur le pallier leurs poubelles improvisées dans un sac MacDo avant de reprendre l’avion (véridique again). Pourquoi s’embarrasser des coutumes sanitaires de l’autochtone ?

Carte des résidences secondaires à Paris, par Alexandre Léchenet

La pied-à-terrisation concerne également l’achat sec. Là on passe dans une autre dimension, celle de l’hôtel particulier : les surfaces s’agrandissent, les appartements s’achètent par paquet de dix, des quartiers se vident.
Dans les zones de forte tension immobilière, cette pratique doit être interdite ou très fortement taxée. Les aides doivent se concentrer sur les logements sociaux, pour les résidents, et les hôtels, pour les touristes, et non sur une énième défiscalisation aux profits des plus riches qui a pour effet direct d’exclure tous les autres.

J’ai entendu dire que la municipalité se saisissait du dossier. Pour l’instant, on se félicite que Paris soit la capitale des tournages (avec crédit d’impôt) d’une flopée de navets et de nanars à la gloire d’un Paname de magasin de souvenirs“Wait and see” comme on dit désormais ici.

Bonus : la version vidéo du billet.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Article publié initialement sur Les jours et l’ennui sous le titre Peut-on encore habiter Paris #1 : la pied-à-terrisation

Retrouvez les articles d’OWNI sur le logement

Illustration Flickr CC Isodora Cepeda et Luc Legay

]]>
http://owni.fr/2011/06/12/paris-immobilier-touristique-etrangers-logements-pied-a-terre/feed/ 15
Course à l’Elysée: l’UMP se déleste des pauvres http://owni.fr/2011/05/16/elections-elysee-2012-ump-deleste-pauvres/ http://owni.fr/2011/05/16/elections-elysee-2012-ump-deleste-pauvres/#comments Mon, 16 May 2011 13:45:34 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=62811 La séquence de communication “L’assistanat est le cancer de la société” lancée dimanche soir [8 mai 2011, NdE] sur BFM par Laurent Wauquiez aura duré une semaine. Elle introduit un axe de campagne à droite pour 2012. Et dire que l’on m’accusait de caricaturer en 2008 lorsque j’évoquais la possibilité d’un “délit de pauvreté” made in UMP.

Au fond chez les hommes du Monarque, faute de résultats et pour masquer les inégalités de plus en plus criantes, on en revient toujours à désigner un coupable, le plus faible et vulnérable possible. Quand on n’arrive pas à supprimer la pauvreté, on criminalise le pauvre et hop : la conséquence des désordres devient la cause des problèmes. Nous constations le même procédé en août dernier avec les roms et la sécurité, et annoncions les prochains bouc-émissaires marketing.

N’épiloguons pas sur le cas Wauquiez et sa proposition aussi abjecte que débile : conditionner le versement du RSA à une activité non rémunérée de 5 heures par semaine. D’autres s’en chargent : par le démontage des mensonges de l’argumentation, de son impossibilité matérielle ou la violence d’un témoignage.

Déjà le mois dernier, au nom de ”la justice sociale“, un député UMP après sa déculottée aux régionales proposait de conditionner les indemnités des chômeurs de longue durée à un travail gratuit.

Cette course à l’échalote après le pactole fantasmé du “vote populaire” a deux buts majeurs.

1. Evincer le PS

En premier lieu, il s’agit de réussir l’OPA médiatique sur le mot “social” (depuis que la droite a découvert ce vocable à l’exotisme enivrant, elle l’assaisonne à toutes les sauces : justice, droite, téléski, gode ceinture). L’UMP souhaite voler le mot au Parti SOCIAListe  avant cette primaire qui n’en finit pas de ne pas arriver. Il s’agit de discréditer la gauche en court-circuitant la case intelligence pour directement s’adresser aux plus vils instincts en mode comptoir et contre-vérité : “oui l’autre, il a plus que moi qui travaille” (ressentiment se jouant souvent à un détail stupide) et sa variante : “saloperie d’immigrés qui nous coûtent trop cher“. Combo ultime : “bordel de bougnoules aux allocs qui touchent plus que moi (et volent des voitures) !“.

L’opération permet surtout de faire l’impasse sur le fond du problème : la trop faible rémunération des salariés. L’UMP poursuit sa stratégie de course après le FN pour en faire le premier parti d’opposition, espérant reléguer ainsi le PS, comme tous les discours de gauche, dans le camp de l’utopie ou de l’irresponsabilité. Où, comment, au nom de la pérennité du monde des possédants et sous couvert d’un “y’en en a marre du politiquement correct” omniprésent dans les médias, faire de la solidarité un concept plus dégradant que le racisme.

2. Rassurer le MEDEF

Deuxièmement, il s’agit aussi de rassurer patronat et possédants dans cette période de confusion des valeurs.  Les complaintes bourgeoises au sujet de ce petit personnel qui “ne veut plus assez travailler parce qu’il est trop assisté” tapissèrent mon enfance dans ce quartier votant à 83% à droite mais qui aujourd’hui est moins enthousiaste à reconduire le Monarque. Taper sur ”l’assisté”, ça ressoude autour de bonnes vraies valeurs bourgeoises de droite. Dans le même esprit, la semaine passée, le garde des Sceaux, Michel Mercier, souhaitait que l’on “réfléchisse vite à de nouvelles formes de travail” dans les prisons avec création d’une sorte de Pôle Emploi carcéral pour fluidifier la sous-traitance en cellule des call centers. Tarif ultra compétitif pour travailleurs captifs sur le territoire : le rêve ultime du Medef.

La cacophonie gouvernementale engendrée par les propos, réitérés, de celui s’autoproclamant porte-parole des classes moyennes est une pure construction de type Lefebvrienne (version 2008-2009) où quelques ministres décoratifs ont servi de naïfs offusqués. Le ballon-sonde destiné à occuper l’opinion se conclut par un sondage Opinion-way-of-the-president (fort opportun) plébiscitant l’idée de Wauquiez (comme à la belle époque du conflit des retraites où, à en croire le quotidien de Marcel Dassault, 8 français sur 10 soutenaient Eric Woerth).

Et de citer un “indiscret” de L’Express riche de sens :

Si Nicolas Sarkozy n’a finalement pas licencié son ministre à chaud, c’est ”parce que ce qu’a dit Wauquiez sur le fond n’est pas absurde”, précise l’Élysée.

Et hop, le tour est joué. Le voilà le bel axe de campagne, la version négative du TPPGP “travailler plus pour gagner plus” : ”les salauds gagnent plus en ne travaillant pas”. (Cette semaine à la télé : Wauquiez et Le Monarque. Tu tires, je rectifie. Un buddy movie qui fait mouche).

Rentier = assisté

Pourtant, pointer aussi grossièrement du doigt les bénéficiaires de mécanismes de solidarité dans une conjoncture aussi incertaine (la preuve : Dame Lagarde se remet à se vanter d’une croissance à 1% sur un trimestre) où tout conduit l’individu à craindre d’en dépendre prochainement est un calcul risqué à un an des élections. À moins de considérer que le peuple est stupide au point de se faire la guerre à lui-même au lieu de se plaindre de ceux qui l’oppressent concrètement ? Hypothèse semblant être la ligne conseillée par Patrick Buisson à notre Monarque.

Mais, malgré tout, L. Wauquiez souligne un problème majeur : dans notre pays, les revenus ne sont plus avantageusement liés au travail. On gagne bien plus à hériter, à optimiser fiscalement, à acheter et revendre de l’immobilier, à être retraité parfois, qu’à “bosser” (oups, je fais probablement du “populisme”). Comment accuser les bénéficiaires d’un RSA à 43%  du SMIC (660 euros de différence) dans un pays où la rente, constamment chouchoutée, rapporte plus que le travail ? Si ce n’est du cynisme, c’est au moins la preuve d’un manque de connaissance du terrain.

A ce sujet, quitte à donner moi aussi dans les idées simples : pourquoi ne pas imposer un ”service social” aux ministres, conditionnant leur entrée au gouvernement ? Wauquiez, un mois dans la peau d’un mec au RSA, comptant ses pièces dès le 10 du mois, ça aurait de la gueule non ? Un mois sans confortable paye ministérielle, ni voiture de fonction, sans frais de bouche et de transport remboursés ni logement d’aisance… Alors seulement, à prétention reposée, nous discuterions “cancer de l’assistanat” avec ce moralisateur de plateaux télé, pour le moment au paroxysme de la déconnexion dès qu’il glousse de son empathie en papier mâché les mots ”travail”,  ”classe moyenne” ou ”pauvreté” .


Article initialement publié sur le blog Les jours et l’ennui de Seb Musset

Photos flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification lensa13.smugmug.com ; PaternitéPas d'utilisation commerciale incendiarymind Yoann Brieux.

]]>
http://owni.fr/2011/05/16/elections-elysee-2012-ump-deleste-pauvres/feed/ 14
Visite guidée d’une studette parisienne http://owni.fr/2011/04/01/visite-guidee-dune-studette-parisienne/ http://owni.fr/2011/04/01/visite-guidee-dune-studette-parisienne/#comments Fri, 01 Apr 2011 10:43:50 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=54720 À l’abondante rubrique du WTF de l’immobilier parisien, où la démence spéculative côtoie en toute quiétude le scandale sanitaire, ma dernière expédition dans un deux-pièces des beaux quartiers mérite son entrée au Top 5 des plus belles escroqueries visitées. On ne remplace pas dix ans d’expérience. Ayant rendez-vous à 18 heures, j’arrive à 18h15. Rien ne sert de se presser pour louer. Face au candidat locataire, l’agent immobilier débarque systématiquement un quart d’heure en retard avec comme seule excuse sa nonchalance overbookée qu’il accompagne dans les grands jours d’empathie d’un « hi, hi, la circulation vous savez ce que c’est ».

