OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 “Doctissimo m’a tuer” ou l’art de se moquer d’autrui http://owni.fr/2011/07/19/doctissimo-ma-tuer-ou-lart-de-se-moquer-dautrui/ http://owni.fr/2011/07/19/doctissimo-ma-tuer-ou-lart-de-se-moquer-dautrui/#comments Tue, 19 Jul 2011 09:57:30 +0000 Boumbox http://owni.fr/?p=74070 Si vous avez gardé les yeux ouverts cette semaine, vous avez dû voir passer ce blog : Doctissimo m’a tuer, un Tumblr qui se présente comme une collection de messages trouvés sur les forums de Doctissimo. Des posts pleins de fantaisie sexuelle, de fantasmes étranges et d’expériences corporelles. Des posts simples aussi, des questions qui font marrer les visiteurs…


Ce petit Tumblr a connu un succès express : parce qu’on aime lire ces messages bizarres, se dire « Quoi ?! Mais comment il a pu ?… » et se faire peur avec les petites perversions des autres. Rien d’anormal là-dedans, c’est comme ça que marchent tous les processus fantasmatiques, du film d’horreur au film porno.

“On parle de ta mère, de tes cousins”

Sauf que… les créateurs de « Doctissimo m’a tuer » sont de vils hypocrites. Bah oui. Et ça rend les lecteurs complices de cette hypocrisie. En collant le lien sur son FB, chacun y va de son petit commentaire mesquin, sans même essayer de percevoir la grande image derrière ces posts isolés et sans contexte. Les petites blagues de l’incompréhension quotidienne : « c’est des gros malades« , « un blog qui réhabilite l’euthanasie« , « les pires pervers du web français« , « putain faut les tuer« … un petit tour sur Open Book montrera à quel point « Doctissimo m’a tuer » rassemble le bon peuple dans le lynchage de ces gens qui sortent de la norme… Ouais. Je vais me faire le chevalier blanc des mecs qui fantasment sur leur tante, des frères qui se tripotent ou des gars qui s’échangent des photos de leurs meufs en imper’.

Parlons de vérité. Pas de celle qu’on raconte en soirée et qui sent bon sous les bras. Nan, là je parle de la vie, la vraie. Les vrais trucs du fond de nos petits coeurs, ceux qu’on ne raconte pas à nos collègues, pas à nos amis, pas à notre famille. Ceux aussi qu’ils ne nous racontent pas.

Doctissimo est la première communauté française : 100.000 messages par jour y sont postés.  J’ai entendu moult fois des blogueurs se marrer en entendant parler de community management : « Ah ouais, t’es modérateur quoi, sauf que t’as pas besoin d’écrire« . 100 000 messages par jour, mec. C’est loin d’être un mensonge communautaire ou une bande bidon levée à coup de campagnes Facebook. On parle de dizaines de milliers de gens qui, chaque jour, se connectent pour poser des questions, donner des réponses et se réunir avec leurs amis du Web.

On parle d’une immense communauté, aux intérêts divers. On parle de ta mère, de tes cousins, on parle de tous ces gens que tu côtoies et de leur liberté d’expression. On parle de ces milliers de niches créées sur une terra incognita sans limites : les forums de Doctissimo. Des vrais gens, avec des vraies envies, des vrais problèmes, des vrais besoins…

Fake or not ?

Venons-en aux problèmes de ce Tumblr sans classe :
« Doctissimo m’a tuer », c’est deux / trois messages par jour, cités hors contexte, tirés de l’immense base de données des forums Doctissimo.
« Doctissimo m’a tuer », c’est de gros trolls bien vilains (de faux messages postés par de faux membres) racontant des histoires de saucisses ou de chewing gum, publiés comme si c’était le quotidien de tout un chacun sur Doctissimo. Évidemment, comme il s’agit de gros fakes inventés par des membres, c’est toujours des histoires improbables et débiles : le caviar de « Doctissimo m’a tuer ». Bien sûr, on retrouve des trolls par douzaines sur le blog… Flagrant délit de mauvaise foi. Exemple, l’ami « Tooth » : un spécimen parfait.

Dernier problème, et de taille… Les forums de Doctissimo ont des disclaimers. Ces bannières avertissant que le contenu qui va suivre est sensible et réservé aux plus de 18 ans. Un blog tel que « Doctissimo m’a tuer », qui s’est fait mission de montrer le « pire » de Doctissimo, va piocher la majorité de ses posts sur de telles boards interdites aux âmes sensibles… Des boards clairement identifiées comme borderline, réservées à des gens qui savent à peu près où ils mettent les pieds. Des protections pour le quidam. Et sur le Tumblr qui nous intéresse ? Que dalle. Tout au plus, une tag-line pourrie, tendance ironique, censée nous faire comprendre qu’on est ici pour de rire : « ON ADORE LES INTERNETS, DANS TRENTE ANS Y’EN AURA PLUS« …

Qu’est-ce que ça veut dire ? Nan sérieux… Qu’est ce ça signifie ? Qu’est ce qu’ils racontent ? Qu’est ce que je dois comprendre quand je lis ça ? Qu’on est tellement au dix-huitième degré de l’humour ultime qu’on a même plus besoin de réfléchir ? Que c’est pas la peine de critiquer ? C’est ça que me disent les cinq fourbes qui gèrent ce blog ? Désolé d’insister, hein… J’aimerai comprendre.

Et c’est pas le fil Twitter qui va nous apporter plus d’infos :   »Fake Or Fail? Le meilleur de doctissimo, ou presque… » Euh, quoi ? C’est possible de prendre encore plus de pincettes ? Je vous le traduis : « On sait pas si c’est vrai, mais voici les pires tarés du web« . Et les gars y vont avec classe, je vous laisserai apprécier le petit commentaire du post suivant :

« Un petit coup de main ? » : voilà comment le mec est catalogué sur « Doctissimo m’a tuer ». Alors, bon, moi je veux accepter les blagues et faire le malin, mais si la blague c’est d’humilier les handicapés en détresse, je sais pas pour vous, perso ça me fait pas rouler de rire. Remarquez bien que c’est pas par moralité, mais là, prendre le témoignage très concret d’un mec en bad pour me foutre de sa gueule… Carton rouge, quoi.

Rendez-vous manqué avec l’orthographe mais…

Et c’est ça qui me fait chier avec ce putain de blog. C’est de le voir être partagé dans tous les sens alors que ce truc est une arnaque : un gros pipeau sale pour voyeuristes qui ont envie de s’offusquer à la va-vite. Genre débranche ton cerveau, parcours un peu le site, fais semblant que tu connais tout de la vie et offense toi des ces minables. Oublie que c’est peut-être tes amis, tes voisins, tes potes ou ta meuf, qui expriment enfin ce qu’ils veulent sous le couvert de l’anonymat. Oublie que c’est l’un des premiers lieux d’échange en France, oublie le fait qu’on fasse ça salement, oublie qu’il s’agit de vraies personnes, réduis-les à une liste de posts sans sens ni contexte, oublie tout ça… et moque-les. Sois un bully. Sois un con. Partage autour de toi.

