OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Dis moi comment tu vends ta musique, je te dirai qui tu es http://owni.fr/2011/03/05/dis-moi-comment-tu-vends-ta-musique-je-te-dirai-qui-tu-es/ http://owni.fr/2011/03/05/dis-moi-comment-tu-vends-ta-musique-je-te-dirai-qui-tu-es/#comments Sat, 05 Mar 2011 09:00:21 +0000 Anastasia Lévy http://owni.fr/?p=49789 L’expérience Radiohead

En 2007, Radiohead avait eu l’air de proposer le meilleur modèle possible pour vendre son album, In Rainbows. Le pay-what-you-want, un système avec lequel tout le monde était gagnant, sauf les maisons de disques, pointées comme des exploiteurs d’art, faisant leur beurre sur le dos des artistes et du public. Alors que tout le monde avait salué cette démarche, à part quelques commentateurs n’y voyant que le côté commercial, Radiohead remet tout en cause en ce début d’année et propose son nouvel album à un prix fixe. Ou à des prix fixes plutôt. Les internautes doivent dépenser au moins 7 € pour télécharger huit titres en mp3, jusqu’à 39 € pour un mystérieux futur « newspaper album » et dès à présent les titres en .wav. Thom Yorke avait prévenu dès 2008 (interview dans The Hollywood Reporter) que la distribution d’In Rainbows était une réponse unique à une situation particulière (après leur bataille pour se séparer d’EMI), mais tout le monde autour martelait (par ici ou par là) que ça avait été particulièrement bénéfique pour eux, au moins par les retombées externes à l’album (concerts, réputation, impact même de l’album sur l’industrie de la musique). Radiohead revient aujourd’hui dessus, expliquant que c’est une « progression logique ».

Mais de logique, personne ne peut parler aujourd’hui, dans l’industrie de la musique. Chacun y va de son innovation plus ou moins intéressée/intéressante, mais aucun modèle ne s’impose finalement. Alors que se développent difficilement des lieux de rencontre et de dialogue pour les acteurs qui veulent se poser la question de l’évolution de ce marché (voir, par exemple, le bilan de MusicNet.works) la tendance est encore à l’opposition, du simple mépris aux procès qui durent des années (majors contre plateformes de téléchargement, majors contre artistes, artistes contre plateformes, et même pire, artistes contre public).

Ce n’est évidemment pas parce que Radiohead l’a abandonné que le pay-what-you-want est mort. Si le groupe d’Oxford est le poil à gratter des majors, Nine Inch Nails est leur cauchemar. Pas question pour le groupe de repasser à une autre formule que le pay-what-you-want pour le groupe de Trent Reznor qui avait, à l’époque où ils étaient chez Universal, appelé leurs fans à voler leurs albums, et fait l’apologie du site de « piratage » Oink.

Le DIY et le crowdfunding

Ce système ne marche pas, comme on pourrait le croire, qu’avec des groupes déjà bien installés. Il a récemment permis à de petits groupes de faire le buzz autour de leur premier album, comme les excellents Yellow Ostrich, qui proposent de « name your price » pour télécharger l’album en numérique : « Download it for free, or pay-what-you-want, its your choice ». Forts de leur démarche, qui prend plutôt bien, ils placent sur leur bandcamp un lien vers Kickstarter, site de financement par les internautes sur lequel ils proposent d’investir dans… la production de leur album en vinyl. Le groupe n’a donc rien déboursé pour leur album physique : pour qu’il soit produit, il fallait que les internautes investissent (sans retour sur investissement possible, à part un cadeau déterminé à l’avance) au moins 2500 $, objectif atteint en quelques semaines. Ca fait rêver, tant la simplicité de la démarche a propulsé sa réussite.

