OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Avis de tempête: les cygnes noirs sont de sortie http://owni.fr/2011/05/12/crise-les-cygnes-noirs-sont-de-sortie/ http://owni.fr/2011/05/12/crise-les-cygnes-noirs-sont-de-sortie/#comments Thu, 12 May 2011 08:42:04 +0000 Charles Sannat http://owni.fr/?p=61426 Ces derniers temps, un certain nombre d’événements ou d’informations qui nous parviennent étaient auparavant considérés comme in-envisageable, remettant ainsi au goût du jour une théorie désormais célèbre : celle des cygnes noirs.

Explication : si l’on observe que des cygnes blancs, on pourrait en déduire – par erreur – que tous les cygnes sont blancs. Ce qu’ont cru pendant longtemps les européens, jusqu’au jour où l’on a découvert l’existence de cygnes noirs en Australie, au XVIIe siècle.

Cette histoire a inspiré le philosophe et écrivain libanais Nassim Nicholas Taleb qui a écrit La théorie du Cygne Noir en 2007. Pour Taleb, un cygne noir est l’illustration d’un biais cognitif, c’est à dire une erreur dans la prise de décision ou de comportement adopté face à une situation donnée.

En réalité, seule l’observation de tous les cygnes de la Terre pourrait nous donner la confirmation ou pas que ceux-ci sont bien toujours blancs. Mais cela n’est pas raisonnablement possible, et il est donc préférable de faire la supposition hâtive qu’ils sont blancs, dans l’attente de voir la théorie infirmée par l’observation éventuelle d’un cygne d’une autre couleur.

Nous construisons ainsi des raisonnements sur la base d’informations incomplètes, qui nous conduisent à des certitudes erronées.

L’apparition de ces cygnes noirs dans l’actualité de ces jours-ci devraient donc nous alerter sérieusement sur les temps à venir, et sur les présupposés qui régissent notre société.

L’or redevient une monnaie

Une information importante et passée totalement inaperçue est que l’Université du Texas vient d’investir environ 1 milliard de sa trésorerie en or. Les membres du board voient l’or “juste comme une autre monnaie qui ne peut pas subir une impression de billets supplémentaire“. Il est à noter que cette université forme également des économistes.

Alors que penser d’une telle stratégie ? Simplement que de plus en plus de particuliers comme d’institutions commencent à avoir des doutes de plus en plus sérieux sur la pérennité du système économique mondial dans sa configuration actuelle.

La Chine renie le dollar

La Chine aussi a des doutes. Elle souhaite diversifier ses réserves en devises et faire diminuer de manière significative sa détention de dollars américains. En effet, avec sa politique de la planche à billet, la Federal Reserve – la banque centrale américaine – permet certes au trésor américain de payer, mais au détriment du détenteur de cette monnaie. Et nos amis chinois ne semblent plus vouloir être les dindons de la farce.

Elle a d’ailleurs commencé à le faire en soutenant les pays européens en difficulté comme la Grèce ou l’Espagne. L’objectif ? Soutenir l’euro afin de disposer d’une autre monnaie de réserve en cas d’effondrement du dollar. Du jamais vu.

Et si la Grèce sortait de l’euro ?

Pourtant, l’euro ne se porte pas bien mieux. Un an après le plan de sauvetage financier de la Grèce censé rassurer les investisseurs, le cout des emprunts à deux ans ont dépassé pour la première fois les 25 % de taux d’intérêt pour la Grèce. Cela signifie concrètement que la Grèce est peut être à quelques jours seulement d’un rééchelonnement de sa dette. Opération dans laquelle les banques mondiales – à commencer par les banques françaises – y laisseront inévitablement quelques plumes.

À titre d’information, c’est le Crédit Agricole qui est la banque la plus exposée au risque grec, l’ensemble des banques étant tout de même concerné. Nous pouvons d’ailleurs ajouter à cela que les CDS reflètent actuellement une anticipation d’annulation de la dette de certains pays européens pouvant atteindre les 75% (les CDS sont des “assurances” sur les risques de faillites).

Selon Der Spiegel, le gouvernement grec envisagerait même de quitter la zone euro. Pourtant c’est impossible, n’est-ce pas ?

La mise sous surveillance de la dette des États-Unis

Le même sort va-t-il arriver aux États Unis ? L’agence S&P vient de placer sous surveillance négative la dette des USA. Or, l’économie américaine reste la première économie mondiale. Un défaut de paiement américain entraînerait le monde dans un chaos économique sans précédent. Les optimistes invétérés nous expliquent qu’ils n’y croient pas.

Les mêmes d’ailleurs ne croyaient pas à un séisme d’une magnitude supérieure à 9, suivi d’un tsunami de plus de 15 mètres de haut, venant détruire 6 réacteurs d’une centrale nucléaire… et qui irradie un pays entier pour ne pas faire frémir avec une contamination entière de l’hémisphère Nord.