« Doctissimo m’a tuer » ou l’histoire d’un faux procès. Je me permettrai donc ce petit plaidoyer de fin : oui ces gens peuvent paraître fou, oui leur maîtrise de l’orthographe laisse à désirer,  oui ça peut être difficile de les comprendre, ou de les accepter, mais ami lecteur, n’as tu pas la brûlante impression que ce serait vachement plus intéressant que de se simplement se foutre de leur gueule ? Notre copine Maïa fait des pieds et des mains chaque jour sur Sexactu pour faire avancer la compréhension globale du monde coincé envers les gens plus open de leur corps. Et merde, globalement, c’est pas ça le putain de sens de la vie ? Essayer de mieux se comprendre les uns les autres. Ne pas se pointer du doigt en rigolant comme des ânes.

« Doctissimo m’a tuer » est une grosse arnaque. Et aussi une sorte de virus psychique qui fait régresser l’humanité. Comme disait tonton : « Je suis sûr qu’on nous prend pour des cons« … et plus je relis cette tag-line pourrie « ON ADORE LES INTERNETS, DANS TRENTE ANS Y’EN AURA PLUS »… plus j’en suis certain. Warning : ces gens sont des voleurs d’attention !

Initialement publié sur Boumbox sous le titre “Doctissimo m’a tuer”, cette arnaque voyeuriste

Illustrations Flickr PaternitéPas d'utilisation commerciale asvensson

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http://owni.fr/2011/07/19/doctissimo-ma-tuer-ou-lart-de-se-moquer-dautrui/feed/ 113
Yatedo aime vos données personnelles http://owni.fr/2011/05/23/yatedo-aime-vos-donnees-personnelles/ http://owni.fr/2011/05/23/yatedo-aime-vos-donnees-personnelles/#comments Mon, 23 May 2011 09:04:44 +0000 Boumbox http://owni.fr/?p=63926 Vous n’avez pas de profil Yatedo ? Tous les gens branchés en ont un. En fait, vous en avez sûrement un, et vous ne le savez même pas. Moi même, j’ai découvert le mien il y a seulement deux jours, grâce à une alerte Google que j’ai mise sur mon nom (par pure vanité, je veux savoir ce qu’on dit de moi. En général la réponse c’est : rien du tout). Allez donc voir sur Yatedo si vous y êtes.

Au début, j’ai cru qu’il s’agissait simplement d’un moteur de recherche de personnes, comme 123people, qui est déjà un « non service qui pue » , mais Yatedo est en fait bien pire. J’ai découvert ma photo de profil Facebook, une liste très raccourcie de mes contacts et c’est heureusement à peu près tout. D’autres ont des profils beaucoup plus complets, puisque Yatedo est parfois capable de relier vos comptes Facebook, Twitter, Viadeo, Linkedin… et donc afficher votre bio, votre CV, vos derniers tweets, vos photos. De nombreux internautes se plaignent en découvrant leur profil Yatedo d’y voir des infos privées, périmées, fausses, ou bien de les voir liées ensemble : un CV Linkedin et une photo de planking nudiste sur Facebook ne s’adressent pas au même public, où alors vous cherchez un boulot très particulier.

La différence entre 123People et Yatedo, c’est qu’alors que le premier va chercher les infos sur vous à chaque nouvelle requête, Yatedo se permet de vous créer un profil et de stocker vos données. La différence serait mince dans les faits si la base de donnée était mise à jour régulièrement. La FAQ du site explique cependant dans un français très approximatif :

En raison du programme Beta en cours, les mise à jour automatiques prennent plus de temps.

Plus de temps que quoi ? Visiblement, la base de donnée a été constituée en 2008/2009, et elle n’a pas été significativement mise à jour depuis, donc la réponse c’est « plus de temps que tous les autres sites du monde ».

Si vous vous dites prudent, donc, et que vous avez verrouillé votre compte Facebook, vous avez intérêt à l’avoir fait il y a quelques années. Vous savez, début 2008, quand les réglages de Facebook étaient encore plus incompréhensibles. Tout changement fait depuis est virtuellement inutile.

Mais ne vous inquiétez pas, Yatedo est un outil utile créé pour vous aider à gérer votre identité numérique, en tout cas c’est ce qu’osent affirmer ses créateurs. En effet vous pouvez supprimer ou modifier vos informations vous même sur Yatedo. Sauf que ce n’est pas si évident.

Difficile suppression

Après tout, ce que fait Yatedo n’est pas si différent du Social Circle de Google, l’initiative qui a donné à Facebook l’envie de lancer une campagne de communication anti-Google. Ces données, vous pouvez aller sur le site de Yatedo et les supprimer, non ? Yatedo propose même pour ça deux techniques : la première, c’est d’aller sur cette page et d’entrer l’URL de votre profil Yatedo. Je l’ai fait, mais le site à refusé de supprimer mon profil parce que le compte Facebook sur lequel il est basé existe toujours.

OK, j’essaye donc la seconde méthode et là, je suis stoppé net dans la procédure : pour accéder à vos données il faut créer un compte Yatedo, d’abord en rentrant mon mail (pas de problème, j’ai des adresses poubelles pour ça) et en liant votre compte à votre compte Facebook. C’est à dire en donnant à Yatedo l’accès à beaucoup plus de données qu’ils n’en ont déjà sur vous et vos amis. Je sais pas vous mais moi ça ne me dit rien.

La cerise sur le gâteau c’est que selon plusieurs témoignages, même si vous êtes assez naïfs pour accepter de leur donner accès à votre compte Facebook, souvent la procédure échoue, ou bien votre compte réapparaît comme par magie sur Yatedo au bout de quelques semaines.

Alors, qu’est-ce que vous pouvez faire ?

En théorie, vous pouvez déposer une plainte auprès de la CNIL, expliquant que vous avez contacté le responsable du site et que vous lui avez laissé les deux mois réglementaires pour retirer vos infos de son site. La CNIL va l’ajouter à la pile et, à partir de là… bonne chance, la CNIL a d’autres choses à faire. En fait, il semble que le moyen le plus sûr soit d’aller vous plaindre sur la page Facebook de Yatedo, où ils accèdent poliment aux demandes des quelques internautes qui viennent se plaindre, du moins quand ils passent sur la page, une semaine sur deux, semble-t-il.

Reste que le principe de Yatedo est d’une légalité très discutable puisque le site stocke des infos sur vous sans vous en avertir et sans vous y donner un accès libre. L’entreprise mère du site, Yatedo SAS, a son siège social à Paris ou à Bordeaux, selon la page du site que vous consultez et, de toute façon, elle n’existe pas si vous la cherchez dans les registres officiels.

