OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Misfits : « las béton ». Un autre regard sur les périphéries urbaines http://owni.fr/2011/07/10/misfits-%c2%ab-las-beton-%c2%bb-un-autre-regard-sur-les-peripheries-urbaines/ http://owni.fr/2011/07/10/misfits-%c2%ab-las-beton-%c2%bb-un-autre-regard-sur-les-peripheries-urbaines/#comments Sun, 10 Jul 2011 10:31:33 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=72926 Il est frappant de constater le très faible nombre de super-héros officiant hors des villes denses [en]. Les justiciers masqués sont les « saints patrons des villes » ; il existe même un super-héros dont le pouvoir est justement « d’entendre » [en] la ville. Mais qui reste-t-il pour protéger les banlieues – qu’elles soient pavillonnaires ou bétonnées ?

Ce déficit est relativement logique : la culture « super-héros » s’est construite sous le règne de la banlieue pavillonnaire, symbole du rêve américain et qui ne peut donc qu’être tranquille et apaisée ; inversement, la ville dense est perçue comme violente et dépravée, un terrain de jeu idéal pour les super-héros (voir aussi ici). Entre les deux, la ville moyenne étalée est quant à elle quasiment absente du sujet. Mais l’évolution du contexte urbain aux USA tend à faire bouger les lignes.

Le phénomène reste malgré tout très limité dans la culture américaine. J’en discutais avec @jordanricker et @Splashmacadam_, qui m’aidaient à faire un rapide benchmark des héros « périurbains » dans la pop-culture mainstream. À part quelques grosses séries telles que Smallville [rural], No Ordinary Family [suburbia], quelques rares one-shots où les héros s’exilent en banlieue le temps d’un comic-book (exemple, [en] ) ou encore Buffy contre les vampires dans une moindre mesure [ville moyenne], force est de constater qu’il n’y a pas grand chose à se mettre sous la dent [mais on en oublie sûrement, aidez-nous à compléter la liste !]

Mais aux côtés de ces quelques exemples populaires, d’autres œuvres plus décalées ont fait le pari de mettre en avant des super-héros issus des périphéries. On remarquera que cette évolution est notamment portée par la réappropriation de la culture « super-héros » hors des frontières nord-américaines, notamment sur le vieux continent.

En France, on a par exemple Shangoo, « éducateur de banlieue qui se découvre le super-pouvoir de balancer des décharges électriques [...] et se fait, tel un Daredevil, le protecteur de son quartier » ; mais aussi et surtout Bilal Asselah aka Nightrunner, créé par un scénariste britannique : représentant en France de la Batman Inc. [en], adepte du parkouret originaire de Clichy-sous-Bois (image ci-dessus).

On retrouve logiquement un autre regard porté sur la banlieue, plus proche de la culture urbaine européenne (ou du moins de l’idée qu’on s’en fait) : suburbia pavillonnaire outre-atlantique VS cités de béton chez nous.

Dans cette veine, citons enfin les cinq délinquants de Misfits, excellentissime série britannique qui sera à l’honneur dans ce billet :

« Nathan, Simon, Curtis, Kelly et Alisha sont cinq adolescents ayant été condamnés, pour des raisons diverses, à des travaux d’intérêt général. Alors qu’ils effectuent leur premier jour, un violent orage éclate. Les personnages sont alors frappés par la foudre. Très vite, ils vont se rendre compte qu’ils détiennent désormais des super-pouvoirs… »

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Comme vous pouvez le constater, Misfits s’inscrit dans un décor périurbain que l’on pourrait résumer en trois mots : béton, béton, béton. Le générique est d’ailleurs relativement clair sur ce point.

Les images de la série ne trompent pas, en témoignent les quelques captures d’écran qui suivent. Attention, bonheur des yeux. Admirez notamment la qualité des plans, qui contribuent à donner au décor cette ambiance si particulière… et si oppressante.

Situé quinze kilomètres à l’Est du cœur Londres, le quartier de Thamesmead [en] sert de décor quasi-exclusif aux quinze épisodes de la série. PS : on y a aussi tourné quelques scènes d’Orange Mécanique [en].

Il n’existe qu’une poignée d’autres décors : bars et boîtes de nuit [espaces clos], un parking [couvert], une déchetterie, un palace qui deviendra leur tombeau… renforçant le caractère oppressant du béton. Je n’ai d’ailleurs retrouvé qu’un seul plan où Londres était clairement visible. Inutile de mentionner que le centre-ville ne sera pas une seule fois approché.

Malgré la relative ouverture des paysages, le décor prend donc des airs de prison à ciel ouvert que les héros ne quitteront jamais vraiment.

Mais, plus encore que ce béton omniprésent, c’est surtout l’absence de vie parmi les décors qui donne à la série cette ambiance oppressante. Lorsqu’ils parcourent la ville, les héros sont quasiment toujours seuls ou entre eux.

Les quelques rares rencontres venant ‘égayer’ l’atmosphère ne sont guère réjouissantes : superviseurs assoiffés de sang, dévots possédés, prêtres obsédés, etc.

Mais attention : il ne faudrait pas croire que Misfits porte sur la banlieue un regard cliché se résumant à l’équation « cité + béton + délinquant = tristesse urbaine ». Bien au contraire, la réalisation porte un soin tout particulier à mettre en en valeur ces décors de grisaille grâce à une photographie stupéfiante usant avec intelligence de filtres sépias.

On retrouve aussi, plus rarement, un procédé de tilt-shift [en] donnant aux bâtiments un aspect irréel, proche des décors de trains électriques (voire aussi ). Loin des clichés habituels sur la banlieue, Misfits propose donc au contraire une vision équilibrée et réaliste des périphéries : sachant sublimer ces espaces sans pour autant nier leur pauvreté urbanistique.

J’en ai peu parlé ici, mais les personnages jouent évidemment un rôle fondamental dans la construction de cet imaginaire de la banlieue, loin des stéréotypes habituels. Ceux-ci n’ont rien des délinquants traditionnels (dealers, petites frappes, etc.) : ce ne sont que de simples jeunes arrêtés pour des conneries de jeunesse (alcool au volant, drogue en boîte de nuit, insolence…). Leurs centres d’intérêts sont ceux de leur âge : baiser et/ou se bourrer la gueule en soirée. Accessoirement, ce sont de vrais petits cons ; c’est d’ailleurs ce qui rend la série si plaisante…

On retrouve ici l’équilibre de la série : positive sans misérabilisme, réaliste sans dénigrement. Cela se traduit aussi dans la nature de leur super-héroïsme : contrairement aux justiciers traditionnels, les cinq délinquants n’ont aucune envie de devenir des héros, et finissent toujours par partir au combat malgré eux. Avec d’ailleurs une certaine idée du « combat » à mener…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Qu’en conclure ? À la différence d’autres films ou séries prenant la banlieue pour décor, Misfits se garde bien de tomber dans les clichés du genre (contrairement, d’ailleurs, aux exemples de super-héros cités plus haut). Les décors jouent un rôle essentiel dans la création de cette atmosphère si particulière, entre ennui passif et contemplation active.

Une véritable bouffée d’air frais, qui certes pose un constat amer et sans complaisance sur son environnement urbain, mais qui dans le même temps souligne un certain attachement au territoire si souvient nié par les politiques urbaines (cf. programmes de rénovations/démolitions réalisés sans concertation avec les habitants du quartier). On retrouve d’ailleurs cette dualité dans de nombreux discours issus des périphéries (notamment dans le hip-hop, avec par exemple cette déclaration de Doc Gynéco : « À chacun sa banlieue, la mienne je l’aime / Et elle s’appelle le 18ème »).

Le fait que le décor serve aux aventures de « super-héros » ne fait que renforcer cette prise de distance de la série vis-à-vis des codes traditionnels du genre. Plutôt qu’à des stéréotypes [de la banlieue/des jeunes de banlieues/des super-héros de banlieue], on a ici affaire à des « prototypes » : des héros protéiformes, à l’image du décor qui les accueille :

« Le prototype est le produit d’un recyclage et d’un métissage, et à la différence du stéréotype il est propice à toutes les expérimentations et n’est pas un réceptacle fermé et prédéfini. »

Cette série peut-elle changer la manière dont nous percevons la banlieue ? Ce serait évidemment lui donner beaucoup plus d’ambition qu’elle n’en réclame. Mais elle contribue au moins à diffuser un autre imaginaire, celui d’une banlieue que l’on peut apprécier – et apprendre à apprécier, sans qu’il soit pour autant nécessaire de cacher ses cicatrices sous une couche de peinture colorée.

Sans être révolutionnaire, ce discours a le mérite de la fraîcheur, et gagnerait à être plus largement partagé. Ajoutez à ça la beauté hypnotique des décors et un portrait jouissif de la jeunesse britannique, et vous comprendrez que Misfits est une série à ne pas rater, malgré quelques défauts (notamment dans le traitement des ennemis, qui sont eux relativement clichés). En espérant vous avoir convaincu !

Pour aller plus loin : venez apprécier les BONUS de ce premier billet… On se retrouve dans quelques semaines pour un décryptage de Friday Night Lights. Bon visionnage !

Billet initialement publié sur [pop-up] urbain, dans le cadre de la série DÉCORS :

« Première série officielle de pop-up urbain, DÉCORS sera consacrée aux paysages urbains dans les séries, un pilier de la culture pop & geek (et une de mes grandes passions) que j’avais paradoxalement assez peu abordé sur ce blog. Une fois n’est pas coutume, les billets seront donc autant visuels qu’analytiques. Objectif : décrypter les formes urbaines qui composent ces séries pour mieux comprendre notre environnement contemporain.
Le prochain épisode sera consacré à la bourgade texane de Dillon dans Friday Night Lights [vidéo].»

À lire aussi le bonus à cet article

]]>
http://owni.fr/2011/07/10/misfits-%c2%ab-las-beton-%c2%bb-un-autre-regard-sur-les-peripheries-urbaines/feed/ 8
Où est la limite entre street art et profanation? http://owni.fr/2011/06/22/ou-est-la-limite-entre-street-art-et-profanation/ http://owni.fr/2011/06/22/ou-est-la-limite-entre-street-art-et-profanation/#comments Wed, 22 Jun 2011 08:54:59 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=70934

Le street-art a-t-il une éthique ? Les street-artistes doivent-ils s’imposer des limites quant aux lieux qu’ils détournent ? La question est d’actualité : la semaine dernière, les soldats de bronze du monument à l’Armée Soviétique de Sofia (Bulgarie) se sont réveillés barbouillé. Un facétieux – et talentueux – street-artiste a ainsi profité de la nuit pour les repeindre en Superman, Captain America, Joker ou encore Ronald MacDonald et Santa Claus [plus de photos ici]… Pas très subtil sur le plan artistique, mais qu’importe.

Pour information, selon mon papa chéri (originaire du pays, si vous ne le saviez pas) :

L’inscription en bulgare se prononce “v krak s vréméto” et veut dire quelque chose comme “être au goût du jour”, ou “dans l’air du temps” (ou plus court : “allumé” ou “branché”).

De son côté, le DailyMail traduit ça par “Moving with the times”, le terme “krak” signifiant “pied”. Autre détail culturel, le monument est installé à l’entrée d’un vaste parc, en plein centre-ville de Sofia, à proximité de l’Université. Et son fronton est le terrain de jeu favori des jeunes skateurs occidentalisés… de quoi limiter la portée post-ironique du graffiti, près de 20 ans après la chute du régime soviétique de Todor Jivkov !

Passée cette parenthèse touristique, revenons à la problématique du jour : le street-art doit-il avoir des limites quant aux objets qu’il détourne ? Je m’interroge, au vu des premiers commentaires glanés sur facebook ou dans les médias occidentaux, qui semblent trouver l’oeuvre génialement sympathique. Certes, la création est relativement fun, reprenant les grands symboles colorés de la culture marchande américaine .