Le côté pratique des majors

Et pourtant, même pour les jeunes groupes, la signature sur un gros label reste un des premiers objectifs. Frida Hyvonen nous confiait récemment que sa signature chez Universal Publishing, après trois albums en production et distribution indépendantes, était un soulagement : plus d’argent et donc plus de temps pour créer et pour enregistrer. C’est effectivement encore là que les moyens de production sont concentrés, et que les artistes sont chouchoutés. On comprend ainsi que les gros, type Daft Punk ou Dr Dre ne cherchent pas à se séparer de ceux qui leur offrent sécurité et visibilité (voire matraquage médiatique).
Et le rapport de force s’inverse : les maisons de disques signent aujourd’hui des contrats qui bénéficient plus aux artistes qu’avant. Les labels sont devenus les employés des artistes.

Par ailleurs, les majors ont développé ou racheté des labels spécialisés ou indie, comme Blue note (label jazz d’Herbie Hancock ou John Coltrane) chez EMI, ou Nonesuch chez Warner, qu’ils tiennent à bout de bras. Besoin d’une caution artistique ? Peut-être, mais personne ne peut nier que c’est bénéfique pour les artistes. Mais…aussi pour les majors, qui évitent ainsi de prendre les risques nécessaires à la vitalité du monde musical. Au lieu de produire des artistes non calibrés pour le marché, elles exploitent les catalogues de ceux qui ont pris ces risques.

Des labels qui pèsent

De trop rares exemples prouvent que la signature sur un label indé n’empêche pas un tel succès : Arcade Fire, sur Merge records, connaît un succès phénoménal, tandis que récemment Vampire Weekend, sur XL’s recordings, voyait son album Contra devenir n°1 des charts albums aux Etats-Unis. XL ne sort pourtant que…six albums par an, et signe un nouvel artiste par an : le choix de l’hyper-spécialisation. Richard Russell, le PDG du label confiait au Guardian : « On refuse 200 000 démos par an. En gros, on dit non à tout, et même à plein de grands artistes. Il faut une dose de courage pour faire ça. C’est une philosophie anti-commerciale ». Russell évite les dépenses inutiles (des clips ? pour quoi faire…) et ne dépense jamais plus que ce qu’il a… Un modèle simple et payant.

Certains musiciens refusent encore de traiter les questions bassement matérielles de distribution et de se poser même la question de l’avenir de l’industrie dans laquelle ils vivent. Est-ce déshonorant de parler d’autre chose que d’art ? Ceux qui le font sont en général attaqués là-dessus (voyez les dizaines de critiques de Radiohead…), alors que ça ne suppose absolument pas de mettre de côté l’aspect musical.
Toute l’industrie de la musique s’agite depuis une dizaine d’années déjà pour savoir quel modèle ressortira vainqueur du séisme de la gratuité. Mais la réponse sera peut-être dans l’hétérogénéité, chaque groupe définissant son modèle personnel comme une partie de sa personnalité.

Article initialement publié sur OWNImusic

Crédits photos CC flickr : dunechaser, dullhunk, superde1uxe

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Je veux être journaliste dans un pays privé de liberté de la presse http://owni.fr/2010/06/11/je-veux-etre-journaliste-dans-un-pays-prive-de-liberte-de-la-presse/ http://owni.fr/2010/06/11/je-veux-etre-journaliste-dans-un-pays-prive-de-liberte-de-la-presse/#comments Fri, 11 Jun 2010 11:44:53 +0000 Anastasia Lévy http://owni.fr/?p=18266 Dragana Bozic a 21 ans. En deuxième année d’école de journalisme en Bosnie-Herzégovine, à Banja Luka, elle commence aujourd’hui l’équivalent d’un contrat de remplacement à Alternative TV (ATV), une des chaînes les plus indépendantes du pays.

Mais de contrat justement, elle n’en aura pas : “Je suis censée être là pour un mois, et si ça se passe bien, peut-être jusqu’à octobre. Mais je ne sais pas si je serai payée”, raconte-t-elle en gardant sa bonne humeur imperturbable.