Vous pouvez par contre trouver tout ce que vous voulez savoir sur Saad Zniber et Amyne Berrada, les deux fondateurs, sur leur propre site.

J’ai eu Amyne Berrada au téléphone, il était très serviable, il m’a conseillé de lui envoyer un mail pour obtenir la suppression de mon compte. J’attends que ce soit fait, et je vous tiendrai au courant. Comme c’est un peu le principe de son site, je suis certain qu’il ne verra pas d’objection à ce que je reproduise ces infos ici, ainsi que sur la page comment supprimer son compte Yatedo que je viens de lancer sur Facebook.

Allez, je vous laisse, vous avez sûrement un coup de fil à passer.


Article initialement publié le 20 mai sur BOUMBOX!
Crédits photo FlickR by-sa olarte.ollie

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http://owni.fr/2011/05/23/yatedo-aime-vos-donnees-personnelles/feed/ 76
Référencement, viralité: l’ère des bulles d’internautes http://owni.fr/2011/05/07/referencement-personnalise-social-search/ http://owni.fr/2011/05/07/referencement-personnalise-social-search/#comments Sat, 07 May 2011 14:20:05 +0000 Boumbox http://owni.fr/?p=61509 La plupart des gens ne le savent pas, et ce ne sont certainement pas les consultants en référencement qui vont le leur dire, mais on ne peut pratiquement plus être « le premier résultat sur Google ». C’est fini depuis 2009. « Le référencement est un mensonge ».

Fin 2009, Google a en effet généralisé la personnalisation des résultats : désormais, même si vous n’avez pas de compte Google, que vous n’êtes pas logué (( identifié à votre compte )) , du moment que vous ne faites pas des trucs de parano geek total (ou d’internaute moyen d’il y a cinq ans), comme effacer vos cookies et aller regarder dans les options de Google, vos résultats de recherches seront customisés en fonction de toutes ces choses que Google sait sur vous.

En clair, ça veut dire que quand vous vous étonnez de voir votre site, ou le site de votre pote si bien classé par Google, ça n’est pas forcément le cas pour le reste du monde, et quand quelqu’un vous montre le truc bizarre que Google lui a suggéré en disant « les gens sont bizarres »… c’est sûrement lui qui a quelques trucs bizarres dans son historique web.

Plus embêtant, ça veut aussi dire que si vous êtes du genre voyageur, quand vous allez taper « Égypte » les premiers résultats qui apparaîtront seront probablement des offres de Promovacances ou Last Minute, alors qu’un autre utilisateur obtiendra peut-être la page Wikipedia. Ou bien les derniers résultats Google News. Ou Google Images. Moi quand je tape « Égypte » dans Google, j’ai droit à des gifs porno. Mais c’est juste moi, ça m’arrive tout le temps, ne vous inquiétez pas.

On appelle ça la Filter Bubble : plus le web est personnalisé, plus vous vous retrouvez enfermé, prisonnier de vos propres tendances. Vous ne voyez plus le monde qu’avec des œillères et vous le remarquez d’autant moins qu’elles ont été faites pour vous cacher ce que vous ne voulez pas voir. Même les réseaux sociaux vous renferment : si vous n’interagissez pas beaucoup avec un « ami » sur Facebook, s’il propose du contenu qui ne vous « engage » pas suffisamment, Facebook le fait disparaître de votre newsfeed.

Il y a une différence fondamentale entre les vieux algorithmes de recommandation encore utilisés par la plupart des sites d’e-commerce qui vous disaient simplement “les gens qui ont acheté X ont aussi acheté Y” et les algorithmes d’aujourd’hui qui prennent en compte des dizaines de paramètres personnels pour chaque utilisateur et qui, à la manière de Google Instant, peuvent trouver pour vous ce que vous cherchez avant que vous ayez fini de le taper. « Dans dix ans, on rira du temps où l’on devait taper une recherche dans Google pour trouver ce qu’on voulait », disent les vendeurs de personnalisation. Et dans vingt ans on rira peut être de l’époque où l’on réfléchissait par nous-même avant de rechercher ce que l’on voulait ?

Des titres de tabloïd ?

Les sites de contenu commencent tout juste à se détourner d’une logique de référencement, cette époque où leur capacité à « remonter sur Google » dictait la forme de leur produit. En gros, pour moi, en tant que journaliste, ça voulait dire que je devais donner des titres pas très rigolos à mes articles, où les mots clés devaient absolument apparaître clairement, et qu’il fallait que je les replace encore dans le début de l’article, dans les intertitres, etc… Au risque de se retrouver avec des articles didactiques et sans style : on écrivait comme des robots parce qu’on écrivait pour des robots, les crawlers de Google.

Aujourd’hui, donc, ces mêmes sites passent à une logique de partage : ils cherchent à produire du contenu qui va « devenir viral » sur les médias sociaux. Ça veut dire qu’il faut des titres chocs, peu importe le contenu de l’article, beaucoup vont partager sans le lire. Ça veut aussi dire qu’il faut produire du contenu sur des sujets qui intéressent vraiment les gens : “la petite culotte de Kate Middleton” , “Carla Bruni est-elle enceinte ?”. Il faut devenir démagogue, il faut devenir un tabloïd. C’est le modèle du Huffington Post.

tabloid

Mais l’avenir n’est pas à la démagogie, pas de ce genre là en tout cas. L’avenir est à la personnalisation, et donc aux micro-niches. Faire appel au plus petit dénominateur commun, c’est quand même manquer une grosse partie de la population. Plus la partie du web perçue se réduira à mesure que nos œillères deviendront de plus en plus perfectionnées, plus la viralité deviendra un objectif difficile à atteindre.

La personnalisation du web, le « behavioural targeting » ou quel que soit le nom que vous donniez à ce phénomène, c’est en train de donner une deuxième jeunesse à la longue traîne, et c’est le prochain cauchemar des sites de contenu. Et de la démocratie, aussi, mais on s’en fout, ça fait longtemps qu’on sait qu’elle ne rapportera plus une thune.


Article initialement publié sur Boumbox.

Photo Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales par Stéfan

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http://owni.fr/2011/05/07/referencement-personnalise-social-search/feed/ 28
Après 4chan, Moot va-t-il tuer l’esprit du LOL avec Canv.as ? http://owni.fr/2011/05/03/apres-4chan-moot-va-t-il-tuer-lesprit-du-lol-avec-canv-as/ http://owni.fr/2011/05/03/apres-4chan-moot-va-t-il-tuer-lesprit-du-lol-avec-canv-as/#comments Tue, 03 May 2011 07:24:12 +0000 Boumbox http://owni.fr/?p=59699 Moot, pour les deux du fond, c’est Christopher Poole : le créateur de 4chan et aujourd’hui de Canv.as.