On peut aussi apprécier le regard de l’artiste, malgré le peu de subtilité dans le choix des personnages. Au choix, l’oeuvre offre deux niveaux de lecture : le premier, un peu bisounours, évoquera simplement la fin de la Guerre Froide et la substitution des références culturelles ; le second, plus cynique, soulignera que la libération par le capitalisme et l’ouverture des marchés provoque aujourd’hui les mêmes effets que la libération par l’Armée Soviétique en 1944 : une forme de pop-colonialisme qui ne dit pas son nom.

Mais toutes ces réflexions n’excusent pas le fond du problème : le graffiti est une PUTAIN DE PROFANATION d’un monument rendant hommage aux millions de soldats soviétiques morts, rappelons-le, pour avoir contribué à renverser le régime nazi. Ah, si les russkov n’étaient pas là

Je ne suis pas un fervent adepte de la sacralisation militaire, et je suis prompt à condamner le bullshit des censeurs qui voudraient que l’art n’approche rien qui puisse gêner Madame Michu, mais quand même. Ce n’est pas tant le graffiti qui me dérange, mais plutôt la manière dont « l’affaire » est relatée en Occident, à l’exception de La Voix de la Russie, qui rappelle au passage que le monument venait d’être nettoyé des nombreux graffitis nazis qui le parsèment régulièrement. Mais ça ne compte pas vraiment comme média occidental…

Si la tombe du Soldat Inconnu, ou pire, si le Mémorial Américain de Colleville-sur-Mer avait été tagué de la sorte, comment auraient réagi les médias occidentaux ? On aurait parlé de salir l’Histoire, d’insulte aux morts tombés pour la France, etc., les grands mots habituels. Pourquoi n’est-ce pas le cas ici ? Pourquoi n’y a-t-il qu’un seul commentateur, sur l’article du DailyMail, pour rappeler que ces soldats sont eux aussi tombés pour la même cause ? Vous allez m’accuser de posture post-soviétique, et je plaiderai coupable, mais cette histoire m’emmerde pas mal et m’amène à m’interroger sur l’éthique du street-art.

Les graffeurs doivent-ils avoir une déontologie qui leur impose de ne pas taguer les tombes ou les monuments aux morts ? Ou bien doit-on considérer que tout, dans l’espace public, mérite d’être détourné de la sorte ? La question est finalement celle de l’art en général, et on aurait même pu la voir donnée au Bac de philo… À ceci près que l’on parle ici de l’art dans l’espace public, justement, et non pas cantonné à l’espace cloisonné des galeries et musées.


Publié initialement sur Pop Up Urbain sous le titre Entre street-art et profanation : quand l’homme d’acier travestit les soldats de bronze

Source illustrations : Pop Up Urbain

]]>
http://owni.fr/2011/06/22/ou-est-la-limite-entre-street-art-et-profanation/feed/ 39
Thanatopraxie urbaine: y a-t-il une ville après la mort ? http://owni.fr/2011/06/09/thanatopraxie-urbaine-y-a-t-il-une-ville-apres-la-mort/ http://owni.fr/2011/06/09/thanatopraxie-urbaine-y-a-t-il-une-ville-apres-la-mort/#comments Thu, 09 Jun 2011 08:17:45 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=66983

C'est mémé. N'oublie pas de prendre du pain dans cette boulangerie, il est très bon.

Et si les morts contribuaient à redonner vie à nos sociabilités urbaines ? La proposition peut paraître étrange, j’en conviens… Et pourtant, l’idée semble répondre avec une certaine pertinence à quelques enjeux majeurs de la ville hybride, et notamment à la question qui nous anime tous : comment recréer du lien social (en particulier intergénérationnel) dans la ville moderne ?

Ma proposition, que je vais tenter d’expliciter après l’avoir brièvement exposée ici, consiste à croiser la quête de « l’immortalité numérique » (cf. transhumanisme) aux fameuses folksotopies conceptualisées sur ce blog (= contributions géolocalisées contribuant à étoffer la « mémoire » subjective rattachée à un lieu).

Et parce que les néologismes sont toujours utiles pour rendre compte de ces concepts encore flous, j’ai baptisé « thanathopraxie urbaine » cette invitation à repeupler la ville de nos ancêtres d’outre-tombe (c’est un presque-néologisme, en réalité). Vous voulez en savoir plus ?

Des faire-part de décès affichés aux côtés de pub auto

Tout est né d’une visite en Bulgarie à l’automne dernier. Comme je l’avais raconté ici, j’avais été marqué (pour ne pas dire traumatisé) par la coutume de mes compatriotes à afficher les faire-part de décès dans la rue, au vu et au su de tous. Notez bien : il ne s’agit pas de localiser les faire-part sur des panneaux réservés à cet effet (souvent sur les places de villages ou à proximité de lieux de culte, comme ici en Crète), mais bel et bien d’afficher les nécrologies un peu partout dans la ville : sur les portes, les poteaux électriques, les arbres, j’en passe et des meilleurs. Étranges images, où les photos des morts se battent en duel avec des pubs automobiles…

Seulement voilà : passé ce premier sentiment de malaise, on se rend progressivement compte que ces fantômes urbains témoignent surtout d’un attachement encore vivace aux sociabilités de voisinage, essentielles dans la Bulgarie post-soviétique (qui n’avait pas que des défauts, faut-il le rappeler). Autrement dit, la publicisation des morts dans la ville participe à la consolidation du lien social…

Le transhumanisme à la rescousse

Voilà pour le point de départ de ma réflexion. Vous me direz, une coutume ancestrale et pas forcément très fun, ça ne fait pas une innovation urbaine. Mais associez-la à une forte tendance émergente de la nébuleuse digitale, et l’idée prend une nouvelle envergure. C’est donc là qu’intervient la philosophie transhumaniste, en particulier son regard sur l’immortalité :

Un transhumain serait un homme-plus [H+], un homme qui, fort de ses capacités augmentées par les évolutions techniques et scientifiques brave les contraintes naturelles, allant jusqu’à braver la mort.

C’est en particulier cette réflexion d’Antonio Casilli qui m’a fait réfléchir :

Il y a une relation de correspondance très forte dans la tradition transhumaniste entre l’idée de vivre éternellement [par la cryogénisation] et l’idée de vivre en tant qu’alter-ego numérique [« fantasme de l'avatarisation » selon la journaliste]. Parce que, à un moment historique, dans les années 1990 il y a eu cette confluence, cette fixation entre deux thématiques, grâce à cette idée de l’uploading, du téléchargement du corps et de sa modélisation 3D. Même si c’était un mythe, le fait de vivre éternellement en tant qu’être virtuel était présenté comme la démarche à la portée de tout le monde parce que se connecter à Internet était à la portée de tout le monde.

Concrètement, sur quoi s’appuie cette bravade de la mort ? Un autre article pioché dans cet excellent dossier sur la mort numérique nous en donne la réponse :

Et si à notre mort, cette gigantesque base de données pouvait continuer à vivre de manière autonome ? C’est en tout cas l’ambition de Gordon Bell. Il entrevoit un futur dans lequel longtemps après notre mort nos arrières-petits-enfants pourraient interagir avec notre double virtuel. Un avatar à notre image, qui puiserait dans les centaines de millions d’informations collectées tout au long de notre vie pour adopter nos tics de langage, nos intonations, notre caractère… Ces doubles seraient alors capables de singer notre manière de nous exprimer, pour raconter à notre place les évènements clés de notre vie.

[Bonus : une première ébauche de réflexion sur « l'immortalité Facebook » à lire en conclusion de ce billet.]

Naturellement, le croisement de ces deux réflexions conduit à s’interroger : à quoi ressemblerait une ‘avatarisation’ des morts dans l’espace public de la cité ? En d’autres termes, il s’agit d’imaginer une version numérique et interactive des austères faire-part balkaniques…

Restituer la mémoire des défunts

Il existe déjà des ébauches de services permettant de « faire vivre » les morts sur la toile, tels que 1000memories [en] qui propose aux utilisateurs de poster photos ou pensées sur le profil de la personne décédée. Même s’il ne s’agit ici que de « fleurir » une tombe numérique (avec des « fleurs » certes très personnelles), l’idée est bien de mettre en scène la mémoire intime ; une première ébauche de l’avatarisation ?

Mieux encore, certaines tombes japonaises se sont vues « augmentées » d’un QR Code permettant « d’accéder à la biographie et des photos de la personne », comme me le signalait Émile en commentaire.

On retrouve dans ces questions mémorielles une idée similaire à celle qui structure le concept des folksotopies, cette « mémoire des lieux » dont je vous parlais l’hiver dernier. Pour rappel :

On pourrait ainsi imaginer un nouveau type de mobilier urbain dédié aux folksotopies, qui traduirait in situ la teneur qualitative et quantitative des contributions (un jeu de couleurs, de sons ou de lumières ?) [...] Il s’agira d’introduire dans nos rues de nouveaux objets (ou d’en détourner d’anciens) qui pourraient donc faire office de « feux de camp » mémoriels.

Si j’avais d’abord imaginé ces objets urbains pour la mémoire des vivants, rien n’empêche de leur faire restituer la mémoire des morts… !

Il s’agirait donc d’imaginer des objets ou des services urbains permettant de mettre en scène, dans l’espace public de la cité, la mémoire de ces morts – voire carrément leurs avatars autonomes quand la technologie le permettra. Je vous laisse imaginer le potentiel de telles interfaces, notamment en termes de sociabilité…

Quelques exemples basiques : on pourrait imaginer que des habitués du quartier partagent des récits de vie ou des souvenirs à propos d’un lieu (anecdotes, historique, etc.), qu’ils donnent des conseils (guider les touristes avec des informations subjectives, partager des recettes de grand-mère ou pourquoi pas aider les enfants à faire leurs devoirs !)… et ce ne sont ici que des propositions ultra-basiques. Avouez que c’est quand même plus sexy que le traditionnel et dépressif monument aux morts des places de village !

C’est d’ailleurs un exercice de créativité que j’avais proposé à une dizaine d’étudiantes de SciencePo Rennes (et qui avaient relevé le défi avec brio). Certaines avaient par exemple proposé une application ludique de « point de paradis » (= gagner sa place au Paradis en priant pour les avatars des morts), d’autres un service touristique de géocontextualisation des morts (proches ou célébrités). Et encore, je vous le fais en résumé, mais il y avait des idées complètement folles intégrées à chaque service imaginé.

Mais attention, l’idée n’est pas juste de « s’amuser » avec la mémoire des morts sans que cela n’ait de réel impact sur les pratiques urbaines des vivants… !

R.I.P. I.R.L. [Rest In Peace In Real Life]

Et c’est là qu’intervient le néologisme tant attendu. En effet, si l’on souhaite apporter une véritable valeur ajoutée à l’avatarisation des morts, il me semble nécessaire de sortir d’une logique égocentrée comme c’est le cas dans la vision transhumaniste (= objectif personnel de faire vivre son propre personnage à travers un avatar ; c’est un peu nombriliste, vous en conviendrez). À l’opposé, il s’agira de mettre les morts « à disposition » des vivants.

Pour cela, il convient de rendre les avatars des morts « présentables » ; pas pour leur bon plaisir, mais afin de les rendre utiles aux utilisateurs qui souhaiteraient entrer en interaction avec leurs « mémoires ». Autrement dit, il s’agira de les rendre opérants et « interactivationnables ».

Dans la vie réelle, c’est justement le rôle de la thanatopraxie (aka l’embaumement), d’où le choix de ce terme comme analogie pour expliciter le sujet du jour (merci à Joël G. qui m’a soufflé cette idée brillante !).