Ils sont vingt-cinq alignés en rang d’oignon contre le mur ombragé de la jolie rue sans vie de l’arrondissement à la pierre précieuse. Ils ont entre 25 et 40 ans, une chemise cartonnée de couleur sous le bras avec deux élastiques. Au terme des dépôts de garantie, des pièces à conviction et, bientôt, des analyses ADN à livrer : un seul vaincra, peut-être. Pour le moment, ils s’ignorent, perdus dans la consultation de leur jouet (taux de pénétration de l’appareil Heil Phone sur ce côté de la rue : 90%). Moi j’ai un Nokia tout pourri des années 2008, obsolète, mais, au bout de 30 secondes, je reçois un appel avec quelqu’un qui me parle au bout et ça, ça en jette.  On s’estime, on se scanne, on se jauge.

Chacun tapisse la honte d’avoir encore à patienter pour se loger à son âge de sa réconfortante sérénité de jeune précaire rompu à la galère. Chomdu, malbouffe, précariat et études refuges, au fil des déconvenues, chacun ici a développé une contemplative méditation sociale qui en a fait un esprit tolérant, lumineux, mature et inspiré. Hey, putain les mecs, vous êtes fiers de vos groles de Bozo ! Merde ça a rime à quoi ces ridicules chaussures à pointe en faux cuir pour commercial en stores ! Oui, le candidat est un loup pour le prétendant. Vaine tentative de déstabilisation, revenons à nos moutons.

J’ai des principes. D’habitude, je ne me déplace jamais pour ce genre d’annonces publiées sans photo, estimant qu’avec des « frais d’agence » tournant entre 1.000 et 1.500 euros, ces abuseurs de maman pourraient s’acheter un Coolpix à 150 euros et cracher au prétendant un ou deux .jpeg. Mais non, à l’heure des écrans et des images partout, tout le temps, à Paris l’annonce immobilière illustrée reste encore l’exception.

Tout y est « joli », « charmant » ou « proche métro »

Trop en montrer serait explicitement revendiquer l’escroquerie, une sorte de flagrant délit pictural sur des offres oscillant entre offense et indécence. Limite ça pourrait foutre la honte à l’agence, tu vois ? Il faut donc capitonner les annonces. Tout y est « joli », « charmant » ou « proche métro » (grosse méfiance quand tu retrouves les trois ensembles). Sur la vitrine de l’agence, les loyers élevés rassurent les investisseurs. « Si ça se loue à ce prix là, dit Simone à Robert venant d’empocher l’héritage de l’arrière-grand-père net d’impôt, c’est qu’il faut acheter pour louer encore plus cher ! » Matériel publicitaire pour la bulle spéculative, en attendant que ça krache, les prix élevés à la location contribuent à maintenir artificiellement la cote (nous constatons sur Paris que de plus en plus d’ annonces de location tournent des mois sans trouver preneur).

Ce n’est donc que lorsque le candidat à la loc’ appelle l’agent pour convenir d’un rendez-vous que le ton se durcit. Il passe un premier casting téléphonique à la sauce “nouvelle star”, à base de “vous avez des garants qui sont propriétaires” et « vous gagnez 3,3 X le montant du loyer ». Après les mensonges d’usage, le candidat décroche enfin le rendez-vous et peut découvrir la réalité immobilière de la location parisienne : les  « immeubles modernes » datant de 1910, les 3 pièces se transformant en 2 pièces, les 2 pièces virant duplex, des duplex devenant studios aux charges qui doublent. S’ajoutent, quelques douceurs sur le cake à pognon : des frais divers plus ou moins légaux (trimestres payables d’avance, état des lieux payant, taxes diverses…).

Mais bon, bref, nous n’en sommes pas encore là. Il fait beau, je suis de bonne humeur, et de toutes les façons on va tous crever à cause d’une overdose de panaché, donc me voilà comme un niais à faire la queue avec les autres alléchés par l’annonce :

2 pièces atypique 50m2 dans charmant immeuble de standing. Joli appartement. en partie mansardée. Très clair au 4ème étage sans ascenseur. Accès entrée par petit escalier intérieur. Un séjour avec cuisine équipée. 1 chambre. Salle d’eau avec WC. Parquet. 1170 euros. Honoraires 1170 euros.

18h20. Après avoir renversé trois poubelles, un Vélib’ et deux poussettes pour se garer de travers sur une place handicapé avec sa Smart cabossée, l’agente arrive enfin :

- Hi, hi, c’est compliqué de se garer dans ce quartier. Bon on va vous faire rentrer 3 par 3 ce sera plus simple.

Rupture d’ambiance. Terminée la neutralité bienveillante. Chacun n’épie plus figé la coque amovible du mobile d’autrui (j’aime beaucoup cette phrase). Les candidats passent en phase « c’est moi le premier ».  À la suite de l’agente aux clés, la procession des déclassés grimpe l’escalier du  « charmant immeuble de standing ». Premier étage, une société sans salarié. Deuxième étage, une société sans employé. Là, un cabinet d’avocats, spécialiste en immobilier. Là, un dentiste fermé. Ah, Paris… son brassage de population, sa mixité sociale et son dynamisme ! L’ascension se poursuit sur six étages et non sur quatre comme mentionné. Et, six étages d’un  « charmant immeuble de standing parisien », ça veut dire douze en langage de terrien. Les larges marches en bois usé de ces bâtisses antiques cirées jusqu’à l’abus du lisse compromettent l’odyssée, surtout celle des hommes en chaussures en faux cuir à pointe qui dérapent dans les virages. À l’aube du sixième niveau, on tousse, on halète, les étudiants les plus endurants tablent déjà sur quelques défections féminines. On entend des plaintes en espagnol, en bavarois et même en japonais. Mais rien n’y fait, toutes tiennent bon. Ils atteindront le pied-à-terre promis.

Je m’agrippe à la barre, de plus en plus branlante au fil de la montée. Les murs s’assombrissent, s’auréolent d’humidité, les matériaux semblent maintenant de moins bonne qualité. Je tente d’en décourager quelques-uns en lançant un  « nous n’aurions pas du tous grimper en même temps, la rampe va céder » dont l’écho de terreur file sur la cuirasse en titane des soldats de  seloger.com comme une soirée électorale de défaite UMP sur TF1. Les marches étroites resserrent les sueurs des aspirants locataires. On ne peut désormais plus faire marche arrière, sans entraîner la glissade générale. La conquête du dernier niveau se joue sur un ajout rouillé : un escalier de service en colimaçon, modèle phare de l’angoisse. En cas d’incendie, pour les habitants de ces lieux qui, à l’instar de la vétusté de leurs installations électriques, atteignent des sommets, c’est le gage d’un bon barbecue où ils feront office de pigeons braisés.

Dernier étage : un parterre de poussière sous les toits fleurant bon le courant d’air continu l’hiver et la cuisson à l’étuvée dès le 1er mai. Ceci explique mieux le label « Bah on sait pas » du bilan énergétique publié sous l’annonce.

« Nous y voilà » fanfaronne l’agente. Vous allez voir c’est atypique. »

Appelle-nous jeunesse aux rêves plats, mais, dans cette capitale où tout est facilement  « atypique », on en vient à souhaiter du quelconque : une cuisine, des vrais WC, un lit qui ne soit pas à plier, un loyer à trois chiffres. La porte d’entrée se confondrait aisément avec celle du vide-ordures si seulement l’immeuble disposait d’une telle technologie. Le dormant de la porte en balsa écrête à 1m50 et il faut littéralement se plier en deux pour le passer. «Atypique » en effet. Mal foutu eût été plus à propos. Mais il faut en plus pour flétrir les durs à cuire de ma génération rodés à bosser pour rien, vivre à genoux, bouffer du Lideule et mater du Carré Viip en se lamentant sur le Net que la télé c’est trop abusé ! Ayant laissé ma place aux quinze premiers, je ne perçois des premières visites que pouffades et échos agacés.

Vim Diesel, en blouson de motard, sort de là avec sa Michelle Rodriguez.
« – Non mais c’est une blague !
- Je t’avais dit que c’était un loi Carrez. »

Jean-Gonzague, thésard en tubulure de la structure séquencée des théorèmes du têtard, prend ça avec philosophie :

«- C’est mignon. »

Le Schpountz 2.0 monté à la ville pour son CAP MacDo y va franco :
« – ‘Té, c’est de la merde ! À ce prix-là chez moi, j’ai une ferme avec le tracteur et les vaches ! »

Les comptes-rendus détendent l’atmosphère, désintoxiquant la cage d’escalier de son taux de compétition. N’empêche, j’ai attendu dix minutes, gravi l’Annapurna au péril de ma vie sur des marches O Cedar : pas question de céder à l’orée du repaire des Minimoys. C’est mon tour. Je suis accompagné de deux baraques allemandes, Zadig et Micromegas. Et c’est tout naturellement que nous pénétrons à quatre pattes, tel le centipede [en], dans l’appartement proposé à la location à un tarif avoisinant celui du salaire médian.  Entrée en matière avec un premier coup de boule dans une poutre : si près du Panthéon et pas de place pour les grands hommes. L’étape éliminatrice de la porte d’entrée franchie, les grands gaillards ne se laissent pas émerveiller par le parquet stratifié flambant neuf, ne succombent pas l’enivrement des senteurs de peinture fraîche (hou la la au moins 200 euros de travaux) et surtout, surtout, prennent garde au dénivelé. L’appartement (enfin ce qu’à ce stade nous croyons encore être un appartement) se situe 60 centimètres en contre bas de la porte d’entrée. Ce truc en moins, c’est le petit plus. Va savoir, les soirs de forte pluie, le locataire sélectionné (après présentation d’un dossier validé par le FMI) bénéficiera peut-être d’une piscine sous les toits. Ce qui, tu en conviens, est le comble du luxe parisien.