Moot a été rendu célèbre en tant que responsable de 4chan. 4chan a été rendu célèbre par sa profusion d’images en tout genre, et particulièrement par celles de son board le plus célèbre : /b.

/b a elle-même été rendue célèbre par deux choses : son armée de l’ombre Anonymous (une bande d’allumés électriques à la conscience sociale particulière) et par sa condition de générateur numéro 1 de mèmes sur les Interwebs.

Les mèmes ont été rendus célèbres par les lolcats. Parce que les mecs de /b, ils ont des chats et ils les aiment, alors ils font des blagues avec eux. Ça leur rappelle leur innocence perdue.

Christopher Poole et la tentation de la censure

Moot, depuis quelques années, est sorti de l’ombre et se balade dans les congrès Web du monde pour défendre l’un des grands principes qui fit de 4chan un succès et un moteur créatif à l’échelle mondiale : l’anonymat de ses membres. Il est d’ailleurs particulièrement délicieux de voir Moot défendre l’anonymat alors que vous aurez besoin d’un compte Facebook (le truc le moins anonyme du monde) pour valider une invitation Canv.as.

A vrai dire, ma petite théorie sur l’hypocrisie de Moot ne date pas d’hier. Elle est apparue lorsque le bon Christopher s’est mis à modérer 4chan il y a quelques mois, pour éliminer les attaques trop brutales des allumés de /b envers la plate-forme de blogs Tumblr. Le mot Tumblr lui-même y était censuré. Moot est copain avec David Karp, fondateur de Tumblr, il vit à New York et traîne dans les mêmes cercles techno-happy few que lui, d’ailleurs Canv.as a un blog Tumblr.

Moot donc, le garde fou du champ de mines qu’est 4chan, ne voit aucun souci à laisser les schtroumphs de /b ruiner la santé mentale de gamine de 13 ans ou de chrétiens tristes, mais par contre : pas touche aux hyps de Tumblr ! La seule sortie de Moot sur le terrain de la modération n’aura clairement pas brillé par sa noblesse. Le chantre du free speech, châtrant sa propre communauté pour ses objectifs de réseautage. Classe, le gars.

Bref, passons à Canv.as.

La bouffe-minute de l’Interweb ?

Canv.as n’est pas une board, c’est une machine à publier des images. Tout le monde peut facilement publier une image, puis les gens votent pour ces images grâce à une sélection de stickers (lol, étoile, coeur, serious, gross…) qu’ils apposent dessus en glisser-déposer. La page d’accueil du site met en avant les images les plus votées. Sinon tu peux aller dans l’énorme page des « nouvellement postées » pour essayer de les faire émerger. Ouais, ça marche comme Digg, le feed RSS participatif des ringardos du web.

Premier inconvénient, inhérent à cette dynamique de publi-vote : les doublons. Les trucs qui apparaissent 15.000 fois, ou ceux qui resurgissent des profondeurs, là où la fatigue mentale de la multi-répétition les croyait définitivement enterrées. Là ou /b, avec son système de 15-pages-actives-puis-l’oblivion permet de faire tourner assez vite les resucées, Canv.as de par son fonctionnement, semble nous offrir un contenu seulement très partiellement renouvelé. Un comble pour un site qui se veut générateur de mème : la bouffe-minute prête à partager du grand fast-food des Interouèbes.

Bah oui, là où /b avait une sorte de contexte, avec une organisation sous forme de forum où les discussions se créaient, Canv.as apparaît comme une forme simplifiée, happy minded et abêtie de la célèbre usine à mèmes. Moot a du bol d’avoir eu sa communauté de channeurs pour remplir les colonnes de Canv.as en début de course, mais petit à petit, l’ouverture du site fait doucement dériver la qualité du site vers la collection de jpeg débiles d’un lolimg.net.

Pourquoi ? Parce que Canv.as est un site sans contexte, sans histoire, sans réputation. Canv.as est l’instrument du lol inoffensif parce que (ok, ça va être tricky), contrairement à /b, Canv.as ne défend pas de… valeurs.

De valeurs ?

La mort de l’esprit du Lulz

Et oui, le mot peut paraître fort, mais c’est bien de ça qu’il s’agit. Les narvalos de /b, entre les blagues faussement racistes, les images de naines nues et les montages de poissons-missiles, défendent une certaine idée du Web : du troll, de la bêtise, du très mauvais goût… le lulz, quoi.

La critique et les blagues de l’actualité, le détournement et la violence morale qu’il impose parfois à la lecture. Des choses dont Canv.as n’est qu’un pâle reflet, parce que le site a une politique de modération et d’identification… Deux choses dont l’absence, selon son créateur même, ont permis à 4chan de rester un bastion de la liberté d’expression. Moot n’en est pas à une hypocrisie près, lui qui cherche une façon de monétiser son grand succès : le couvrir de pastels et de pastilles, en faire une version mois choquante.

Le risque ? Que Canv.as soit un succès. Que par son accessibilité, Canv.as s’impose comme référence et, avec sa philosophie de poney rigolard, devienne le standard moral de la moquerie et du mème sur le Web… Qu’il supplante son aîné et attire à lui la lumière du projecteur… /b a besoin de cette lumière pour conserver son niveau de créativité, quoi qu’en disent les Anonymous. Les flingués qui créent les images de 4chan veulent se voir exposer. Si les spectateurs vont ailleurs, dans un rade plus classe aux verres moins sales, les amuseurs changeront de théâtre. Tristesse et larmes de terreur.

Alors, la prochaine fois que vous voyez quelqu’un sur Canv.as, une seule chose à faire…


Billet publié initialement sur le blog Boumbox sous le titre Canv.as peut-il tuer le mème ?

Photo : FlickR CC Andrew Dupont ; London in flames ; David Singleton ; andresmh ; Shawn Carpenter.

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http://owni.fr/2011/05/03/apres-4chan-moot-va-t-il-tuer-lesprit-du-lol-avec-canv-as/feed/ 15
Manuel de survie 2.0 en cas de catastrophe nucléaire http://owni.fr/2011/03/19/manuel-de-survie-2-0-en-cas-de-catastrophe-nucleaire/ http://owni.fr/2011/03/19/manuel-de-survie-2-0-en-cas-de-catastrophe-nucleaire/#comments Sat, 19 Mar 2011 08:55:48 +0000 Boumbox http://owni.fr/?p=52156 Bien sûr, on sait tous quoi faire en cas de catastrophe nucléaire grâce aux grandes campagnes de prévention sur le sujet financée par Areva, qui fait tout pour que nous soyons bien conscients des dangers. Donc quand l’alerte nucléaire retentira, nous saurons qu’il faut fermer les yeux et chanter Funkytown en pensant très fort à ce que nous serions sans le nucléaire : une population de paysans-esclaves à la merci de seigneurs barbares qui régneraient grâce à leur maîtrise de l’énergie éolienne et leurs chars à voile meurtriers.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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A supposer que vous ayez survécu aux premières déflagrations et tant que les radiations n’auront pas fait tomber tous vos doigts et yeux, il reste une chose à faire : aller sur Facebook et Twitter.