Encore un triste Cygne noir.

Une banque qui fait défaut !

Toujours à propos du Japon, la Banque Morgan Stanley vient de faire un défaut de paiement volontaire de 3.2 milliards d’euros sur le remboursement de l’emprunt lié à l’acquisition d’un immeuble à Tokyo. En clair peut importe la perte réalisée, la banque ne veut plus de cet immeuble. C’est une première historique pour cette “vénérable” institution.

Quel peut donc bien en être le mobile ?

Quand le chômage rend fou

Plus dramatique, McDonald’s (les restaurants) a lancé une grande campagne de recrutement proposant 50.000 jobs en une journée. Pas loin de 3 millions de personnes se sont présentées pour obtenir un travail, certaines campant même la veille pour être sûres d’être reçues. La situation a carrément viré au drame à Cleveland, des scènes pathétiques prouvant à quel point la situation de beaucoup de familles américaines est désastreuse.

Jusqu’où la misère mènera-t-elle les gens ?

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Pressions sur les bonus des traders

Et enfin, plus léger,  après l’initiative de Cantona notre footballeur, les maires de certaines villes s’y mettent aussi. Enfin, un en tout cas : le maire de la ville de Gand en Belgique, qui vient de prendre la décision de retirer ses fonds de deux banques à savoir Dexia et KBC, afin de protester contre les politiques de ces deux institutions et invite toutes les villes à suivre sont exemple… De même, aux Pays-Bas, une campagne en ligne a réussi à faire pression pour que les banques reviennent sur les bonus accordés aux traders… avec un certain succès !

Qui l’eut cru ?

Je ne sais pas si vous avez vu, mais je trouve que ces derniers temps nous croisons de plus en plus de cygnes noirs. Or, comme tout le monde le sait : les cygnes sont blancs… jusqu’à preuve du contraire.


Photo flickr PaternitéPartage selon les Conditions Initiales Matt Biddulph ; PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales artemuestra

Adaptation : Stanislas Jourdan

]]>
http://owni.fr/2011/05/12/crise-les-cygnes-noirs-sont-de-sortie/feed/ 18
La faillite inéluctable des États http://owni.fr/2011/03/01/faillite-ineluctable-etats/ http://owni.fr/2011/03/01/faillite-ineluctable-etats/#comments Tue, 01 Mar 2011 15:30:21 +0000 Charles Sannat http://owni.fr/?p=49159

Toute vérité franchit trois étapes. D’abord, elle est ridiculisée. Ensuite, elle subit une forte opposition. Puis, elle est considérée comme ayant toujours été une évidence.
Arthur Schopenhauer

Souvenez-vous, nous sommes en janvier 2007. Tous les éléments de la crise à venir sont déjà là, mais les cassandres sont rapidement taxés de déclinologues, de pessimistes stupides, incapables d’imaginer la puissance des interventions des autorités monétaires et des banques centrales. Les États sont relativement peu endettés. Les dettes souveraines sont donc bien sûr l’actif à détenir en priorité.

Certitude illustrée par l’expression du « Fly to quality » c’est-à-dire la fuite vers la « qualité ». Chaque secousse boursière entraîne des arbitrages massifs des marchés actions vers les obligations d’État réputées « invulnérables ».

Nous étions dans la première étape décrite par Schopenhauer. Celle où l’on ridiculise ceux émettant des doutes sur la solidité et la pérennité financière des grands États.

Puis est venue la grande crise de 2008. Celle qui nécessita des milliards d’euros et de dollars de plans de relance, de création monétaire, de dépenses sociales. Les déficits se creusèrent rapidement d’une façon jamais imaginée par l’ensemble des observateurs économiques. Pris sous le double feu de rentrées fiscales en berne et de dépenses de soutien massives, le trou ne pouvait être qu’abyssal. Fin 2010, l’idée d’une faillite généralisée des États occidentaux ne subit plus qu’une opposition molle. « Non, non, quand même, un État ne fait jamais vraiment faillite, quand même, d’ailleurs la croissance repart aux États-Unis, c’est tout de même la première économie mondiale ».

Exact. Retenez ce chiffre : 2,9%, c’est le taux de croissance de l’économie américaine en 2010. Retenez-le bien, nous y reviendrons.

La croissance ne soigne pas la crise

Malgré ces 2,9% (qu’il faut bien retenir !) le chômage ne baisse pas, mais alors pas du tout. Certains esprits chagrins, qui regardent le véritable chiffre du chômage aux USA (celui publié par la FED et qui comptabilise aussi les personnes véritablement en recherche d’emploi mais ne recevant plus d’indemnisation) osent même affirmer que ce taux atteint le record de plus de 17.4% !! Tout de même.