A notre droite, là où l’agente attend la remise des dossiers, sa rente et ses honoraires, se situe une « pièce » de 5m2. Espace inutile et inutilisable, dans l’épingle à cheveux, séparant le tunnel de passe-partout de son appartement ou, plutôt, de son sarcophage pyramidal à la gloire du pharaon tout-en-arnaque : « mansardé » étant, de loin, le moins mensonger des mots du message.

Zadig, Micromegas et moi sommes pris d’effroi. Nous appréhendons bien mieux les commentaires désabusés de Diesel à sa belle. Nous sommes ici en présence d’une double “chambre de bonne” en enfilade sous un toit en pointe. Les 50m2 au sol correspondent au final à un 22m2, « habitable » sur sa seule longueur centrale. Enfin… à condition de faire moins d’un 1m60. Je ne peux pour ma part me déplacer que sur un espace correspondant à la largeur de mes bras tendus, le long des 7 mètres reliant la cuisine (où il convient de faire bouillir ses pâtes accroupi) à la « suite parentale » (où le « vivons heureux, vivons couchés » n’est pas une phrase en l’air). Je ne sais pas trop ce qu’en pense Zadig, mon collègue berlinois. Culminant à 2m03, sa tête sort de l’appartement par la fenêtre de toit :

ZADIG face en offrande aux fientes.

Was ist das ?

Non, honnêtement, c’est étriqué. La seule pièce verticalement vivable reste « la salle d’eau » et ça n’a rien de Versailles. Dans ce réduit de 4m2, il faut enjamber les toilettes (sans passer à travers) pour se doucher. Problème si l’on peut s’y laver en longueur, on ne peut s’y soulager en largeur : toute personne présentant un ratio taille / poids hors des critères de la double page centrale d’Anorexia magazine n’aura qu’à aller faire caca chez l’avocat. Et si d’aventure, le prétendant un peu enveloppé réussissait son entrée dans « la salle d’eau », il prendrait le risque de ne plus pouvoir s’en extirper. Ce qui, à cette altitude dans l’immeuble inhabité et pour peu qu’il ait oublié son heil-phone sur la table (basse forcément), peut vite virer au faits-divers de merde.

L’agente :

Vite, vite je suis pressée : j’ai pas mis de ticket à ma Smart !

Et radine avec ça. L’aller-retour de la cuisine à la chambre est expéditif. Zad et Micro, pas plus que les visiteurs d’avant ni ceux d’après ne déposent de candidature. Même avec des chaussures de clown, on a encore un semblant de dignité. Et parlons chiffres : je suis formel, un autobus blindé de rugbymen est plus spacieux. Avant d’être inlouable, la chose est d’abord inhabitable au-delà de l’âge de 7 ans. Redescendant en rappel avec mes camarades d’infortune, j’en viens même à me demander quel esprit débile, possédé par l’appât du gain, la Leroy-Merlinmania et la folie des grandeurs inversée, a pu investir pour refaire à neuf cette chose de haute altitude qui, au mieux, se prête pour dépanner. Ce mètre carré hors de prix du centre de Paris ne vaut objectivement rien.

On y a oublié une chose : l’humain.

> Article publié initialement sur le blog de SebMusset sous le titre Paris : l’immobilier en pointe

> Illustrations Flickr CC Xo-Mox, Rafaël Garcia-Suarez et Fred Panassac


> Vous pouvez retrouver l’ensemble du dossier logement avec Les ghettos de riches mettent les pauvres au ban, Cherche HLM dans le 16e arrondissement et Se sentir “chez soi” à Paris.
Crédit photo Guillaume Lemoine CC-BY-NC-SA et design par Ophelia

]]>
http://owni.fr/2011/04/01/visite-guidee-dune-studette-parisienne/feed/ 40
Circulation à Paris : la neige a fondu, vous pouvez ranger votre bagnole http://owni.fr/2011/01/05/circulation-a-paris-la-neige-a-fondu-vous-pouvez-ranger-votre-bagnole/ http://owni.fr/2011/01/05/circulation-a-paris-la-neige-a-fondu-vous-pouvez-ranger-votre-bagnole/#comments Wed, 05 Jan 2011 17:28:06 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=37482 Billet garanti 100% sans « épisode neigeux jouant les trouble-fête » ni « miracle de noël, de Bethléem à Cdiscount. »

Hashtable, (blogueur libéral mais de talent), stigmatise la dernière trouvaille de la Mairie de Paris en matière de régulation du trafic : la mise en quarantaine des 4X4 et des vieux véhicules diesel. Il affirme que c’est là une attaque socialiste supplémentaire faite aux pauvres, peu à peu chassés de la ville au profit du « bobo » CSP++ (célibattant et bisexuel, abonné de l’épicerie de la fibre et fan du thé aux figues, ayant négocié la garde des enfants un week-end sur trois).

Bon, zut, je suis en partie d’accord avec lui. A ceci près que…

1 / Du « pauvre » à 4X4 ou grosse voiture à Paris, moi je n’en connais pas. Il doit probablement faire allusion à  la « classe moyenne » QSP+ (qui se la pète +).

2 / Ces classes moyennes n’ont pas déserté Paris le flingue sur la tempe. Elle ont eu une grosse envie d’acheter plus grand et les banques leur ont permis. Cette fuite a  précédé l’arrivée des socialistes à l’Hotel de ville, et bien plus encore la hausse de l’immobilier de la capitale (elle a contribué à la renforcer). Depuis 15 ans et la montée des thématiques vertes, chacun veut consommer du « meilleur cadre de vie ». Manque de bol, chacun vénère aussi sa bagnole (vite, vite la prime à la casse se termine le 31 décembre) et son pavillon individuel (cool, cool, le PTZ+ commence le 1er janvier). Chacun s’éloigne ainsi toujours plus loin de son boulot et tant pis si, lors de ses deux heures de bouchon quotidien  (2 pour madame et 2 pour monsieur), il faut gueuler sur les autres « chacun » qui ont eu la même idée géniale.[1]

3 / Le concept de « bobo » est à peu près aussi fourre-tout que celui de « classe-moyenne », l’un et l’autre s’interpénétrant sauvage au niveau des valeurs. A Paris plus qu’ailleurs, le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont de l’argent et ceux qui les subissent.

4 / Même si certains choix Delanoesques sont contestables, voire criminels (ex : la circulation à double sens pour les vélos), je doute que la droite dispose d’un meilleur plan.

5 / Si  l’engorgement de la banlieue parisienne est en partie expliqué ci-dessus (le gros du bordel aux abords de Paris provenant de ce nombre croissant de types proprios à Chartres alors qu’ils bossent à Marne-La-Vallée), l’habitué des déplacements dans Paris relativisera le problème.

Conséquence de son étroitesse et d’une voirie conçue avant l’invention du moteur à explosion [2] : A Paris, chaque moyen de transport, marche à pied[3] incluse, (hormis le métro dont la pénibilité se suffit à elle-même) devient l’ennemi de l’autre.

Le piéton[4] hurle sur la voiture qui peste sur le motard qui crache sur le camion klaxonnant sur le piéton.

Ajoutons à cela, quelques spécialités locales…

1 / La légendaire incivilité du parisien,  à base de « mais fais gaffe où tu fous tes pieds connasse ! », au moment où le type grille le feu rouge et manque d’écraser la mère de famille et ses deux enfants. Un classique.

2 / Cette sempiternelle camionnette, se garant en double file vers Barbés pour faire sa livraison, qui, au terme d’un effet papillon tout en hurlements[5] et entorses au code de la route[6], finira par provoquer un carambolage Porte d’Ivry.

3 / Un manque de courtoisie reconnaissable entre 1000 (conséquence de la promiscuité) que, contrairement à ce qu’imagine le fan-club d’Amélie Poulain, le reste du monde ne nous envie point.

4 / Des bancs de touristes s’échouant sur la chaussée, la tête dans le Lonely Planet, tandis que leurs autocars vides sillonnent les boulevards pour ne pas avoir à stationner (de toutes les façons de la place, y en a pas)

5 / La prolifération des chantiers pour l’amélioration de votre quotidien(et engraisser du prestataire privé) avec leurs abruptes obstructions du passage et leurs labyrinthes grillagés bordés de barrières grises et vertes au-delà desquelles on ne voit, qu’une fois le mois, un semblant d’activité.

6 / Une capitale prisonnière d’un absurde périphérique déjà dépassé le jour de son lancement (à 11.48, sur ce lien) [NDLR : conçu par la droite], le tout dans un pays hypercentralisé…

…et tu obtiens une belle mélasse continue de mauvaise humeur mécanique.

Le problème est simple, l’équation connue : plus tu laisses de place à la voiture plus elle occupe l’espace et, au final, tu iras aussi lentement qu’avant en polluant plus. Donc, vu le niveau d’habitants et le peu de surface disponible à Paris : gauche ou droite, décourageons l’automobiliste, pour l’orienter vers d’autres modes de transports (heu… performants et accessibles si possible) ou l’inciter au covoiturage. (La mesure en question, se basant uniquement sur le taux de Co2 émis, ne remet nullement en question l’usage de la voiture individuelle, encourageant même à en acheter une autre.)