Repenser votre personal branding

Google Person Finder a permis de s’assurer de la position de milliers de Japonais ces derniers jours, à SXSW une conférence intitulé #911tweets parlait apparemment d’un service d’appel d’urgence via Twitter (c’est pas une blague) et tous les gens que je connais au Japon ont passé leur temps à nous rassurer sur leur mur Facebook. Les réseaux sociaux devraient donc vous permettre de retrouver votre femme, vos enfants, vos amis, ou même d’en trouver de nouveaux s’ils sont mort. La mort et la destruction créeront de nombreuses opportunités, remplissant les rues et les réseaux sociaux de célibataires émotionnellement vulnérables. L’apocalypse, ce sera un peu comme si c’était spring break toute l’année ! A l’inverse, ce sera aussi l’occasion parfaite pour vous de changer d’identité. Il vous suffira de ramasser un smartphone ou un laptop des mains raidies d’un cadavre pour usurper son identité, à supposer qu’il ne se soit pas déloggué de Facebook et Google en vue de l’apocalypse. Dans le chaos post-apocalyptique, mettez des photos de vous à la place des siennes sur son compte Facebook et les autorités débordées accepteront ça comme pièce d’identité à n’en pas douter.

Buzz atomique

Comme tout évènement, une catastrophe nucléaire est aussi une opportunité pour faire du buzz et travailler votre personal branding. Sortez de chez vous avec votre smartphone et prenez des photos : si vous avez un peu de chance, vous trouverez des images de destruction suffisamment frappantes pour être le contenu viral numéro 1 après le choléra. Surtout, essayez d’être le premier sur les lieux et d’utiliser les tags appropriés pour un max de visibilité. Evidement vous aurez de la concurrence sur ce créneau, alors n’hésitez pas à mettre un peu les choses en scène. Ajoutez un filtre chelou sur l’image pour le côté « radioactif ». Un cadavre de petite fille dans la rue ? Dites que c’est votre soeur. Si vous êtes loin des contrées les plus dévastées, il va falloir vous faire remarquer autrement. Mon conseil ? Pratiquez le LOL (c’est comme ça qu’on dit en français, parce que « le MDR » c’est ridicule, voyons). Le « LOL » est une forme d’humour particulièrement impactante sur les réseaux sociaux, qui se caractérise par un aspect « choc », déceptif puisque pas du tout segmentant dans la pratique. Personne ne rit vraiment, personne n’est vraiment offensé, mais tout le monde partage. Comme la probabilité que vous ET moi survivions tous les deux à la catastrophe, je vous offre en exclusivité quelques tweets ou statuts LOL. Garantis juste assez peu drôles et fausemment offensants pour vous valoir la gloire en faisant rire les uns et en « choquant » les autres :

Plein d’animaux radioactifs partout, j’espère me faire mordre par une araignée #nuclearcatastrophe #spiderman

J’espère qu’@JeanReno va bien parce que Godzilla arrive bientôt #nuclearcatastrophe #jamiroquai

Qui est le DRH qui a embauché Homer Simpson chez Areva ? #nuclearcatastrophe

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Bâtir une nouvelle civilisation

Une catastrophe nucléaire qui se respecte a au moins pour elle de ne pas faire de discrimination : elle tue les riches comme les pauvres, les noirs comme les blancs… elle a juste un petit faible pour les enfants, les personnes âgées et les fœtus. Une nouvelle classe dominante va naturellement s’élever et rebâtir le monde à son image. Dans nos société post-idéologiques, globalisées, post-raciales et post tout ce que tu veux, si la classe dominante capitaliste s’effondre, qui restera-t-il à part Google, Facebook et Anonymous, pour nous dire quoi faire ? Facebook a déjà créé sa propre monnaie, Anonymous a toutes les apparences d’une armée secrète, Apple a déjà tout d’une religion et Google est déjà un empire maléfique, non ? Qui d’autre pourrait prendre le contrôle ? La guerre va faire rage entre les barons du web, mais si vous voulez une bonne place dans le nouvel ordre mondial qui va émerger, ne choisissez pas de camp. Jouer sur tous les tableaux est votre meilleure chance. Partagez les vidéos YouTube d’Anonymous sur Facebook, créez vous des identités multiples pour être de chaque faction, accumulez les likes et les followers, dénoncez vos faux comptes aux hackers d’Anonymous, donnez pour héberger les soldats de WikiLeaks, vendez les mots de passes de vos faux comptes Google pour vous acheter des Facebook credits, échangez vos légumes de Farmville contre des vivres IRL. Dans cette nouvelle société, un bon community manager sera un chef de tribu, et un « influenceur » sera le shaman. Enfin, le pouvoir nous reviendra à nous, les bullshiters !

Article initialement publié sur Boumbox

Illustrations CC FlickR: Anders Ljungberg, Ian Myles

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Godwin partout, nazis nulle part http://owni.fr/2010/11/28/godwin-partout-nazis-nulle-part/ http://owni.fr/2010/11/28/godwin-partout-nazis-nulle-part/#comments Sun, 28 Nov 2010 09:00:19 +0000 Boumbox http://owni.fr/?p=37127 Le point Godwin c’était un truc bien. Je me rappelle encore quand j’ai appris son existence au début des années 2000, sur un forum. C’était un de ces moments merveilleux où tu découvre que quelqu’un a mis des mots là où personne ne l’avait vraiment fait avant.

C’était utile quand la discussion partait en couille. On disait « point Godwin » et puis on riait tous et on se resservait une tournée de Manhattans. C’était une époque plus civilisée.

Aujourd’hui, on a des gens qui attribuent des « points Godwin » comme des lettres écarlates à quiconque évoque les nazis sur internet, que ce soit pour une blague, une discussion de la liste de Schindler ou, sait-on jamais, ça arrive, une comparaison tout à fait justifiée.

Pour rappel : comparer Obama à Hitler parce qu’il propose un plan de sécurité sociale modeste, c’est con. Noter les similitudes entre le traitement des Roms cet été et en 1940, ça peut être une mise en perspective plutôt utile.

Atteindre le point Godwin plutôt que le distribuer

Le point Godwin, c’est un état, pas une sorte de carton rouge à distribuer. Ce que Mike Godwin a inventé, ce n’est même pas un point, c’est une loi :

Plus une discussion sur Usenet dure longtemps, plus la probabilité d’y trouver une comparaison impliquant les nazis ou Adolf Hitler s’approche de 1.

Usenet est mort, mais pas la loi de Godwin : chaque jour de nouveaux exemples viennent confirmer sa loi.