La définition originale nous apprend ainsi :

La thanatopraxie est le terme qui désigne l’art, la science ou les techniques modernes permettant de préserver des corps de défunts humains de la décomposition naturelle, de les présenter avec l’apparence de la vie pour les funérailles et d’assurer la destruction d’un maximum d’infections et micro-organismes pathologiques contenus dans le corps des défunts.

Par analogie, on retiendra donc qu’il s’agit :

  • de préserver des corps de défunts humains de la décomposition naturelle <=> de préserver les données numériques des morts de la « décomposition » naturelle, en particulier liée aux défections de matériel (un disque dur qui rend l’âme, par exemple). Ce n’est pas l’avatar du mort qui risque de mourir, mais bien les serveurs-cercueils qui l’accueillent à cause de leur obsolescence accélérée. Il s’agira aussi de les protéger des virus et hackings potentiels, bien que je trouve au contraire l’idée réjouissante (mais les descendants peut-être moins, puisqu’il s’agit techniquement de dégradation de tombe… )
  • de les présenter avec l’apparence de la vie pour les funérailles <=> de les présenter de sorte à les rendre interactifs et opérants, afin qu’ils répondent aux besoins urbains de leur époque. Cela exige d’y intégrer des algorithmes permettant de « diriger » les avatars des morts en réponse à la mission qui leur est confiée (aider les touristes à trouver leur chemin, par exemple).
  • et d’assurer la destruction d’un maximum d’infections et micro-organismes pathologiques <=> et d’assurer la destruction d’un maximum de « zones d’ombre » qui desserviraient l’image du mort auprès des vivants venus le manipuler. C’est là un point plus douteux, dont il convient à mon avis de débattre. Devrait-on nécessairement ne présenter que de « bons » morts dans la perspective d’une thanatopraxie urbaine ?

Évidemment, se pose finalement la question de fond de ce sujet : les morts pourront-ils refuser d’être manipulés par leurs successeurs citadins ? Existe-t-il un « droit à l’oubli » pour les morts numériques ? Quelles sont les conditions pour reposer en paix dans la vie réelle (RIP IRL, marque déposée) ? Ne serait-il pas pertinent, par exemple, de créer un statut permettant de « donner ses datas à la ville » comme on donne son corps à la science ?

———–

Je m’arrête ici pour aujourd’hui… mais j’y reviendrai prochainement tant les idées fusent ! Si vous partagez mon enthousiasme, n’hésitez pas à décrire vos idées de services/objets/autres en commentaires ! Si vous êtes designer/artiste, votre patte graphique m’intéresse aussi… Je n’ai pas ce talent, et vous savez comme moi que « le poids des mots, le choc des images… »

Et si vraiment le concept vous motive, j’essayerai d’organiser un petit apéro-atelier créatif… peut-être à Père Lachaise quand les beaux jours reviendront ? :-)

À vos commentaires !

Billet initialement publié sur [pop-up urbain]

Photo Flickr AttributionNoncommercial an untrained eye

]]>
http://owni.fr/2011/06/09/thanatopraxie-urbaine-y-a-t-il-une-ville-apres-la-mort/feed/ 8
Il y a quelque chose de pourri au royaume des gares http://owni.fr/2011/06/06/il-y-a-quelque-chose-de-pourri-au-royaume-des-gares/ http://owni.fr/2011/06/06/il-y-a-quelque-chose-de-pourri-au-royaume-des-gares/#comments Mon, 06 Jun 2011 10:41:31 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=66163 Urban After All S01E19

Le 17 mai dernier, la jeune structure Gares & Connexions, dernier bébé de la SNCF en charge des 3 000 gares du réseau , dévoilait son premier rapport d’activité. Celui-ci s’inscrit dans le prolongement des objectifs annoncés depuis 2009 par la maison-mère : “les gares vont devenir des lieux de vie au cœur des villes”, a ainsi résumé sa directrice Sophie Boissard.

Concrètement, cela se traduit par l’introduction de nombreux services au sein des gares, parfois inattendus, afin d’en renforcer l’attractivité : “Retirer un colis acheté sur internet, déposer son enfant à la crèche d’entreprise avant de sauter dans le train, passer chez le médecin ou chez le coiffeur, envoyer un mail urgent…” . La structure a ainsi investi 266 millions d’euros en 2010 pour redonner un second souffle aux gares vieillissantes et mal adaptées aux nouveaux besoins de la mobilité contemporaine. Un objectif hautement respectable, malheureusement écorné par une évolution plus discrète qu’il nous semble nécessaire de discuter ici.

En effet, comme nous allons le montrer, cette “revitalisation” des gares s’accompagne d’une restructuration de la conception même des gares, tant sur le plan spatial que social, avec pour conséquence (ou objectif ?) de favoriser la rentabilité du “temps de transit disponible” des voyageurs. Or, cela semble nécessairement devoir passer par un embourgeoisement de ces lieux… et donc, en parallèle, par l’éviction des catégories les plus “dérangeantes”. Décryptage d’une mutation ségrégative qui ne dit pas son nom, et qui en dit long sur la conception actuelle de nos centres-villes.

La naissance d’une prison

La nouvelle stratégie impulsée par Gares & Connexions s’appuie sur d’importants investissements en faveur de la rénovation des gares (266 millions d’euros détaillés dans les “Réalisations 2010 et projets à venir” du rapport d’activité). Or, comme l’a très bien montré Jean-Noël Lafargue dans un beau reportage dans sa gare de banlieue (billet original ici), ces travaux aboutissent entre autres à installer des portiques restructurant l’espace de la gare :

La comparaison entre « avant » et « après »[travaux] me semble très instructive à faire en ce qu’elle témoigne des changements opérés dans les rapports entre la société des chemins de fer, ses usagers et ses employés.



Quels sont précisément ces évolutions ? Comme le montrent les schémas ci-dessus et les explications de Jean-Noël Lafargue, le réaménagement s’est surtout soldé par l’installation de portiques empêchant de se rendre sur le quai sans billet :

Il n’est plus question, par exemple, de se rendre sur le quai pour tenir compagnie à quelqu’un qui va prendre son train. En fait, si l’on utilise des tickets, et non un passe, on se trouve prisonnier sur le quai dès lors que l’on a passé les portillons, car si on décide de sortir, on ne pourra plus revenir dans la gare. Le quai fonctionne alors un peu comme une nasse.

Autre exemple : l’installation de portiques en gare d’Argenteuil qui obligent les non-voyageurs à faire un détour d’un kilomètre pour se rendre dans un quartier coupé du centre-ville par la voie de chemin de fer… La formule “Prison automate” de Jean-Noël résume parfaitement cette situation nouvelle. Comme il l’explique, il était auparavant possible de flâner dans les boutiques environnantes lorsque l’on avait du temps (si un train était annulé, par exemple). C’est désormais impossible, et l’on se retrouve cantonné au quai dans le cas d’une petite gare de banlieue… Mais dans le cas d’une plus grande gare, cela signifie être bloqué parmi les fameux “nouveaux services” que Gares & Connexions a pour mission de développer.

Vendre le “temps de transit disponible” des voyageurs

Entendons-nous bien : ce processus est en réalité plus ancien que la création de Gares & Connexions, ayant vu le jour dans les années 2000 avec la création de la Direction des Gares (prédécesseur de G&C) et s’étant accéléré en 2004. Prenons l’exemple emblématique de la Gare du Nord, dont la rénovation s’est achevée en 2002 afin de répondre aux besoins des nouveaux voyageurs apportés par l’Eurostar ou les trains Thalys, et qui a servi de bêta-test grandeur nature. La rénovation de la gare a ainsi donné naissance à un vaste espace de chalandise d’une centaine de commerces : restauration et alimentation, vêtement, parfumerie et même jeux vidéo. La majeure partie de ces enseignes ne sont par contre accessibles qu’aux voyageurs franciliens car situés derrière des portiques… installés depuis 2002. Il existait auparavant un espace de chalandise plus restreint, mais accessible depuis la rue ; celui-ci se résume aujourd’hui à quelques boutiques habituelles de gare, principalement des enseignes de presse.

Un espace ouvert aux détenteurs de tickets RATP, situé à proximité des quais du RER et du métro, à l’usage des grands banlieusards, et qui a connu un succès immédiat. Les boutiques déjà présentes (Paul, Footlocker, Sinequanone, La Redoute, Fnac Services, etc.) dégagent de substantiels bénéfices, en moyenne 10 000 euros au mètre carré, contre 8 000 à 9000 euros dans des centres commerciaux classiques. Ainsi, l’enseigne Naf Naf de la gare du Nord rapporte davantage que celle des Champs-Elysées, expliquait ainsi Stratégies en 2004.

Certes, les enseignes se voient alors privées d’une partie de leur clientèle , mais gagnent en échange le “temps de transit disponible” des voyageurs entre deux connexions modales. Comme l’expliquait Pascal Lupo, ancien directeur des gares à la SCNF, toujours en 2004 :

« Paris-Nord passe d’une gestion de flux à une gestion d’actifs, sur le modèle des gares japonaises, qui sont depuis longtemps de véritables lieux de consommation », résume Pascal Lupo. Avec 500 000 voyageurs par jour, soit trente fois la fréquentation d’un hypermarché, les commerçants voient d’un bon œil cette mutation marchande.

La conclusion de L’Expansion, qui commente l’attitude du chef de gare de l’époque, est à ce titre plus que révélatrice :

Il n’a plus de sifflet autour du cou, mais bien une calculette dans la tête.

La revue Article XI a d’ailleurs très bien montré cette “mutation marchande” dans un récent triptyque justement consacré à la Gare du Nord (merci @Urbain_ pour le partage), décortiquant ce qu’ils définissent comme “la fabrique d’un non-lieu” (reprenant la célèbre formule de Marc Augé) :

Bienveillante, la Gare du Nord enveloppe son consommateur d’une sollicitude aux contours sucrés. [...] Mécanique, narcissique, solitaire, la non-gare impose son ordre de supermarché.

Le choix du terme “non-lieu” dans leur titre n’est pas anodin, et symbolise tout le paradoxe de Gares & Connexions dont l’objectif affiché est justement d’amener les gares à quitter leur statut actuel de “non-lieu” (ou du moins, de lieu précaire voué uniquement au transit) pour atteindre celui de “tiers-lieu”, un concept dont nous faisions l’apologie il y a quelques mois et que nous soutenons sur le principe dans le cas présent… sans toutefois oublier de critiquer la manière.

Concrètement, “on parle de “tiers-lieux” (“third places” en anglais) pour évoquer la nouvelle fonction de ces espaces de pause”. Et comme leur étymologie l’indique justement, “gare” et “station” (voire “arrêt” de bus) ont d’abord été pensés comme lieux de pause (salles d’attente, temps de latence entre deux connexions, etc). On comprend alors que la SNCF souhaite “rentabiliser” ce temps d’attente, alors qu’elle risque en parallèle de voir la concurrence nuire à ses activités de transporteur…

Mais si cette volonté d’apporter des services aux usagers est louable, ou du moins compréhensible, comment justifier qu’on la restreigne aux voyageurs munis de billets ? Paradoxal, alors que la vocation officielle de Gares & Connexions est justement « de  faire  rentrer  la  gare dans la ville et la ville dans la gare pour mieux “vivre ensemble” et ce quelque soit la complexité. » Malheureusement, il semble que la mutation des gares en “supermarchés” ne puissent se faire sans une karchérisation discrète des lieux, sûrement plus propice à la tranquillité des voyageurs-consommateurs mais relativement douteuse sur le plan social.

La gare, reflet d’une société excluante ?