Le nouveau vrai gros bazar du trafic intra-muros est le fruit de l’impossible cohabitation entre le camion poubelle, le vélib [7] du cono à l’heil-pod envoyant son texto tout en révisant son TD de russe tandis qu’une armada de scooters zigzague entre les 4X4 des bourgeoises[8] lexomylisées, pendues à leurs Blackbeurie en direction des Galfa pour s’offrir le nouveau Gavalda. Le tout parsemé de piétons déboulant au débotté parmi les voitures[9]. A noter les nouveaux périls 2010-2011 : le gamin en trottinette, les camions publicitaires (qu’on ne peut pas taguer parce qu’ils bougent) et les calèches pour russes friqués avec le sound-system qui crache « ceeeelavieennnnrooooose ».

Un début de solution serait, à mon humble avis, de répartir les moyens de locomotion sur des trajets spécifiquement réservés à chacun (zones pour camions, zones pour bus, zones pour piétons, zones pour voiture) et réapprendre à l’urbain, en plus du civisme, les vertus de la marche à pied.

Paris est, de par sa nature, une plaie pour la circulation et cela restera ainsi, à moins de tout raser et de reconstruire spécifiquement pour la voiture. (Au passage, on fera quelques logements sociaux hein Bertrand ?).

Principal grief à l’encontre de la municipalité parisienne (mais peut-on lui reprocher de défendre son image) : conforter l’idée que Paris doit rester la capitale économique ET culturelle ET touristique de La France, alors que ce pays regorge d’autres sites à visiter et de régions bien plus accueillantes pour entreprendre.

Tant que cette confusion des genres entre précieux village et capitale mondiale persiste, peu importe la couleur politique, aucune amélioration de trafic à espérer.

La jolie vidéo… où il est prouvé qu’il n’est pas si long qu’on le dit de traverser paname.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

[1] C’est à son enthousiasme à endurer toutes les peines du monde afin d’assouvir des désirs dessinés par ceux qui les lui vend au prix fort que l’on reconnaît le véritable esclave. Maître et esclave s’entendent sur ce point : la non-remise en question de leur rapport et des valeurs (marchandes) l’encadrant. Tout ce qui en découle, l’égoïsme, la barbarie, l’injustice sont assimilés par chacun comme les composants indispensables de ce qui « fait société ». Parfois même, les uns et les autres appellent ça de “l’indépendance”.

[2] Pas de jaloux : la province a ses ronds-points à la con, crées en pleine connaissance de cause.

[3] Impossible à Paris : le parcours en ligne droite de plus de 5 mètres sans percuter, au choix, bite en fer, sanisette, colonne publicitaire, terrasse de café dégueulant sur la chaussée, file de cinéma pour le dernier Harry Le potier. Egalement impossible à Paris : un simple déplacement en fauteuil roulant.

[4] La chignole coûtant un bras et mon bref passage terrestre tendant à l’éradication à la source des facteurs de stress inutile, je me suis débarrassé de cette quintessence tôlée de la réussite sociale à contrat d’assistance renouvelable.

[5] Un après-midi à conduire dans Paris informera l’individu sur sa propension à la tolérance.

[6] Anecdote observée récemment résumant à elle seule, les flux parisiens :
Une voiture ne trouvant pas de place pour stationner s’arrête sur la voie de bus empêchant l’un d’eux de l’emprunter. Le bus se reporte alors sur la seule voie disponible sans se soucier du cycliste y circulant sans lumière ni gilet fluo. Ce dernier, déstabilisé, tombe de son engin et manque d’être happé sous la roue arrière de l’autocar sous les yeux vaguement concernés des passants. Il tambourine contre la carlingue mais rien y fait : le chauffeur de bus, stressé à l’idée que le feu vert passe à l’orange, continue sa route vers le Boulevard.
Le plus ironique dans l’histoire ? Ni les propriétaires de scooters, ni le chauffeur de la voiture stationnée, pas plus que le conducteur de bus n’aura conscience du mal qu’il a fait ni des conséquences de ses actes. Si on les avertit, chacun d’eux répondre probablement : « Ce n’est pas de ma faute, c’est l’autre ». Quant au cycliste, trois secondes après avoir échappé à la mort, il remontait en sens interdit une ruelle sans visibilité !

[7] Le vélo à Paris : moyen de transport de loin le plus rapide à Paris. Le cycliste parisien : indigence conspuée de tous, dispose la majeure partie du temps d’options aussi risquées les unes que les autres.

[8] Se méfier également de la cruche en Smart. Si la bourge en 4X4 se croit indestructible,  la cruche en Smart se croit invisible, ce qui revient à peu près au même lorsqu’elle percute ton môme à 60 km/h.

[9] soyons honnêtes : le piéton est obligé d’être malhonnête. S’il respecte la signalisation parisienne et les trajets prévus à son endroit, il mettra une demi-journée pour faire 300 mètres.

Billet publié à l’origine sur Les jours et l’ennui, le blog de Séb Musset, sous le titre Paris sans voitures ? Bah ouais.

Photo FlickR CC Yann Caradec ; Romain ; Jean-François Gornet ; MPD01605.

]]>
http://owni.fr/2011/01/05/circulation-a-paris-la-neige-a-fondu-vous-pouvez-ranger-votre-bagnole/feed/ 4
Les erreurs des manifs d’automne : une frappe molle http://owni.fr/2010/11/09/les-erreurs-des-manifs-dautomne-une-frappe-molle/ http://owni.fr/2010/11/09/les-erreurs-des-manifs-dautomne-une-frappe-molle/#comments Tue, 09 Nov 2010 14:23:57 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=37146 Malgré les trombes d’eaux, malgré une matinée à courir après un bus de la RATP qui n’est jamais arrivé, j’y suis retourné. A 14h30, je remonte le boulevard Beaumarchais. La manifestation est censée avoir commencer. Hormis la sono hurlante, résonnant deux fois plus faute de corps pour amortir le bruit, c’est tragiquement calme. Au point que la circulation des voitures n’est pas encore coupée. Fidèle à son gouvernement, et profondément solidaire avec les travailleurs, un chauffeur de taxi passe en force avec sa berline climatisée au travers d’un groupe de quelques syndicalistes à leur point de ralliement.

Une dame : va lui péter la gueule, Raymond !

Il est déjà loin.

Il pleut de plus moche. N’allons pas faire notre Beauvau, mais force est de constater que les cortèges Place de La République sont plutôt clairsemés. Les caméras de télévision, discrètes aux précédentes mobilisations, sont venues en force. Des équipes emballées dans des K-Way géants, comme s’ils traversaient une tribu sauvage d’Amazonie, capturent en HD toutes les gueules rincées qui passent. Comme si nous étions trop nombreux, le cortège est divisé en deux parcours.

Requiem pour les retraites le 6 novembre

Avec sa désastreuse météo de droite, sa visibilité à trois mètres, sa procession de parapluie (que je prends systématiquement dans la tronche) et malgré l’entrainante prestation d’HK et les Saltimbanks, la mobilisation ressemble à un requiem pour les retraites.

Leaders non charismatiques, slogans au marteau, aucune participation des intellectuels français, manque d’incarnation [1] : quel gâchis de bonnes volontés après deux mois d’une superbe et poignante mobilisation où nous avons croisé tant de gens exceptionnels, redonnant confiance (jusqu’aux autres pays) dans la résistance citoyenne.

La stratégie syndicale laisse perplexe. Pourquoi tant de mobilisations si proches et pas de grève générale, si ce n’est pour faire de l’accompagnement de réforme ? Pas même un referendum d’initiative populaire, comme pour La Poste. La tête syndicale a lubrifié la révolte, faisant piétiner sa base jusqu’à tant que le gouvernement puisse la prendre au piège de « la mobilisation en baisse » et que les dociles caméras puissent faire ces images que les gouvernements étrangers attendent pour déclarer que « regardez, nous devons nous réformer comme en France ! Là-bas plus personne ne va contre le progrès ».

Mais la faute est aussi en nous. Malgré notre « soutien populaire » à ce mouvement, nous avons laissé faire les autres. J’ai beaucoup entendu parler de Mai 68 depuis deux mois, comme s’il s’agissait d’une formule magique, d’une marque déposée. Ce mouvement n’a rien à voir avec 68, et aucun mouvement ne renversera quoi que ce soit, sans la contribution active de ceux qui le soutiennent virtuellement. Tandis qu’une poignée d’irréductibles bloquait les raffineries, nous continuions à pointer à nos boulots, soulagés qu’ils fassent le travail (et prennent le risque) du non-travail à notre place, réjouis du boxon tant qu’il ne nous affectait pas trop. Et puis, quand même, un peu inquiet à l’approche des congés que notre week-end prolongé chez Mamy soit un peu gâché et que notre confort moderne soit remis en question quelques journées, nous avons, à l’unisson de notre « méchant » gouvernement, sonné la fin de la récré.

Nous avons abandonné nos combattants en rase campagne.

Incarner un mouvement

La force d’inertie de la clique mafieuse au pouvoir, exige plus pour être déstabilisée que les renoncements quotidiens de ceux qui s’en plaignent mollement. Ces deux mois de mobilisation sont la preuve par l’exemple qu’il faut saisir ce cadre que nous offrent les syndicats mais vite le déborder.