Pour Mike Godwin, qui venait de lire un bouquin sur la mémétique, sa loi était une expérience et elle a incroyablement bien marché. Il en avait marre de voir les gens se traiter de nazi sur Usenet, et la connaissance aujourd’hui universelle de cette loi a certainement contribué, sinon à réduire la fréquence de ces comparaisons, du moins à ce que ceux qui les lisent les prennent avec plus de pincettes.

Bref, évoquer la loi de Godwin, c’est tenter de tempérer le débat, ce qui souvent est quand même plutôt une bonne chose. Distribuer des « points Godwin », c’est tenter de tuer le débat. Un peu comme un nazi, lol.

Troll, hipster, hater… les alternatives au point Godwin

En fait, comme la commissaire européenne Viviane Reding l’a appris à ses dépends cet été, le reductio ad hitlerum peut très vite se retourner contre vous et a perdu toute sa force faces aux distributeurs de points G. Voici donc quelques autres outils plus utiles aujourd’hui :

- Le point troll : on en avait déjà parlé sur Boum Box, traiter quelqu’un de troll, ça peut être très utile quand vous êtes acculé dans une discussion

- Le point rageux : « Rageux », c’est l’adaptation française du hip-hop « hater ». Le hater est, selon Urban Dictionnary, toute personne incapable d’être heureux du succès d’une autre personne et qui va par vengeance attirer l’attention sur un défaut chez le winner. Traiter quelqu’un de rageux, c’est ôter tout crédit à sa parole au prétexte qu’elle serait jalouse. Ça peut être très utile quand on est une star du hip-hop pleine de fric et de défauts.

- Le point playskool@smahingpenguin) : c’est quand vous traitez votre interlocuteur de pédophile. Exemple : – « Bonjour monsieur le président. belle journée n’est-ce pas ?», – « J’ai l’intime conviction que vous êtes un pédophile, connard ! ».

- Le point hipster : traiter quelqu’un de hipster, c’est le désarmer totalement dans toute discussion culturelle. Personne ne sait exactement ce qu’est un hipster, tout le monde en parle, tout le monde en a vu mais personne n’en connait vraiment. Surtout, tout le monde a peur d’en être un, aussi invariablement, votre interlocuteur abandonnera la discussion en cours pour se défendre de cette terrible accusation

Parmi les nombreuses autres lois de l’internet, il en existe une qui peut contrer le point Godwin : le loi de Cohen. Selon cette loi que je ne prendrais pas la peine de traduire : “Whoever resorts to the argument that ‘whoever resorts to the argument that… …has automatically lost the debate’ has automatically lost the debate.”, ou encore, en version longue :

‘whoever resorts to the argument that… ‘whoever resorts to the argument that … ‘whoever resorts to the argument that… …has automatically lost the debate’ …has automatically lost the debate’ …has automatically lost the debate’ …has automatically lost the debate’ …has automatically lost the debate’ has automatically lost the debate. »

Exercice : Retrouve dans cet article les allusions aux nazis qui relèvent de le loi de Godwin et celles qui n’ont rien à voir avec cette loi.

Crédits photos cc FlickR : custer_flux, Esteban …, Pedro Glez.

Article initialement publié sur Boum Box.

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Facebook, Twitter: le vocabulaire s’adapte http://owni.fr/2010/10/05/facebook-twitter-le-vocabulaire-sadapte/ http://owni.fr/2010/10/05/facebook-twitter-le-vocabulaire-sadapte/#comments Tue, 05 Oct 2010 06:30:39 +0000 Boumbox http://owni.fr/?p=30356 « Mal nommer les choses, ça fait grave chier », disait en substance Camus. C’est parfois vrai des néologismes, ça l’est encore plus des vieux logismes employés à tort et à travers.

Internet en est plein. Ça fait peut-être chier les éditeurs du New York Times que les journalistes conjuguent le verbe tweeter à toutes les sauces, mais il vaut peut-être mieux risquer d’employer un mot à la mode qui sera oublié dans cinquante ans que de s’accrocher à un vieux vocabulaire inventé pour décrire une réalité en voie d’extinction.

Facebook est encore une fois le pire des coupables. Zuckerberg ne pouvait probablement pas s’en douter, mais en choisissant le mot « ami » (qu’il a de toute façon repris à Friendster et MySpace) plutôt que « contact » comme un client mail ou plutôt que d’inventer un mot comme « Facers » ou je ne sais quoi, en faisant ce choix donc Zuckerberg et les gens à qui il a piqué leurs idées ont probablement transformé le sens du mot « ami ».

Ami : du latin amīcus de même sens, dérivé de amare (« aimer »). Je sais pas vous, mais moi j’ai quelques « amis Facebook » que je n’aime pas vraiment.

« Ami Facebook », on entend ça de plus en plus, parce que la distinction avec un véritable ami est importante. Quelqu’un de chez Google avait fait une présentation intitulée « The Real Life Social Network ».

Malgré son titre qui laisse croire à une version télé-réalité du prochain film de David Fincher, c’était en fait une présentation PowerPoint super instructive qui expliquait quelques trucs sur les réseaux sociaux IRL et ce que les réseaux sociaux du web pouvaient en tirer comme leçon pour s’améliorer.

L’un des constats les plus évidents, c’est que les réseaux de la vraie vie sont plus complexes que Facebook et qu’un seul mot comme « friend » ne pouvait décrire l’ensemble des relations avec les « collègues », les « connaissances », la « famille », les gens avec qui on a été à l’école, les types qu’on a croisés dans une soirée une fois, les profils de putes russes qu’on a ajoutés « par mégarde »…

D’ici 10-20 ans, si les plans de domination de Zuckerberg se déroulent comme prévu, il aura probablement totalement annexé le mot « ami » et on aura naturellement développé des néologismes destinés à dire exactement ce qu’ami voulait dire auparavant.

Ce n’est pas comme si ce genre de glissement du sens était un phénomène si nouveau que ça : « Énervant » voulait dire exactement l’inverse de ce qu’il veut dire aujourd’hui, à l’origine. « Formidable » signifiait « capable d’inspirer la plus grande crainte ».  « Je tiens beaucoup à toi, tu es important dans ma vie » ne voulait pas dire « tourne moi le dos que j’y plante des couteaux » et « essayons de repartir sur des bases saines » pour moi ça voulait pas dire « approche-toi j’ai encore quelques lames pour toi ». Biatch !

Enfin, bref… Les problèmes de la terminologie néophobe de Facebook ne s’arrêtent pas là : si je clique « j’aime » en bas d’un article de presse, je peux me retrouver, sur mon mur, avec des choses comme « Cédric aime 10 000 morts au Pakistan ». On ne sait souvent pas si on aime l’article, les faits qu’il relate ou si j’ai cliqué sur « j’aime » pour « partager » un truc que je n’aime pas du tout. Nous sommes nombreux à résoudre une partie du problème en utilisant la terminologie de la V.O. : on dit « liker », parce que ce n’est pas la même chose que « aimer ».