Malgré ces 2,9% (de croissance), environ 43 millions d’Américains ne mangent chaque jour que grâce aux « Food Stamps » qui sont des « timbres de nourriture » donnés aux plus pauvres et permettant d’acheter dans des magasins l’alimentation nécessaire. C’est une version moderne des soupes populaires qui évite les images choc de files d’attente interminables de tous ces chômeurs miséreux et affamés. Bref, les « food stamps » sont un croisement entre les tickets de rationnement et les tickets restaurants.

Partons maintenant au royaume de la perfide Albion. Nos amis Britanniques ont eu la brillante idée d’élire un nouveau Premier Ministre « conservateur » Monsieur Cameron. Ce dernier affirme que « Si vous ne traitez pas la dette, vous n’aurez jamais de croissance. » Son principal opposant le « travailliste » Ed Miliband répond : « Si vous n’avez pas de croissance, vous ne viendrez pas à bout de la dette ».

Voilà un beau débat. Comment sortir de cette crise ? Peut-on retrouver de la croissance ? En dépensant plus dans des plans de relance pour stimuler l’économie comme le préconise l’ami travailliste ? Pourquoi pas… mais avec 11% de déficit, difficile de dépenser plus sans faire immédiatement faillite.

Alors le Premier Ministre conservateur explore la seule piste laissant théoriquement encore un peu d’espoir… celle de la rigueur. On coupe toutes les dépenses. Pas un peu. Vraiment beaucoup. Les fonctionnaires ? On dégraisse (490 000 en moins, tout de même, d’ici 2015). Les frais de scolarité ? On triple, quadruple ou quintuple. Les enseignants ? On supprime. Les parents n’auront qu’à s’organiser pour faire classe à leurs enfants. Remarquez : au train où vont les choses là bas, des parents disponibles, ce n’est pas ce qui va manquer dans les prochains mois.

Fortes dettes + récession = insolvabilité

Est-ce bien ou mal ? Peu importe, en terme éthique (bien que le débat soit passionnant). Mais en terme économique, est-ce que cela va marcher ? Est-ce que la cure d’austérité va déclencher une « saine » croissance ?

La réponse à cet instant est claire et sans appel. Non. Le Royaume-Uni est ré-entré en récession. Pas officiellement car il faut trois trimestres de « croissance négative », comme dirait Madame Lagarde, pour considérer officiellement une économie en récession. Nous ne sommes qu’à un trimestre. Le premier. Or qui dit récession dit baisse des rentrées fiscales… et ça, pour payer des dettes ayant atteint des niveaux monstrueux, ce n’est pas la meilleure des nouvelles. Car, en résumé : fortes dettes + récession = insolvabilité.

Oui mais regardez. Retournons aux États-Unis d’Amérique. Vous vous souvenez de notre chiffre de 2,9% de croissance (celui qu’il ne fallait pas oublier !) ? Et bien justement voilà une raison d’espérer. Les Américains ont décidé, contrairement aux Britanniques, de laisser « filer » les déficits pour stimuler la croissance. Et ça marche, 2,9% de croissance ! Eh bien au risque de doucher quelques belles espérances cela ne marche pas.

Pourquoi ? Trois chiffres : les 2,9% de croissance représentent un montant d’augmentation du PIB américain de 541 milliards de dollars. Pour créer ces 541 milliards de dollars de nouvelles richesses, les autorités politiques et monétaires ont créée… 1 700 milliards de dollars de nouvelles dettes. En clair, pour créer 1 dollar de croissance, il faut 3.14 dollars de nouvelles dettes.

Dès lors deux constats:

  • la dette s’accroît plus vite que la richesse créée avec ces nouvelles dettes,
  • l’économie mondiale n’est plus capable de créer de la croissance sans dette.

La « rilance », dernier espoir de l’humanité ?

Et en 2011-2012, nous rentrerons dans la dernière étape de la vérité selon Arthur Schopenhauer. La faillite des États sera considérée comme « ayant été une évidence ». Le monde s’apercevra de l’insolvabilité généralisée des États occidentaux. Soit parce que les plans de relance auront créé une dette trop importante… soit parce que les plans de rigueur auront créé des dettes trop importantes, le résultat final étant sensiblement le même en données corrigées des dégâts sociaux et humains entraînés par les plans d’austérité.

Les deux voies nous mènent droit à l’insolvabilité. Le seul avantage des plans de rigueur, c’est qu’ils permettent de gagner du temps.

Tout le monde a pu constater que les plans de relance menaient à la catastrophe. Les plans de rigueur disposent de 12 à 24 mois pour convaincre ou montrer qu’ils ne marcheront pas mieux….

Il reste la voie française. Celle de Madame Lagarde. La voie de la « Rilance ». Mi rigueur-mi relance, mi-ange, mi-démon. La « Rilance » voilà le dernier espoir de l’humanité. Un peu mince n’est-ce pas ?

Article initialement publié sur le blog de Paul Jorion

>> photos flickr CC Mikko Saari ; Rob Chandannais ; Wonderlane

]]>
http://owni.fr/2011/03/01/faillite-ineluctable-etats/feed/ 37