Pourtant pour reprendre le cri de guerre des derniers courageux militants sous parapluie du jour gris, oui « ça va péter », un jour, il ne peut en être autrement. Mais il va falloir oser taper où ça fait mal, et ne pas attendre que nous soyons réduits à l’état de loques sociales, affamés, édentés avec une espérance de vie de 52 ans :

  • incarner ce mouvement. Il faut plus de leaders à la Xavier Mathieu en tête de pont, et moins de followers à la François Chérèque face à Chabot pour servir la soupe à Parisot. Nous avons besoin de raconter des histoires, des situations, des portraits. Créer du feuilleton, du « storytelling » comme ils disent là-haut. Il n’y aura même pas à forcer le trait tant les drames et les injustices s’accumulent.
  • des manifestations moins nombreuses, mais plus massives, avec une grosse démonstration de force centralisée sur Paris, dirigée vers les banques, les sièges, les lieux de pouvoir, les beaux quartiers (la manifestation dans le VIIIe avait une autre ambiance, un poil plus électrique, que les classiques défilés Répu-Nation). Le mouvement d’octobre 2010 nous aura confirmé une chose : le pouvoir tremble plus que jamais devant la rue, son mutisme au pic de la contestation était du jamais vu en trois ans.
  • le blocage de l’économie. Un mois de serrage de ceinture vaut bien la sauvegarde d’un pays et de ses générations. Et puis ça fera des souvenirs « de guerre » à raconter pour les trois prochaines générations.

Attendre 2012 ne suffira pas

Enfin bon, je m’emporte. Mais j’avais un peu le moral à zéro en rentrant hier de la manifestation parisienne, trempé de la tête au pied, alors qu’au buzzomètre du jour, je réalisai que la vidéo de la femme d’un Ministre raciste déboulant, glamour, en robe pigeonnante pour une sauterie élyséenne à la gloire du grand démocrate chinois Hu Jintao, pétait tous les scores.

Que faire maintenant ? Attendre 2012, comme je l’entends partout ? Bien sûr, mais cela ne suffit pas. Les mêmes effets reproduiront mais les causes. Si l’on reste sur la chaussée à regarder les autres passer, les mêmes gouvernements passeront et passeront encore, poursuivant leur œuvre de destruction.

Va falloir rejoindre la danse et se mêler de ces choses dont ils ne souhaitent pas que l’on s’occupe et qui, pourtant, nous affectent bien plus qu’eux.

Si cela peut vous rassurer: avec l’énergumène au pouvoir, je suis persuadé que nous aurons, avant 2012, à remontrer de quel bois nous nous chauffons.

Billet publié initialement sur le blog de Séb Musset sous le titre 6 novembre, un jour gris.

FlickR CC Grégoire Lannoy ; François L ; blog c politic.

]]>
http://owni.fr/2010/11/09/les-erreurs-des-manifs-dautomne-une-frappe-molle/feed/ 3
Régionales? Connais pas. http://owni.fr/2010/03/14/regionales-connais-pas/ http://owni.fr/2010/03/14/regionales-connais-pas/#comments Sun, 14 Mar 2010 17:24:47 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=10039 le-sesam-pour-voter-the-sesame-to-vote-par-tonio-vega

Jeudi c’est triste. Sur huit parisiens entre 20 et 40 ans croisés dans le bar : 100% d’entre eux n’iront pas voter. Sur fond de bière et de précarité croissante, ça m’a parlé complots, manipulations, risque d’expulsion, applications Heil-Phone, tous pourris, gauche à droite et droite à gauche, la télévision c’est rien qu’une saloperie pour lobotomisés sauf la dernière saison de Docteur Tousse dont j’ai regardé douze épisodes d’affilé.

La campagne pour les élections régionales a t-elle été si médiocre? Des propositions qui valent ce qu’elles valent furent exposées de tous les côtés ainsi que des bilans défendables et défendus. Programme difficilement audibles, peu repris parce que le format média n’est plus au débat mais à la vitesse, à la petite phrase et à l’invective.

Les vaseuses polémiques introduites médiatiquement avec force débilité par le parti gouvernemental d’un côté et la thématique du bouclier régional anti-Monarque de l’autre troublèrent l’observation du fond. Au point que l’on ne sait toujours pas ce qui est où non du ressort de la région.

Le parti du monarque a accentué l’opacité en attaquant par l’intox (comme l’a encore fait ce matin le storm-trooper gominé sur France Inter), la politique régionale des socialistes sur la hausse des impôts et l’insécurité (L’un est le fait des transferts de compétences décidés et non compensées par le gouvernement et compte moins de 10% dans le montant total des impôts locaux – et je ne te parle même pas de la suppression de la taxe pro-, l’autre n’est tout simplement pas du ressort des régions.)

Cette campagne marécageuse des ronds dans l’eau saumâtre, à mi-mandat présidentiel et en plein désarroi national avec total manque de perspective, profite à la montée de l’abstention.

Le PS criera victoire et immédiatement l’UMP relativisera sur les plateaux qu’avec 50% d’abstention cette victoire ne vaut rien. Le monarque capte enfin qu’avec ses gesticulations il a démobilisé son propre campIl est donc dans son intérêt, rapporté à la seule échéance qui l’inquiète, à défaut de séduire, de démobiliser ceux d’en face.

Comme diraient certains salariés gazés en pleine Défense, le mépris est total.

Si tu penses que les responsables politiques sont tous pourris, sois assuré que certains d’entre eux tablent en permanence et, avec succès, sur la médiocrité de tes aspirations et ta constance dans la résignation.

Donc si j’étais toi, dimanche, j’irais voter du mieux que je peux.

Si tu ne le fais pas pour la victoire, fais-le pour la sale défaite.

* * *
Conseil pour après : Les progrès de la médecine et de la forfaiture présidentielle ne pourront rien contre l’érosion naturelle d’une certaine croûte électorale. En revanche, la désertion des pauvres et des jeunes de la sphère démocratique peut maintenir à moindre frais le parti des riches grabataires en orbite sécurito-stationnaire.

> Illustration par
Tonio Vega sur Flickr
]]>
http://owni.fr/2010/03/14/regionales-connais-pas/feed/ 1
Apocalypse News http://owni.fr/2010/02/12/apocalypse-news/ http://owni.fr/2010/02/12/apocalypse-news/#comments Fri, 12 Feb 2010 18:00:38 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=8064

Mardi dernier c’était Thema sur Arte. « Main basse sur l’info » que ça s’appelait.

Au programme : deux docs bidons et un débat à la gomme sur internet où, comme d’habitude, pas un seul spécialiste du sujet ne fut convié.

Je ne traiterai pas ici du premier reportage (déja culte) sur les complotistes dont le titre « Les effroyables imposteurs » explicitait les intentions du réalisateur. Je n’en ai vu que la 2eme moitié : Cet exercice de style à la finesse du bulldozer consistant à reproduire à l’identique mais en politiquement peinard, les travers d’approximation et d’enfermement dénoncés, réussirait l’exploit de convertir aux théories du complot Jacques Attali et Saint-Thomas.[1]

Non, j’attendais le programme sérieux de la soirée avec des journalistes expérimentés et intransigeants, formés à l’école de la rigueur, imperméables aux pressions et aux législatures successives.

« 8 journalistes en colère » présente en 24 minutes une sélection de notables du journalisme se livrant à l’analyse des dérives de leur métier pour tenter d’expliquer la perte d’audience et de crédibilité dont ils sont les victimes.

LA FORME :

Ambiance musicale dynamique et un poil stressante (c’est l’avenir de la presse qui est en jeu !), photographie ténébreuse et filtrée, plans fixes HD sur les représentants de la presse : Le gentil spectateur est mis en condition. Ici mon gars, c’est pas du .flv 420X340 à 14 images / seconde filmé au Nokia 3G par on ne sait pas qui.

- La vache : c’est la nouvelle saison des “Experts ” ?

– Nan, c’est un ami de la femme du président qui va dénoncer les abus de la désinformation.

FAITES ENTRER LES VICTIMES :
Le commentaire emphatique présente « la star de l’information [...] aux 5 Millions de spectateurs ». David Pujadas ouvre le bal des maudits et nous livre face caméra son édito d’intro sur « la crise des médias » poignant comme une campagne d’Amnesty international.

DAVID P., démonstrateur en information battu. (Paris)
« – [...] Je crois que le problème n’est pas à côté de nous mais en nous. [...] le journaliste n’est soumis à personne sauf à lui-même [...] il souffre d’abord de conformisme et de mimétisme [...]. On a le sentiment d’entendre un bruit de fond médiatique avec non seulement les mêmes sujets au même moment mais avec les mêmes mots et surtout, surtout, le même regard, la même sensibilité. [...] C’est ce que l’on pourrait nommer le journalisme des bons sentiments [...] émouvoir, toucher le cœur mettre en scène la complainte ça fait de l’audience mais il y a plus que ça. Le journalisme des bons sentiments c’est aussi une bien-pensance, c’est l’idée que par définition le faible a toujours raison contre le fort [...] En fait c’est une dérive mal digérée de la défense de la veuve et et de l’orphelin : cette posture qui valorise le journaliste et qui a l’apparence du courage et de la révolte.

Plan serré pour mieux sentir l’émotion du mec qui n’a pas encore fait 327 heures de direct sur les cadavres encore chauds d’Haïti.

DAVID PUJADAS
“- Alors que faire ? Sans doute revenir aux fondamentaux du journalisme, s’écouter soi même et laisser parler sa propre curiosité, ne pas se glisser dans un moule.

Soyez gentils les gens, aidez cet homme à être moins intolérant avec lui-même. Regardez son JT.

VOIX OFF MODE CHAUSSE-PIED
« – Ne pas se glisser dans un moule? Facile à dire. Mais comment faire, quand on doit comme David Pujadas fabriquer un journal tous les jours dans l’urgence face à la concurrence acharnée des autres médias ?

Le saviez-vous ?
La prolifération de l’information sur le réseau est mauvaise pour le citoyen.

La prolifération de télévisions pour préparer son information est bonne pour le journaliste.

Et l’animateur de déplorer un “vertige” tout en culpabilisant son absence de “hauteur” dans l’histoire des défenestrations de France Telecom. Il en a trop fait, ça se trouve le taux de suicide était tout à fait normal. Il aurait du vérifier.