C’est moins évident, mais même « partager » pose problème : le sens originel du mot implique une division de l’objet du partage en « parts ». Quand je « partage » quelque chose sur Facebook, je ne fais preuve d’aucun altruisme, puisque j’en ai toujours autant pour moi. Utiliser le mot « diffuser » ou un néologisme facebookien serait plus juste, encore une fois.

Alors chez Twitter on écrit des « tweets » et on a des « followers », on fait des #followfriday, #hashtags, « cc », « RT », etc. et on a l’air un peu con quand on en parle aux gens qui ne connaissent rien de tout ça, mais au moins, on sait nous clairement de quoi on parle.

Un autre de ces trucs intéressants que nous apprenait la présentation « the real life social network », c’est qu’il semble que les êtres humains ne peuvent pas vraiment entretenir des liens, même ténus avec plus de 150 personnes en moyenne. Genre au-delà de 150 habitants, les villages des premiers hommes se divisaient et aujourd’hui sur World Of Warcraft les guildes qui dépassent 150 personnes emmerdent leurs membres.

Moi quand je dépasse de trop loin 150 followings sur Twitter, je fais du ménage, mais apparemment ça n’est pas un problème pour tous ceux qui suivent 800 personnes et qui ont plus de 500 « amis Facebook ». Si quelqu’un fait de vous son 151ème « ami », ne vous emballez pas, vous êtes probablement moins qu’une « connaissance » pour lui, vous êtes un chiffre.

Billet initialement publié sur Boum box

Image CC Flickr Juliana Coutinho

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Lady Gaga, un point zéro http://owni.fr/2010/06/03/lady-gaga-un-point-zero/ http://owni.fr/2010/06/03/lady-gaga-un-point-zero/#comments Thu, 03 Jun 2010 10:57:21 +0000 Boumbox http://owni.fr/?p=17407 J’ai lu cet article sur Schizodoxe l’autre jour, parce qu’il parlait de Lady Gaga et d’immortalité 2.0 et que j’espérais que mon idée fumeuse d’immortalité pour tous avait peut-être trouvé un repreneur. Au lieu de ça, il s’agissait d’un article bon esprit mais plutôt à côté de la plaque, écrit en réaction au papier de Fabrice Epelboin sur Gaga  (“Michael Jackson 2.0″).

Je vous résume : Fabrice s’est penché sur Gaga au moment du ramdam autour du clip de Telephone et, parce qu’il écrit pour ReadWriteWeb, il a analysé en profondeur la stratégie de communication de miss Gaga sur l’interweb et en conclut que Gaga est un pur phénomène web totalement nouveau. Dahlia de Schizodoxe a embrayé, se penchant non pas sur le marketing mais sur tout le concept Lady Gaga pour en tirer les mêmes conclusions.

Moi, j’ai été sur la fanpage de Coca Cola et j’ai vu cinq millions et demi de fans. Je n’en ai pas conclu que le Coca était un phénomène du business 2.0, un truc totalement XXIème siècle qui allait changer la façon qu’on a de consommer du soda. J’en ai juste déduit que les gens aiment le coca.

Lady gaga c’est du 1.0 des familles, avec Gaga et ses équipes tout en haut et les fans en bas. Alors attention les blogueurs, si vous dites qu’un truc est “2.0″ dès qu’il marche, même s’il n’a rien de social, que sa communication est basée sur un vieux modèle du haut vers le bas, que ses fans sont en admiration muette devant un phénomène auquel ils ne contribuent pas, vous allez tout foutre en l’air.

Les gens avec l’argent vont se rendre compte que toutes nos conneries de web participatif c’est du gros pipeau et on ne va plus pouvoir leur soutirer leur argent.

> Article initialement publié sur Boumbox

> Illustration CC Flickr par kitinete-de-apolo

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/b/razil http://owni.fr/2010/02/20/brazil/ http://owni.fr/2010/02/20/brazil/#comments Sat, 20 Feb 2010 07:30:47 +0000 Boumbox http://owni.fr/?p=8637

Allez savoir pourquoi, en ce moment, les mags s’intéressent à 4chan. De ce genre d’intérêt sans curiosité qui enfante des articles écrits du bout des doigts, sans passion. Peut-être la faute à Twitter, qui a popularisé la culture même en réduisant le laps de temps qui existait entre la création d’un nouveau mème et sa prolifération sur le réseau ?

Hier, on a donc eu droit à un papier de Fabrice Ebelpoin, lui-même inspiré d’un mini-dossier de Mathias @Fluctuat, lui même sourcé sur d’innombrables posts de blogs relatant les exploits de la communauté. Deux articles assez mauvais, généreux en confusions et en procès d’intentions. Avec néanmoins un bon point pour Mathias dans sa volonté de dresser un historique fidèle de la board, et un très vilain point pour l’Epelboin qui part en couille sur une parano de l’anonymat à deux balles. Remember Titiou de Bienbienbien qui, dans une moindre mesure, nous tapait un débat de principe bien creux en assimilant la board à un commando d’anonymes organisés.

Messieurs tous, vous qui mourrez d’envie de noircir de la page Word en causant mauvais goût, je vais vous présenter cinq erreurs à ne pas répéter pour ne pas immédiatement gicler sur vos lecteurs votre évidente newfagness. Ecoutez bien.

1/ 4chan est une board qui poste du porno, du gore et des lolcats

Mais non putain ! Vous êtes allés voir comment ça s’organisait au moins ? 4chan est le site qui regroupe une cinquantaine de boards. Ces boards sont thématiques et la plupart du temps innoffensives. Elles vont de l’anime (/c/) aux comics (/co/), jusqu’à la fameuse random board qui fait tant s’émouvoir les âmes sensibles : /b/.
On aurait bien du mal à trouver un lien de familiarité valable entre la photo d’un cosplay méca sur /m/ et un transsexuel à quatre pattes léchant l’anus d’un chien sur /b/.

On pourrait naïvement penser que l’architecture en cascade, pourtant habituelle du Web, aurait permis à ceux qui s’en croient suffisamment spécialistes pour écrire dessus d’éviter cette erreur de débutant : confondre 4chan et /b/, comme si on disait que Doctissimo était un site sur les perversions sexuelles. Bah non.

2/ L’utilisateur type est du genre adolescent boutonneux, tendance geek, doublé de nerd, représentant de ce qu’il est convenu d’appeler l’âge ingrat.

Celle-ci, c’est la meilleure. L’aspect hAUTAIN, le cliché décomplexé et l’invention de la réalité – le cocktail du n’imp.

Selon quelles sources ? Depuis quelles stats ? C’est comme ça parce que tu l’as décidé tout seul ? C’est juste honteux d’écrire ça. Qu’est ce qu’on a là-dedans à part le fantasme de la cave adolescente ? Puante, haineuse & geek par le saint pouvoir de la frustration sexuelle.