Ainsi, quid des classes précaires qui gravitent à proximité des gares ? Clochards, toxicomanes, prostitué(e)s ou roms… ou simplement riverains précaires : pour eux, point de “contours sucrés” mais une “police du recoin” ayant pour vocation d’assainir la gare de sa mauvaise graine, comme l’explique Article XI :

Certaines personnes, indésirables, “ont la gare du Nord dans la peau”, résume un travailleur social. Il s’agit alors d’inventer une réponse disciplinaire permettant de les « éjecter  », selon les mots du personnel de la gare, mais surtout de bien les éjecter. Sur la longueur. Pour cela la SNCF recoure à une méthode compréhensive, indirectement coercitive. Elle s’improvise bureau de charité et se dote de relais effectuant un travail de repérage. La consigne : “empathie, fermeté, efficacité avec les plus démunis.” [in brochure de l’université de service SNCF]

Cela passe aussi par des mesures plus “douces” et donc invisibles, comme l’installation de plots empêchant de s’asseoir ou de s’allonger, le réaménagement des espaces en faveur du flux permanent, ou bien évidemment ces fameux portiques cloisonnant l’espace.

Et finalement, est-ce bien surprenant ? En réalité, la gare contemporaine n’est que le reflet de la société, et notamment de la manière dont nous concevons la ville. En effet, les évolutions décryptées ci-dessus font directement écho à deux tendances fortes de la pensée urbaine actuelle, et que nous avions analysées dans nos premières chroniques : la prévention situationnelle (les mesures de sécurisation “douce”), au risque de “sacrifier les urbanités” propres au lieu ; et plus généralement un “urbanisme de classe” évinçant ces “zombies modernes” que sont ces populations marginales. Nous n’irons pas jusqu’à dire, comme un commentateur d’Article XI, que les gares sont “sont devenues de vieilles salopes bourgeoises en quête de respectabilité”, mais le fait est là. Guillaume Pépy ne croit pas si bien dire quand il souhaite que “la gare devienne un nouveau centre-ville”… Elle semble bel et bien en prendre aujourd’hui le (triste) chemin.


Schéma par Jean-Noël Lafargue

Images CC Flickr par boklm, remiforall et boklm

Chaque lundi, Philippe Gargov (pop-up urbain) et Nicolas Nova (liftlab) vous embarquent dans le monde étrange des “urbanités” façonnant notre quotidien. Une chronique décalée et volontiers engagée, parce qu’on est humain avant tout, et urbain après tout ;-) Retrouvez-nous aussi sur Facebook et Twitter (Nicolas / Philippe) !

]]>
http://owni.fr/2011/06/06/il-y-a-quelque-chose-de-pourri-au-royaume-des-gares/feed/ 21
Le foot, miroir des mutations de la mobilité urbaine http://owni.fr/2011/05/28/le-foot-miroir-des-mutations-de-la-mobilite-urbaine/ http://owni.fr/2011/05/28/le-foot-miroir-des-mutations-de-la-mobilite-urbaine/#comments Sat, 28 May 2011 08:13:24 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=65026

Arsenal vs Liverpool ; Cesc Fabregas et Steven Gerrard.

Vous avez bien lu : le foot est un formidable témoin de notre rapport à la mobilité. Qui l’eût cru ? Ce faisant, le ballon rond devient un excellent outil pour comprendre (et surtout faire comprendre) le nouveau paradigme de « l’homo mobilis » dans lequel s’inscrivent aujourd’hui nos déplacements plurimodaux. Vous êtes sceptique ? Démonstration dans ce billet à vocation pédagogique qui s’adresse autant aux experts de la mobilité qu’à ceux du ballon rond ;-)

1970-2000 : l’essor de la valeur « mouvement »

La première similitude tient dans l’évolution remarquable des valeurs « positives » attachées tant au football qu’à la mobilité. Ainsi, si la valeur « vitesse » a longtemps tenu le haut du pavé, elle s’est vue progressivement supplantée par la valeur « mouvement » au cours des dernières décennies. Comme je l’écrivais dans une chronique OWNI,

Nos sociétés sont fondées sur l’idée que le mouvement – qu’il soit rapide ou non, soutenable ou non, vivable ou non – est nécessairement positif.

Cette valorisation du mouvement – dont je critique l’hégémonie, cf. paragraphe suivant – se vérifie dans nos mobilités (cf. la « saine mobilité » et « l’injonction au mouvement » de Scriptopolis), et plus généralement dans l’ensemble de notre société occidentale, de la flexibilité du travail au butinage amoureux. S’il est difficile de dater l’essor de la valeur « mouvement », on remarquera que celui-ci a accompagné l’essor du libéralisme dans la vieille Europe. Autrement dit, le « mouvement » règne depuis la fin des Trente Glorieuses suite à la crise de 1973, culminant dans les années 1990-2000 (pensez aux goldenboys toujours « dans le move »…)

Le football n’en est évidemment pas exclu. Comme l’écrivait le site de référence tactique Zonal Marking à propos du mouvement « sans ballon » [en], considéré comme une tendance majeure du football des années 2000 :

Le mouvement n’est pas une nouveauté dans le football ; comme l’a souligné Jonathan Wilson dans « Inverting The Pyramid » [sur l'évolution des tactiques footballistiques], la principale qualité de la légendaire équipe hongroise qui battit l’Angleterre 6-3 en 1953 reposait sur la tendance des joueurs hongrois à quitter leurs positions naturelles [dézoner] et à permuter avec leurs partenaires, de manière à embrouiller l’adversaire qui ne savait alors plus qui ils étaient supposés marquer.
Mais il semble y avoir une résurgence de la popularité et de l’importance du « bon mouvement » dans les années récentes [années 2000].

Ce rôle du « bon mouvement » est d’ailleurs l’héritier direct du « football total » flamand des années 1970, qui « proposait un jeu offensif basé sur le mouvement et la permutation des postes durant les matchs ». Et ce n’est pas un hasard si l’on  retrouve, quelques années plus tard, cette même valeur « mouvement »au coeur du jeu barcelonais, grâce à l’influence des entraîneurs Rinus Michels puis Johan Cruijff, respectivement « inventeur » et « inventé » du football total tout en mouvement… (voire notamment le point 4. Être en mouvement, et en particulier à partir de 5’48)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

2000 – 2010 : « le dogme du mouvement » et ses dérèglements

En mettant en action les joueurs « sans ballon » sur un terrain, l’essor de la valeur « mouvement » aura grandement contribué à accélérer le jeu balle au pied. Comme l’explique Une balle dans le pied :

Inversement, le football d’antan est dénigré sous l’angle de sa lenteur et de sa faible intensité : “Ça manque de rythme”, entend-on. En réalité, le rythme était autre : moins enlevé, certes, mais pas dépourvu de groove. La liberté de mouvement dont dispose alors le porteur du ballon est effectivement frappante : il a le temps et l’espace pour évoluer, et l’on s’étonne que les adversaires restent si passifs, au point de paraître rétrospectivement irresponsables dans leur absence de pressing et leur replacement aléatoire.

[...] Un style de jeu de passes a quasiment disparu : les milieux de terrain avaient jadis le loisir de lever la tête pour évaluer les différentes options, pour choisir entre différentes transmissions. [...] Avec le quadrillage du terrain désormais en vigueur, les joueurs sont plus enclins à chercher des solutions immédiates ou à courir avec le ballon : dans les quelques dixièmes de seconde impartis, il est difficile de concevoir une meilleure passe que la passe la plus évidente. Et la vision du jeu se rétrécit considérablement pour le porteur du ballon.

Conclusion : si le foot actuel est plus rythmé qu’auparavant, c’est au détriment des « numéros 10 » [en] à la Zidane et des passeurs à la Guardiola, comme il l’explique lui-même [en]. Que faut-il en conclure ? Que l’excès de mouvements (défensifs) aura paradoxalement contribué à tuer ce fameux « beau jeu », basé sur le mouvement général (offensif) et qui faisait le bonheur de nos papas (ou de vous, chers lecteurs plus âgés que moi ^^). Et l’évolution est encore une fois similaire dans l’univers des mobilités.

En football comme dans la vie, nos sociétés se caractérisent ainsi par  cette « injonction mobile » : « se tenir immobile dans notre société est considéré comme une remise en cause de la “norme sociale puissante” à l’heure de la mobilité permanente », témoigne le géographe Michel Lussaut (via). C’est ce que j’ai baptisé le « dogme du mouvement », afin de souligner les excès que provoquent cette culture de valorisation hégémonique de la mobilité.

N’est-il pourtant pas nécessaire de remettre en cause cette “mobilité” trop souvent incontestée, ou du moins d’en questionner la légitimité ? Car les maux décrits par Rosa ou Virilio [à propos de l'accélération de la société] ne sont pas tant ceux de la vitesse que ceux du mouvement en général [...]. En termes de déplacement physique, c’est bien les trajets subis qui sont en ligne de mire ; et peu importe qu’ils soient lents, rêveurs ou ludiques s’ils sont vecteurs de stress et de pression.

Et en football comme dans la vie, ce dogme du mouvement est au cœur de tous les problèmes. Face à ce constat, la question se pose : à quoi ressembleront le foot et la mobilité de demain ?

2010 : Le mythe de la lenteur à l’épreuve des réalités ?

À cette question, je répondrai par deux autres questions : d’abord que veut-on faire de nos mobilités, ; mais surtout, que peut-on en faire ? Encore une fois, les deux thématiques du jour se rejoignent dans leurs réponses. Ainsi, en foot comme en mobilités, certaines voix s’élèvent pour proposer comme alternative la réintroduction de la valeur « lenteur » pour résoudre les vices modernes de leurs domaines respectifs. En foot, ceux-là repensent voire militent avec nostalgie à ce foot à papa, « plus imaginatif et cérébral ». En termes de mobilités urbaines, il s’agira de promouvoir des modes plus doux et plus lents : tramway, marche, vélo… Mais il s’agit là d’un mythe qu’il me semble nécessaire de déconstruire, comme je l’avais expliqué :

À trop axer son discours sur la lenteur comme “remède miracle”, il me semble que l’on ne se pose pas les vrais questions. La lenteur, d’abord, souffre de la largesse de ses définitions. Certains évoquent ainsi, pêle-mêle, le tramway, le bus, le vélo ou la marche. Autant de modes aux vitesses sensiblement différentes. La vitesse urbaine moyenne étant aujourd’hui plafonnée à 25 km/h, peut-on vraiment parler de lenteur lorsque l’on est en bus ou en tramway, voire en vélo (les habitués dépassent les 20 km/h moyens) ?

Reste la marche, seule véritable “mode lent” ; [...] Jusqu’à ce qu’on se rappelle que la marche n’est pas forcément le mode poétique et contemplatif se dessinant entre les lignes de cette “lenteur salvatrice”. Car la marche peut aussi se faire dynamique et tonique lorsqu’elle est subie (ou simplement lorsque l’on n’envisage pas la marche comme un mode au ralenti : cf. la marche sous endorphines de Matthias Jambon-Puillet).

J’en appelle donc à votre fond réaliste : certes, la lenteur est séduisante ; mais est-ce une solution viable ? Je n’y crois malheureusement, de même que je ne crois pas véritablement au retour d’un football plus « apaisé ». Alors que faire ?

Demain, le mouvement perpétuel. L’anticipation comme valeur-pivot de la mobilité

Puisque l’on ne peut pas « lutter » contre la vague du mouvement (sauf à en sortir pleinement, comme je l’appelle de mes vœux, mais cela n’est pas l’heure qu’une utopie de plus), il faut apprendre à faire avec. C’est encore une fois le foot qui nous donne les pistes créatives pour ouvrir la réflexion, à travers les mots de l’excellent tactiblogueur « e-foot » dans une réflexion au titre évocateur : Le football devient-il plus rapide ?

La réponse [au constat évoqué plus haut de pressing permanent] ? Messi le dit au tout début de la vidéo d’Adidas : « prendre des décisions plus rapidement ». J’irai même plus loin en parlant d’anticipation.