“- Peut-être que l’on s’est laissés rouler par une énorme vague, celle de ce bruit de fond médiatique ?

Bah, dis donc David t’en as des malheurs. Ils sont méchants ces salariés sur-stressés et traités comme du bétail qui se suicident pas assez, rien que pour pourrir ta crédibilité.

VOIX OFF MODE COURBETTE
- Autre journalisme, autre trajectoire celle de Philippe Val. Ex directeur de Charlie Hebdo, patron de France Inter. En publiant les caricatures de Mahomet dans le journal satirique, il a gagné le droit de se méfier de tous les conformismes.

PHILIPPE VAL
” - Le pire ennemi du journalisme c’est sa conviction d’être au service du bien et de la pureté. Le journalisme n’est pas une religion
[c'est tout ? je pensais que tu serais plus solennel]
…La tentation est grande de faire primer la thèse sur le fait. “
[spéciale dédicace au réalisateur du doc précédent]
“… Le discours démagogique des uns marginalise le travail sérieux des autres. Ce n’est pas parce qu’il exprime son opinion qu’un journaliste est libre et indépendant…
[On est pas un ancien de Charlie-Hebdo pour rien : gros LOL garanti !]


Pour ce patron de radio, le journalisme n’est pas :
a / une religion.
b / une secte.
c / une représentation exacerbée de la lutte des classes avec sa baronnie et son sous-prolétariat.

Respiration visuelle :
On retrouve un Val proche et impliqué en salle de rédac’. Si, si ça se voit : Il fait oui-oui et non-non de la tête et il y a un téléphone pas loin.

VOIX OFF MODE PREMACHAGE DE L’IDÉE QUI VIENT
“- Illustration avec cette attitude très répandue qui consiste à faire passer dans bien des rédactions le point de vue avant les faits.

Il a du sentir qu’on parlait de lui : Voilà Jean-Pierre Elkabbach.

- Yo.


VOIX OFF
MODE TAPIS ROUGE

« ….ce grand professionnel est aussi depuis plus de quarante ans l’un des journalistes les plus controversés de l’hexagone. [...] Il n’est pas du genre à se taire »

Elkabbach termine, comme les autres, son décompte précédant le laïus (Ça et le maquillage filmé, autre truc du montage, ça impressionne les gueux) :

JEAN-PIERRE ELKABBACH
« - Je me garderai bien de jouer les imprécateurs, les procureurs ou les donneurs de leçon. [...] Quand je m’interroge sur les raisons de la désaffection des lecteurs, de l’érosion actuelle de la vente et des audiences, de la crédibilité qui fluctue de la presse et bien j’ai envie de dire : Assez ! Assez de considérer les affaires du monde comme une bataille entre le bien et le mal. Assez de nous copier, de nous répéter les uns et les autres, assez d’agir en meute.”

Fier et digne, l’ancien patron de France Télévision à l’origine du concept d’animateur-producteur sur fonds publics, qui nous avait annoncé la mort de Pascal Sevran six mois avant son décès, monte en intensité, des trémolos dans la voix :

JEAN-PIERRE ELKABBACH
- Assez de réclamer plus indépendance et d’aller courir après les subventions de l’état. Je crois que c’est la rigueur, la curiosité la qualité qui assurent l’indépendance de la presse. Assez. Assez de nous complaire dans la peopolisation, je n’en peux plus, dans l’émotion, dans l’irrationnel et le voyeurisme. Et puis assez d’encenser un jour, de vilipender le lendemain et de porter aux nus, les mêmes, les mêmes, le surlendemain.
[faites comme lui, flattez toujours les mêmes.]
Assez de faire croire que le citoyen journaliste va se substituer un jouer au journaliste citoyen. ”

* * *
[communiqué de la direction]
Ce documentaire vient de déraper plus tôt que prévu dans sa 2eme partie,
nom de code :
A défaut d’y comprendre quelque chose, pétons la gueule au net.
* * *


JEAN-PIERRE ELKABBACH

– Certes, la révolution d’internet favorise, accélère et transforme chaque internaute en créateur d’événements…
[note bien pour ton lexique d'avaleur d'actu : L'internaute crée de l'évènement, le journaliste fait de l'info.]
…Mais toutes les expériences citoyennes ont besoin de vrais journalistes pour sélectionner, vérifier et écrire. Alors chacun à sa place.
[... et personne à la sienne]

QCM : Que désigne par ce geste cet éditorialiste multi-support ?
a / le crédit qui lui reste auprès des politiques ?
b / le crédit qui lui reste dans l’opinion ?
c / le crédit qui lui reste dans sa propre rédaction ?

Résumons la position d’Elkabbach sur le rapport net / info :
Parce qu’on a pas d’équipe sur place, reprendre au JT une émeute filmée chez lui par un iranien ou un chinois qu’il balance sur le net au risque de sa vie en déjouant la censure : C’est un formidable outil.

Qu’une équipe de télé ayant filmée un flag de racisme pépère d’un ministre soit contrainte de diffuser sur internet la séquence en question parce que sa propre direction l’autocensure : C’est un danger pour l’information.

CQFD : C’est en Chine et en Iran qu’Internet c’est bien.
(ça tombe tien avec Loppsi 2, on y va direct.)

Illustration visuelle :
Elkabbach en plein close combat radiophonique, sans protection et à moins de dix mètres d’un socialiste enragé et sans muselière.[2]

VOIX OFF MODE FESTIVAL DE CANNES
“- Pujadas, Val, Elkabbach.. une sacrée brochette de professionnel rassemblés ici pour dire à peu près la même chose : C’est en nous journalistes que réside la meilleure réponse à la crise des médias.”

En décodé, version rente : Nous sommes le problème mais comme nous percevons le gros salaire, nous sommes également la solution.

A ce stade, un doute m’assaille. N’assisterais-je pas à une énorme parodie de documentaire à l’anglaise ? Non, non c’est bien du premier degré à la française : La tragi-comédie apocalyptique des suffisants qui expliqueront jusqu’au bout pourquoi eux ont tout compris et les autres rien du tout.

VOIX OFF MODE : TIENS JE VAIS QUAND MÊME POSER UNE QUESTION
«- …Sur le web chacun crée son propre média et se croit journaliste. Alors question à quoi servent encore les journalistes si l’on sait tout sur tout en temps réel ?

AXEL GANZ Patron allemand de Prisma Press :
« – Notre société vit une explosion de l’info sans filtrage [...] c’est pour cela que l’ère internet est vraiment dangereuse. Pire encore, l’information se diffuse de manière totalement anarchique…
[Cette information pas payée qui s'en va partout, ça lui brise les rouleaux au big boss de l'info.]
…et je pense qu’à long terme cela provoquera sur la jeunesse un scepticisme sur les valeurs de notre société
[Autre pronostic du prophétique coupé au montage : A moyen terme, le format MP3 risque de causer la chute des ventes de 78 tours.]
” – Je crois donc qu’il est urgent de tirer la sonnette d’alarme, il faut que les médias traditionnels échappent à cette banalisation de l’information…
[Note interne : CNN a été crée en 1980. Internet grand public s'est développé 20 ans après]
…sinon ils vont y mourir.”

Axel Ganz a tout compris, il a free dans le dos.

Pre-supposant que la presse et information vont de pair, pas à un moment n’est esquissée l’hypothèse que l’information sur internet est, peut être, parfois, sait-on jamais, de qualité. Ah non pas de ça ici !

Mais qui vois-je ? Arlette Chabot, chaleureuse patronne de l’information à France 2 :

ARLETTE CHABOT
- Méfiez vous des adeptes des théories du complot. La vérité serait sur la toile tandis que les médias traditionnels soumis à des pressions vous cacheraient la vérité ? Alors c’est vrai, grâce à Internet aucune information ne pourra jamais plus être dissimulée ou enterrée mais, en revanche, je vous demande d’être prudent parce qu’un jour vous apprendrez que vous avez été manipulés. La traçabilité des images sur internet, origine, auteur, diffuseur, n’est pas garantie. Ayez en tête que le buzz peut être organisé par des sociétés…”

Tiens prends ça canaille d’internaute[3] au cas où t’aurais pas encore compris avec le film d’avant que ton réseau incontrôlé était le repère de tous les crétins illuminés[5] prêts à aux amalgames les plus grossiers pour démontrer ce qu’ils ont préalablement décidés. Pas comme avec les journalistes en colère.

– Des connards y en a toujours eu mais maintenant avec leur réseau,
ils ne nous regardent plus.

Et l’incorruptible journaliste d’accuser cette saloperie de web qui a poussé, un flingue sur la tempe, sa rédaction à diffuser l’année dernière de fausses images d’un bombardement à Gaza.

A propos d’internet….Interlude visuel :
Succession brutales d’images animées représentant des captures d’écran et des images du 11 septembre symbolisant le web. Le tout grossièrement filmé et monté à vive allure, en totale rupture formelle avec le reste du documentaire constitués de plans stables et d’éclairages soignées.

- Tu vois mon cono, là y a des tours qui tombent. Ça veut dire qu’on est sur internet.
- Ah d’accord… Mais pourquoi c’est filmé sur un écran de télé alors ?
- Ta gueule c’est de l’info.

La voix off, jusque là un peu réservée, se lâche enfin :

VOIX OFF MODE MENACE FANTÔME
«- Sur internet, les pires rumeurs prolifèrent comme de mauvaises herbes [...] Internet est une zone grise pour l’information »
[Non ça s’appelle un réseau ouvert et participatif. De là à tout suspecter c'est un peu comme si, au titre que mon voisin me casse les oreilles avec ses CD de Lara Fabian, j'allais demander à la police de dynamiter le quartier pour prévenir le risque de contagion.]