Le salaire minimum pour les journalistes, c’est 270 KM, marks convertibles, soit 135 euros par mois, mais sans contrat, on ne peut pas savoir.

Les seuls journalistes correctement payés dans ce pays sont ceux qui travaillent pour une des trois chaînes publiques, qui reçoivent de l’argent des gouvernements.

Les gouvernements, ce sont le gouvernement d’État de la Bosnie-Herzégovine, et ceux des deux entités qui composent le pays, la République serbe au nord, dont Banja Luka est la capitale, et la Fédération croato-bosniaque au sud. A Banja Luka, la télévision officielle, c’est la RTRS, qui vit injectée des capitaux du SNSD, le parti au pouvoir.

A Banja Luka, la première chaîne de télévision du pays, la RTRS (à gauche), est la marionnette du gouvernement (à droite)

Dragana, elle, déteste la RTRS, et fustige sa promiscuité avec le parti, sans avoir les moyens de s’en passer : “L’année prochaine, je dois faire un stage dans leur service radio”.

Quand elle ne travaille pas, Dragana passe des heures au café avec son meilleur ami, Miloš Lukic, un étudiant de 3ème année de l’école de journalisme, avec qui elle s’écharpe sur la politique. Miloš a sa carte au SNSD, mais admet tout de même, un peu embarrassé, que la chaîne de télévision la plus regardée de la Republika Srpska ne pourrait pas critiquer le gouvernement.

Sans trouver les autres meilleures :

Aujourd’hui que le SNSD est au pouvoir, tout le monde dit que la RTRS est trop proche du pouvoir. Mais jusqu’en 2006, quand le SDS était au pouvoir, et que la RTRS le critiquait, tout le monde la trouvait indépendante

C’est ça, le problème de la liberté de la presse en Bosnie. Chaque parti a son réseau de médias à son service, et lui donne les moyens. Les autres médias n’ont pas d’argent, et vivent comme ils peuvent, c’est-à-dire mal. “Parfois à ATV”, explique Dragana, “les rédacteurs donnent de l’argent à leurs collègues pour qu’ils puissent terminer leurs reportages”.

Quand on demande à ces jeunes s’ils pensent que la situation pourrait changer bientôt, ils arborent tous une moue dubitative. Pourquoi vouloir être journaliste alors, quand on sait qu’on ne pourra pas exercer son métier librement?

“Je pense que la nouvelle génération, nous, essaye de changer les choses”, explique Nevena Vrzin, étudiante en journalisme et qui travaille au journal Nezavisne Novine.

J’espère qu’un jour nous aurons tous le courage de nous lever et de dire ‘je veux travailler comme ça et pas autrement’. Mais il faut travailler, vivre, et les idéaux disparaissent quand il faut manger.

Nezavisne Novine, ça veut dire “journal indépendant”. Créé au début des années 90 avec le soutien de Milorad Dodik, jeune politicien de l’époque et aujourd’hui… Premier ministre de la Republika Srpska et président du SNSD, le journal n’est “évidemment pas objectif” lance Miloš.

En 1999, le propriétaire du journal, Zeyko Kopanja, perd ses jambes dans un attentat : l’affaire est étouffée, et personne n’est jugé. Tout le monde a sa théorie sur le coupable : pour Milos, ce serait un proche de Radovan Karadzic, l’ancien homme politique accusé de génocide, fondateur du parti SDS, concurrent du SNSD. “Tout ça fait partie d’un système général de corruption, de toute la société. Il faut que toute la classe politique change pour que les médias changent”, estime le jeune homme.

Nevena, elle, a trouvé sa parade : “Ne pas travailler dans les rubriques politiques des journaux. Moi je suis en culture, je dis ce que je veux”. Avant d’admettre : “Parfois, quand des événements culturels sont liés à Dodik et au ministère de la culture, je suis obligée de les couvrir”. Miloš, passionné de politique, voit ça comme un défi : “C’est à moi de protéger mon indépendance. C’est un challenge pour moi”.