Ça y est, le mot est lâché : « anticipation», qui vient parachever mon argumentaire. Concrètement, cela se traduit footballistiquement ainsi :

Le jeu en mouvement, « l’appel qui déclenche la passe » pour citer Denoueix, l’anticipation des mouvements des adversaires mais aussi de ses coéquipiers pour réagir en conséquence, voilà quelques clés pour accélérer le jeu de son équipe, le fluidifier. [...] Le joueur qui subit le pressing doit « prendre une décision plus rapidement » ; le joueur qui récupère le ballon doit « prendre une décision plus rapidement » pour lancer une action avant que l’adversaire n’ait le temps de se replacer (ou de le presser pour récupérer le ballon).

Vous remarquerez la proximité du champ lexical du tacticien avec celui qui nous concerne ici. Plutôt logique : la situation est exactement identique dans le domaine des mobilités urbaines.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Ainsi, la valeur-clé permettant aux individus de « se dépêtrer » du dogme du mouvement permanent sans le quitter pour autant, consiste justement à « prendre des décisions plus rapidement », voire à « anticiper » : anticiper la congestion d’un réseau de métro grâce aux informations accessibles en mobilité via son smartphone, et décider de prendre un Vélib’ ou de marcher jusqu’au bus, par exemple. C’est à ça que ressemblent les hypermobilités d’aujourd’hui, et les mobilités de demain : opportunistes, fluides voire liquides grâce à une information ubiquitaire sur les modes qui nous entourent, de plus en plus nombreux et variés sur un même territoire dense…

Bienvenus dans le règne de l’instantanéité que je décrivais dans mon mémoire, et que j’explicitais il y a pile-poil un an et dix jours dans un commentaire sur e-foot. Comme quoi, je reste fidèle à mes analyses, la preuve ! :-)

Comme expliqué plus haut, la réponse [au pressing] tient en partie voire essentiellement dans la capacité du porteur du ballon à prendre plus vite des décisions. Cette faculté oblige le joueur à ralentir à l’extrême la perception qu’il a du mouvement qu’il entoure, afin d’anticiper les déplacements des joueurs (une sorte de Bullet-Time). Cette capacité « à lire le jeu » est évidemment à la base de tout sport, et ce depuis la nuit des temps. Mais c’est à mon avis son développement hors du sport, dans les mobilités quotidiennes urbaines, qui permet d’en assimiler l’essence dynamique :

[comme je l'écrivais dans la conclusion de mon mémoire] « L’instantanéité » exprime cette aptitude à rebondir sur l’instant [de décision] pour maîtriser un temps inédit et malléable. L’instantanéité est appelée à devenir la norme de nos déplacements et plus généralement de nos rapports au temps. Elle exprime une aptitude à s’adapter aux fluctuations, accélérations et ralentissements du cours temporel ; un propulseur de mobilités intuitives et adaptatives. »

Voilà donc le paradigme des mobilités à venir, tant sur les terrains de foot que dans les rues des mégalopoles. Il s’agit donc d’être en permanence informé des mouvements qui nous entourent (grâce aux technologies ou à une vision de jeu restreinte), puis d’être en permanence en capacité de rebondir (vers un autre mode ou un autre joueur). Conclusion paradoxale mais hautement jouissive : en foot comme en mobilités urbaines, pour vivre dans le mouvement sans le subir, il est donc nécessaire de vivre en mouvement perpétuel.  À l’image de Barcelone cette saison, et son jeu de passes instantanées leur permettant de conserver le ballon pour multiplier les choix, grâce aux mouvements de ses joueurs. Xavi serait donc le modèle de l’homo mobilis de demain ? :-)

Ce billet est dédicacé à mon ex-collègue Caroline, qui avait parié que je ne pourrais pas relier mes deux amours, tactique footballistique et prospective urbaine ! Je l’avais promis ici, et j’ai tenu parole… en espérant que l’exercice vous aura plu, que vous soyez urbanologue, footeux ou un peu des deux !

Billet initialement publié sur [pop-up] urbain

Image CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification toksuede

]]>
http://owni.fr/2011/05/28/le-foot-miroir-des-mutations-de-la-mobilite-urbaine/feed/ 1
La ville volante, une utopie dégénérescente ? http://owni.fr/2011/05/09/la-ville-volante-une-utopie-degenerescente/ http://owni.fr/2011/05/09/la-ville-volante-une-utopie-degenerescente/#comments Mon, 09 May 2011 06:33:09 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=61381 Urban After All S01E16

C’est une tradition dans les médias : chaque inauguration d’un gratte-ciel, comme la Tour First la semaine dernière, est l’occasion de rappeler l’éternelle quête de hauteur de l’homo urbanus, depuis Babel jusqu’à Dubaï. Et si les gratte-ciels sont le versant “réalisé” de ce syndrome d’Icare, la figure de la “cité volante” en est le pendant imaginaire et onirique. La ville volante jouit ainsi d’une belle présence dans les projets architecturaux du XXe siècle, aux côtés des autres grands archétypes urbains que sont la ville mobile, la ville flottante et la ville fertile (décortiquée la semaine dernière). Fortement relayés dans des médias grand public grâce à leurs visuels séducteurs flattant les fantasmes de l’Homme-oiseau, les projets de ville volante sont ainsi bien inscrits dans l’imaginaire urbain collectif. Et c’est bien ça le souci.

Car derrière ses atours enchanteurs, la ville volante véhicule en effet certaines valeurs qu’il nous semble nécessaire de remettre en question ; ce sera l’objectif de cette chronique, qui vous invite à vous méfier davantage de ces utopies tentatrices. A l’instar d’Icare, ne risquons-nous pas de nous brûler les ailes à trop vouloir voler ? Et existe-t-il une autre voie pour imaginer la ville en l’air ?

Une histoire récente

L’histoire de la ville volante remonte aux voyages de Gulliver découvrant Laputa (1727). Cette utopie a conquis depuis de nombreux esprits, en témoigne cette chrono-bibliographie des “îles aériennes” dans la littérature et la bande-dessinée populaires. Mais c’est surtout avec la révolution industrielle que l’idée d’une cité volante va prendre son essor et germer chez les urbanistes en tant qu’utopie “réaliste”. Citons en particulier la Ville volante de Georgij Krutikov (1928), une cité futuriste  que nous décrit François Delarue[PDF] :

Le quartier industriel, ancré dans le sol, se développe à l’horizontale ; la partie habitat, suspendue dans les airs au-dessus des secteurs de production, est formée de corps d’habitation de cinq étages ancrés dans un anneau central [...] ; le troisième élément structurant est un principe de voies de communication aériennes. En réalité la ville ne vole pas (c’est le rendu perspective en contre-plongée qui donne une impression de ville aérienne).

Encore aujourd’hui, l’idée fait rêver les architectes et urbanistes, à l’image de ces Cloud Skippers [EN] imaginés par le Studio Lindfors [EN] (présentés à la Biennale du Design de Saint-Étienne 2010). Il en existe évidemment de nombreux autres, qu’il serait fastidieux de citer. Ceux-là ont été choisis pour leur proximités visuelles : malgré 80 années d’écart entre les deux projets, on retrouve ainsi les mêmes imaginaires et surtout la même conception de la ville que cela sous-tend.

Une vision techniciste de l’exil

Outre leur dimension aérienne, ces différents projets se rapprochent en effet par leur conception techniciste de la ville ; c’est d’ailleurs commun aux autres grands archétypes de l’utopie urbaine du XIXe – XXe siècle (ville mobile ou ville flottante [EN]). Comme l’écrit Nicolas Lemas à propos de la “Ville volante” (mais pas suspendue) d’Eugène Hénard, présentée à Londres en 1910 [EN], ce type de projets urbains “s’appuie sur une foi inébranlable en les progrès fulgurants de la science, et de son versant appliqué, la technique [...] au service du bonheur humain” (“Eugène Hénard et le futur urbain. Quelle politique pour l’utopie ?”, p. 86. Ouvrage en partie disponible sur Google Books). De même, pour Georgii Krutikov, “la planification de la Ville Volante peut ainsi s’inscrire dans l’idéologie progressiste de l’urbanisme.” ».

Pour reprendre François Delarue [PDF], “la Futurapolis du XIXe est un rêve d’ingénieur”. Et c’est justement là que le bât blesse : selon lui, cette “merveille technologique construite à la gloire de l’industrie et de la fée électricité paraît davantage asservir l’homme que le libérer.” On retrouve d’ailleurs cette violence dans les différentes représentations de villes volantes à travers la culture populaire (cf. inventaire publié en écho sur mon blog pop-up urbain). Derrière ces visuels séducteurs se cacherait donc une contre-utopie ? Comment l’expliquer ?

Bien que vendues comme émancipatrices, l’idée maîtresse qui sous-tend les cités volantes est en réalité de pouvoir se détacher (au sens propre) de ses congénères au sein d’un paradis privé. Cette observation est d’ailleurs valable pour les autres figures de l’utopie techniciste et qui tendent aujourd’hui à se concrétiser ; on pense notamment aux projets d’îles crées de toutes pièces dans le Golfe, ou aux projets de villes écologiques comme Masdar, en réalité réservés à quelques privilégiés.

Une utopie dégénérescente à euthanasier ?

Ainsi, les rêves de cités volantes apparaissent davantage comme des fantasmes stylisés des fameux “ghettos de riches” qui se multiplient à travers le monde depuis quelques années. Les différentes représentations issues de la culture populaire en témoignent d’ailleurs sans équivoque. Chacun se fera alors sa propre opinion sur cette assertion de Nicolas Lemas, pour qui la Ville volante d’Eugène Hénard est “le rêve du capitalisme accompli” (p. 85)…

Cette violence ségrégative semble d’ailleurs inhérente au concept même de ville volante, puisqu’on la retrouve poussée à l’extrême dans la description qu’en fait Gulliver en 1727. Et  selon moi, cela n’a rien d’anecdotique…

Si quelque ville se révolte, ou refuse de payer les impôts, le roi [de Laputa] a deux façons de la réduire à l’obéissance. La première et la plus modérée est de tenir son île au-dessus de la ville rebelle, et des terres voisines : par-là il prive le pays et du soleil et de la pluie, ce qui cause la disette et les maladies. Mais si le crime le mérite, on les accable de grosses pierres qu’on leur jette du haut de l’île, dont ils ne peuvent se garantir qu’en se sauvant dans leurs celliers et dans leurs caves, tandis que les toits de leurs maisons sont mis en pièces. S’ils persistent témérairement dans leur obstination et dans leur révolte, le roi a recours alors au dernier remède, qui est de laisser tomber l’île à plomb sur leurs têtes; ce qui écrase toutes les maisons et tous les habitants. Le prince néanmoins se porte rarement à cette terrible extrémité, que les ministres n’osent lui conseiller; vu que ce procédé violent les rendrait odieux au peuple, et leur ferait tort à eux-mêmes, leurs biens se trouvant sur le continent.

Les Voyages de Gulliver, Jonathan Swift, 1727.
Troisième partie, chapitre III (via)

Tout concourt ainsi pour faire de la ville volante une “utopie dégénérescente” : une utopie d’apparence séduisante, mais en réalité porteuse de valeurs hautement critiquables. Pour paraphraser Julien Ribot à propos de sa propre chanson “Amour City” (une utopie urbaine “aux maisons en forme de montgolfières [...] suspendues dans les airs”), le risque existe que “la naïveté volontaire du tableau devienne en réalité le piège qui se referme(ra) sur les (futurs) habitants”.

Dès lors, ne serait-il pas temps d’euthanasier ces utopies tentatrices avant qu’elles ne deviennent réalité, à Dubaï ou ailleurs ? Cela ne vaut toutefois que pour les cités volantes habitées par les Hommes. Pourquoi, par exemple, ne pas les imaginer habitées par faune et flore, telle une Arche de Noé naviguant au-dessus des nuages, ou par des technologies (panneaux solaires, éoliennes dès lors plus productifs ?). Dans cette perspective, la ville volante reste une utopie instanciable… dès lors qu’on s’éloigne de nos représentations séculaires.