Edwy Plenel ancien du monde parti à Médiapart (journal en ligne)apporte un peu de modération au forum de la pensée unique.

- Bon mon petit Edwy, faut la jouer fine.Toute la blogosphère te regarde. Avec une émission pareille y a de quoi se faire déchirer sur internet pour 3 siècles.

EDWY PLENEL
« Quand la démocratie est jeune, elle est toujours excessive… comme toute nouveauté. [...] Nous [les journalistes] étions indispensables en terme de relais des opinions : C’est fini [...] Je crois que c’est une très bonne nouvelle car cela nous remet à notre place [...] L’opinion, le jugement, le point de vue, ce n’est pas notre monopole, ça appartient à tout le monde. Le travail sur l’information, l ‘investigation, l’enquête sur le terrain c’est notre job. Concentrons nous là dessus [...] et le reste est ouvert à la discussion »

- cool, j’ai assuré !

Le documentaire entre dans sa troisième partie synthétisée à merveille par la première phrase de Franz-Olivier Giesbert« une grande figure du journalisme français ». Phrase dont j’ai viré le gras pour en faire ressortir l’idée force :

FOG
« – Le problème avec le choc internet c’est que [...] les journaux perdent de l’argent »

Et oui, fallait y penser, le journalisme va mal parce qu’Internet pompe sa pub !

Dans le genre, comment prendre un problème à l’envers, le raisonnement de FOG est un modèle : Comme le net pique leurs lecteurs, les journaux ne vendent plus et donc ils deviennent dépendants d’autorités économiques ou de l’état. Logique.

1er rectificatif : Les annonceurs fuient les journaux parce que ces derniers ne vendent plus assez. De là à dire que la publicité va exclusivement se reporter sur internet, c’est une affirmation un poil précipitée. Mais enfin bon, au cas où, on envisage quand même une taxe Google. (Ou, comment taxer les innovations étrangères qu’on a pas eu l’ingéniosité de financer localement histoire de financer ceux qui perdent du pognon.)

2e rectificatif : C’est parce que les lecteurs ont le sentiment que les journaux, étant donné leur contenu, ne sont plus indépendants qu’ils se reportent de plus en plus sur le net et les journaux gratuits.

Encore un peu, et je vais me demander si ce documentaire n’est pas complotiste….

Dernier intervenant : Eric Fottorino, boss du Monde « un journal qui souffre financièrement mais qui reste la référence », livre sa profession de foi :

LA PROFESSION DE FOI D’ÉRIC FOTORRINO
« – Il arrive aux géants industriels de contrôler de grands médias…
[scoop]
…l’indépendance de la presse doit être économique pour être éditoriale…
[re-scoop]
…c’est la seule condition possible pour n’être ni de droite, ni de gauche…
[Le fait qu'il y ait une presse orientée politiquement n'est pas un problème, le problème c'est qu'elle le soit systématiquement du côté du pouvoir en place.]
…pour être le plus incisif possible dès lors que le travail éditorial est fiable, effectué avec honnêteté et bonne foi, avec combattivité aussi, face aux professionnels du lobbying et de la désinformation. La presse écrite doit être un contrepouvoir.”

VOIX OFF MODE LAPIN CRÉTIN
” – C’est bien la prétention de tous les médias, d’être un contre pouvoir.
[euh… là aussi l'affirmation est excessive.]
…Mais plus facile à dire qu’à faire, sauf si on s’en donne les moyens, c’est ce que fait “Le Monde” depuis longtemps, non sans mal.”

Et Fottorino de se vanter que jamais aucun patron ne l’a appelé pour se plaindre d’un article.

- Bon les boys : vous écrivez ce que vous voulez.
Une seule consigne : ne gêner personne.

Il confesse avoir reçu un petit coup de fil du monarque lui reprochant de ne pas avoir assez bien rapporté un voyage à l’étranger. Et bien, le prochain voyage du président, il en parlera encore dans son journal ! Non mais ! On ne la lui fait pas à Fottorino. Intouchable qu’il est.

Dans un soucis d’objectivité, après avoir passé 10 minutes à casser du net, la voix off nous précise enfin que les grandes groupes de presse français vivent désormais sous perfusion de l’état.

Et bien voila… Fallait peut-être commencer par là non ?

Pour info, le titre allemand du documentaire était :

Les faiseurs d’opinion français font leur valise.”

- M’en fous, j’ai un bail à vie.

[1] Dans le genre je conseille le nettement plus rigolo, et un minimum documenté, “2012, la conspiration de l’apocalypse“de Dimitri Grimblat.

[2] Laurent Fabius.

[3] En langage télévisuel : ces tarés qui n’ont pas la télé.

» Article initialement publié sur Les jours et l’ennui de Seb Musset

]]>
http://owni.fr/2010/02/12/apocalypse-news/feed/ 0
“S’opposer de manière utile et constructive” http://owni.fr/2010/02/02/sopposer-de-maniere-utile-et-constructive/ http://owni.fr/2010/02/02/sopposer-de-maniere-utile-et-constructive/#comments Tue, 02 Feb 2010 18:34:47 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=7585

Certains ont encore du mal à voir des évidences qui s’imposent depuis déjà dix ans : Si le Parti socialiste peine à faire rêver c’est par son manque de hargne, dans sa représentation la plus visible, à défendre les valeurs de gauche.

C’est sur ce constat, et parce que de la hargne il en a, que dans la foulée du vote des motions du congrès de Reims, Jean-Luc Melenchon claquait enfin la porte du PS où il vivait “tranquillement comme spécimen de gauche, dernier marxiste” pour se “jeter dans le vide avec des communistes” et créer le parti de gauche visant rien de moins que la refonte du socialisme.

A l’initiative du journal Vendredi et accompagné des blogueurs vogelsong, Ronald d’Intox2007, Laure Leforestier, Guillaume d’Owni.fr Richardtrois, mancioday, dedalus, j’ai rencontré la semaine dernière un Jean-Luc Mélenchon balançant de la révolte au scepticisme mais dont rien n’ébranle les convictions.

La première partie de l’entretien est une charge philosophique sur les médias et la façon biaisée d’introduire le débat, l’autocensure de certains journalistes, le jeu continu entre le faux et le vrai dont vous trouverez le compte-rendu chez Piratages.

Concentrons-nous sur l’analyse du socialisme, passé présent et futur, qui sera le fil rouge du reste de l’entretien. (Je vous encourage à écouter les extraits audio jusqu’au bout, ça vaut le détour !)

Ça commence mal : Dedalus fâche Jean-Luc Mélenchon avec cette question que beaucoup se posent (tout de même) : “Est-ce qu’en sortant du PS il n’y a pas cette tentation de taper systématiquement dessus et finalement d’empêcher l’union ?“.


Colère.


JLM : - Qui divise la gauche ? Si ce n’est ceux qui ont décidé d’y mener une politique qui n’a rien a voir avec la gauche !” [...] Je suis contre les alliances avec le Modem, parce que le modem c’est la droite. Que dois-je faire ? Me taire ou le dire ? Madame Aubry se déclare à la télé pour la retraite à 62 ans et vous me dites : comment Monsieur Mélenchon vous osez la critiquer ? Et c’est moi qui aggraverait la division de la gauche ?


JLM poursuit son explication musclée sur la seule finalité de son parti : Forcer le PS à revenir à gauche. Il étaye sa démonstration sur son observation des mutations européennes (politiques libérales de Blair et Schroeder) ainsi que sud-américaines causées par un socialisme dévoyé.
JLM : “- La catastrophe italienne pour moi est la plus glaçante : Il n’y a plus de parti de gauche ! Ça répond à votre question ? Moi je suis obligé de me dire mais qu’est-ce que je suis entrain de faire ? Je suis entrain [à l'époque] de raconter aux gens que le débat continu à l’intérieur du PS, que faire autrement c’est diviser. Sauf que petit a petit la pente est prise, y a plus de résistance, y a pas de réaction !

Son devoir, continue-t-il, est de critiquer le PS français qui en arrive progressivement au point italien.

“- La responsabilité individuelle d’un homme libre c’est de s’opposer au moment où on peut le faire, de manière utile et constructive. [...] Il faut changer la gauche, changer son centre de gravite, rectifier son programme sur son orientation.
Suite de la réponse en audio (A propos de la gauche en Amérique du Sud et de Chavez) :

A l’idée qu’on puisse le soupçonner d’amalgamer socialistes français et sud-américains, Melenchon repart au quart de tour :

Ré insuffler de “la révolution” à gauche tout en restant dans un cadre républicain et générer l’implication populaire.
La question de l’alliance avec le NPA, pas réputé pour sa volonté d’accéder au pouvoir, est replacée dans une perspective historique : JLM rappelle qu’il y a 30 ou 40 ans nombre de socialistes étaient bien plus extrêmes que les extrémistes de gauche d’aujourd’hui :

JLM :- Vous avez vu ce qu’était le PS dans les années 70 ? […] On était un parti révolutionnaire. C’était marqué dedans. Il y avait du double vitrage à ma fédération et quand je demandais pourquoi on me disait : « camarade, l’ennemi de classe ne se laissera pas faire. » […] On peut toujours dire c’est pas ça qui s’est passé mais je rappelle que l’on a nationalisé toutes les banques, le tiers de l’industrie etc, etc.. et que « le vieux » [François Mitterrand] que l’on présente comme un machiavel cynique a toujours refusé de signer les ordonnances de privatisation jusqu’à son dernier souffle. »
A ce sujet, le chef du parti de gauche réhabilite la stratégie politique de François Mitterrand. Il donne sa version de l’élection de 1981 et du “tournant de la rigueur de 83″ :

1ere partie :

2eme partie :

En fin d’entretien, je lui demande si les élections régionales, avec un PS annoncé triomphant et donc peu enclin à l’autocritique, ne risquent pas de reporter son message d’encore un scrutin ? Réponse pragmatique et ouverte sur un deuxième scénario… :

Leçon de gauche terminée.