L’utilisateur type de /b/ et de 4chan, on le connaît pas. On se doute que ce sera pas la ménagère de moins de 50 ans, mais ça va regrouper de l’ado rigolo, du jeune fonctionnaire vénère, des vieux vétérans du Web, des journalistes et des graphistes qui se lâchent un coup, des communiquants et des pubeux qui cherchent l’adresse de memegenerator…

On est loin des standards de l’âge ingrat.

Concernant /b/, on est loin de tout ce qu’on peut concevoir en termes de publics. La board est une catharsis morale et esthétique permanente. Autrement dit un espace où virtuellement tout le monde peut venir contempler et se réjouir de débordements moraux (majoritairement) inoffensifs. Comme un épisode de South Park. Il n’y a pas que des ados boutonneux et haineux qui matent South Park, si ?

3/ Une incitation au racisme et à la pédophilie

Les mecs ont fait arrêter un vrai pédophile et Moot (le Moe local) sort d’une grosse opération de nettoyage des spams pédos qui polluaient les boards. Peut-on honnêtement d’interpréter ça comme une incitation ?

Certes, la position est délicate : détourner un sujet ultra-sensible pour en faire une joke au premier degré avec tous les débordements possibles – y compris l’absence de recul de l’observateur et du participant sur ce qu’ils voient/font. Ce qu’il faut comprendre, c’est que ce détournement (car il s’agit bien de détournement) participe à cette quête constante du mauvais goût que la board s’est fixée comme mission. Rire de tout, méchamment de tout, et sans limites : comme une application stricto sensu de la liberté d’expression.

Effectivement, /b/ va poster du CP (aka Child Porn) par provocation, essentiellement des pages et des pages de mangas pornos super limites. Une grosse représentation de l’imaginaire sexuel japonais, qui a toujours été très glauque sur le sujet. Ces posts sont rarement des accusations – plutôt une forme d’admiration béate de l’esthétique et de l’attitude complètement jobarde des Nippons sur ce thème.

Mais de là à qualifier l’acte d’incitation ? Non. Il y a une vraie fascination de la représentation : voir le tabou sauter, trouver du plaisir à être choqué par ces dessins – et dans certains cas extrêmes, sans doute un vrai plaisir sexuel – mais globalement, ces actions vont dans le sens de la board : la subversion au prix de toutes les conventions morales.

L’accusation de racisme est beaucoup plus simple à expliquer… Puisque c’est une connerie.

Se moquer des gens à cause de leur couleur, de leurs rîtes ou des clichés associés à ces deux éléments, est un sport que tout le monde pratique pour rigoler en privé. Les blagues ethniques sont parmi les premières qu’on apprend en cour de récrée, et si plein de gens y voient une forme fondamentale et absolue de racisme, plein d’autres vous soutiendront qu’elles participent à exorciser des pensées qu’on garderait enfermées sans cette expiation.
En d’autres termes : rire du racisme, c’est lui faire plus de mal que de l’ignorer.

Passons aux images postées sur /b/.
Exemple no.1 :


Une blague de poulet frît. Qualifier ça de raciste, c’est faire insulte aux gens qui combattent le vrai mal. Jouer d’un code culturel et le tourner en dérision, ce n’est pas du racisme, c’est utiliser le racisme pour en rire.

Exemple no.2 :

Une blague pour les geekos de Photoshop, détournement d’un poème satirique du 16e siècle et passé dans la langue anglaise : « Roses are red, violets are blue, sugar is sweet and so are you« . Ici, notre /b/tard joue sur les couleurs de façon mi-poétique mi-grasse, mais pas bien méchante. Qu’on se rassure : le résultat sera le même avec des blancs (ou des juifs).

4/ La poubelle du net

Oui et non.

Certes, on trouvera sur /b/ ce qu’on peut trouver de pire comme image sur le web. Mais on y trouvera également l’une des sources principales de la culture internet : quasiment tous lesmêmes passés, présents et futurs ; pas mal de buzz en avance (les /b/tards sont sur Chatroulette depuis un an) ; et les opérations de détournement qui font les choux gras de la presse Web (du porno sur Youtube, la défonce de la scientologie, des crétins chez les chrétiens, etc…).

/b/ est une board de création continue, utilisée par des mecs rompus à tout ce qui se fait de drôle sur la Toile, et dédiés à en repousser les limites. Ils sont sur tous les sujets – de Haïti aux Pokémons – à filtrer, créer et corriger pour tirer le substrat humour de n’importe quel évènement et en faire un jpeg rigolo destiné à être passé. Aucune autre communauté sur la Toile n’atteint un tel niveau de dévouement à la culture Web.

Simplement : ces mecs sont l’élite culturelle de l’internet.

Ce genre de choses peut faire chier Finkelkraut, d’où son célèbre « Le Net est l’instrument du n’importe quoi« , mais si pour vous, cette phrase ne sonne pas comme une brillante déclaration d’indépendance – ou au moins comme une définition valable de n’importe quel média – vous avez sans doute un problème plus profond que le jugement moral impliqué par le terme « poubelle ».

5/ Un tas de fils de putes omnipotents venus du trou de balle de l’Internet

Pas mal, pas mal. Ca pourrait être une tag-line !

La dernière chose principale à piger de /b/, c’est qu’il ne s’agit pas d’un collectif. Il s’agit bel et bien d’une communauté, dont chaque membre anonyme vient avec sa morale (relative) et son talent pour 1° les blagues 2° photoshop 3° le hacking.
Mais globalement, certaines valeurs semblent être partagées par tous les utilisateurs :
- torturer des animaux c’est mal.
- les sectes & les religions c’est mal.
- faire des crasses à un looser attachant c’est mal.

De fait, dès que la possibilité leur est offerte, les /b/tard vont s’infiltrer sur les profils numériques des gens qu’ils n’aiment pas pour leur faire faire des cauchemars. Ils vont transformer les profils de chrétiens cul-cul en invitation à la partouze satanique, faire livrer 50 vibromasseurs en forme de bites noires au domicile d’une born-again christian raciste, traquer et publier toutes les infos persos d’un gamin qui se filme en train de tabasser son chat et qui colle ça sur Youtube…

S’ils décident de vous reprocher quelque chose, et que ça botte suffisamment de gens sur le site, une centaine de /b/tards peuvent décider – pour le lulz mais pas que – de pourrir la vie de n’importe quelle personne  qui a fait preuve de laxisme sur le partage de ses données persos sur le réseau, ou d’aller s’attaquer n’importe quel site un peu faiblard côté sécurité. Un juste retour des choses, selon le point de vue.

Pas très moral mais efficace. Imaginez les en Batman.


Evidemment, ça ne fait pas rire tout le monde.

Mais bon, ça a toujours été le cas.

Article initialement publié sur boumbox

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