Chaque lundi, Philippe Gargov (pop-up urbain) et Nicolas Nova (liftlab) vous embarquent dans le monde étrange des “urbanités” façonnant notre quotidien. Une chronique décalée et volontiers engagée, parce qu’on est humain avant tout, et urbain après tout ;-) Retrouvez-nous sur Facebooket Twitter (NicolasPhilippe) !

Illustrations : Ville volante“, vue générale, Georgii Krutikov, 1928 (via) ; “Cloud Skippers“, Studio Lindfors, et CC Flickr par TillWe

]]>
http://owni.fr/2011/05/09/la-ville-volante-une-utopie-degenerescente/feed/ 0
La ville fertile, une amie qui nous veut du bien ? http://owni.fr/2011/05/02/la-ville-fertile-une-amie-qui-nous-veut-du-bien/ http://owni.fr/2011/05/02/la-ville-fertile-une-amie-qui-nous-veut-du-bien/#comments Mon, 02 May 2011 06:15:58 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=59905 Urban After All S01E15

La nature a horreur du vide, dit l’adage. Et si la nature avait aussi horreur du “plein” que représente la ville ? La question se pose, au vu des nombreuses œuvres culturelles mettant en scène une nature hostile à l’égard de la civilisation et de son principal avatar, la ville dense (cf. exemples ci-dessous, qui mêlent films catastrophes ou jeux écolo).

Bizarrement, assez peu d’architectes et urbanistes semblent vouloir se saisir de cette problématique. Ainsi, alors que l’occasion s’y prêtait à merveille, l’exposition “La ville fertile” (qui se tient en ce moment à la Cité de l’architecture, et à qui j’emprunte cette formule) n’aura jamais abordé cette face sombre de la nature urbaine, à mon grand regret / étonnement. Il y aurait pourtant énormément à en dire. Comment expliquer la profusion de ces visions post-apocalyptiques dans lesquelles la nature reprend ses droits sur l’Humain (à l’image de ces diaporamas ou de ces illustrations) ? Et surtout, qu’est-ce que cela traduit de notre rapport à la nature urbaine ?

De Phénomènes à Princesse Mononoké

Les exemples sont légion dans la culture populaire, notamment dans la seconde partie du XXe siècle, qui mettent en scène la révolte de la nature face à l’homme moderne. La multiplication de nanars impliquant plantes carnivores et animaux enragés en est un excellent témoin. Le site “Agressions animales” recense d’ailleurs ces œuvres de série B, avec un sous-titre on ne peut plus explicite : “La revanche de la Nature sur l’Homme. Animaux tueurs et catastrophes naturelles au cinéma.”

Plus subtil mais pas forcément meilleur, le récent Phénomènes, de M. Night Shyamalan (2008) s’inscrit lui aussi dans cette voie, en expliquant le suicide massif de nombreuses personnes comme “une revanche de la nature, qui sécréterait des toxines atteignant le cerveau humain et engendrant dépression et envie immédiate de mettre fin à ses jours. [...] Faux film catastrophe, Phénomènes parvient à instaurer de la tension en ne filmant que des arbres ou de l’herbe qui bouge au gré du vent” (Merci @Belassalle)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Loin des nanars et blockbusters hollywoodiens, on pense aussi et surtout à la conclusion de Princesse Mononoké [en] (1997), dans laquelle le Dieu-Cerf, aveuglé par la colère, détruit la colonie humaine pré-industrielle dont les ruines finiront recouvertes par une flore plus apaisée… (à partir de 7′05″)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le Studio Ghibli, célèbre pour ses penchants écologiques, est d’ailleurs coutumier du fait. Dans Pompoko (1994), un tribu de tanukis tentent ainsi de lutter contre la croissance d’une ville nouvelle. On pense aussi à Ponyo sur la falaise [en] (2008) et ses vagues destructrices, ou au Château dans le Ciel (1986) recouvert par la flore après la disparition de ses habitants.

Encore au Japon, l’épilogue de Final Fantasy VII (1997) pose le même constat d’une nature qui finira tôt ou tard par recouvrir les restes de la civilisation humaine (merci @LeReilly). On y découvre ainsi Midgar, principale agglomération du jeu, recouverte par une flore envahissante 500 ans après le dénouement “officiel” de l’histoire. Une reprise à peine subtile de “l’hypothèse Gaïa” de James Lovelock (voire surtout “La revanche de Gaïa”, 2001), la ville de Midgar étant tristement célèbre pour son réacteur puisant sans vergogne l’énergie “Mako” de la planète…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Cette liste est évidemment loin d’être exhaustive (on aurait ainsi pu évoquer les récents I Am Legend [en] ou The Road [en] (via @NicolasNova), la série The Walking Dead [en], le jeu vidéo Enslaved [en] (via @LeReilly) ou encore L’Armée des 12 Singes qui mériterait presque une chronique entière). N’hésitez pas à proposer vos propres références en commentaires !

Se faire pardonner les erreurs d’une industrialisation ravageuse

Chacun des exemples évoqués ci-dessous évoque, avec plus ou moins de violence, la vanité de la civilisation (représentée par la ville et la société industrielle) face au réveil de Mère Nature. La profusion de telles images dans la culture populaire aura ainsi grandement nourri une relation de méfiance, voire de défiance, à l’égard de la nature (quitte à tomber dans le délire new age au goût douteux). Ce parallèle entre La Planète des Singes (1968) et le récent séisme nippon symbolise presque à lui seule toute l’importance de cet héritage culturel dans notre imaginaire collectif (via @sandiet)

Sans tomber dans la psychologie de comptoir, comment expliquer cette situation ? Après deux siècles d’industrialisation décomplexée, l’humanité se trouve confrontée à un double retour de bâton : l’épuisement des ressources naturelles ainsi que le réchauffement climatique remettent en cause les fondements mêmes des sociétés modernes. À défaut de pouvoir réparer ses erreurs, ou même de pouvoir en stopper la dynamique (décroissance), l’humanité chercherait ainsi à faire le dos rond face au courroux de Mère Nature.

Le constat est d’autant plus flagrant en Occident, dont la culture judéo-chrétienne (profondément urbaine) évolue peu à peu sous l’influence (entre autres) des pop-cultures orientales. Comme s’en inquiétait le pasteur Eric George sur son blog :

On voit en effet réapparaître, sous maints aspects, l’idée d’une nature vivante, sacrée qu’il nous faudrait respecter sous peine d’encourir sa colère. [...] Pikachu et consorts sont une version à peine modernisée des esprits des eaux et des forêts. Je pourrais évoquer le succès (mérité) de dessins animés bien plus poétiques et subtils tels que Princesse Mononoke ou Le voyage de Chihiro. Une part non négligeable du discours écologique me paraît donc s’accompagner d’un retour à la personnification et à la vénération de la Nature.

Maquillage maladroit

Pour le meilleur, diront certains. Mais peut-être aussi pour le pire, si l’on considère que cette sacralisation excessive de la Nature a des répercussions sur la manière dont les acteurs urbains tentent de l’exploiter. C’est en tous cas le sentiment que j’ai lorsque je vois les propositions de “villes fertiles” exposées à la Cité de l’architecture. À trop vouloir “s’excuser”, on finit par frôler l’absurde en tentant de maquiller les erreurs du passé à coups de jolies plantes vertes. J’évoquais notamment les cas du Plateau de Saclay (une hérésie sur le plan des mobilités durables, puisqu’une voiture est indispensable pour se rendre sur place), et du périphérique parisien “reboisé” (on est ici clairement dans le camouflage, voire le peinturlurage, sans jamais remettre en question la pertinence de l’automobile en ville). À la sortie, l’effet est bien souvent contraire à l’objectif initial, détournant les esprits d’autres solutions moins clinquantes, mais potentiellement plus efficaces (télétravail et tiers-lieux, par exemple. On retrouve ici la fameuse “panne d’imaginaire” déjà évoquée par Nicolas dans son analyse des monorails).

Comment sortir de cette logique pernicieuse ? Il me semble que la clé réside (comme souvent) dans la question des imaginaires, et notamment des imaginaires “dystopiques” (ou plus largement négatifs). Ceux-ci devraient être abordés de front plutôt qu’évacués au profit de leurs pendants involontairement “bisounours” (ou volontairement “greenwashés”), à l’image des designers-urbanistes de Terreform qui n’hésitent pas à se réappropier des visuels “post-apocalyptiques”… souvent avec talent. Nous aurons l’occasion d’approfondir cette face sombre de la ville fertile dans une prochaine chronique, qui complétera ce premier tour d’horizon.

Il semblerait ainsi que la contre-utopie permette ainsi, bien mieux que l’utopie, de penser les mutations du monde en ouvrant le champ des imaginaires à d’autres horizons créatifs. C’est en tous cas le pari de Tomorrow’s Thoughts Today avec ce clip titré Productive Dystopia (via Transit-City) :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Arrêtons donc de placer la nature urbaine sur un piédestal, et transformons la crainte qu’elle nous inspire en déférence productive.


PS : Pour la petite anecdote, c’est un commentaire d’Antoine T. sur notre première chronique Urban After All qui nous a inspiré l’idée d’un tel sujet :

Un joli préambule à la réflexion, une piste importante manquante selon moi : l’aspect environnemental. On voit venir de plus en plus de scénarios dont l’histoire siège au sein d’un monde climatiquement bouleversé. Le film de zombies, c’est l’homme contre l’homme, oui mais pas seulement. C’est aussi la nature qui regagne sa place au sein des film et l’homme qui retouve sa condition de lutte pour la survie quotidienne (cf. I Am Legend, Walking Dead)…

La boucle est bouclée… Qu’il en soit remercié, et tous les commentateurs avec !

Chaque lundi, Philippe Gargov (pop-up urbain) et Nicolas Nova (liftlab) vous embarquent dans le monde étrange des “urbanités” façonnant notre quotidien. Une chronique décalée et volontiers engagée, parce qu’on est humain avant tout, et urbain après tout ;-) Retrouvez-nous sur Facebook et Twitter (Nicolas / Philippe) !

Image CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales Leonard John Matthews

]]>
http://owni.fr/2011/05/02/la-ville-fertile-une-amie-qui-nous-veut-du-bien/feed/ 16
Espace virtuel: à qui appartient le réel augmenté? http://owni.fr/2011/04/11/espace-virtuel-a-qui-appartient-le-reel-augmente/ http://owni.fr/2011/04/11/espace-virtuel-a-qui-appartient-le-reel-augmente/#comments Mon, 11 Apr 2011 08:30:24 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=55756 Urban After All S01E12

Tout lieu physique possède désormais une ombre informationnelle”. La formule a le mérite de la clarté. Elle est signée Nicolas Nova :-), invité en octobre dernier à définir la “ville hybride” lors d’un colloque sur les espaces urbains numériques.. Autrement dit : plus qu’une simple “couche numérique”, la ville hybride se définit par la “territorialisation” des données dans l’espace urbain. Et cela n’est pas sans poser de questions.

En octobre dernier toujours (coïncidence ?), deux artistes tentaient justement d’explorer ces problématiques en “hackant” une exposition du prestigieux MoMA new-yorkais. Dans le cadre du festival Conflux, Sander Veenhof et Mark Skwarek [en] ont ainsi localisé des œuvres en réalité augmentée à l’intérieur même du musée… et sans son consentement (en théorie, mais difficilement vérifiable…)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Y’avait pas d’porte ouverte alors j’ai pété un carreau

La performance prend toute sa saveur lorsqu’on  la confronte à ces panneaux, installés par le MoMa, interdisant l’usage de la réalité augmentée [en] dans le bâtiment :

Difficile de dire si ces panneaux font partie ou non d’une démarche artistique, la photo ayant été publiée en mai 2010, soit bien avant la vraie-fausse exposition d’octobre. Mais après tout, qu’importe ? Le coeur du sujet réside dans les questions que soulève cette interdiction, et qu’elle soit artistique n’y change rien : “à qui appartient l’espace virtuel d’un espace physique ?”, s’interrogeait Sander Veenhof repris par Samuel Bausson.