Pendant ce temps…

Dominique Strauss-Kahn est, parait-il, le candidat socialiste préféré des français…

» Articles initialement publié sur Les jours et l’ennui de Seb Musset

Articles connexes :

]]>
http://owni.fr/2010/02/02/sopposer-de-maniere-utile-et-constructive/feed/ 1
Guerre et presse http://owni.fr/2010/01/25/guerre-et-presse/ http://owni.fr/2010/01/25/guerre-et-presse/#comments Mon, 25 Jan 2010 16:22:18 +0000 Seb Musset http://owni.fr/?p=7231 ban_network

Début 2010. Dans l’arrière-cour des influences médiatiques, le vieux monsieur et son épouse illégitime s’entredéchirent sur la garde des infos :

MASS MEDIA

Espèce de traînée pédo-pornographique ! T’informes comme une pissotière. Avec toi c’est la porte ouverte au n’importe quoi et à l’approximation !

MISS NET

Pyramidal dépassé ! Question approximation t’en connais un rayon. Tu t’es regardé ? Ta pensée est vive comme un buffet Louis-Philippe !

MASS MEDIA

Tu n’as pas de pudeur !

MISS NET

Tu vas filmer des cadavres encore chauds empalés sur des rampes d’escalier à Port-au-Prince et t’es incapable de montrer un SDF en bas de ton building sans le flouter ! Et encore : faut attendre qu’il fasse moins dix degrés. Et c’est titré “Le froid a encore tué”.

MASS MEDIA

Ton information n’est pas vérifiée !

MISS NET

Critique mon info va… Même tes réclames sont plus honnêtes : c’est marqué “pub” avant et après.

MASS MEDIA

Personne ne te contrôle !

MISS NET

Toi t’es bien en main par une poignée de copains.

MASS MEDIA

Nous on a la crème des analystes.

MISS NET

Ouais… Riche en corps gras.

MASS MEDIA

Le réseau c’est sale : tout le monde y met les mains

MISS NET

Toi t’es du genre : le même cul posé sur douze chaises. Tout le monde ne peut pas être chroniqueur sur trois chaînes, patron de presse et expert à la radio ! [1]. L’information c’est comme le capital : à un moment faut partager sinon ça devient suspect.

MASS MEDIA

Il me faut des gens carrés. On a des objectifs. Je suis sous pression. Tu ne sais pas ce que c’est d’informer et de divertir à la fois. Tu ne fais que dénoncer.

MISS NET

Sûr qu’à ce niveau t’es pas le champion : 4 vigiles étouffent un type dans un hyper parce qu’il pique une bière. Deux semaines après tu nous fais uncomplément d’enquête sur la petite délinquance qui fait perdre un milliardet demi à la grande distribution.

MASS MEDIA

La valeur étalon de la pensée progressiste et l’élite culturelle partagent ce constat : tu n’es qu’un repère de cyber-criminels, de terroristes et de déviants.

MISS NET

Tu les fabrique sur demande. Une de tes victimes t’appelle “boite à lettre”.

MASS MEDIA

Tu n’as aucune morale !

MISS NET

Tu perds lӎthique.

MASS MEDIA

Je touche tout le monde.

MISS NET

Tu caresses toujours les mêmes. A la télé, ton audience est tellement vieille qu’il faut que ça applaudisse toutes les trois secondes pour pas qu’elle s’endorme.

MASS MEDIA

C’est bas ça… Sachez jeune fille que chez moi le débat des idées est sans tabou !

MISS NET

Ouais, mais il est souvent scénarisé. Et puis quelles idées ? Du débat, le plus souvent tu ne connais que deux formes :
- le cire-pompage-promo-psychanalytique façon Drucker.
- Le procès des idées contraires à celles qui t’arrangent.
Chez toi, la réalité n’est qu’imprévue. Même tes spectateurs font plus confiance à leurs banquiers !

MASS MEDIA

Tu déformes la réalité.

MISS NET

Quand tu parles d’histoire, t’es obligé de mettre des couleurs parce que sinon parait qu’on ne serait pas assez ému. Et en plus t’en es fier !

MASS MEDIA

Tu ne colporte que des ragots.

MISS NET

T’informes pas, tu tapisses.

MASS MEDIA

Tu parles trop. Insolente !

MISS NET

Avec moi faut faire le tri : Je suis pas un média passif. Avec tous les cerveaux que t’as contaminé c’est compliqué de rétablir une autre vérité.

MASS MEDIA

Moi madame j’ai un statut, des années d’expériences, je suis pas une folle dingue qui joue avec le feu.

MISS NET

Ce n”est pas parce que je suis jeune qu’il faut que tu me parles comme ça : j’apprends. Jouer avec le feu ? On voit que tu regardes pas ce que tu diffuses : meurtres à la hache, pognon pour questions con, strings dans la gueule et autopsies en prime-time. Les unes de tes magazines : La crise est finie, les bonnes affaires de l’immobilier, l’atroce calvaire de Johnny, comment Rachida prépare sa contre-attaque !

MASS MEDIA

Allons bon. Et le pugilat de la distribution de billets annulée, c’était pas du racolage peut-être ?

MISS NET

C’est bien toi ça, tu confonds tout mais juste quand ça t’arrange. Ça s’appelle de la publicité. Tu connais non ? Je te rappelle ce qu’en disait à la télé en 1990 un de tes penseurs préférés qui depuis a le droit à l’open bar sur tous tes plateaux pour mettre en kit mon réseau : “La publicité c’est le sponsor de la démocratie“.

MASS MEDIA

C’est bien dans tes méthodes ça … Sac à buzz et petites phrases!

MISS NET

T’es bien content de les avoir mes buzz pour énerver tes chroniqueurs et me pomper dans tes revues de presse. Et tes bêtisiers du net à la télé qui te coûtent pas un rond, avec quelles images tu les fais ? Et les petites phrases faut bien les lancer puisque tu n’oses pas les montrer même quand c’est toi qui les as filmées.

MASS MEDIA

Je te l’accorde : tes lol cats et tes tartes à la crème ça bouche mes trous et ça me donne l’air branché. Mais bon, tes analyses sur mon fonctionnement interne et les dérapages de ceux qui tiennent ma destinée entre leurs mains sont un peu trop exigeantes pour mon audience. Faudrait pas trop les réveiller, ça devient embarrassant pour ma démocratie financière personnelle.

MISS NET

Surtout que l’on redonne le goût de la lecture et du sens critique à ta clientèle !

MASS MEDIA

Tu crois vraiment que l’on va se laisser marcher dessus par un média tentaculaire, insoumis et sans tête pensante ? Moi et mes potes on va te faire rentrer dans le rang ! On va t’hadopiser, te filtrer, te mater, te taxer, te couper et t’interdire d’émettre comme en Italie.

MISS NET

Attrape-moi si tu peux !

MASS MEDIA

Tu ne représentes rien.

MISS NET

Alors pourquoi veux-tu me détruire ?

MASS MEDIA

Tu casses ma routine et tu m’obliges à tout repenser. Mais j’ai encore de bons revenus et des amis influents dans la place. Je peux tenir longtemps. Et puis si cela ne marche pas, l’Etat me financera.

MISS NET

Non sans dec’ ? Ça c’est de l’info inédite ! Et qu’est-ce que tu vas faire ? Ne plus enquêter au-delà de la porte de Bagnolet comme le secrétaire du Monarque te le suggère ?

MASS MEDIA

Pirate ! Menteur ! Inculte !

MISS NET

Crois-tu que tu feras longtemps le poids avec tes PDM en pente douce et tes ventes kiosque proche de la banqueroute sans retrouver la route d’un travail sérieux ? Parce que les JT uniformes ou le copié-collé des dépêches AFP…

MASS MEDIA

Tiens prends ça ! Un Envoyé spécial sur les méchants pirates du réseau. 2 millions de personnes qui te prennent pour une salope !

MISS NET

Si l’industrie du disque avait su s’adapter au lieu de chercher à punir pour conserver ses marges, elle n’en serait pas là aujourd’hui. Ça devrait te servir de leçon non?

MASS MEDIA

Il y en aura toujours pour me lire et m’écouter.

MISS NET

Je sais : j’en fais partie. Je l’avoue : je ne serais rien sans toi et j’aime bien ce que tu fais parfois. Si tu étais un peu plus ouvert et moins accroché au passé, tu comprendrais… Prends des risques, on en a besoin.

MASS MEDIA

Bon… devant la tournure médiocre de ce débat (mais pouvait-il en être autrement sur ton réseau ?) , je tiens à exprimer toute ma sympathie au peuple haïtien.

MISS NET

Et moins je te link au dossier de Michel Collon sur un pays qui existait bien avant le 12 janvier.

MASS MEDIA

On se reverra.

MISS NET

On se regarde sans arrêt.

[A l'issue de cette discussion, nous nous orientons vers la remontée et le décryptage parallèle des infos. Mais, les deux camps disposent encore d'arguments et de moyens de pression...]

A suivre…

[1] existe également avec les options : conjoint de personnalité politique au pouvoir, salaire métallisé, fermeture centralisée.

» Article initialement publié sur Les jours et l’ennui de Seb Musset

]]>
http://owni.fr/2010/01/25/guerre-et-presse/feed/ 3