Son grand frère Luka, étudiant en philosophie, conclut :

Tu peux publier n’importe quelle histoire ici. Mais pas dans n’importe quel journal

Images CC FLickr par yoshiffles

En savoir plus: le projet des étudiants du CUEJ en Bosnie ainsi que celui des étudiants du CELSA

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Even BBC 6 music gets the blues http://owni.fr/2010/04/13/even-bbc-6-music-gets-the-blues/ http://owni.fr/2010/04/13/even-bbc-6-music-gets-the-blues/#comments Tue, 13 Apr 2010 09:18:57 +0000 Anastasia Lévy http://owni.fr/?p=12126

Manifestation devant le siège de la BBC contre la fermeture de 6 music. Photo flickr cc John McGa

L’annonce de la fermeture de la branche musicale “anti-mainstream” de la BBC suscite une forte mobilisation, au sein de la radio mais aussi des auditeurs et des artistes.

Même Gordon Brown soutient cette radio “incroyablement créative et qui sait prendre des risques“. Pourtant, BBC 6 music, branche musicale “anti-mainstream” de la BBC doit bien fermer, au profit peut-être d’un double amputé de la moitié de sa programmation, Radio 2 extra.

En février dernier, Mark Thomson, directeur général de la BBC, annonçait la suppression de la station de radio BBC 6 music, disponible uniquement via médias numériques, pour 2011. Branle-bas de combat au sein même de la radio, et chez les artistes. Dès le lendemain, Ed O’Brien (Radiohead) envoyait une lettre au département stratégie du groupe BBC, dénonçant la fermeture du “seul endroit où on peut entendre des enregistrements archivés de T Rex aux côtés du dernier Midlake“, lieu de culture par ailleurs soutenu par David Bowie, Jarvis Cocker ou encore Lily Allen. La radio, écoutée par près de 700 000 personnes, a pour principe de ne diffuser que des artistes qui ne sont pas “mainstream” : une radio de qualité donc, dans la patrie des Beatles ou de Radiohead, qui en plus de bénéficier d’une programmation exceptionnelle, a le courage de laisser ses platines à des DJs ou son micro à Jarvis Cocker (Pulp), une fois par semaine. La crème anglaise. Conséquence logique, la radio est nommée dans sept catégories dans les Sony awards, les oscars de la radio britannique.

Après deux mois de mobilisation (plus de 170 000 membres pour le groupe Facebook “Save BBC 6 music“, 62 000 signatures pour la pétition), la direction vient d’apporter une réponse qui a au moins le mérite d’être originale : BBC 6 music fermera bien, mais pour renaître sous le nom “Radio 2 extra”, dans un format compressé. Radio 2 extra devrait émettre seulement 12 heures par jour pendant la semaine, compilant les “meilleures émissions” de 6 music, gardant la plupart des mêmes DJs, et playlists. Si ce changement de “marque” devrait faire baisser les coûts (6 music coûte aujourd’hui 6 millions de livres par an), aucun plan de réduction précis n’est annoncé.

Mais cette solution est avant tout un moyen pour Mark Thomson et les dirigeants de la BBC de ne pas perdre la face devant la fronde subie depuis février. Une consultation publique sur la fermeture de la station devrait avoir lieu à la fin du mois de mai. À l’occasion de ce changement de nom, BBC 7 deviendra Radio 4 extra. Rien n’a en revanche été annoncé pour BBC Asian network dont la fermeture avait été annoncée en même temps que celle de 6 music.

Pour exemple, pendant la rédaction de cet article, j’ai écouté BBC 6 music, et donc John Cooper Clarke et Dan Sartain. God save BBC 6 Music.

Le site de BBC 6 music

Groupe Facebook “Save BBC 6 music” ; signer la pétition

Site d’Anastasia Levy

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