C’est précisément cette interrogation qui a donné naissance à la performance d’octobre [en] :

La réalité augmenté a réécrit le périmètre de “l’espace public”.  Les espaces physiques clos, tels que les musées, sont maintenant des zones ouvertes à l’intervention de chacun.

Les artistes ne se sont d’ailleurs pas arrêtés au musée en montant l’opération Infiltr.AR [en] comme l’expliquait Ecrans.fr (qui présente d’ailleurs d’autres créations particulièrement intéressantes, et parfois politiquement incorrectes.) :

Vendredi 25 février, le bureau ovale de la Maison-Blanche et le Pentagone ont été infiltrés en toute discrétion par deux ballons d’hélium sur lesquels s’affichaient des messages adressés à Barack Obama, que chacun pouvait envoyer en direct via Twitter (#whitehouseinfiltration). Des ballons qui ont échappé aux services d’ordre. De fait, seules les personnes sur place, équipées d’un smartphone et d’une application spécifique, ont pu voir sur leur écran ces ballons virtuels flotter dans l’espace physique.

Le réel augmenté : pour le meilleur ou pour le pire ?

Gentiment subversives voire carrément consensuelles, la plupart des interventions existantes ne dérangent finalement pas grand monde. Mais que se passerait-il si les visiteurs du MoMA étaient tombés sur des images plus offensantes, voire illégales, s’interroge Mixed Realities [en] ?

L’hypothèse semble en réalité peu probable, comme l’explique Nicolas Frespech qui cherche à reproduire la démarche :

Une fois ces créations terminées, il me restera à les soumettre à Layar [outil de réalité augmentée populaire sur mobile], par exemple. Pas gagné non plus : toutes les « couches » ne sont pas acceptées, l’équipe éditoriale filtre les contenus qui pourraient porter préjudice à certaines personnes, à certaines entreprises… à eux-mêmes en fait !

Ajoutons à cela le bagage technique nécessaire pour créer des objets en réalité augmentée, ainsi que le coût encore prohibitif des smartphones : l’utopie (un peu naïve) des artistes prend du plomb dans l’aile.

Mais surtout, ce filtrage des contenus pose une réelle question quant à l’appartenance de l’espace virtuel “territorialisé”, d’autant plus lorsque l’on dépasse le cadre des lieux “fermés” et que l’on s’attaque à l’espace public. Selon François Verron, qui s’interroge sur les possibles de telles applications :

Et de concrétiser le réel commenté, réinventé à la sauce de chacun : une autre manière de le consommer, certes, mais aussi de le jouer et le transformer de manière poétique ou polémique. C’est aussi la porte ouverte à toutes sortes de “pollutions” ou hacking pour le meilleur et pour le pire.

La rue nous appartient… mais pas la rue virtuelle ?

Est-il pertinent de donner à chacun la possibilité de “taguer” l’espace urbain (ce que j’ai baptisé “folksotopies”) ? Parmi les pistes évoquées par François Verron, certaines laissent plus que songeur : on pourrait par exemple imaginer qu’une marque ou une enseigne sature l’espace augmenté de publicités. Le mouvement est déjà lancé, comme l’indique l’exemple étonnant de Fiat et son “hack” de la signalétique urbaine (bien qu’il s’agisse là d’une application dédiée).

Inversement, un détracteur pourrait “taguer le siège d’une multinationale par des dénonciations amères ou rebelles. Et donc, déplacer le scope de l’e-réputation de marque qui devra s’étendre jusqu’à ses lieux des marques et leurs micros-lieux”. Il parait par exemple peu probable qu’un mécontent tague à la bombe, sur la devanture d’un restaurant, que “le cuisinier urine dans la sauce béchamel”, sous peine de poursuites. Mais quid d’un tag virtuel localisé ?

La question se pose donc, sans urgence certes, mais avec une insistance croissante compte-tenu de la concrétisation progressive du réel augmenté. Est-il de la responsabilité des autorités compétentes d’accompagner la construction de cette couche virtuelle ? L’image suivante, capturée à Amsterdam par l’artiste Sander Veenhof, témoigne d’une perspective peu réjouissante :

Difficile ici aussi de dire s’il s’agit d’une interdiction “sérieuse” ou d’une performance artistique. Mais, là encore, ce n’est peut-être pas le plus important. Car compte-tenu des directions douteuses que pourrait prendre une réalité augmentée mal avisée, la perspective de voir des zones “protégées”, vierges de toutes données augmentées (sauf celles tolérées par les “gouvernants” et/ou propriétaires des lieux physiques…) ne me semble pas franchement surréaliste. Un tel futur ne m’enchante guère.

Note : D’autres chroniques sont prévues pour tenter d’approfondir ce vaste sujet, que je n’ai fait ici qu’introduire. Ces “spin-off” s’éloigneront d’ailleurs quelque peu des chroniques habituelles puisque j’ai notamment prévu de rédiger une nouvelle d’anticipation reprenant la trame d’un rêve qui m’a amené à ces réflexions. À suivre, donc ! :)

Chaque lundi, Philippe Gargov (pop-up urbain) et Nicolas Nova (liftlab) vous embarquent dans le monde étrange des “urbanités” façonnant notre quotidien. Une chronique décalée et volontiers engagée, parce qu’on est humain avant tout, et urbain après tout ;-) Retrouvez-nous sur Facebook et Twitter (Nicolas / Philippe) !

Image CC Flickr  PaternitéPas de modification plantronicsgermany

]]>
http://owni.fr/2011/04/11/espace-virtuel-a-qui-appartient-le-reel-augmente/feed/ 12
Le retour des dirigeables, un fantasme qui en dit long http://owni.fr/2011/04/04/le-retour-des-dirigeables-un-fantasme-qui-en-dit-long/ http://owni.fr/2011/04/04/le-retour-des-dirigeables-un-fantasme-qui-en-dit-long/#comments Mon, 04 Apr 2011 06:30:17 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=54771 Urban After All S01E11

Vous en avez peut-être entendu parler : du 12 au 20 mars, un dirigeable a survolé Paris pour en mesurer la radioactivité (peut-être le même que celui qui survolait les banlieues en 2005, qui sait ?). Un bon prétexte pour revenir, dans cette chronique, sur la possibilité de voir un jour les dirigeables retrouver leur lustre d’antan, et pourquoi pas remplacer les avions pollueurs et bruyants (et pas uniquement pour du fret [en], mais bel et bien pour du transport de voyageurs au long cours).

L’idée ne date pas d’hier. En 2004 déjà, l’expert Jacques Bouttes s’interrogeait sur le “renouveau des dirigeables”, rappelant au passage que le sujet fait “l’objet de discussions ayant le plus souvent un caractère plus affectif que rationnel” :

Le dirigeable est un engin qui fait rêver : le souvenir des Zeppelin et plus récemment la vue dans le ciel des dirigeables, porteurs de publicité, silencieux et majestueux, ont un impact médiatique considérable.

À l’instar du monorail dont nous parlait Nicolas il y a quelques semaines, le dirigeable jouit en effet d’une certaine aura “rétro” dans l’imaginaire collectif. Qu’est-ce que cela traduit quant à notre culture de la mobilité ?

Le charme discret d'un Graf Zeppelin de 1930.

Mythe ou réalité ?

Architectes et urbanistes sont les premiers à exploiter l’engin dans leurs visions prospectives. Le blog Transit-City répertorie d’ailleurs les exemples les plus emblématiques. Une “renaissance de vieilles utopies” (voire parfois du recyclage), allant des dystopies où le dirigeable sert de “témoin” [projet “London 2100” (2010), par Ángel Martínez García, qui imagine un Londres partiellement recouvert par la montée des eaux], à d’autres créations d’envergure où le dirigeable est au centre de la vision futuriste :

  • projet “Anemorphic Airship Docks” (2008) de l’étudiant Adam Holloway, encore pour Londres, et qui pose avec pertinence la question des infrastructures architecturales nécessaires à ce mode ;
  • projet “Airbia” proposé pour le concours ReBurbia [en]
  • d’autres exemples sur Transit-City…

Plus généralement, l’aura des dirigeables peut s’expliquer par sa forte présence dans la culture populaire. Les exemples sont nombreux, et pourraient couvrir une chronique entière (c’était d’ailleurs l’idée de départ, dans la lignée de mes activités sur pop-up urbain). Citons pèle-mêle (liste évidemment non exhaustive, n’hésitez pas à faire part de vos trouvailles en commentaires !) :

Mais c’est surtout Southland Tales (2006), film magistral de Richard Kelly, qui m’a inspiré cette chronique. Le film s’achève dans un scène d’anthologie, à bord d’un “Mega Zeppelin” survolant Los Angeles (attention, spoiler possible) :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Si ces projets sont pour la plupart des créations d’anticipation, dont la fonction première est donc de faire réfléchir (sur la raréfaction des énergies combustibles, notamment), il n’en est pas moins légitime de s’interroger sur les possibilités de voir les dirigeables revenir sur le devant de la scène aéronautique. En effet, ce “renouveau” médiatisé des dirigeables n’a pas franchement rencontré le succès escompté. Comment l’expliquer ?

Guerre et paix

Selon Jacques Bouttes, l’échec des récents projets de “gros” dirigeables dans les années 2000 (ou plutôt leur non-concrétisation, car il s’agit plus souvent d’effets d’annonce peu réalistes) s’explique avant tout par le manque d’envergure des moyens mis en œuvre :

De ce fait, l’avenir des grands dirigeables ne peut s’envisager que si des industriels majeurs de l’aéronautique s’intéressent à ces nouveaux produits. Il faut, pour cela, d’abord évaluer le marché solvable, connaître les opérateurs potentiels, et enfin mettre en place des équipes et des moyens technologiques adaptés, d’un niveau industriel comparable à celui de l’aéronautique moderne. Toutes ces conditions n’ayant pas été remplies, il ne faut pas s’étonner des échecs récemment constatés.

Jusque là, rien que de très logique. Mais quelques lignes plus loin, la conclusion de l’expert laisse songeur :

L’avenir des grands dirigeables pourrait s’éclairer si les applications militaires étaient suffisamment intéressantes pour que les investissements nécessaires soient mis en place.

Dans un texte relativement critique, l’écologiste George Monbiot confirme cette hypothèse, finalement plutôt logique quand on connait le passif “militaire” des grandes techniques de notre époque (dans l’aéronautique en particulier dans un texte assez sévère à l’égard des dirigeable)s. Plus étonnant, même la pop-culture semble venir appuyer l’idée. Ainsi, les dirigeables de Batman ont une fonction sécuritaire de surveillance urbaine, et le Mega Zeppelin de Southland Tales est utilisé par l’armée US comme arme pour la “Troisième Guerre mondiale” imaginée dans le film (et fortement inspirée par l’après 11 septembre).

L’imaginaire des dirigeables semble donc marqué par une certaine “violence”. Plutôt étonnant, puisque les dirigeables sont justement considérés comme des modes “doux” et “silencieux”. On retrouve ici un paradoxe proche de celui que j’observais autour de la “ville mobile”, et qu’il m’est assez difficile d’expliquer. Est-ce lié au passé militaire des dirigeables ? À leur caractère imposant et donc visuellement plus “marquant” ?  Ou bien faut-il chercher plus loin, dans la psychologie de nos imaginaires mobiles (la vitesse et le bruit des moteurs longtemps perçus comme des valeurs positives, auxquelles ne répond donc pas le dirigeable) ? La discussion est ouverte…

La croisière s’amuse… entre riches.

En effet, l’autre versant de l’imaginaire que l’on rattache traditionnellement aux dirigeables est celui d’un transport apaisé, silencieux et non polluant. Transit-City, s’interrogeant sur les “mutations de l’aérien”, faisait ainsi une pertinente analogie entre paquebots et dirigeables comme possible avenir du tourisme :

“Les gens en ont assez d’être stressés, et nombreux sont ceux qui aspirent à une certaine lenteur”, constate ainsi le journaliste et grand voyageur Claude Villers, qui fait même le pari que si une compagnie relançait les dirigeables, il y aurait une clientèle pour ce type de transport.

C’est là, à mon sens, ce que nous apprend de plus significatif ce retour des dirigeables sur le devant de la scène. En effet, l’engouement pour ce mode de transport traduit une perception nouvelle de la mobilité : après des années de domination de la valeur “vitesse”, la lenteur regagne du terrain dans l’inconscient collectif, et le dirigeable en est un excellent témoin. Éloge de la lenteur ? Sûrement, et l’idée de ce “temps-croisière” trouve d’ailleurs un écho dans les modes de transport plus classiques, tel que le train ou le métro et bien évidemment l’avion.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Comme l’explique Transports du futur :

Dans la course à la vitesse quotidienne, il est probable que le temps libre et donc finalement la lenteur soit, sous une certaine forme, un luxe.

De là à dire que les dirigeables seront réservés à certains, il n’y a qu’un pas… que l’on peut s’autoriser à franchir, au vu des différents projets “réalistes” qui s’annoncent (hôtels volants et croisières de luxe, images de réceptions guindées comme dans Southland Tales, etc.). Faut-il en conclure que l’avenir des mobilités ne peut s’envisager qu’en termes sécuritaires et/ou d’exclusion ? Triste fantasme, que l’on tentera de démêler en imaginant d’autres perspectives plus “subversives”. Pour paraphraser la conclusion de Nicolas à propos du monorail : “il est temps d’imaginer d’autres formes possibles ou d’aller puiser dans d’autres imaginaires des espoirs nouveaux…

Image CC Flickr AttributionNoncommercialNo Derivative Works postaletrice et AttributionNoncommercialShare Alike romainguy

Chaque lundi, Philippe Gargov (pop-up urbain) et Nicolas Nova (liftlab) vous embarquent dans le monde étrange des “urbanités” façonnant notre quotidien. Une chronique décalée et volontiers engagée, parce qu’on est humain avant tout, et urbain après tout ;-) Retrouvez-nous aussi sur Facebook et Twitter (Nicolas / Philippe) !

]]>
http://owni.fr/2011/04/04/le-retour-des-dirigeables-un-fantasme-qui-en-dit-long/feed/ 20
Allo maman bobo : et si on réparait la ville ? http://owni.fr/2011/03/28/allo-maman-bobo-et-si-on-reparait-la-ville/ http://owni.fr/2011/03/28/allo-maman-bobo-et-si-on-reparait-la-ville/#comments Mon, 28 Mar 2011 07:50:22 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=53332 Urban After All S01E10

La ville est un Homme comme les autres, pourrait-on écrire, à en juger par la profusion de métaphores corporelles utilisées pour décrire l’espace urbain. On finirait presque par oublier que cette humanisation de la ville (et le titre de cette chronique en est un clin d’œil) va dans les deux sens. Si la ville a bien un “cœur”, des “poumons” et un “cerveau”, c’est qu’elle a aussi des “rides”, des “cicatrices” et des “cancers”. Certaines “blessures” sont d’envergure, et les collectivités s’acharnent depuis toujours à les “soigner” à coups de grands travaux et ravalements de façade.

Mais la majorité ne sont souvent que de “petits” bobos : accrocs dans le bitume, problèmes de voirie, bancs cassés ou monceaux de poubelles non retirées (un groupe Flickr leur est dédié ; quelques autres exemples capturés par Nicolas Nova). Problème : bien que relativement mineurs, ce sont justement ces incidents qui contribuent à alimenter tension et frustration chez les citadins qui se les coltinent au quotidien. Le designer (et spécialiste de la ville numérique) Adam Greenfield résume la situation en une simple formule : “cities are all about difficulty” [en].

Malheureusement, les collectivités ne sont pas en mesure d’intervenir sur ces bobos bénins, non pas faute de moyens (quoique…), mais surtout faute de signalement. Il serait en effet bien difficile voire impossible, pour une collectivité, d’observer avec minutie chaque recoin de l’espace urbain. La solution est donc toute trouvée : mettons à profit “l’intelligence collective” qui caractérise les villes. Et si c’était les citadins, justement confrontés au quotidien à ces blessures hyperlocales, qui se chargeaient de faire remonter les informations ? Après tout, on n’est jamais si bien servi que par soi-même.

Viens voir le docteur urbain

Le concept est simple, et se résume d’ailleurs dans le nom d’un de ces services, SeeClickFix [en] : “See (identifier le problème), Click (le signaler sur la cartographie participative) et Fix (résoudre le problème mis au jour publiquement)” (via). En quelques années, de nombreuses applications similaires se sont développées ça et là : aux Pays-Bas (BuitenBeter), au Royaume-Uni (FixMyStreet, [en]), à Lisbonne (Na Minha Rua [pt])…  Certains se limitent au web, d’autres existent déjà sur mobile afin de permettre aux citadins de signaler en temps réel les problèmes qu’ils rencontrent. En France, la ville de Mérignac s’est lancée dans la course avec un service gracieusement baptisé Léon (c’est quand même autre choses que les injonctions déshumanisées des apps anglo-saxonnes, vous ne trouvez pas ?). L’application n’est pour l’instant disponible que sur Internet, mais l’idée est là, témoignant d’un engouement certain, et plutôt compréhensible.

En effet, les vertus sont nombreuses. D’une part, cela facilite grandement le travail des agents et techniciens de la collectivités. D’autre part, et c’est peut-être le plus le plus important, de tels services favorisent l’inclusion du citadin dans ce vaste organisme qu’est la ville. En se sentant “investi” d’une mission (même microlocale), le citadin prend conscience de son rôle actif dans le fonctionnement de la ville. Ces services s’inscrivent dans la droite ligne de la “ville 2.0” (le terme a vieilli, mais qu’importe), dans laquelle l’individu devient un acteur à part entière dans le système urbain.

Comment hiérarchiser les feuilles de soin ?

On pourrait arrêter la chronique ici. Mais si vous nous lisez régulièrement, vous savez que ce n’est pas notre genre. Car derrière ses parures enthousiasmantes, ce type d’application pose de nombreuses questions.

La première est liée au risque (relatif) d’abus de la part des citadins (exemple : je géolocalise avec insistance les problèmes situés sous ma fenêtre). En prolongement, il existe un risque plus concret de voir la collectivité dépassée par les événements. Comment hiérarchiser les alertes ? Dans une intelligente analogie [en], Adam Greenfield propose de faire appel au savoir-faire des développeurs (ça fera plaisir à certains !), en s’inspirant des systèmes de “bug-tracking” utilisés pendant le développement d’un logiciel. Il s’agirait pour le citadin-contributeur de prioriser les “bugs” observés selon trois variables :

  • l’échelle (combien de personnes sont concernées ?)
  • la sévérité (le problème pose-t-il un risque pour les personnes alentours ? est-il récurrent ?)
  • l’urgence (depuis combien de temps la situation est-elle signalée ?)

Il est logique que les applications existantes à l’heure actuelle ne se soient pas encore penchées sur cette hiérarchisation des alertes. Mais gageons que cela ne saurait tarder dans les v2 qui devraient voir le jour.

La médecine urbaine est-elle de droite ?

Plus épineuse est la question du fondement idéologique qui sous-tend ce type d’applications. Simon Chignard en avait déjà débattu dans un excellent billet… sur l’open data (Une idée de gauche ? sur Asso-Bug, repris sur OWNI) ; les deux problématiques sont en effet fortement liées :

L’Open Government donne des outils pour mesurer l’efficacité de l’action publique. On connait l’exemple du site See, Click, Fix qui permet de signaler un problème de voirie par exemple. Comme le soulignent les auteurs de la contribution “The Dark Side of Open Government” dans l’ouvrage précité [Open Governement : collaboration, transparency and participation in practice], cette transparence et cette exigence de rendre des comptes (accountability) surexposent mécaniquement les défaillances et les limites de l’action publique, plutôt que les réussites ou le travail réalisé.

De surcroît, ces services créent une pression supplémentaire sur les agents des services publics. Justement :

Autre point-clé, l’open data [ndlr : mais c’est aussi valable pour les FixMyStreet-like] concerne aujourd’hui essentiellement les données issues du secteur public. C’est donc sur le secteur public que la pression de la transparence est mise.

Avec un risque évident : voir le secteur privé s’emparer de cette mise en avant des défaillances du secteur public :

“Et quid de l’influence du secteur privé sur nos vies quotidiennes ? [...] On retrouve la croyance en la capacité du marché et du secteur privé à assumer certaines fonctions de l’État – et de quoi parle-t-on lorsqu’on donne la possibilité au secteur privé de développer des applications et services que la collectivité ne peut ou ne souhaite pas développer ?”

Inversement, on pourrait d’ailleurs se demander si le risque ne serait pas de voir des collectivités en profiter pour “démissionner” de leurs missions de maintenance, en déléguant plus que nécessaire aux citadins ou aux acteurs privés. Sans aller jusque là, il me semble nécessaire, en conclusion, de s’interroger sur le climat que de telles applications instaurent dans l’espace urbain.

Ma rue est bourrée de vices, à chacun ses délices

La ville est un Homme comme les autres, disions-nous. Or, il ne faudrait pas oublier que ce sont justement les rides et les cicatrices qui donnent aux Hommes tout leur charme. Si la “réparation” de la ville n’est pas à remettre en cause, on peut se demander si cela doit forcément passer par une ville lisse et aseptisée, dont on ne connaît que trop bien les dérives. On retrouve ici une problématique proche de la “prévention situationnelle” : comment sortir d’une logique des extrêmes qui opposerait d’un côté la ville abîmée, de l’autre la ville kärcherisée ? (sans que ni l’une ni l’autre ne soit vivable)

L’une des possibilités les plus enthousiasmantes, mais c’est subjectif, propose d’exploiter les créations artistiques comme “sparadraps” urbains. Et si les briques LEGO devenaient des “pansements de ville”, à l’image du projet collectif Dispatchwork[en] par Jan Vomman ? Au lieu de cacher les bobos de la ville, les briques colorées viennent ici réenchanter l’espace urbain. Les vertus d’inclusion du citadin-acteur sont d’ailleurs préservées, voire renforcées, puisque c’est à lui de “réparer” l’espace comme il l’entend.

De même, des graffitis pourraient venir recouvrir les rides murales d’une ville vieillissante. Attention toutefois à ne pas faire office de cache-misère, comme je le dénonçais ici, en écho à Transit-City. Mais ceci est une autre histoire… pour une prochaine chronique ?

Images CC Flickr Nicolas Nova (image de une et mur au sparadrap) et Philippe Gargov (banc)
Paroles utilisées dans les titres : Alain Souchon (Allo Maman Bobo), Doc Gynéco (Viens Voir Le Docteur / Dans Ma Rue)

Chaque lundi, Philippe Gargov (pop-up urbain) et Nicolas Nova (liftlab) vous embarquent dans le monde étrange des “urbanités” façonnant notre quotidien. Une chronique décalée et volontiers engagée, parce qu’on est humain avant tout, et urbain après tout ;-) Retrouvez-nous aussi sur Facebook et Twitter (Nicolas / Philippe) !

]]>
http://owni.fr/2011/03/28/allo-maman-bobo-et-si-on-reparait-la-ville/feed/ 8